DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DE LA BIBLE
PUBLIÉS SOUS. LA DIRECTION DE FRANÇOIS MARTIN
PROFESSEUR DS LANGUES SÉMITIQUES A L'INSTITUT CATHOLIQUE DB PARIS
HISTOIRE ET SAGESSE
D'AHIKAR LASSYRIEN
(FILS D'ANAEL, neveu DE TOBIE)
TRADUCTION DES VERSIONS SYRIAQUES
AVEC LES PRINCIPALES DIFFÉRENCES DES VERSIONS ARABES
ARMÉNIENNE, GRECQUE, NÉO-SYRIAQUE,
SLAVE ET ROUMAINE
PAR
François NAU
DOCTEUR ftS-SCIENCES MATHÉMATIQUES, LICENCIÉ ÉS-SCIENCES PHYSIQUES,
DIPLÔMÉ DE l'École des hautes-études (section philologique),
PROFESSEUR A L'INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS
PARIS
LETOUZEY ET ANÉ, ÉDITEURS
7C bis, BUB DBS SAINTS-PURES
1909
HISTOIRE ET SAGESSE
D'AHIKAR L'ASSYRIEN
DOCUMENTS
POUR
L'ÉTUDE DE LA BIBLE
APOCRYPHES DE L'ANCIEN TESTAMENT
Le Livre d'Hénoch, traduit sur le texte éthiopien par François
Martin, professeur de langues sémitiques à l'Iustitut catholique de
Paris, et par les oiembres de la Conféi-ence d'éthiopien (1904) de
rinstitutcatholique de Paris, Un vol. in-S" de clii-320 pag. 7 fr. 50.
Histoire et Sagesse d'Ahikar l'assyrien, traduction des versions
syriaques ai'cc les principales différences des K'ersions arabes, armé-
niennes grecques, néo-syriaque, slave et roumaine, avec introduction
et notes par M. Nau, diplômé de l'Ecole des Hautes-Etudes, profes-
seur à l'Institut catholique de Paris. Un vol. de 312 pag. 5 f r.
L'Ascension d'Isaïe, traduction sur le texte éthiopien, par Eug. Tis-
SERANT, diplômé de langues sémitiques de l'Institut catholique de
Paris, professeur d 'Assyriologie à l'Apollinaire (Rome.) Un volume
de 240 pag. environ.
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DE LA BIBLE
PUBLIÉS SOUS LA DIRECTION DE FRANgOlS MARTIN
PROFESSEUR DE LANGUES SÉMITIQUES A L'iNSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS
HISTOIRE ET SAGESSE
DAHIKAR LASSYRIEN
(FILS D'ANAEL, neveu DE TOBIE)
TRADUCTION DES VERSIONS SYRIAQUES
AVEC LES PRINCIPALES DIFFÉRENCES DES VERSIONS ARABES
ARMÉNIENNE, GRECQUE, NÉO-SYRIAQUE,
SLAVE ET ROUMAINE
PAR
François NATJ
DOCTEUR ÉS-SCIENCES MATHÉMATIQUES, LICENCIÉ ÉS-SCIENCES PHYSIQUES,
DIPLÔMÉ DE L'ÉCOLE DES HAUTES-ÉTUDES (section philologique),
PROFESSEUR A L'iNSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS
-^C~tiSÔ;5-T>t^
PARIS
LETOUZEY ET ANÉ, ÉDITEURS
76 bis, RUE DES SAINTS-PÈRES
1909
INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER
Analyse du livre.
C'est une double collection de sentences ou proverbes
insérée dans une histoire : Ahikar, scribe de Sennachérib
et de Sarhédom, adopte Nadan, le fils de sa sœur, l'élève
et lui adresse une première série de sages maximes pour
compléter son éducation. Nadan n'en profite pas et^ crai-
gnant d'être déshérité par son oncle, il imagine, à l'aide
de lettres écrites en son nom, de le faire passer pour un
conspirateur et de le faire condamner à mort. Fort heu-
reusement, le bourreau est un ami d'Ahikar, et il n'exé-
cute pas l'ordre donné.
Peu après, le roi d'Egypte demande au roi d'Assyrie de
lui envoyer un homme qui puisse répondre ii toutes ses
questions et bâtir un palais dans les airs.
Ahikar seul peut suffire à cette tâche. 11 va en Egypte,
répond aux questions du Pharaon et, à son retour, il deman-
de que Nadan lui soit livré. Il lui fait donner la bastonnade,
afin de faire entrer la sagesse « par les épaules puisqu'elle
n'avait pu entrer par les oreilles, » et il lui adresse une
seconde série de maximes.
Ces deux séries de maximes (m, 1-95, et xxxin, 9G-142)
ont autant d'importance que l'histoire : elles constituent la
Sagesse (V Ahikar, par analogie avec la Sagesse de Snlo-
mon et \a Sagesse de Jésus, fds de Sirach ; aussi certains
Z HISTOIRE ET SAGESSE D AI.IIKAU L ASSYRIEN
manuscrits les font figurer seules clans leur titre : « Les
maximes et la sasesse d'Ahikar ^. » Parfois même on les a
extraites de l'histoire pour les éditer à part 2. D'autres ma-
nuscrits ne mettent dans leur titre que u Histoire d'A-
hikar 2». d'autres enfin : «Histoire, c'est-à-dire sagesse
d'Ahikar *. » Nous avons choisi comme seul titre adéquat :
« Histoire et sagesse d'Ahikar, »
La première série (m, 1-95) est toute didactique, pai-
exemple (m, 6) : « Mon fils ne désire pas la beauté du
dehors, car la beauté disparaît et passe, mais une bonne
mémoire et un bon renom demeurent à jamais. » Elle s'ins-
pire des Proverbes de Salomon et elle est une des sources
de l'Ecclésiastique.
La seconde a pour but de mettre en relief l'ingratitude
de Nadan ; elle ne se compose presque que de comparai-
sons, que l'on pourrait appeler des similitudes ou des para-
boles, par exemple (xxxiii, 109) : « Mon fils, tu m'as été
comme un chaudron auquel on a mis des oreilles d'or sans
débarrasser son fond de sa noirceur ; « (xxxiii, 113): «Mon
fils, tu m'as été comme un chien saisi par le froid qui fut
se chauffer chez des potiers (ou : chez des boulangers) et
qui, lorsqu'il eut chaud, chercha à aboyer et à les mordre;
ils se mirent à le frapper. Il aboya, et eux, craignant d'être
mordus, le tuèrent. » Cette seconde partie est apparentée
aux plus anciens recueils de fables ; elle sert de trait d'union
entre les plus anciens apologues — par exemple : Juges,
IX, 8-15 ; II Samuel, XII, 1-4 — et les apologues et paraboles
de l'ancienne littérature juive, pour aboutir peut-être aux
paraboles du Nouveau Testament.
Ces deux séries de maximes, d'après Clément d'Alexan-
drie reproduit plus tard par Eusèbe, ont été apportées de
1. Mss. de la version armcnienne.
2. Une collection arabe d'où procède la version éthiopienne.
3. Mb. B.
4. Ms. C.
ENSEIGNEMENTS ET DOCTRINES
Babylonie en Grèce par Démocrite, au v^ siècle avant notre
ère, et ont pu servir de modèle : les premières aux pensées
de Démocrite et de Ménandre dont il nous reste quelques
fragments [i/ifra, III, ii), et les dernières à quelques
fables ésopiques, ce qui a conduit plus tard à prêter à
Ésope l'histoire d'Ahikar et à créer, à l'aide d'Ahikar et
d'Ésope, nn nouveau sage fabuliste qu'on a nommé Loqman
(infra, VI).
L'histoire elle-même comprend deux parties : d'abord le
rôle d'Ahikar en Babylonie, où il est chancelier des rois
Sennachérib et Sarhédom, sa chute causée par Nadan et
la punition de celui-ci — cette partie seule a été utilisée
dans la version grecque du livre de Tobie ; ensuite le
voyage d'Ahikar en Egypte pour construire un château dans
les airs et résoudre les énigmes que lui proposera le Pha-
raon. Cette dernière partie se rattache aux plus anciennes
énigmes, comme Juges, xiv, 12-14 : u Du dévorant est sortie
la nourriture et du fort a procédé la douceur ^ ; » elle a été
largement exploitée ou même transcrite dans l'ancienne
littérature juive.
Ce court résumé, dont les assertions seront justifiées
dans la suite de l'Introduction, suffit à montrer l'intérêt de
VHistoire d'Ahikar qui est apparentée à tant d'ouvrages de
la Bible et de la littérature profane.
CHAPITRE II
Enseignements et doctrines de ÏHistoire d'Ahikar.
L'importance du livre d'x\hikar dans l'histoire liltéiaire
sera mise en relief lorsque nous étudierons ses relations
1. La reine de Saba vient aussi proposer des énigmes à Sulomon.
I Rois, X, 1 ; II Parai,, ix, 1.
4 HISTOIRE ET SAGESSE DAHIKAR L ASSYRIEN
avec Démocrite et INIénandre [Introd., III, ii), avec
Tobie et l'Ecclésiastique (III, m), avec le Nouveau Tes-
tament (III, iv), avec les fabulistes (VI). Nous nous bor-
nons à résumer ici les quelques détails historiques et
géographiques que renferme son histoire, les préceptes
moraux mis en relief dans ses maximes et les remarques
linguistiques que nous fournit l'étude des noms propres.
I. Histoire et géographie.
Toutes les versions connues jusqu'ici faisaient d'Ahikar
le chancelier du seul Sennachérib, et elles écrivaient que
Sennachérib était fils de Sarhédom (Asaihaddon) i, ce qui
est contraire à la vérité historique et aux données du 'ivre
de Tobie, car Sennachérib (705-681) est le père d'Asarhad-
don (681-668). Cette faute était exploitée, bien entendu,
par tous ceux qui ne voulaient voir qu'un simple conte dans
l'histoire d'Ahikar. Le manuscrit syriaque J3 vient par
bonheur nous donner la clef de l'énigme. Il porte au com-
mencement : « Lorsque je vivais à l'époque de Sennaché-
rib... les devins me dirent :« Tu n'auras pas d'enfant, » i, 1,
et jdus loin : « Ahikar, scribe et gardien du sceau du roi
Sarhédom, » v, 6; «de Sarhédom à Ahikar, » vi, 2, etc. Il
est donc clair que le commencement de l'histoire (adoption
de Nadan) se place sous Sennachérib et la fin de l'histoire
(trahison et punition de Nadan) sous Sarhédom. Le manus-
crit 7i est donc en complet accord avec l'histoire et le livre
de Tobie ^, Mais les scribes, après avoir lu qu'Ahikar était
chancelier de Sennachérib, n'ont pas songé que vingt ans
1. Sarhédom est la transcription de Asur-ah-iddin (Asarhaddon),
avec cliute de l'aspirée initinle.
2. 'Ayei'xatpo; ^v ô àoyiovioyào^ xal Eut to-j SaxTuXi'oy y.a'i Sioc/.TiTTi; xal
à/.AOYt(TTr;; è7Ù SevvayripeliJ. PaercXéw; 'Affffupîwv, xal xaT£0Tr,<7ev aÔTOv Sa^ep-
Sovô; èx Se-JTÉpai;. Tobie, i, 22. Cf. Introd., III, m, a. Ahikar a donc
ëté le chancelier des deux rois.
ENSEIGNEMENTS ET DOCTRINES O
au moins se sont écoulés entre les chapitres i et ii, 1, où
Ahikar met Nadan en nourrice, et le chapitre ii, 3, où Ahi-
kar cède sa place à Nadan. Ils n'ont donc pas pensé qu'il
avait puyavoir un changementde règne, et ils ont niispartout
Sennachérib en place de Sarhédom pour conformer la
suite de l'histoire au commencement. Si l'on fait vivre
Nadan une vingtaine d'années i, on doit placer sa nais-
sance sous Sennachérib (aux environs de l'année 690 -) et
sa mort sous Asarhaddon (avant 668 ^).
Le roi de Perse et le Pharaon d'Egypte ne sont pas dé-
signés par un nom propre dans le manuscrit B, v, 5 et 7.
La géographie, en dehors des noms communs : Perse,
Elam, Assur, Ninive, Egypte, ne peut tirer grand parti de
« la plaine de Nesrin (ou des aigles) située au midi, » v,
8 ; VI, 2 ; viii, 1 ; ni de « la montagne nommée Sis, »
VI, 2, qu'on ne rencontre pas ailleurs et qu'on n'a donc
pas identifiées.
II. Dieu.
Dieu est le Créateur, le Tout-Puissant, il punit celui qui
le délaisse, i, 4-5, et celui qui l'accuse, xxxiii, 134 ; il
1. Il est censé être mort jeune, car le roi dit d'Ahikar : « Je t'ai
fait périr sur des paroles d'enfants, » xiii, 2, et : « (toi) que j'ai fait
périr sur les paroles d'un enfant, î xviii, 3. Le mot « enfant » conve-
nait donc encore à Nadan.
2. Sennachérib régnait depuis l'an 705, mais, avant d'adopter Na-
dan, Ahikar a dû devenir le chancelier de Sennachérib et s'enrichir,
aussi celte adoption semble mieux placée dans la seconde partie du
règne que dans la première, Ahikar avait alors soixante ans, i, 2.
3. Année de la mort d'Asarhaddon. — On peut tenir compte
aussi de ce que Tobie a perdu la vue sous Sarhédom (Tobie, i, 24 ;
II, 11) et de ce qu'au moment où il la recouvra, quatre ans plus lard
(Vulgate, XIV, 3) ou plutôt huit ans plus tard (Codex Vaticauus,
ibidem), Ahikar n'avait pas encore été trahi par Nadan, puisque
tous deux assistaient aux noces (Tobie, xi, 20). La mort de Nadan
se place donc après la huitième aniu'e de Sarhédom (après 673),
donc entre 673 et G68.
6
HISTOIRE ET SAGESSE D AlIIKAR L ASSYRIEN
n'exauce pas le pécheur, xxxiii, 103-104, ni le méchant,
XXXIII, 106 ; il pardonne h ceux qui ont péché, xxxiii,
134, et rend à chacun selon ses œuvres, xxxiii, 142 ; il faut le
prier, m, 38, aussi Ahikar l'implore, i, 4; xv, 3-5, espère,
en lui, XX, 2, et lui attribue sa délivrance, xxix, 3 ; xxxiii
142.
III. Eschatologie.
« Les satans » sont mentionnés, m, 38, 49. Nadan sera
puni dans la géhenne, xxxiv, 2. L'homme peut « pécher
devant Dieu, wxxxiii, 100, mais le mal sera rendu (dans la
géhenne) pour le mal, xxxiv, 2. Il y a donc une vie future,
bien qu'elle ne soit pas indiquée avec toute la netteté
désirable.
IV. Préceptes moraux.
Il faut éviter les discordes, m, 73, 77, 83, 85, 86, le
mensonge et le vol, m, 87, l'aveuglement du cœur, m, 62,
les péchés de la langue, m, 57, 63, 71, les courtisanes et
les femmes querelleuses, m, 7, 8, 9, 14, 26, 27, 88, 92. Il
faut craindre le maître, ni, 43, et la pauvreté, m, 56 ; fuir
les méchants, m, 36, 81 ; fréquenter les justes, m, 13, 16,
18, 24, 29, 30, 50, 51, 93 ; pratiquer la vertu, m, 6, 75, et
la pénitence, m, 67 ; bien élever ses enfants, m, 32, 33,
37, 39, 53, 59; rendre le bien pour le mal, m, 28; con-
server les secrets, m, 2, 3, 70, 72 ; compatir aux maux des
ennemis, m, 25. A côté de cela, on trouve l'éloge de la
vie de famille, m, 39, et quelques traits orientaux comme
la polygamie, i, 2, les huit nourrices de Nadan, ii, 1, et
les sept nourrices primipares des deux enfants qui devaient
conduire les aigles, xxv, 3. INIentionnons encore l'impor-
tance attribuée aux riches et aux puissants, m, 22, 43, 52,
55, 68, 74, 79, 89, 95.
ENSEIGNEMENTS ET DOCTRINES 7
Eu somme l'histoire d'Ahikar est bien inféi'ieure — au
point de vue du sentiment religieux — à tous les livres de
la Bible. Cette remarque, comme nous le dirons, a conduit
à induire qu'elle était l'œuvre d'un païen ou du moins une
œuvre païenne légèrement retouchée par un juif.
V. Noms propres.
Les noms propres, en dehors des noms bibliques, appar-
tiennent pour la plupart à l'onomastique babylonienne *.
Les nombreuses formes que revêtent quelques-uns d'entre
eux dans les manuscrits tiennent à l'écriture sémitique qui,
sauf en assyrien, laisse les voyelles h l'arbitraire des scri-
bes. Elles témoignent de l'antiquité et du succès du livre,
puisque tant de scribes ont pu accumuler tant de fautes.
1** AniKAR est écrit de manière uniforme dans tous les
textes syriaques, mais dans les autres versions il devient
Haiqar, Heycar, Hicar (arabe) ; Khikar (arménien) ; Akyr
et Akyrios (slave) ; Esope (grec). Dans le livre de Tobie
on trouve 'Ayj.iyapoç, 'Ayziyjxpoq, 'Ayeiayapoç, 'Ayioi,y(xp,
'A/c'.y.ap, 'Ayiy,txpoç, 'Ayei'/.xpoz, Achior (V'^ulgate et Pes-
chito) 2 et Ahikar. La meilleure lecture nous semble être
'Ayti/.ap ou 'Ayv/âp, en français Ahicar ou Ahiqar, ce qui
nous ferait rendre le het syriaque par k et lec/o/'syriaque par
c ou q. Nous avons conservé Ahikar pour nous conformer
à 1 édition de Cambridge qui a vulgarisé le nom sous celte
forme ^. A l'occasion, nous employons les autres formes
dans nos analyses et citations.
A^iikar peut s'expliquer par l'araméen où il signifierait :
1. Les indications relatives à l'onomastique babylonienne nous ont
été données par M. François Martin.
2. De cette identité de forme dans la Vulgate et laPeschito, M. Meiss-
ner a conclu que le texte chaldéen utilisé par saint Jérôme était peut-
être la Peschilo syriaque.
3. Cette édition ajoute cependant un point sous la lettre k.
8 HISTOinE ET SAGESSE d'aHIKAR l'aSSYRIEN
« Le frère cher » ou chose analogue; par exemple, en sup-
posant un redoublement du yod (forme suggérée par le
grec 'A-/i7/.apcç), on pourrait traduire : «Mon frère (m') est
cher 1. 10 Mais cette formation se rencontre avec le même
sens parmi les noms propres assyriens ou babyloniens.
Ainsi on trouve à l'époque môme des Sargonides, Abi-ia"
qai\ « Mon père m'est cher, » Harper, Assi/rian and baby-
lonian Letters, t. viii, Londres, 1902, n. 774, çerso, lig. 11,
peut-être même notre Ji-hi-ia-rjar. VoirRanke, Earhj Baby-
lonian personal Naines, Philadelphia, 1905, p. 251 ;
Johns, Assyt-ian DeeJs and Documents, Cambridge, 1901,
t. m, p. 114. Ahikar était fils d'Anaël, frère de Tobic
(Tobic, I, 21); il fut chancelier d'abord de Sennachérib,
puis de Sarhédom.
2° Nadax, écrit aussi Anadan (slaA^e) et Nathan (armé-
nien), se trouve dans le livre de Tobie sous la forme Naoa[j.
d'où sont dérivés 'A^i[j. - et Naoaô ^. De plus le Sinai-
ticus, à côté de Naoao, donne Na6ao et le Vaticanus, à côté
de Aoaix, donne Na^oaç. On trouve de plus, dans les versions
latines, Nabal (que l'on peut tirer paléographiquement du
grec Na6ao à moins que ce ne soit une mauvaise transcrip-
tion du latin Nabat), puis Nabath et Nabad et, dans les ver-
sions syriaques, 'AcabetLaban qu'on peut aussi faire dériver
paléographiquement de Nadab et Nadan (par mauvaise
lecture du d écrit en estranghélo, le noun devenant aïn ou
loniad). Le grec porte Ennos *. La forme primitive semble
1. M. Veller propose « mon frère est un bijou », analogue à Al.ii-
lioud « mou frère est gloire » et Ammihoud « mon oncle est gloire ».
2. inoir^ire Naôâp. est devenu ÈTtotriasv '.\.6â;j..
o. Dans les manuscrits minuscules, p et [j. s'écrivent de la même
manière hors, pour le \j., une petite ligature avec la lettre précédente.
Inutile de dire que nos manuscrits en ouciales comme le Shiaiticus
peuvent dériver de manuscrits écrits en minuscules.
4. Peut-être pourrait-ou supposer que Maxime Plauude, ou l'auteur
de la version grecque, a voulu rendre Adam qui signifie souvent
t homme» par Enosch (Ennos) qui a le même sens. Voir ////Va, IV, viii.
ENSEIGNEMENTS ET DOCTUINES
bien être Nadan, de la racine assyrienne naddnv, « don-
ner» *, forme analogue au nom propre Na-ta-an, de natdnu
qui signifie également « donner », que présente l'onomas-
tique néo-babvlonienne. Il est possible aussi que cette
forme ait été Nadin, nom babylonien qui revient assez
fréquemment, et qu'elle ait été altérée en Nadan, comme
Nabn-zér-iddin eu Nabuzardan. Voir Tallquist, Neiibahy-
lonisches Namenbacli, Helsingfors, 1905, p. 156 et 320.
3" Nabouzardan ", nom du jeune frère de Nadan (infra^
V, 1), est écrit en arabe Benouzardan, par permutation des
deux premières consonnes. C'est un nom babylonien bien
connu Nahû-zêr-iddin , « Nabii a donné un rejeton », litté-
ralement (( une race », voir II Rois, xxv, 8 ; Jérémie, xxxix,
9, LU, 12 ; Johns, Assyriaii Deeds and Documents^ Cam-
bridge, 1901, t. III, p. 574, col. b.
4" EsFAGNi, nom de la femme d'Ahikar, est écrit de la
même manière dans la plupart des textes arabes ; la traduc-
tion de Cliavis et Cazotte [Cabinet des fées, t. xxxix,
p. 260 sq.) porte cependant Zéfagnie. Cette modification
est sans importance, mais on remarquera que le rôle
d'Esfagni, assez terne dans toutes les versions, où elle se
borne à exécuter quelques ordres d'Ahikar, est capital dans
la version de Cliavis et Cazotte ^. Ici Zéfagnie est la sœur
de Sarhédom, père de Sennachérib '*, elle préserve plu-
1. D'après M. Halévy, dans la Revue sémitique, l'.lOO, p. 57,
note 3, Xadan serait un mot persan qui signifierait « sot », « insen-
sé j. Nous croyons plus raisonnable d'admettre la présence de la
racine sémitique lUidânu si employée dans les noms propres.
2. Manque dans le slave. Est devenu « Baudan o« Boudan î dans
l'arménien (p. 37).
3. C'est une édition des Mille el une nuits.
4. Nous avons dit que toutes les versions (hors le ms. B) commet-
tent cet anachronisme. Il semble qu'une mauvaise coupure de Tobic,
I, 22, et II, 1, pouvait faire croire qu'Ahikar était parent du roi, car dans
La sainte Bible, éd. Lethiolleux, Taris, 1880, nous lisons la traduction
suivante, en note deTobie, i, 25 : « Car Achicharus était grand échan-
10 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR l'aSSYKIEN
sieurs fois Ahikar delà disgrâce, elle le réconforte lorsque
l'ingratitude de Nadan l'accable, c'est elle qui a l'idée de
sauver la vie à Ahikar, car c'est elle qui a jadis sauvé la vie
h celui dont dépend alors le sort de son mari. C'est encore
elle qui amène Sennachérib au repentir et lui annonce
qu'Ahikar est vivant ; elle accompagne son mari en Egypte
et dirige <l du haut d'une tour » le vol des aigles et des
enfants qui doivent construire un château dans les airs.
L'auteur de cette rédaction des Mille et une nuits le fait
d'ailleurs remarquer lui-même^ car tandis que Schariar est
surtout intéressé par les aventures chez Pharaon, Dinar-
zade dit h Schéhérazade : c Vous avez peint, ma sœur, une
femme pour laquelle j' ai conçu tant d estime que je n'ai pas
été curieuse de vous demander son âge et, m'auriez-vous
dit qu'il était fort avancé, je pense que je l'aurais oublié
tant je la trouvais belle, noble et imposante. » Dans l'ar-
ménien, ce nom est devenu Abestan et Arphestan '^.
M. Halévy - rapproche ce nom de V Asphenez de Daniel,
I, 3, qui signifie en persan (( hôte, hôtelier ». On pourrait
le rapprocher aussi de Hasbadana^ de Néhémie, viii, 4.
Mais si ce nom appartient au récit primitif, il est fort pos-
sible qu'il ne soit qu'un nom babylonien altéré par les
scribes. Nous relevons dans l'onomastique babylonienne
des formes qui en contiennent les principaux éléments,
telles : Asgandii^ Pa-qa-ana-Arhail, Sapik, As-pi-e.
Voir Tallquist, Neubahylonisclies Namenhuch, Helsingfors,
1905, p. 306, 327, etc. Il se peut qu'il ait été à l'origine
son, garde du sceau et ministre de la comptabilité et des finances
sous Sennachérib roi des Assyriens, et Sacherdon l'établit le premier
(de son royaume) après lui. Mais // était mon cousin^ mon parent et
aussi parent du roi. t C'est à rapprocher de la version arabe des
Mille et une nuits qui fait d'Ahikar le parent du roi par sa femme
Esfagni. Caussin de Percerai écrit Shagfatni.
1. Manque dans le slave.
2. Revue sémitique, 1900, p. 57 sq.
ENSEIGNEMENTS ET DOCTRINES 11
composé, comme beaucoup d'autres, de plusieurs éléments
par exemple de sapik, « il a versé », en tête, et d'un autre
élément altéré ; ou de iikin, « il a établi» à la fin, dont le
sujet et le régime auraient disparu. Cf. Samaè-sjim-iikin.
Voici donc la généalogie qui nous est fournie par les
livres de Tobie et d'Ahikar.
Tobiel
1
Anaël
1
1
Tobit (Tobie) Anne
(ép. de Tobie)
1
1
Al.i
ikar
(ép.
Esfagni
, d'Ahikar)
sœur d'Ahikar
1
N
(fih
1 1
adan Nabouzardan
s aîné) (fils cadet)
Ajoutons, comme complément, la liste des rois de Ni-
nive, contemporains de Tobie et d'Ahikar :
Salmanasar IV, 727-722
Sargon, 722-705
Sennachérib, 705-681
Asarhaddon, 681-668
Assurbanipal, 668-626
5" Nabousemak, nom du bourreau, d'où les formes
dérivées ou corrompues Abousemak, Ibn Samik (syriaque
C et arabe) ; Abousomeika (trad. Agoub) ; Abousmaq
(arménien) ^.
Nabousemak est un nom judéo-babylonien 2, peut-être
analogue à l'Ahisemak de TExode, xxxf, 6, xxxv, 34 ; il
signifierait « Nabû appuie », en assyrien Nabû-sdmik ; cf.
le nom propre Sa/naku dans .lohns, Assyrian Deeds and
Documents^ Ca mbridge, 1901, t. m, p. 566, col. h. Ilsepeut
1. Manque dans le slave.
2. Cf. Noms théophoies en Assyrie à Vépoque des Sargonides, dans
la Revue de l'histoire des religions^ t. liv, n. 1 (1906), p. 57.
12 HISTOIRE ET SAGESSE d'ai.IIKAR l'aSSYRIEX
aussi qu'il ne soit qu'une altération de la forme très con-
nue Nabn-Hum-ukin, (( Nabii a établi un fils », littérale-
ment « un nom ».
Le grec remplace ce nom par Hermippos. C'est peut-
être encore une sorte d'équivalent, car Hermès = Xabii,
6" Abikam, nom que prit Ahikar en Egypte, est quelque-
fois écrit Ahikam dans B. C'est un nom araméen. Ou le
trouve dans les contrats assyriens, mais à une époque
(vu" siècle et au-dessous) où les Araméens étaient très répan-
dus en Assyrie, sous la forme Wba-qdme ou 'Iba-qdme; cf.
la forme analogue Ahi-iaqdmu et Ahi-iqâmii^ Jolins, Assy-
riaii Deeds and Documents, t. m, p. 492 et 549. Il signifie :
a Mon père s'est relevé )). La forme analogue Ahikam, qui
se troive aussi II Rois, xxv, 22, et Jérém. xxxix, 14; xl, 5,
signifie : « Mon frère s'est relevé ï).
7° Nabouhail, écrit aussi 'Oubâil, est un nom babylonien
qui signifie : « Nabû est puissant )), ou peut-être : « Nabû
est (ma) force ». Cf. Nabâ-hi-U-ildni^ a Nabû est la force
(ou : le plus puissant) des dieux», Muss-Arnolt, Assrjrisch-
engliscli deiitsches Hand^voerterbuch, Berlin, 1905, p. 312,
col. a, et Ita-il-llu, dans Ilarper, Assijrian and babylonian
Lettcrs, t. V, Londres, 1900, n. 524, recto, ligne 2.
8" Tebsalotjm : ce nom (comme le précédent), d'après
M. R. Harris, serait une interpolation parce qu'il manque
dans l'arménien et le slavon. Il le rapproche de Dabshalim
qui figure dans Kalilah et Dimnah et lui attribue donc aussi
une origine hindoue ^ Cependant il doit suffire que ces
noms figurent dans le syriaque et son dérivé l'arabe, puis-
que ces versions représentent au mieux l'original et sont
vraisemblablement la source de toutes les autres. Rien de
plus connu d'ailleurs que les racines sémitiques tob et sa-
liim, eu assyrien Tdb-snlmii^ « Il est bon le salut » ; cf. le
nom propre Tdb-cfir Asur, « Elle est bonne la protec-
1. lid. de Cîimbiidgc, p. xxxv.
ENSEIGNEMENTS ET DOCTRINES 13
tion d'Assur », Tallquist, NenbahyloniscJies Namenbnch,
Ilelsingfors, 1905, p. 317, col. a. Ici le nom de la divinité
doit être sous-entendu : « Il est bon le salut » (donné par
tel dieu — ou — par les dieux).
9" Nacouel est un nom babylonien qui signifie « Nabù
est Dieu )). On trouve les altérations Nebouhal, Nabouhal,
Nagoubil, dans l'arabe et le slave, Bèliar dans l'arménien.
10° Aki ^, fils de Hamsélim -, (en arabe Anis, fils de
Sah le sage), est à rapprocher d'yl/i/.^, I Samuel, xxi, 11;
xxvii, 2. On ne connaît d'ailleurs aucun roi de Perse de ce
nom. Halévy pense qu'il faut lire, au lieu de Aki^ AkJiash,
« visiblement abrégé de r-4//rt6r/i(i'e/-05/i (Hshayarsha), Xerxès,
des derniers livres de la Bible ; » Revue sémitique, 1900,
p. 57.
11° Manzifar, nom du prisonnier immolé à la place
d'Aliikar. Il est plus probable encore que pour ]*]sl"agni
que ce nom est une altération d'un nom babylonien, qui se
terminait probablement ^îarapal, « fils »,tel que Marduk-
nasir-apal, ou Munazziz-apal, « Il a établi un fils » ; cf.
Nabâ-zêr-munazziz, « Nabù a établi un rejeton », Jolins,
Assyrian Deeds and Documents, Cambridge, 1901, t. m,
p. 5G4. La forme arménienne Senifar suggérerait un rap-
prochement avec Asnafar de I Esdras, iv, 10, que certains
assyriologues identifient avec Assurbanipal ; v. Schradcr,
Die Keilinschriften und das Alte Testament^ 3® édition,
Berlin, 1902, p. 351.
Ces noms babyloniens et bibliques sont autant de mar-
ques personnelles h l'auteur, conservées à travers les tra-
1. Avec caf.
2. Ce nom manque dans B. Le slave (p. 12) porte e au roi Nalon >
et « Nalon, roi de Perse. » Le syriaque porte : e au roi de Perse et
d'Elani. » Nous ne pouvons expliquer ce mot que par une corruption
du syriaque « Elam. ï h'aïii initial a été lu comme un noun et a don-
né c au roi de Perse Nélom > (d'où Nalon).
14
HISTOIHE ET SAGESSE D AHIKAR L ASSYRIEN
ductions ; elles nous permettront donc d'avance r que cet
auteur était un Juil babylonien.
Nous n'avons pas mentionné les noms particuliers à la
version arménienne parce que ce sont probablement des
interpolations :
Dès le commencement (p. 24), Ahikar prie les dieux
BeUim, Simil et Samin. Le premier, le Bilelsanani des
Mille et une nuits, est un dieu phénicien : Baal-Samaïni, ou
Baal du ciel. Les autres ne se trouvent pas ailleurs, du
moins sous cette forme. Samin n'est peut-être qu'une
simple abréviation de Baal-Samaïm, peut-être aussi le
nom d'une autre divinité phénicienne, Esmoun. qu'on
trouve sous la forme Samuna dans le nom propre assy-
rien Sa-mu-na-aplu-iddin, voir Johns, An Asstjria?i Doonis-
day Book^ Leipzig, 1901, p. 75.
Enfin Simil cache sans doute une altération que nous
ne pouvons découvrir pour le moment. L'explication « Dieu
du ciel » n'est guère plausible à cause de l'interversion
qu'elle suppose. D'un autre côté, il est peu probable
que nous ayons ici la divinité babylonienne Simaliya ;
voir Zimmern, Beitruge zur Kenntnis der babylonisclien Re^
ligion, t. I, Leipzig, 1896, p. 8, ligne 139.
Plus loin (p. 35) Houday et Baliayn, fils du roi, interro-
gent Ahikar qui leur répand : « Il y a quatre choses qui
réjouissent l'œil de l'homme, » etc. Comme l'a fait remar-
quer M. Rendel Harris, p. lv, ce passage, propre à l'ar-
ménien, peut dériver de Prov., xxx, où Agur s'adresse à
Ithiel et Ucal ^ et leur dit en particulier : (15) « Trois choses
sont insatiables et la quatrième ne dit jamais c'est assez,
etc. (24). Quatre choses sont minimes sur la terre, etc. »
1. Saint Jérôme a traduit tous ces noms propres ; ainsi « P;iroles
(l 'Agur 3) est devenu dans la Vulgate : «Yerba congregantis », etc.
LE PROBLÈME LITTÉRAIHE 15
CHAPITRE III
Le problème littéraire.
I. Ahikar dans la littérature moderne.
1. De nombreuses éditions de V Histoire d' Ahikar ont été
publiées depuis près de 200 ans et ont passé inaperçues.
Citons les éditions de la version arménienne publiées en
1708, 1731, 1807, 1834, 1850 et 1861 et celles des supplé-
ments des Mille et une nuits ^ par exemple dans le Cabinet
des fées, t. xxxix, Genève et Paris, 1788, p. 266-3G1, Le
récit a pour titre : Histoire de Sinkarib etde ses deux visirs,
et diffère beaucoup des diverses versions publiées à Cam-
bridge. En général l'édition du Cabinet des fées allonge,
imagine des dialogues, amplifie le rôle de la femme d'Ahi-
kar ; les proverbes cependant sont moins nombreux que
dans les autres éditions et souvent sont nouveaux. On n'a
pas signalé jusqu'ici de manuscrit arabe correspondant et
on ne sait donc jusqu'à quel point ces divergences dépen-
dent du manuscrit on du traducteur. Une nouvelle traduc-
tion a été donnée dans l'addition ajoutée par M. Caussin
de Perceval à l'édition des Mille et une nuits publiée à
Paris en 1806, t. vm, p. 167-221, d'après le ms. oOol de
Paris 1.
1. La bibliographie de Haïqdr comme partie des Mille et une nuits
se trouve dans Victor Chauvin, Bibliographie des ouvrages arabes
ou relatifs aux Arabes publiés dans l Europe chrétienne de ÎSIO à
Î885, tome vi, Liège, 1902, p. 36-43. Cf. lorae m, p. 39-41, D'après
celte bibliographie, voici la place de notre récit dans les éditions des
Mille et une nuits : Chavi» et Cazotte [Cabinet des Fées), t. xxxix,
p. 266 ; llanley, Londres, 1868, p, 143-165 (Caliphs and Sultans) ;
Caussin de Perceval, Paris, 1806, t. vm, p. 167; Gaultier, Paris, 1822,
t. VII, p. 313 ; Habicht, Breslau, 1825, t. xni, p. 71 ; Pourrai, Paris,
1842, t. IV, p. 61 ; Burlon, Bénarès et Londres, 18 85, t. xii, p. 1 ;
Heuning, Leipzig, 1895 (d'après Burlon).
IG
IlISTOinE ET SA(;iîSSI': d aiiikar l assyiukn
2. Une troisième traduction française crun texte arabe fut
faite par J. Agoub, né au Caire le 20 mars 1795, venu en
France à la suite de l'armée d'Egypte et mort le 3 octobre
1832. Celte traduction parut d'abord dans l'édition des
Mille et une nuits d'Edouard Gauttier, t. vu, Paris, 1822,
p. 313. Cette œuvre ne peut malheureusement nous
donner aucune idée précise de l'original arabe dont elle
découle, car l'auteur a plutôt visé, semble-t-il, à donner
nue rédaction personnelle qu'une traduction. 11 écrit dans
une note finale : « J'ai traduit ce conte sur deux manus-
crits arabes que j'ai corrigés et complétés l'un par l'au-
tre. » La rédaction d'Agoub est divisée en nuits et forme
ainsi les nuits 561 à 568. Cette même rédaction, hors la
division en nuits, a été reproduite dans Mélanges de litté-
rature orientale et française par J. Agoub, avec une notice
sur l'auteur par M. de Pongerville, de l'Académie française,
Paris, 1835, p. 61-119, sous le titre : Le sage Ileycar,
conte arabe ^. Des éditions soignées allaient heureusement
être bientôt données.
3. Assémani avait déjà signalé la relation qui existe entre
les histoires d'Esope et d'Ahikar : De Hicaro eadeni fere
narrantur quie de JEsopo Phryge [Bibliotheca orientalis,
t. m, p. 286; cf. t. II, p. 508). Mais G. Holïmann semble
avoir été le premier à rapprocher les histoires d'Ahikar et
de Tobie, dans Abhandlungen fi\r die Kunde des Mo/gen-
landes, t. vu, p. 3, Ausziige aus Syrischen Akten persischer-
Mdrtyrer, Leipzig, 1880, p. 182-183. Il ne connaît de cette
histoire que le feuillet syriaque conservé dans le manuscrit
de Londres, add. 1200 (publié dans l'édition de Cambridge,
p. 33-36) ; il mentionne des manuscrits carchounis signa-
lés dans deux catalogues, mais ne dit pas les avoir vus. Il
ne semble donc pas connaître le fond du récit, mais la
1, Cette traduction a aussi paru sous ce titre à part, Paris, Didot,
4824, ia-8, 41 pages.
LE PUOr.LÈME I.ITTÉR\IHE 17
version syriaque lui donnant la forme Ahikar an lieu de
Tariibe Heykar, lui fait reconnaître dans le héros de cette
histoire r'Aysi/.ap du livre de Tobie. G. Hoffmann, dans ce
passage, se propose de mettre en relief le mélange des noms
propres bibliques dans les légendes monacales et même
dans la géographie de l'Assyrie, il suppose donc qu'un
clerc syrien a emprunté le nom d'Ahikarau livre de Tobie
pour l'introduire dans un ancien conte. G. Bickell soutient
au contraire [Al/ienxiim, t. ii, 1890, p. 170), que le livre
de Tobie est postérieur à V Hisluire d' Ahikar, car ce der-
nier ne fait aucune allusion au premier et se trouve être en
somme un livre assez peu religieux, qu'un clerc syrien
n'aurait jamais écrit sous cette forme.
4. Dans la Bijzantinisclie Zcitscluifl, t. i, 1892, p. 107-
l2o, V. liigic publie une traduction allemande de l'an-
cienne version slave faite, dit-il, sur un texte grec, bien que
le fond soit d'origine orientale ^. De l'ancien slave dérive,
selon lui, une version serbe découverte en 1886, à Moscou,
par E. V. Barsov. Par contre, d'autres rédactions sud-
slaves et serbes présentent tant de différences avec les
précédentes, surtout dans les sentences, qu'on ne peut les
faire dériver d'une même source, INI. lagic dit avoir publié
ces dernières (texte serbocroate en particulier) en 1808
dans le t. ix des Arkw za povjestaicii jugoslcn>ensku .
M. Vj . Kuhn, dans un article qui suit immédiatement celui
de V. lagic [Ihjz. ZcUsclirlft, 1892, p. 127-130), lui ajoute de
nombreux compléments bibliographiques.
5. Dans la Zeilschrifl dcv Dentschen Mori^enl. Gesell-
scliafl, t. xi.viii, 1894, p, 171-197, M. Bruno Meissner
compare d'abord le texte arabe publié par Sàlhânî, Contes
arabes, Beyrouth, p. 1-20, à la traduction des Mille et une
nuits, c'est-à-dire à la traduction Agoub, car la note citée
pwr lui, qui figurerait au t. xiii, p. 294, de l'édition alle-
1. Cf. infra, IV, vu.
18 HISTOIRE ET SAGESSE d'ai.IIKAR l'aSSYHIEN
mande des Mille et une nuits, n'est autre que la note finale
d'Agoub.Il signale ensuite les divers manuscrits syriaques
de V Histoire dWhikar. En particulier il utilise le manuscrit
Sacliau 336 que nous allons traduire.
lî croit pouvoir conclure que le grec conservé dans la
vie d'Esope est antérieur au syriaque et à l'arabe. Du moins
les noms propres montrent que l'arabe provient du syria-
que. La fin de l'histoire par contre, qui n'a plus de texte
grec parallèle, semble provenir de sources orientales et
serait un écrit judaïque, antérieur au livre de Tobie. Enfin,
M. Meissner rapproclie de VHistoire cVAhikar divers pas-
sages des Targums hébreux que nous signalerons en note.
6. Cette même année, 1894^ M. Lidzbarski publiait en
aulograpbie un texte arabe et, en face, sur la pnge de gau-
che, un texte en dialecte néo-syriaque (Torani), qu'il don-
nait comme la traduction du précédent, d'après le manus-
crit Sachau 539 (cf. Verzeicliniss der ST/rischen Handschrif-
ten, Berlin, 1899, n. 290, p. 815). Il est certain d'ailleurs
que le texte arabe diffère du texte de l'édition de Cambridge
et que le tex'e néo-syriaque diffère du texte syriaque du
manuscrit ,9.56 que nous allons traduire. L'année suivante,
M. Lidzbarski publia la traduction de cette Histoii-e d'AJii-
kar et, dans un troisième volume, un glossaire néo-syria-
que Ces trois volumes ont paru dans Semitische Studien :
Ergânzungshefl zur Zeilschrift fur Assyriologie, Die neua-
ramàisclien Handschriften der kôniglichen Bibl. zu Berlin,
crster Teil, Weimar, 1894; zweiter Teil (Ahikar, p. 1-41)
und drilter Teil, Weimar, 1895.
La traduction allemande de M. Lidzbarski, parue dans
la seconde partie ci-dessus, fut encore reproduite l'année
suivante dans Geschichlen und Lieder aus den neu-aramciis-
chen Handschriften der kôniglichen Bibliothek zu Berlin,
von Mai k Lidzbarski, Weimar, 1896. Comme les deux tra-
ductions sont identiques et que les pages elles-mêmes
coînmencent et finissent au racme mot, nous n'avons donc
LE PROBEÈAfE LITTERAIRE 19
en somme que deux tirages d'une même traduction. Elle a
pour titre : Geschicltte des \veisen Chikar.
Entre temps, M. M. Lidzbarski avait encore publié un
court article dans la Zeitschrift der Deiitschen Morgenlûn-
dischen GesellscJwft, t. xlviii, p. 671-675, en réponse à
M. B. Meissncr, pour mettre son texte arabe en relief et
dire que le livre d'Ahikar, écrit avant le livre de Tobie,
l'avait été en hébreu, plus probablement qu'en ffrec,
7. M. E. J. Dillon publia une traduction faite sur les ma-
nuscrits syriaques de Londres et de Cambridge (/> et C) en
tenant compte cependant de la traduction de M. Lidz-
barski à laquelle il fit quelqtics emprunts, cf. Ahika?- tlie
wise. An ancient Jœbrew folkstory, dans The contemporary
Review^ mars 1898, p. 362-386. D'après lui, les Hébreux
du second siècle avant notre ère lisaient Ahikar comme une
histoire véritable, aussi bien qu'Esther et Tobie, et c'est
merveille que ce livre n'ait pas été inséré dans leur canon.
A l'en croire, « le livre d'Ahikar est un conte juif composé
en hébreu au m" siècle avant notre ère et traduit plus tard
en araméen. )> Il ne paraît connaître ni le passage de
Clément d'Alexandrie ni celui de Strabon et ne semble
donc pas soupçonner que le conte du m® (ou du iv^j siècle
avant notre ère présuppose un recueil de maxiuKs et une
histoire qui peuvent remonter au vu". Sa traduction, divi-
séic en cinq chapitres, a été mise en hébreu par Joseph
Massel. Cf. infra, IV, x.
8. Après ce travail parut aussitôt la belle édition de
Cambridge {The S tory of Ahikar froin tlie Syriac, Arabie,
Armenian, Ethiopie, Greek and Sla^'onie versions, by F. C.
Conybeare, J. Rendel Harris and Agnes Smilh Lewis, Lon-
dres et Cambridge, 1898), qui renferme le texte greo lire
de la vie d'Esope ^, le texte et la traduction anglaise i\ç^
1. On trouve la Iraductiou franç.nise de ce texte faite par I.a Fon-
taine,dans ; Les grands écrivains de la France, oeuvres de La Fontaine
20 HISTOIIIE ET SAGESSE d'aiIIKAR l'aSSYIIIEN
versions arménienne, syriaque et arabe et enfin la traduc-
tion anglaise des versions slave ^ et éthiopienne avec une
longue introduction (i-lxxxviii) par J. Rcndel Harris.
9. Cette édition provoqua de nouvelles études. Dans
la Réunie biblique, t. viii, 1899, p. 50, M. E. Cosquin
développa avec brio une idée assez paradoxale. Il ne vit
dans Ahikar qu'un vieux conte populaire répandu même
dans l'Inde, d'origine polythéiste, adapté maladroitement
au monothéisme, et ne renfermant donc aucun élément
historique ^ :
« L'histoire du sage Ahikar est au fond un arrangement, Ij
une adaptation littéraire de vieux contes orientaux. C'est
dire qu'il n'y entre pas une parcelle de vérité historique...
Nous croyons qu'une version hébraïque de l'histoire du
sage Ahikar existait avant que fût rédigé le livre de Tobie,
et que c'est cette version que le rédacteur de Tobie avait
sous les yeux et non pas un texte en langue étrangère...
Mais nous estimons que ce texte juif n'était pas le texte
éditées par Henri Reguier, Paris, Hachette, 1883, tome i, p. 46-51;
éd. Parraaulier, Paris, 1825, t. i, p. lxxxii-lxxxvi ; éd. Lefèvre,
Paris, 1838, p. 28-40, etc.
1. Cette traduction anglaise fut faite sur la traduction allemande
de Y. Jagic mentionnée plus haut.
2. M. Margarete Plath, qui a repris la thèse de M. Cosquin au sujet
de Tobie (Cf. Zum Buch Tohit, dans les Theologische Studien und
Scliriften, Golha, 1901, p. 377-414), consacre aussi une longue note à
Ahikar (p. 394). H dit qu'il n'y a pas de lien intime entre les deux
hi-toires de Tobie et d'Ahikar, Leurs rapports ne sont donc pas pri-
mitifs, mais le rédacteur du livre de Tobie, relativement plus récent,
a voulu s'appuyer sur une relation plus ancienne. On ne peut dire
s'il l'a connue par tradition orale ou par un écrit, mais, en toute hy-
pothèse, l'histoire d'Ahikar n'est qu'un conte. — • La thèse Cosquin-
IMatli au sujet de Tobie est exposée et réfutée par Jos. Siéger (cf.
Dus Buch Tobias und dus Màrchen vondom dankbaren Todlen, dans
Bcr Kalholilc, I1I« série, t. xxix, 1904, p. 367-377), qui consacre
aussi une note à Ahikar, p. 377, note 3, mais seulement pour montrer
(juc celui-ci ne peut porter tort au livre de Tobie.
LE PnOBLÈME LITTÉRAIRE 21
primitif et que l'auteur primitif n'a pas pu être un Juif.
Cette version hébraïque était à notre avis une version
monothéiste d'un vieux récit païen... L'histoire du sage
Ahikar a été composée, cadre et épisodes, d'éléments em-'
pruntés au vieux fonds des contes orientaux ; elle ne con-
tient pas le moindre élément historique, pas même un grain
de vérité, comme l'a dit très bien M, Dillon. »
L'auteur se devait évidemment d'appliquer la même
méthode fantaisiste au livre de Tobie. Celui-ci n'était donc
à son tour qu'une parabole, un remaniement d'un conte
populaire, une variation sur le thème du mort reconnais'
sant. Le Père Hagen dans son Leiicon biblicum {Cursus
Scripturœ sacrce, Paris, 1905), au mot Acliiacliarus, a très
bien fait remarquer que l'article de M. Cosquin est un
pur tissu de conjectures et ne peut donc enlever le carac-
tère historique du livre de Tobie, ni, ajoutons-nous, de
V Histoire cV Ahikar ^.
1. Les rapprochements et les dépendances établis par les folk-lo-
ristes entre les contes ou récits de divers pays nous (ont assez sou-
vent admirer l'érudition des auteurs, mais nous paraissent toujours
dépourvus de toute force probante. 11 existe des généalogistes qui,
pour une somme donnée, raltaclient tout homme à une famille célèbre et
même — si l'on y met le prix — à un héros des croisades. Les folk-
lorisles sont plus désintéressés lorsqu'ils établissent la filiation des
récits, mais il faut reconnaître que leur lâche est bien plus facile,
puisqu'ils ne sont gênés par aucun registre d'état civil. Nous nous
permettons de leur proposer, comme les deux termes d'une généalo-
gie, la pensée suivante d'Ahikar : « Mon fils la chèvre qui circule et
qui mullipiie ses pas sera la proie du loup » (m, 46 ; arabe, n. 30 ;
arménien, n. 43) et le récit connu d'Alphonse Daudet : c M. Séguin
n'avait jamais eu de bonheur avec ses chèvres. Il les perdait toutes
de la même façon : un beau matin, elles cassaient leur corde, s'en
allaient dans la montagne, et là-haut le loup les mangeait... si jamais
tu viens en Provence, nos ménagers te parleront souvent de la cabro
de moussu Seguin, que se battègue touto la nieu emé lou loup, e piei
lou matin lou loup la mangé » (fxllres de mon moulin, n. 4). Ils pour-
ront utiliser Ja comparaison 105 du c. xxxiii d'Ahikar et suivre la
22 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAI? l'aSSYRIEN
10. La thèse de M. E. Cosquin fut reprise par M. Th.
Reinach [Revue des études juives, t. xxxviii, janvier-mars
1899, p. 1-13) sous le titre : Un conte babylonien dans la
Uttératui'e juive : le roman d'Akhikhar. La légende baby-
lonienne aurait été connue des Juifs et traduite par eux en
leur langue. Le rédacteur du livre de Tobie aurait introduit
Ahikar en un seul endroit (grec,xiv, 10) de son livre, com-
me un exemple célèbre destiné à mettre en relief la justice
divine. Les autres mentions d'Ahikar (grec, i, 11, 22 ; x, 10;
XI, 18) n'appartiendraient pas à la rédaction primitive du
livre de Tobie et seraient des interpolations.
La rédaction primitive de l'ouvrage aurait été poly-
théiste, païenne ^ : Ahikar a soixante femmes et soixante
palais; dans la version arménienne il adresse ses prières
aux dieux Belsim, Simil et Samin ; il consulte les mages,
les astrologues et les devins. Plus tard, des rédacteurs mo-
nothéistes ont introduit des éléments monothéistes, tout
en laissant subsister le fond primitif du récit :
« L'origine première de ce conte pourrait bien être un
mythe solaire. Les soixante épouses, les soixante palais
d'Akhikhar rappellent étrangement les soixante maisons du
soleil, la division primitive du cercle céleste en 60 degrés...
de l'heure en soixante minutes -... Les Grecs y virent sur-
chèvre de M. Séguin en Provence, en Grèce, en Orient et peut-être
dans l'Inde et en Chine. Il est entendu qu'ils n'auront à produire
aucun registre d'état civil et pourront ainsi donner libre cours à leur
érudition et à leur imagination
1. Ceci n'a lùen d'étonnant, puisque, d'après Tobie (i, 4), toute la
tribu de son père Nephtali s'était écartée du temple de David et de
Jérusalem (cf. infra,p. 2't) et que le commencement de l'Histoire d'A-
hikar nous montre qu'en effet celui-ci adorait les idoles. Il en fut
puni et revint au vrai Dieu, mais son éducation et sa formation n'en
avaient pas moins été païennes, ce qui devait percer encore dans le
récit.
2. L'ouvrage a été écrit en Babylonie, où prit naissance et d'où nou s
fut transmise la numération sexagésimale, voilà tout ce que prouvent
LE PROBLEME LITTERAIRE
23
tout un trésor de maximes morales. Ce que Démocrlte
s'appropria, ce que Théophraste commenta se réduit pro-
bablement aux discours parénétùjues placés dans la bouche
du saffe Akhikhar. A leur tour les Juifs firent counaissauce
avec ce livre populaire et peut être le traduisirent-ils en
leur langue. Dans la plus ancienne forme du livre de Tobie
— qui paraît dater du u° siècle avant l'ère chrétienne —
la seule mention de l'Akhikhar est contenue dans le verset
que nous avons cité (xiv, 10-11) ; l'auteur y voit uq conte
édifiant, un exemple célèbre destiné à illustrer la justice
divine, la Némésis qui fait tomber le crime dans les pièges
et les abîmes qu'il a lui-même creusés. »
Ce n'est point la littérature juive, mais c'est une version
araméenne ayant conservé fidèlement le caractère poly-
théiste de l'original babylonien, qui introduisit l'ouvrage
dans les littératures grecque, arménienne et syriaque.
11. M. J. Halévy a combattu les hypothèses de M. Th.,
Reinach. Cf. Revue sémitique, 1900, p. 23: « L'hypothèse de
l'origine babylonienne (païenne) d'Akhiakar ne peut se
soutenir d'aucune manière. »
Ahikar n'était pas un païen, car un païen qui vient au
vrai Dieu est reçu à bras ouverts et est assuré d'une pro-
tection particulière de la part de Dieu (cf. I Rois, vin, 41-
43; Isaie, lvi, 6-7), tandis qu'Ahikar, lorsqu'il s'adresse au
vrai Dieu après s'être adressé aux idoles, est puni. C était
donc un Israélite qui avait commis un crime en s'adressant
aux idoles parce qu'il avait ainsi abandonné son Dieu. Il y
ces rapprochements. Il faut une tournure d'esprit particulière pour
chercher un mythe à cette occasion. Notons d'ailleurs qu à notre
avis les .naythologLstes ne sont qu'un prolongement des tolk-loristes.
Ces derniers établissent une généalogie entre les faits analogues
qu'ils relèvent sur l'ancien continent, et les mythologistes rattachent
l'un des anneau.\ de cette généalogie à un phénomène naturel. Sur le
nombre soixante, cf. Cantique, m, 7 : Lectulum Salomonis sexagiiita
fortes ambiant ex fortissimis Israël, et vi, 7 : Sexaginia sunt rcglnx.
24 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR l'aSSYIIIEN
a plus: le livredeToble nous apprend explicitement dans la
version du SinaiLicus et du Vaticanus que toute la famille
de Tobic avait abandonné le vrai Dieu pour sacrifier au veau
que Jéroboam avait élevé à Dan :
VATICANUS SIXAITICUS
4. Durant majeunesse, lors- 5. Tous mes frères et la
que je demeurais dans mon maisondeXephtali, mon père,
pays dans la terre d'Israël, sacrifièrent au veau que le roi
toute la tribu de Nephtali, Jéroboam fit à Dau sur toutes
mon père, s'éloigna du tem- les frontièrcsde la Galilée, et
pie de Jérusalem. moi seul j'allai souvent à Jé-
rusalem aux jours de fête.
Ainsi Anaël, frère de Tobie, et son fils Ahikar devinrent
idolâtres et continuèrent a pratiquer l'idolâtrie en Baby-
lonie, jusqu'au jour oii Dieu punit le dernier en lui refu-
sant un fils. M. Halévy étudie ensuite l'onomastique du
livre et essaie de montrer qu'elle est entièrement araméen-
ne, comme celle du livre de Tobie, à l'exception de quel-
ques noms persans ; il conclut : « Le lh>re d'Akhîaka?- forme
un nouvel anneau, et des plus intéressants, de la chaîne
des œuvres littéraires juives de l'époque grecque qui ont
préparé la transformation de VAirada hébraïque dans ses
deux variétés principales : rabbinique et chrétienne. »
12. E. Schùrer avait aussi conclu que la courte allusion
de Tobie, xiv, 10, ne peut être comprise si l'on ne suppose
la légende d'Ahikar déjà connue et sans doute déjà rédigée
par écrit; cf. GescJùclUe d. J/id. Volkes im Zeitalter Jesu
Chrisli, 3" éd., 1898, t. m, p. 177 sq. J. Rendel Harris,
The stori/ of Ahikar, p. xlvm sq., lxxii sq., avait égale-
ment présenté le livre de Tobie et le livre d'Ahikar comme
deux frères écrits tous deux en hébreu, le livre d'Ahikar
étant vraisemblablement le plus ancien des deux.
13. M. Paul Marc dépèce Ahikar en deux parties : 1° l'his-
LE PROBLÈME LITTÉnAIRE 25
toire du ministre, qui se suffit à elle seule ; 2" les proverbes
prêtés à Ahikar parce qu'on savait par ailleurs qu'il avait
été un sage. L'écrit actuel serait donc un écrit secondaire
résultant de deux autres, Die Achikar-Sage, eiii Versuch
ziir Griippiningder Quellen (édité àixnsXes S Indien ziir ver-
gleicJienden Litteraturgesch. de M. Koch, t. n, Berlin,
1902, p. 393-411).
14. i\I. J. Daschian a publié aussi — malheureusement
toute en Arménien — une longue monographie sur Ahi-
kar et sa sagesse : Kurze bibliograpli . Untersuclniiigen und
Texte, t. H, 1901, p. 1-152.
15. M. P. Vetter, dans la Tlœolog. Quartalsc/irift,
1904-1905 *, a traduit en allemand la version arménienne ^
de VHistoire dWJiikar, puis étudié le livre de Tobie qui
aurait été composé de 250 à 150 avant noire ère, non pas
en Palestine, mais par des Juifs d'Assyrie ou de Babvionie.
Sa langue orioinale était l'hébreu, aucune des recensions
grecques ne représente donc adéquatement l'original.
L'ouvrage n'est p;)s historique au sens strict, il n'est pas
non phis complètement fictif, mais le rédacteur a vrai-
semblablement disposé d'une histoire familiale qui reposait
surdos faits réels et qui était conservée dans la tradition
populaire ; il l'a rédigée dans un but didactique. Enfin
M. Vetter a étudié le livre d'Ahikar et l'a comparé au livre
de Tobie; il aurait été écrit en hébreu entre 100 avant
notre ère et 100 ii 200 après notre ère. C'est l'œuvre d'un
Juif, basée sur un livre païen plus ancien, originaire de
Babylonie, écrit peut-être en araméen. Le livre de Tobie
est donc plus ancien que le livre d'Ahikar; il s'est inspiré
non d'un document écrit mais d'une tradition populaire
juive, qui avait conservé le souvenir d'un Juif élevé à un
1. Bas Bach Tohias und die Achikar-Sage, 190'i, p. 321 et 512;
1905, p. 321 et 497.
2. De l'arménien dérive une version larlare encore iucdile, loc. cit.,
p. 325, note 1.
26
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR L ASSYRIEN
très haut rang îi la cour d'Assyrie ; il ne connaissait pas
Ahikar comme un sage et un moraliste, mais plutôt comme
un homme juste et bon, et c'est à ce titre qu'il Ta introduit
dans la famille de Tobie.
Toutes les rédactions conservées du livre d' Ahikar pro-
viennent d'un original hébreu, sur lequel ont été traduits,
indépendamment l'un de l'autre, le syriaque et l'arabe.
L'arménien et l'éthiopien proviennent de l'arabe, le slave
provient d'une version grecque faite peut-être sur le syria-
que. — L'original hébreu lui-même a été composé d'après
un livre païen écrit très vraisemblablement en araméen et
qui provenait de la Babylonie. Le Juif qui a remanié cet
écrit se proposait de faire ainsi de la propagande parmi les
Gentils, c'est pour cela qu'il choisissait un sujet païen et
qu'il le judaïsait très peu pour ne pas choquer les lec-
teurs ^.
M. Vetter établit ces résultats surtout par une étude
interne qui a paru lui découvrir un certain nombre d'hé-
braïsmes et de points communs avec les Targums écrits
au commencement de notre ère 2. Il conclut à l'unité de
l'ouvrage, qui condense en un seul tout bien logique la
masal judaïque sous ses trois formes : proverbes (pre-
mières instructions à Nadan) ; devinettes (Ahikar en Egypte) ;
similitudes, allégories ou fables (secondes instructions à
Nadan).
Cette étude de M. Vetter est fort savante et fort bien
1. M. E. Schûrer écrit de ces écrits judaïques sous marque pro-
fane : « Ils ont tous cela de commun qu'ils sont mis sous le nom d'une
autorité païenne comme la Sybille, ou sous le nom d'hommes célè-
bres dans l'histoire, comme Hécatée et Ai-istée. Le choix du pseudo-
nyme montre déjà que tous ces écrits sont ordonnés jjour les lecteurs
païens et doivent faire de la propagande pour les Juifs parmi les
Gentils. » Geschichle des jiid. Volkes iin Zeitalter Jesu Ckristi,
3e éd., t. III (1898), p. 420.
2. Cf. infra, Introd., V, m.
LE PROBLEME LJTTEP.AIUE
27
conduite, mais le manuscrit B nous montre qu'il a vu des
néo-hébraïsmes où il n'y en avait sans doute pas et que la
critique interne, ici encore, ne lui a fourni, comme à bien
d'autres, que des résultats provisoires.
16. Terminons par l'opinion de M. F. Vigouroux *. Le
savant et judicieux exégète se propose surtout de défendre
l'historicité de Tobie. Il semble admettre que V Histoire
(TAhikar est un pur conte et que les principaux person-
nages, Ahikar et Nadan, sont des personnages légendai-
res, fictifs et connus comme tels "-. Ou lui objecte
donc que le livre de Tobie, en s'appuyant sur des fables,
semble ainsi avertir ses lecteurs qu'il a peu souci de l'his-
toire.
Voici le passage du Manuel biblique^ où M, Vigouroux
résume sa réponse : « Une difficulté plus grave contre le
caractère historique du livre de Tobie provient de la décou-
verte d'une sorte de conte ou de roman connu sous le nom
d'Histoire du sage Aliicar... On veut conclure de là que
Tobie est un être fictif comme Ahicar. Mais la question est
de savoir si le livre de Tobie a emprunté Ahicar au conte
ou si le conte l'a tiré de Tobie? Dans le premier cas, il lau-
drait admettre, il est vrai, que l'écrivain juif, en introdui-
sant dans son livre un personnage imaginaire, a voulu nous
faire comprendre que son récit est une fiction morale, dans
le genre de la parabole de Lazare et du mauvais riche;
mais, dans le second cas, si celui qui a inventé le conte a
pris dans Tobie un personnage historique auquel il a attri-
1. Les Livres saints et la critique rationaliste, 5® édition, Paris,
1901, t. IV, p. 551 sq. M. Vigouroux traduit ea cet endroit la meilleure
partie d'Ahikar. Cf. Revue du Clergé français, 1902, t. xxxii, p. 516 -
517.
2. M. Vigoureux aurait déjù pu faire remarquer ici, comme il le fait
à la fin, que rien ne prouve qu'Ahikar soit un personnage purement
fictif et que son histoire soit un pur conte.
3. 12» édition, Paris, 1906, t. ii, p. 173.
28 HISTOinE ET SAGESSE d'aHIKAH l'aSSYRIEX
biié des aventures fabuleuses, comme on en a attribué à
Cliarlemagne, le caractère historique du livre de Tobie n'a
rien à en souffrir. Or on n'a pas prouvé jusqu'à présent
que la légende d'Ahicar est antérieure à la composition de
Tobie, et tant que cette preuve n'aura pas été faite, on a le
droit de maintenir l'historicité de Tobie. »
Pour nous, les questions Tobie et Ahikar peuvent tou-
jours être séparées : il suffit de faire remarquer qu'Ahikar
ne joue pas le même rôle dans les diverses versions de
Tobie (il ne figure même aucunement dans les deux ver-
sions hébraïques publiées par M. Gaster, Proceedings of
the Society of hihlical arc]iœoloi>y, t, xviii et xix, 189G et
1897) ■*. On peut donc le regarder comme une interpolation
tardive. Il n'est pas absurde d'admettre par exemple, que
la vérit.ible leçon a été conservée par la Vulgate et que les
cousins de Tobie se nommaient Achior et Nabath. Des tra-
ducteurs auraient ensuite cherché une généalogie h ces
cousins, les auraient identifiés avec Ahikar et Nadan dont
ils connaissaient l'histoire par ailleurs et auraient été jus-
qu'à entrelacer cette histoire dans le livre de Tobie et
jusqu'à en imiter la forme. Aussi la comparaison d'Ahikar
et de To])ie que nous allons faire portera sur la version
grecque et ses dérivés et non sur le texte original de Tobie
que nous avouons ne pas connaître.
On peut cependant aller plus loin : si l'on veut bien
admettre qu'Ahikar figurait dans le texte original de Tobie,
il ne peut évidemment s'agir d'un emprunt au conte des
Mille et une nuits, ni même à la version syriaque que nous
traduisons ici, car tous ces écrits sont relativement moder-
nes. 11 ne peut donc s'agir que du prototype inconnu de la
vei'siou syriaque et du conte, et ce prototype, que Démo-
crite aurait utilisé au v" siècle avant notre ère, a toute chance
l.Nous ne croyons pas cependant que ces versions aient grande
importance critique.
LE PROBLÈME LlTTÉllAinE 29
de représenter un personnage historique. Loin de nuire à
l'historicité de Tobie, il vient au contraire la confirmer en
nous fournissant la clef historùjue d'un passage jusqu'ici
obscur.
17. Vient de paraître, en supplément à la ZeilsclirifL fiir
die altteslamentUche Wissenschafl, Giessen, 1908, un petit
fascicule qui contient : lo, pages 1-53, Beitiuigeziir Erklâ-
nin<^ und Kritik des Buc/ies Tobit, von John nues iNIuiler ;
2°, pogrs 55-125, Alter und Ilerkunfï des Achikai -Romans
und sein Ver] ni Uni. s s zu Aesop, von Rudolf Smend ^.
La première partie (Tobie) ne rentre pas dans notre
sujet. Rappelons seulement que nous avons trouvé à Paris
un manuscrit fragmentaire {Suppl. ^rec 009) delà troisième
recension, c'est-à-dire de la famille des manuscrits d^j, lOu
et 107 de Holmes, et que nous avons édité Tobie, vi. G, à
XIII, 10, et Judith en entier, d'après ce manuscrit, dans La
Sainte Bible polyglotte, t. m, Paris, 1902; cf. p. vi.
La seconde partie (/Vchikar) est fort intéressante. En un
bon nombre de points nous sommes en complet accord avec
l'auteur :
P. Gl. Toutes les versions dérivent d'un même prototype
qui esta chercher chez les Syriens. Les textes arabes sont
traduits directement du syriaque, mais proviennent de textes
syriaques différents, de même l'arménien. Le texte ancien-
slave, par l'intermédiaire d'un texte grec, se ramène aussi
très vraisemblablement au syriaque. Les manuscrits syria-
ques connus sont récents et présentent d'assez grande»
différences textuelles. Les textes arabes sont les plus im-
portants pour la reconstruction du syriaque.
1. Notre travail était en cours d'impression, lorsque la Zeit. f,
cl. ail. IViss. a annoncé l'apparilion prochaine du fascicule additionnel
qui fait l'objet de ce paragraphe. Nous n'avons pas modifié notie
texte, mais nous avons ajouté le présent paragraphe à noire intro-
duclioa et de nombreux renvois dans les notes placées sous notre
traduction.
30 HisïOinE ET SAGESSE d'ai.hkar l'assyrien
p. G5. La sagesse (les proverbes) à'Ahikar est aussi an-
cienne que son histoire, car elle lui est intimement liée.
Elle fait partie intégrante du roman et son ancienneté est
attestée par la littérature grecque, comme l'ancienneté de
l'histoire est attestée par le livre de Tobie.
P. QQ. Le mot Bocr::op-^voîç de Strnbon est à changer en
Bipii-TTY^vif; et le texte de Strabon provient sans doute de
Poseidonios, c'est-h-dire du milieu du ii" siècle avant notre
ère.
Les troisième et quatrième parties (p. 76-102) surtout sont
intéressantes, car M. R. S. rapproche un certain nombre
de comparaisons d'Ahikar des fables correspondantes
d'Esope et conclut aussi que les secondes proviennent des
premières. Il fait remarquer que la vie d'Esope dépend
certainement de V Histoire cVAhikar et semble servir de
préface aux fables, or le compilateur de cette vie d'Esope,
après avoir rapporté quelques maximes d'Ahikar, se borne
à dire que celui-ci adressa encore beaucoup d'autres paro-
les à Ennos (Nadan) et ne cite aucune des comparaisons.
Ceci s'explique très bien si le compilateur grec se propo-
sait de mettre les comparaisons parmi les fables qui sui-
vaient la vie ; il ne pouvait, s'il voulait éviter les répéti-
tions, les traduire déjà dans la vie d'Esope.
11 est même vraisemblable que les comparaisons d'Ahikar
avaient été mises en fables grecques, longtemps avant que
l'histoire d'Ahikar ne fut introduite dans la vie d'Esope,
car Babrius, qui vivait au commencement ou à la fin du
II" siècle de notre ère, nous apprend déjà que la fable est
une ancienne invention des Syriens qui vivaient à Ninive et
à Dahylone'^, et comme d'ailleurs le recueil de Babrius ren-
1. Ou « au temps (des rois) Ninus et Bélus », mais ces inven-
teurs des fables sont toujours des Assyriens. MûOoç [aév, w Ttaï paa().£wî
'AXïiivùpoUjljypwv 7taXai(5v ècTTtv sypeu' àvÔpwTrwv oï Ttpt'v 7:ot' rjcrav èttI Ni'vou
ts xal \ir^o\i. npÛTO; SE, çaatv, zXitz Tiaicrlv 'EXXrjVcov Aïaw;ro; ô croyô;...
Ed. M. Croiset, p. 130-131.
LE PROBLÈME LITTERAIRE 31
ferme des fables qui proviennent certainement d'Ahikar, il
est très vraisemblable qu'il a en vue Ahikar l'Assyrien et
qu'il lui attribue l'invention de la fable.
On peut même remonter plus haut, car Babrius semble
se borner à mettre en vers des fables déjà courantes sous le
nom d'Ésope. Les comparaisons d'Ahikar qu'il meten vers
existaient donc déjà auparavant parmi les fables ésopiques
et le rédacteur de la vie d'Esope n'a pas voulu les y iiilro-
duire à nouveau.
M. R. S. conclut (p. 101) que Babrius et Clément ont
sans doute en vue le même ouvrage qui était une traduction
grecque, existant déjà au i*"" siècle, des maximes et de l'his-
toire d'Ahikar. A cette traduction grecque correspondait, à
la même époque, une traduction juive utilisée par l'auteur
de Tobie.
P. 104. Le texte syriaque n'est pas une composition d'un
chrétien syrien, mais une traduction de l'araméen ^.
P. lOG. Nombreux sont les points de contact avec la lit-
térature gnomique de l'Ancien Testament et en particulier
avec l'Ecclésiastique, au point qu'on avait conclu delà à un
original hébreu. Nous dirons que ces ressemblances s'expli-
quent facilement si l'auteur d'Ahikar est juif et connaîtdonc
les livres sapientiaux et s'il a servi de modèle à l'auteur de
l'Ecclésiastique. D'ailleurs M. R. S. (p. 110) dit qu'on est
conduit il placer Ahikar avant l'Ecclésiastique etTobie.
En (juclques points secondaires cependant, nous allons
un peu plus loin que M. R. S. Par exemple il ne remonte
pas pins haut (|uc la rédaction conforme en substance ii
i. C'est Irc's vraiseniljlable, mais peu facile à prouver, caries textes
sont mal établis, de plus l'époque h laquelle ils ont été écrits ou tra-
duits est Iiypolliéti((ue ; il semble donc iiii()ossible pour l'instant, de
relever daus le syriaque des traces certaines d'iiébiaïsmes, coinuie
a voulu le faire iM. Veller, ou d'aramaïsnies comme le fait M. R. S.,
p. 104-105. Toutes les locutions soi-disant araméenues sont aussi des
locutions syriaques, surtout le Ba(rjl kolô.
32 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR l'aSSYRIEN
celles qui nous restent et dont toutes celles-ci dérivent. 11
lui est donc assez difficile de concilier Tobie et Ahikar et
d'expliquer les témoignages de Clément d'Alexandrie et de
Strabon. Voici sa solution :
P. G3. Les passages du livre de Tobie relatifs à Ahikar
semblent être des interpolations. Cependant ces interpola-
tions sont très anciennes et ont toute chance d'avoir été
introduites avant notre ère plutôt que durant notre ère. La
parenté de Tobie et d' Ahikar a été imaginée par l'interpola-
teur.
P. 74. Le Démocrite qui — d'après Clément d'Alexan-
drie — aurait traduit Ahikar en grec serait un pseudo-Dé-
mocrite. Celui-ci aurait utilisé une traduction grecque d'A-
hikar et sa compilation aurait été utilisée par Schahras-
tani.
Il faut se rappeler que Démocrite n'est connu que par
quelques fragments conservés par Stobée, postéiieur de
beaucoup à Clément d'Alexandrie, Si l'on admet sans né-
cessité aucune que Clément d'Alexandrie a été trompé par
un pscudo-Démocrite, nous nous demandons quelles
garanties d'authenticité offriront les fragments découpés
beaucoup plus tard par Stobée. Nous préférons admettre
que Clément et Stobée connaissaient les œuvres authenti-
ques de Démocrite perdues depuis, et nous ne récusons ni
n'atténuons leur témoignage.
M. R. S. n'admet pas l'historicité d'Ahikaret ne remonte
pas au delà du roman. Il ne peut donc admettre la dépen-
dance d'Ahikar-Démocrite alfirmée par Clément d'Alexan-
drie, d'où la nécessité d'un pseudo-Démocrite. De môme
l'hypothèsed'interpolations postérieures et tendancieuses lui
est nécessaire pour rendre compte des ressemblances et
des différences de Tobie et du roman. On trouverait des dif-
ficultés analogues pour concilier les textes relatifs h Char-
lemagne, si l'on n'admettait pas son historicité, si l'on ne
voulait pas remonter plus haut que « la chanson de Roland »
LE PROBLKMF, LITTÉIIAIRE 33
et si l'on voulait, à l'aide de ce seul roman, rendre compte
de toute la tradition carlovinoiennc.
Pour nous, comme nous le dirons j)lus loin, l'hypothèse
de riiistoricité d'Ahikar nous paraît expliquer lous les faits
de la manière la plus simple et la plus complète. Son his-
t.>ire peut ainsi se chercher d;ins 'l'obie, ses maximes dans
Démocritc et dans l'Ecclésiastique, sa légende dans le roman
que nous allons traduire, ses fables d;ius Esope *.
M. R. S écrit, p. 61, que le manuscrit syriaque ^(Sachau
3.'iC) contient une traduction nouvelle d'une version arabe
qui a été glosée d'après un texte syriaque.
Même dans cette hypothèse, le manuscrit B conserverait
toute son importance, puisqu'il nous représenterait — à
travers une traduction arabe — \\n texte syriaque perdu.
M-.iis rien ne notis autorise encore, croyons-nous, à regar-
der ce texte syiiaque B comme une traduction d'un texte
arabe.
En effet, h)rsqu'un texte ecclésiastique se trouve d'une
part en syriaque et d'autre part en arabe et carchouni, on
a le droit de supposer, sans aucune démonstration, que le
syriaque est l'original, parce que c'est la loi générale. L'in-
verse n'est pas impossible, mais demande une démonstration,
parce que c'est un cas tout exceptionnel. Or M. R. S. ns
donne aucune preuve de son affirmation. En deux endroits,
p. G4 et 86, il note, sans en tirer d'ailleurs aucune conclu-
sion, ([ue le manuscrit Z? et l'arabe portent le même mot
au même endroit, mais ces deux mots sont syriaques et
prouvent donc, puisque l'arabe les a conservés, qu'il pro-
vient du syriaque (ou de B ou du prototype de B et C). En
1. Nous ne savons pas encore si les fables ésopiques emprunlées à
Al.iikar dérivent du roman conservé ou d'une rédaction perdue de
l'iiisloire ou de la légende. C'est une question de date. Si elles ne
sont pas antérieures an troisii-nie siècle avant notre ère, il est plus
simple d admettre qu'elles proviennent du roman conservé et traduit
ci-dessous.
34
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR L ASSYIUEN
particulier le mot fa ho (p. 64) se trouve ailleurs et dans 5
et dans le sijj-iaque C, comme M. R. S. l'a rappelé et com-
menté longuement aux pages 80-82.
Pour se convaincre que B représente, malgré ses altéra-
tions et ses lacunes, un texte de première importance,
source — au moins partielle — de l'arabe et de l'arménien,
il suffit d'en relire la première page où l'on trouvera le
style direct (tandis que l'arabe a résumé ce commencement
en style indirect) et les deux invocations d'abord aux ido-
les puis au vrai Dieu (tandis que le syriaque L et C n'a con-
servé que l'invocation au vrai Dieu et que l'arménien n'a
conservé que l'invocation aux idoles, en supprimant la
seconde par une sorte de faute d'homoiotéleutie, pour arri-
ver plus vite aux maximes). Ou remarquera aussi les mots
grecs et chaldéens conservés par i? (dès le commencement,
I, 1, ï~i-^z~zç, où l'arabe porte : vizir). C'est encore ce ma-
nuscrit B qui nous a conservé le nom de Sarhédom dans la
plupart des passages où tous les autres manuscrits ont intro-
duit à tort Seiinachérib. 11 a conservé aussi la forme Na-
bousemak, défigurée partout ailleurs.
De plus, le transcripteur du manuscrit B a transcrit,
sans intelligence aucune^ les titres de la plupart des cha-
pitres sans les séparer du texte. 11 n'est donc certainement
pas un traducteur. 11 est même vraisemblable que cette
confusion remonte plus haut. Nous tenons donc, avec
M. R. S., qu'il y a eu plusieurs rédactions syriaques du
livre d'Ahikar comme il y a plusieurs rédactions grecques
du livre de Tobie, mais nous ajoutons que B n'est pas une
traduction d'un texte arabe provenant du syriaque et
même qu'il représente, plus fidèlement que 6", L ^, ou le proto-
1. M. R. S. écrit (p. 104): « Le manuscrit édile par M. Rendel Har-
ris (6') est récent, et son texte, comme le montrent les autres traduc-
tions, est sûrement de nature secondaire. En bien des endroits il a
été retouclié par une main clirétienne. »
AI.IIKAn DANS DÉMOCniTE 35
type des versions syriaques ou même l'original araméen.
Une étude de tous les manuscrits syriaques permettrait
peut-être de les classer et de fixer définitivement la place
que doivent occuper B, C, L.
II. Ahikar dans Démocrite, Ménandre et l'ancienne
littérature grecque.
Dans les Stromates, i, 15, Clément d'Alexandrie veut
montrer que la philosophie grecque est puisée en grande
partie dans la philosophie des barbares : « Pythagore eut
pour maître Souchis, le premier des sages égyptiens ; Pla-
ton, Sechnuphis d'Héliopolis ; et Eudoxe de Cnide, Chonu-
phis également Egyptien...
« Les ouvrages moraux composés par Démocrite provien-
nent des Babyloniens, car on raconte qiiil inséra dans ses
propres écrits la traduction de la stèle d'Acicar en écrivant
en tête : Voici ce que dit Démocrite. — Voici ce qu'il
écrit sur son compte ^ : Je suis de tous mes contemporains
celui qui a parcouru le plus de pays, qui a scruté les points
les plus éloignés, qui a vu le jdIus de températures et de
contrées diverses, et qui a entendu le plus d'hommes ins-
truits. Personne ne m'a surpassé en connaissances géomé-
triques ou pour résoudre les problèmes, pas même ceux
que les Egyptiens nomment Arpédonaptes. J'ai passé qua-
tre-vingts ans avec eux tous sur la terre étrangère. — En
effet il parcourut la Babylonic, la Perse et l'Egypte et se fit
le disciple des mages et des prêtres ^. »
1. Voici ce passage capital : Ar,iJ,ô/p!To; yàp tov; Ba6v;).<>)vto'j; Xô-o-^;
r)6iy.où; TtETTOtTitat . AsycTai yàp tT|V 'Ay.f/.ipoy a-r^'/.Y^'j Ép[xr|V£'j6£Ïc-av, toï;
îSt'oiç «TUVTaÇat a\tyyçiâ.\i.\j.0L(7i. Kaaxtv ÈTî'.cr.nriVaaGai Ttap' a'dTOvJ* "ries /.i";£t
ArifiôxptToç, YpâçovTo;. Nal (iï-,v v.cà Tiepl a-jTO-j r, <7£|ivuvd(JLEvo'; çr,o-i ttov â^i
TV) Tto).-j[j.aOta. Patr. grseca, t. vin, col, 772-773.
2. Les lémoignages des anciens auteurs qui constatent les voyages
(le Démocrite, en particulier ou Asie et en Babylonie, sont recueillis
36 HISTOIRE ET SAGESSE d'aiIIKAII l'aSSYRIEN
Ce passage de Clément d'Alexandrie est encore repro-
duit textuellement par Eusèbe [Prep. ev., x, 4) * ; il prouve
que Clément, mort en 217, connaissait, ou par lui-même, ou
peut-être par tradition, l'existence des sentences d'Ahikar.
Il importe encore de faire remarquer combien Clément est
exactement informé lorsqu'il écrit que Démocrite a traduit
la stèle d'Acicar, car telle était en effet la manière d'écrire
des Babyloniens, sur véritables stèles de pierre ou sur des
tablettes de briques -.
Le texte de Clément d'Alexandrie avait toujours été une
énigme pour les critiques 2, quand, par un heureux échan-
ge, ladécouverte de ï Histoire (T Ahikar est venue l'expliquer,
tandis que ce passage, de son côté, nous renseignait sur
l'antiquité et l'importance des maximes d'Ahikar.
Il s'ensuit, en effet, que Démocrite a trouvé ces sentences
en Babylonie et les a introduites en Grèce. Nous sommes
donc reportés au temps de ce philosophe "*, c'est-à-dire au
V* siècle avant notre ère.
daus l'édiliou Didot : Fragments des philosophes, t. i, Paris, 1875,
p. 332 ; ils sont rapportés et discutés par V. len Brink, Democriti
de se ipso testimonia, dans Philologus, t. vu (1852), Gœltiugue,
p. 354-359.
1. Kal Av)[;.6y.piT0; Zï ïxi TrpÔTEpov toÙ; BaêyXwvt'oy; ).ôyoy; r)6iy.où; ttetto-
ifjaÔat )v£Y£Tai. On a proposé ici et plus haut, de remplacer f,6i/.oùc par
W.Q-jc,. Migne, Pair, grseca, t. xxi, col. 785.
2. Manéthon raconte aussi (d'après Eusèbe) qu'il a réuni les niaté-
l'iaux de son histoire ïv. -rwv èv tïj SriptaSix-fj y/i y.ii]i.i-iuiv arr^'ku)'/, « des
stèles du pays de Sardes .» Patr. grxca, t. viii, col. 773.
3. On avait rapproché Acicarits d'Acoris ou Acenchérés, roi
d'Egypte, et cela à tort puisque Ahikar était babylonien ; on avait aussi
voulu faire de c la stèle d'Ahikar» un nom commun : Bochard invo-
quait : 'Aiuoiid ha 'aqrîiu. columna reriim fondamentalium ; on
proposait aussi : 'Amoud hahaqar, columna exploratoris, et Mé-
nage écrivait : Qui qualisse fuerit Acicharus dicere, non nostriim
est, sed aruspicis. Cité daus Patr. Grœca, t. vin, col. 772, note 96.
\. Né vers 400 ou 49G. Eabricius, Bil>l. grœca, Hambourg, 1791,
t. II, p. 628-629.
AHIKAR DANS DÉMOCRITE 37
Comme supplément d'informations, nous pouvons ajouter
qu'il existait certainement en Babylonie des recueils de
maximes, au moins dès le vu® siècle avant notre ère *. Dans
ses Textes religieux assyriens et babyloniens^ Paris, 1903,
M. l'abbé François Martin a traduit les textes suivants :
P. 171, ligne C)Q : Le bienfait de la faveur des dieux,
recherche constamment.
P. 171, ligne 70 : Il marche dans le chemin du bonheur
celui qui ne cherche pas la discorde (cf. Ahikar, m, 73,85).
P. 173, ligne 75 : Dieu est l'auteur de l'infortune comme
de la prospérité.
P. 183, ligne 195 : Toi qui ne cherches pas la volonté de
Dieu, qu'est ta sincérité?
P. 185, ligne 224 : Ils abaissent le malheureux qui n'avait
pas commis de faute.
P. 185, ligne 225 : Ils prennent soin du méchant qui son
crime...
P. 185, ligne 226 : Ils chassent le juste qui cherche la
volonté de Dieu.
P. 185, ligne 230 : le faible, ils l'écrasent, ils anéantis-
sent l'homme sans force.
La tablette cunéiforme reproduite à la planche 29 du fas-
cicule 13 des Cuneiform Te.its froni Babylonian Tablets in
the British Muséum était un recueil de préceptes moraux.
Il n'en reste malheureusement que des fragments, mais il
semble bien que leur auteur donnait, dans un passage, des
conseils identiques à ceux d'Ahikar sur la nécessité d'é-
viter les querelles. Cf. m, 11, 14, 73, 83, 86. Ainsi on lit
encore, d'après la traduction que nous fournit M. François
Martin :
Ligne 10 : Au lieu de la querelle (ou : de la lutte)... ne
te...
1. Ces recueils nous ont été gracieusement signalés cl Iraduils par
M. l'abbé François Martin.
38 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR l'aSSYRIEN
Ligne 11 : Dans la querelle...
Ligne 12 : Et toi devant [le ju]ge (?) tu seras...
Ligne 13 : Pour ne pas te rendre justice, il...
Macmillan a retrouvé un autre fragment de ce recueil de
préceptes moraux, Some cuneiform Tablets, Leipzig, 1906,
p. 557 sq. Ce qui en reste débute ainsi :
Ligne 4 : Ne calomnie pas, parle avec amabilité. Cf. m,
48, 57.
Ligne 5 : Ne dis pas de mal, prononce des choses bon-
nes. Cf. m, 47.
Ligne 6 : Celui qui calomnie, qui dit du mal (ligne 7), sa
tête attendra les... du dieu Chamash ^.
Ligne 8-: N'élargis pas ta bouche, garde tes lèvres. Cf.
m, 3, 5, 41, 71.
Ligne 9 : Au moment de ta colère, ne parle pas du tout ^.
Cf. m, 43.
Ligne 10 : Si tu parles soudainement, ensuite tu te repen -
tiras (?), (ligne 11) et dans la conclusion de tes paroles
tu contristeras ton cœur. Cf. m, 2.
' Ligne 25 : Avec l'ami et le compagnon ne parle pas...
Ligne 26 : Des choses basses ne dis pas, des choses
bonnes [dis]. Cf. m, 71, 72.
Le reste de la tablette contient, en partie, des conseils
de religion et de piété.
Tous ces textes proviennent de la bibliothèque d'Assur-
banipal (roi de 668 à 626), fils de Sarhédom, et remontent
donc au moins au commencement du vu® siècle, c'est-à-dire
à l'époque où se place Ahikar.
Mais nous pouvons encore aller plus loin. Non seulement
il est possible que Démocrite ait trouvé des sentences
morales en Babylonie, mais il semble même qu'il y a effec-
1. Cette ligne indique le châtiment qvii attend le calomniateur. Le
tena précis en est incertain.
2. Ou peut-être : « ne jjarle même pas seul. >
AHIKAR DANS DEMOCRITE
39
tivement trouvé celles d'Ahikar, comme le dit Clément
d'Alexandrie, car les quelques maximes conservées sous
son nom ont plusieurs points communs avec celles-ci.
Nous reconnaissons que les points de contact ne sont ni
aussi nombreux ni aussi frappants que nous pourrions le
désirer, mais il ne faut pas oublier qu'il nous reste très peu
de maximes de Démocrite et que les quelques-unes qui
nous restent ne forment pas un ouvrage, mais des bribes
insérées par Stobée, près de huit cents ans après la mort
de Démocrite, au milieu des sentences de bien d'autres
philosophes. Il ne faut pas oublier non plus qu'Ahikar ne
nous est connu qu'à travers plusieurs traductions et que le
plus ancien manuscrit semble être du xiii® siècle (ms. L).
En somme, pour comparer entre eux Démocrite et Ahikar,
auteurs du v® et du vii® siècle avant notre ère, nous en som-
mes réduits à glaner dans les ouvrages de Stobée, qui
écrivait entre 450 et 500 de notre ère, et à comparer les
fragments trouvés à des rédactions modernes de la version
syriaque qui peut elle-même ne pas procéder directement
de l'écrit oriffinald' Ahikar. Dans des conditions aussi défavo-
râbles, les simples analogies que nous allons relever devien-
nent de précieuses indications et corroborent de manière
assez frappante l'assertion de Clément d'Alexandrie '^ :
Ahikar DÉMOcr»iTE
m, 49. Ne laisse pas ton C'est œuvre de prudence
1. Nous avous Irauscrit et li-iuluit les textes de Démocrite sur l'é-
dition Didot. Fragments des philosophes, t. i, Paris, 1875. Nous les
avions relevés auparavant sur l'ancienne édition de Stobée: Sententix
delectXy Aureli.'c AUobrogum (Genève), 1609, in-fol. Cette édition,
d'après Micliaud (Biographie universelle, article Stobée), est la seule
qui contienne à la fois les Eclogse et le Florilegium, elle est identique
à l'édition de l-iyon, 1608, le titre seul est changé. Nous donnons
seulement la traduction en ajoutant les renvois ; 1» à l'ancienne édition
et 2» k l'édition Didot.
40
HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAFI l'aSSYRIEN
prochain te marcher sur le
pied, de crainte qu'il ne te
marche sur la tête.
52. Ne blesse pas VJioni-
me puissant... 73. Ne l'élève
pas dans ton j ugement contre
les hommes illustres et qui
l'emportent en grandeur et
en puissance... 77. Ne des-
cends pas an jardin desy«-
ges 3.
41. N'allonge pas tes paro-
les... des paioles de sottise
et de folie.
59. Mon fils, enseigne à
ton enfant la faim et la soif,
pour qu'il dirige sa maison
selon ce qu'il a vu.
de se protéger contre l'in-
justice à venir ^.
Il convient de céder à la
loi, au chef et au plus sage '^.
47. Juge Vin jugement droit
dans ta jeunesse, afin que tu
sois honoré dans ta vieillesse.
69. Le vêtement de laine
que tu portes est préférable
11 faut éviter de parler des
mauvaises actions "*.
Il convient de ne pas dé-
penser beaucoup (pour éle-
ver les enfants) afin que cette
éducation protège, comme le
ferait un mur, leurs biens et
leurs corps ^... La modéra-
tion du père est la meilleure
éducation des enfants ^.
La splendeur de la justice
confère la confiance de l'es-
prit et l'assurance "^ .
Sage est celui qui ne s'af-
flige pas des biens qu'il n'a
1. Slobée, Senuo m, p. 40; Fragments des philosophes, p. 3Û2.
u. 201.
2. V, p. 65 ; Fragments, p. 352, n. 189.
3. Cf. 82-83.
4. V, p. 65 ; Fragments, p. 3'i6, n. 97.
5. Lxxxxi, p. 475 ; Fragments^ p. 379, n. 5.
6. V, p. 66 ; Fragments, p. 345, n. 72.
7. VII, p. 88 ; Fragments, p. 347, n. 111.
AI.IIKAn DANS DÉMOCniTE 41
au J)vssus et à la soie des pas, mais se réjouit de ceux
autres. qu'il a ^
85. Mon fils, ne demeure Toute dispute est insen-
pas près des gens querel- sée -.
leurs.
83. N'entre pas en juge- Il meurt avec mauvaise
ment avec un homme au jour renommée, celui qui se me-
de sa puissance. sure avec son supérieur ■*•.
89. Mon fils, celui qui Ceux qui ont une tour-
brille par son vêtement brille nure décente, ont aussi de la
aussi par son langage. décence dans leur vie *.
26. La beautéde la femme Peu parler est un orne-
c'est son bon sens, et sa pa- mont pour la femme^ la sim-
rurc c'est la parole de sa plicilé dans la parure lui
bouche. sied aussi ^.
08. Un passereau que tu Le bien réalisé vautmieux
tiens dans ta main vaut mieux que le bien futur qui est
que cent qui volent dans l'air, incertain ^.
On trouvera dans les notes de notre traduction d'autres
analogies (cf. m, 5, 11% 10, 32,49, 01, 05, 80, xxxiii, 114,
Append., I, 141, 147*); celles-là suffisent pour montrer que
Démocrife a cultivé le même genre qu'Ahikar et pour con-
firmer le témoignage apporté, trois cents ans avant Sto-
bée, par Clément d'Alexandrie.
Plus nombreuses encore sont les analoffies entre les sen-
tences d'Ahikar et celles de Ménandte. Celles ci nous sont
conservées sous une double forme : 1** par des fragments
1. XVII, p. 157 ; Fragments, p. 342, n. 29.
2. XX, p. 174 ; Fragments, p. 3'j9, u. 147.
3. xxii. p. 189; Fragments, p. 352, n. 190.
4. xxxvii, p. 220 ; Fragments, p. 343, n. 45.
5. i.xxii, p. 441 ; Fragments, p. 351, u. 176.
6. cvi, p. 586. Tô teXeiov ojv àyaOôv to-j (j.£).Xov:o;, et xal à6r|Xoy, xpèu-
(Tov. Nous transcrivons celle maxime parce que nous ne l'avons pas
encore retrouvée dans l'édition Didot.
42
HISTOIUE ET SAGESSE D AHIKAn L ASSYRIEN
grecs édités en particulier chez F. Didot, Paris, 1862,
Aristophanis Comœdix, accédant Menandri et Philemonis
fragmenta. Nous n'aurons à renvoyer qu'aux sentences en
un vers (rvw[xai [^.ovsjTr/ii), p. 90-103 *. Nous indiquons le
numéro de la sentence. Cf. infra, Append. I.
2° Par un petit écrit syriaque conservé dans le manus-
crit du British Muséum add. 1^658, du vu* siècle, fol. 163
v-167 v. Ce fragment, qui commence par : « JMénandre
a dit, » a été publié et traduit en latin par J. P. N. Land,
Anecdota si/riaca, t. i, Leyde, 1862, p. 156-164 ^. Il est à
remarquer que les fragments grecs correspondent surtout
à la version grecque des sentences d'Ahikar et que le
fragment syriaque de Ménandre correspond plutôt à la
version syriaque.
En voici quelques exemples :
Ahikar Ménandre
142'^. Au dehors, nous 46. Nous sommes tous sa-
sommes tous sages, nous ges lorsque nous donnons
donnons des conseils aux au - des conseils, lorsque nous
très, nous ne savons pas péchons nous-mêmes, nous
nous conduire nous-mêmes, ne le reconnaissons pas.
142c. Puisque tu es hom- 8. Puisque tu es homme,
me, souviens-toi que tu es souviens-toi du commun
sujet aux fautes humaines. destin,
143^. Puisque tu es hom- 1. Puisque tu es homme, il
1. Les fragments de Ménandre récemment découverts et édités par
M. Gustave Lefebvre, Le Caire, 1907, ne comprennent qu'environ
douze cents vers des Comédies et n'ont donc aucun rapport avec les
maximes d'Ahikar.
2. Il est attribué par Frankenberg à un Juif de Palestine vivant sous
la domination romaine. Le syriaque serait une traduction de l'hé-
breu : Zeitschrift filr d. alttest. Wiss., t. xv (1895), p. 226-277. Ici,
comme en bien d'autres endroits, nous ne croyons pas que la criti-
que interne puisse conduire à un résultat définitif.
AHIKAR DANS MÉNANDRE 43
me, songe aux choses humai- te faut songer aux choses
nés ; car Dieu punit les humaines. 14. La divinité
injustes. contluitles méchants à la pu-
nition.
143*^. Supporte les mau- 13. Un homme doit sup-
vais succès avec un esprit porter courageusement ce
généreux. qui lui arrive.
151*. Ne confie jamais à 355. Ne prends jamais les
ta femme des secrets impor- femmes pour confidentes,
tants. 361. Ne communique jamais
à (ta) femme quelque chose
d'utile.
151^. Toujours ta femme 129. La femme devient le
épie l'occasion de te domi- tyran du mari qui l'épou&e,
ner. 130, car les femmes sont ex-
pertes à trouver des ruses.
Mô*^. L'homme mauvais, 19. L'homme mauvais est
quand même il prospérerait, malheureux, quand même il
n'en est [»as moins malheu- prospérerait,
reux.
147. Sache rester maître 80. Tâche surtout de tenir
de ta langue. toujours ta langue.
157*. Sois hospitalier pour 400. Hospitalise les étran-
les étrangers et les voya- gers, (car) toi aussi tu seras
geurs, afin, lorsque tu voya- peut-être étranger (si tu
géras, qu'il s'en trouve pour voyages dans un autre pays).
te recevoir.
157*^. Celui-là est vraiment 357. Bienheureux celui
bienheureux qui possède un qui possède un excellent ami .
véritable ami.
157®. Il n'y a rien de si 459. Dévoilant tout^ le
caché que le temps enfin ne temps porte (tout) à la lu-
porte à la lumière. mière.
III, 74. Mon fils, ne t'élève Land, p. 157, lign. 27-
44 HISTOIRE ET SAGESSE d'ai.IIKAR l'aSSYIIIEN
p:is contre celui qui est plus 28. Ne dispute pas et ne lève
•Àg-é que toi. pas la main contre celui qui
est plus âgé que toi.
III, 79. Mon fils, ne te P. 158, lign. 20-24. Quand
réjouis pas sur ton ennemi un homme meurt, ne te ré-
quand il meurt. — App. I, jouis pas de ce qu'il meurt...
I'i5. Souhaite à tes ennemis Si c'est Ion ennemi, ne prie
d'être malades et pauvres... pas pour qu'il meure, mais
prie pour qu'il devienne
pauvre,.,
m, 73... Ilàte-toi de fuir Land, p. 158, lign. 28-31.
l'endroit où il y a dispute... Ne passe pas par l'endroitoù
Si tu te trouves en ce lieu et il v a dispute, de crainte, si
(jue tu y demeures, ou bien tuy passes, qu'ilnet'enarrive
lu seras tué, ou bien ils mal : si tu prends parti, tu
t'appelleront comme témoin, seras battu et tes vêtements
Cf. 85-86. seront souillés et, si tu t'ar-
rêtes pour regarder, tu seras
appelé en justice pour té-
moigner.
m, 64. Un bon renom Land, p. 163, lign. 1.5-16.
l'emporte sur la richesse du La vie et les biens peuvent
monde... être aimés, mais la bonne
renommée est préférable,
m, 79^^. Mon fils, lorsque Land, p. 156, Hgn. 7-8.
tu verras un homme plus âgé Honore celui qui est plus
que toi, lève-loi devant lui. âgé que toi.
m, 9. Mon fils, ne pèche Land, p. 160, lign. 23-25.
pas avec la femme de ton Prends bien garde, de même
prochain, de crainte que que tu ne veux pas que ta
d'autres ne pèchent avec ta femme pèche avec un autre,
femme. de ne pas pécher toi-même
avec la femme d'autrui.
m, 52... Ne blesse pas Land, p. 162, lign. 11. Ne
AHIKAI5 DANS MKXANDUE 45
rhommc puissant... Cf. 715, combats pas avec celui qui
83. est plus fort que toi.
III, 87. Si tu veux être Laïul, p. 160, lign. 25.
sage, refuse la main au vol. Si tu ne veux pas périr, ne
cherche pas à voler.
m, 55. Celui dont la main Land, p. 103, lign. 30.
est pleine est appelé sage et L'opulence est proche de
honorable. riionncur.
m, 08. Un ret)ard vivant Land, p. 102, lign. 35. Un
vaut mieux qu'un lion mort, jour sous le soleil l'cmpnrto
sur cent années passées dans
l'enfer.
III, 41. N'allonge pas les Land, p. 101, lign. 27-28.
paroles devant ton seigneur, Il n'est rien de plus beau
des paroles de sottise et de que le silence. La tacitur-
folie, (et) tu ne seras pas blà- nité est toujours belle. Si le
mable à ses yeux. fol lui-même se tait, il pas-
sera pour sage.
m, 37. Ne réduis pas tes Land, p. 101, Hgn. 19.
enfants h la misère. Protèifc ton fils coutre la
III, 13. Verse ton vin sur misère,
les tombeaux des justes et Land, p. 162, lign. 5. Nft
ne le bois pas avec les im- mange pas avec l'homme
pics (ms. C). malhonnête.
III, 11. Incline la tète et Land, 100, lign. 27. Ne
regarde en bas... Ne sois pas magnifie pas ta démarche de
impudent et ([uerelleur. crainte qu'il ne t'en arrive
du mal.
Append. II, 180. Ce qui te Land, p. 100, lign. 20.
paraît mauvais, tu ne dois pas Tout ce qui t'est odieux, ne
le faire à Ion prochain. le fais pas à ton prochain.
Ces ressemblances ne paraîtront pas fortuites si l'on veut
bien constater qu'on n'en trouvera aucune avec les senten-
ces d'autres moralistes, par exemple avec celles de Philé-
46 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR l'asSYRIEX
mon qui suivent celles de Ménandre dans l'édition Didot
(p. 107-132) et que, pour Ménandre lui-même, les parallé-
lismes sont limités aux sentences en un vers (p. 90-100),
c.ir on n'en trouve pas dans les autres fragments du même
auteur (p. 1-89).
Si les parallélismes s'étaient trouvés limités à la version
gtec(jue d Ahîkar et aux sentences grecques en un vers de
Ménandre, on admettrait volontiers que l'auteur de la ver-
sion grecque a remplacé les maximes d'Ahikar par celles de
Ménandre qu'il trouvait plus belles, mais la concordance
de cert fines maximes des deux versions syriaques d'Ahikar
et de Ménandre montie que la cause doit être recherchée
plus hiiut. Le plus simple est d'admettre que Ménandre a
utilisé les écrits de Démocrite c'est-à-dire, à travers lui,
ceux d'Ahikar, et que l'auteur de la version grecque d'Ahi-
kar a pu de son côté prendre Ménandre pour modèle.
Vers la fin du second siècle de notre ère, Diogène Laerce
nous apprend, v, 30, que Théophraste (né en 371 avant
notre ère, mort en 264) a composé un ouvrage intitulé 'Axî-
yapîr. Faute d'autres détails, ce témoignage a peu d'im-
poi tance pour notre thèse, il montre seulement que ce nom
d'Ahikar devait être assez familier aux anciens auteurs
grecs.
Plus important est le témoignage de Strabon (né vers 60
iiv.int notre ère) *. Dans la description de la Judée, il cher-
che à qui il pourrait comparer Moïse et énumère donc les
sages des divers pays. Il écrit :
« Les devins (sages) étaient honorés, au point qu'on les
jugeait dignes de la royauté comme s'ils nous apportaient,
et dutant leur vie et après leur mort, les ordres et les aver-
I. XVI, II, 39, éd. Meinckc, Leipzig (Teubner),, 1898, p. 1063;
Od. Didot, Paris, 1853, p. 6'»8-649.
AI.IIKAR DANS STRABON 47
tissements divins; comme Tirc-sias... Orphée et Musée...
chez les Bosporéniens Achaïcaros, chez les Hindous les
frymnosophisles, chez les Perses les Mages, chez les Assy-
riens les Chaldéens. Tel était aussi Moïse et ceux qui le
suivirent ^. »
I.c mot « Bosporéniens » est assez inattendu, aussi
M. Théodore Reinach ^ a proposé de le remplacer par
« Borsippéniens » '^, ce qui nous reporte à Borsippa 'eu
Bahylonie. De plus ce nom a l'avantage de figurer dans
Strahon en un autre endroit* et d'y désigner piécisément
un groupe de sages (de Chaldéens), ce qui conviendrait très
hien à l'idée que nous nous faisons d'Ahikar :
« Dans Babylone, une demeure particulière est réservée
aux philosophes du pays qui s'adonnent surtout à l'astro-
nomie et cjui sont appelés Chaldéens.
« ... Il y a plusieurs écoles parmi les Chaldéens astrono-
mes, car les uns sont nommés Orchéniens et les autres
Borsippéniens ^. »
Si donc on admet cette correction : « Borsippéniens »
au lieu de « Bosporéniens », il s'ensuit que, d'après
1. Oî |j.ivTci; £xi[j.à)VTO, wCTTc xal pa(T(),£t'a; à^ioCaSai, w; Ta Tiapà twv Oîûv
T|[j.ïv iy.sïpovts; 7iapaY7£X[;.aTa y.yX âTravopOwjxara xal Z,ûyi~zç v.al àTroOavôvTS?,
xaÔdtTicp xal ô Teipeataî... xali 'Opçeùç xal ô Mo-Jffaïoî... uapà ôs -roï; I5o<t-
7topr|VO[;'Ay_ai'xapo?, Tiapà lï toi; 'IvSotç o£ yj|jivoaoçta-Tai, Ttapà Sh toÏç IIsp-
(latî ûl Mâyoï... Tiapà Sk totç 'Aaa-jpîot; ot Xa/.oaîot... Toto-jxoç 6s tt; r,'/ xal
ô Mwjt,; xal oî c(aSe|à[A£vot àxEÏvov.
2. Revue des études juives^ t. xxxvni, 1899, p. 1-13.
O. M. llalévy {Revue sémitique, 1900, page 44) propose — .sous
toute réserve d'ailleurs — de lire « Boslronien » et de revenir ainsi
à Boslra, en Syrie, mais ce nom semble inconnu à Sirabon, 11 se trouve
dans Etienne de Byzance aussi bien que Borsippa.
4. XVII, I, 6 ; éd. Didot,Paris, 1853, p. 629 ; éd. Mcinckc, p. 1030.
5. 'Aço'jp'.T-o 5'iv T?, BaêuXwvi'a xaTOtxta toïç âTttywpîoii; çtXoaôçot; toï; XaX-
ôas'oiî Trpo<TaYop£uo[j.£votç, ol nspl àffTpovoixi'av eîcrl tô Tt^éov £(Tti ce xal twv
Xa/,5a;(ov toIv àffTpovo(j.tx(i)v yîvv) 7t),£iw xal Y*P 'Op^ï^vot tiv£; TtpoaayopE-j-
o/Ta'. xal Bop^tTiTirjVoi xal aXXoi ttXecouç.
48
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR L ASSYRIEN
Sirabon, Ahikar était célèbre parmi les sages de lu Baby-
lonie; c'est un précieux témoignage, tiré sans doute de
Poseidonios (ii" siècle avant notre ère), qui vient té-
moigner de la renommée d'Ahikar.
Si Ton n'admet pas cette correction, il ne s'ensuit pas
qiie l'on doive renoncer à voir notre Ahikar dans le texte
de Strabon, car ses « Bosporéniens » ne sont pas les rive-
rains du Bosphore de Thrace, mais des peuplades qui habi-
taient à l'est de la Crimée et de la mer Noire, partie en
Europe et partie en Asie'^. Nous sommes donc ramenés au
nord de l'Arménie et il est fort possible que la renommée
d'Ahikar soit parvenue par cette voie jusqu'à Poseidonios
et Strabon ^.
Origène mentionne Achiacar, ma s il est difficile de
décider s'il le mentionne d'après le seul livre de Tobie, ou
d'après la présente histoire (cf. éd. de Cambridge, p. xliv).
On peut enfin se demander si ce nom sous la forme AcI-
car, n'est pas parvenu de bonne heure en Occident, car
sur l'ancienne mosaïque de Monnus, à Trêves, se trouve
un homme assis, tenant un rouleau écrit, où M. Stude-
mund a lu le nom [Acjicar(us), Archâol. lahrb., t. v
(1890), p. 4 sq. ; cf. Pauly et Wissowa, Encycl. der class.
AUerlnniwiss.^ t. i, Stuttgart, 1894.
1. Sirabon, XI, ii, 10, éd. Didot, p. 424.
2. Flavius Josèphe [De bello judaico, II, xvi, 4, éd. Didot, Paris
1865), fait dire à Agrippa: Te ôsï )iy£iv 'IIvî^xo-j; tî xat KôX/_o-j; xal
TÔ Tôiv Taûpwv tpyXov, Boo-Tcopavoûç te xal zx Trspiotxa to-j IIôvto-j /.al 7Î\;
MatwTtôo; b'Gvr,. Les Bosporéniens sont doue, pour lui aussi, encadrés
parmi les peuples qui vivent vers l'est de la mer Noire, vers le Cau-
case, aux confins de l'Europe et de l'Asie.
AHIKAI? ET L ANCIEN TESTAMENT 49
IH. Ahikar et l'Ancien Testament.
A). LIVRE DE TOBIE.
1" DÉPEyDAXCE HISTORIQUE. — La Vulgate mentionne à
peine Ahikar ^. Après avoir raconté le retour du fils de
Tobio, elle ajoute, xi, 20 : « Achior 2 (Ahikar) et Nabath,
cousins de Tobie, vinrent trouver Tobie avec joie et le
(elicitèrent de tous les bienfaits de Dieu à son égard "^. »
Par contre les textes grecs sont plus explicites. On sait
qu'il existe plusieurs rédactions du livre de Tobie. Celle
du Codex Sinaiticus est plus développée que celle du Vati-
canus et ces manuscrits sont tous deux d'une belle anti-
quité, car on les fait remonter au iv'' siècle. Nous avons
reproduit ces deux rédactions dans la Sainte Bible pohj-
glolte de M. Vigouroux et en avons ajouté une troisième
aux variantes d'après le manuscrit de Paris, supplément
grec^ «" C)(){)^ complété par les manuscrits auxquels Holmes
a donné les numéros 44, iOi), 101, car — au moins pour le
livre de Tobie — ces quatre manuscrits représentent la
môme rédaction.
11 existe aussi trois anciennes versions latines du livre
1. Saint JcTÔrne nous apprend qu'il a Iraduit le livre de Tobie eu
un jour sur un texte chaldéen. Un interprèle lui traduisait le clialdéen
en hébreu et saint Jérôme dictait aussitôt la traduction latine à un
scribe : U/iiiis diei lahorein arripui, et quidquid ille mihi hebraicis
vei bis expressil, hoc ego accito notaiio sermonibus latinis cxposiii
Préface.
2. ISous avons dit {supra, page 7, note '2) que le syriaque porte aussi
Achior et que M. Meissner en a conclu que le chaldéen de saint Jé-
rôme était peut-être le syriaque.
3. Deux versions hébraïques omettent tout ce qui concerne Aliikar
et Nadan (même le passage conservé par la Vulgate) ; cf. D' M. Gas-
ter, Tivo unknown Ilebrew versions of tlie Tobit legend, dans les Pro-
ceedings of the Society ofhiblicai Archœology, t. xviii, 189(i, p. 208-
222, 259-271 ; t. xix, 1897, p. 27-38.
50 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKÀR l'aSSYRIEN
deTobie ^, qui diffèrent notablement entre elles. Nous allons
reproduire la Vêtus Itala telle qu'elle a été éditée par Saba-
tier 2, et traduire les textes du Vaticanus et du Sinaiticus.
On trouvera les textes de ces deux manuscrits dans l'édi-
tion de Cambridge, p. xxviii-xxix, ou dans la Sainte Bible
polyglotte de M. Vigouroux.
PREMIER PASSAGE, I, 21-22.
SITUATIOX D'AHIKAR SA PARENTÉ AVEC TOBIË
SixAiTicus Vaticaxus Vetus Itala
Sacherdonos ^, Sacherdonos, son Et regnavit post
sonfils (fils de Sen- fils, régna h sa pla- eum (post Senna-
nachérib), régna ce et il établit cherim) Archedo-
après lui et il établit Achiacharos, fils nassar, filius ejus,
Acheicharos "*, fils d"Anaël,filsde mon pro illo. Et consti-
d'Anaëljfilsdemon frère, sur tous les tuit Achicarum ,
frère ^, sur tous les comptes de son filium fratris mei
1. A savoii- : 1° celle qui a été publiée par P. Sabatier, Bihliorum
sacrorinn lalinse versiones antiqux,'à in-fol., Reims, t. i, 1743 ; 20 06116
qu'a éditée Bianchini, Vindicix canonicarum Scripturarum, in-fol.,
Rome, 1740; 3" celle dont Maï a publié des fragments, Spicilegium
romanum^ iu-8, Rome, t. ix, 1843.
2. Voir la note pi-écédento.
3. Asarhaddon (681-668), fils de Sennachérib (705-681). La forme
SapysSciv que l'on trouve ailleurs est la meilleure, fille est la ti-ans-
criplion exacte de l'assyrien Aêur-ah-iddin. On a ajouté ici la lermi-
uaison grecque oç.
4. Ou trouve les variantes 'Ayîiâyapoç, 'Ayti/apo?, 'A/£t'-/.apo;, 'A-
ytiv.ip, 'A/i'xapo;, 'Aytayàp (suppl. grec 609). Toutes ces formes déri-
vent de Achikar (Ahikar, Alù-iaqar)par 1 adjonction delà terminaison
grecque oç et par quelques modifications internes. Cf. supra, p. 7.
5. Le ms. suppl. 609 porte : 'Aycaxàp xbv yibv 'Avxavi), tov àS. [ao-j.
L'hébreu de Munster porte « Akikar, fils d'Hauanéel », et l'hébreu de
AIIIKAH ET L ANCIEN TESTAMENT 51
comptes de son royaume et sur Annanihel, super
royaume et il eut toute l'administra- omnem curam re-
pouvoir sur toute tion. gni ; et ipse habe-
l'administration. bat potestatem su-
per omnem regio-
nem.
Alors Acheicha- Et Achiacharos Tune petiit Achi-
ros intercéda pour intercédapour moi cariis regem pro
moi et j'allai à Ni- et j'allai à Ninive. me , erat enim
nive, car Achei- Or Achiacharos consobrinusmeus;
cliaros était grand était échanson et et descendi in Ni-
échanson et garde garde du sceau nive in domum
du sceau royal et royal et intendant meam, et reddita
intendantet maître etmaîtredes comp- est niihi uxor mea
des comptes de tes, et Sacherdo- Anna et filius meus
Sennachérim, roi nos l'établit en Thobias,
des Assyriens, et second lieu (dans
Sacherdonos l'éta- cet emploi) ^, et il
blit en second lieu était mon neveu,
dans le même em-
ploi. Oril était mon
neveu et de ma
parenté.
Fagius « Aaron, lils d'Hananéel ». D'ailleurs ce texte hébreu édile
par Fagius remplace l'Élymaïde par l'Alamanîyâ (Allcmague) et ne
peut donc servir d'autorité pour la forme des uoms propres. Cf.
Polyglotte de Wallon.
1. Ou traduit plus souvent : « et Sacherdonos lui donna la seconde
place du royaume. » Quelques manuscrits grecs portent explicitement
cette leçon (Ss-jTspo; xoû Pa^rdétoç) ; S et F prêtent un peu h ambiguïté
(è/t ôîUTÉpa;). Nous traduisons comme s'il y avait i/. ovjzipo-j ou xô csû
T£OOV.
52 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIIvAH l'aSSYRIEN
DEUXIÈME PASSAGE, II, 10,
AJOUTÉ AU RÉCIT DE LA CÉCITÉ DE TOBIE
SlXAlTICL'S VaTICAXUS VetuS ItaLA
Et Achéiacharos Or Achiachnros Achicarusautem
me nourrit pen- me nourrit jusqu'à pascebat me annis
dantdeux ans avant ce que je partis cluobus,priusquam
qu'il allât en Ely- pour l'Elymaïcle. iret in Limaïdam.
m aide.
TROISIÈME PASSAGE, XI, 17-18.
APRÈS LE RETOUR DU JEUNE TOBIE ET LA GUÉRISON
DE SON PÈRE AVEUGLE
En ce jour-là, il Et il y eut joie In illa die crat
y eut joie pour tous pour tous ses frè- gaudium magnum
les Juifs qui étaient res à Ninive. Et omnibusJudrcisqii
àNinive. Et Achei- Acbiacharos vint erant in Ninive. l^lt
car et Nabad ^ ses avec Nasbas ^ son venit Acbicariiset
neveux vinrent se neveu. Nabal avunculus
réjouir avec Tobie. illius gaudentes ad
Thobin.
1. Le Sinaiticus, plus bas, porte toujours Nadab.
2. Lo Vaticanus, plus bas, porte toujours Adam corrigé à tort en
Aman par l'éditeur. Cette correction, sans valeur critique ni impor-
tance, n'en a pas moins fait son chemin, et quelques auteurs (eu parti-
culier M. RenanetM.Th. Reinach) ont cherché des rapports entre celte
histoire et celle d'Aman et Mardochée, cf. Renan, Origines du chris-
tianisme, t. VI, 1879, p. 556. La véritable forme est Adam, qui se
ramène très facilement à l'original Nadan, car il suffit de remplacer
e7iotr|(T£v a5a[j. par ETrotr^ce vaS«|j.. D'ailleurs p, jj-, v ont presque la môme
forme dans les mss. grecs et se permutent fréquemment. Nous pou-
vons donc affirmer que Nadab du Sinaiticus et Adam du Vaticanus
représentent la forme originale Nadan. M. E. Schûrer admet qu'il y
a des rapports entre l'histoire d'Ahikar et celle de Mardochée, mais il
regarde Adam et Aman comme des fautes introduites comme consé-
quence de cette ressemblance, cf. Theolog. Literaturzeitung, 1897,
n. 12, p. 326.
AHIKAR ET L ANCIEN TESTAMENT
53
QUATRIÈME PASSAGE, XIV, 10.
DAi\S LE DISCOURS DE TODIE AVANT SA MORT
SiNAITICUS
Vaticaxus
Vêtus Itala
Vois, enfant, ce Enfant, vois ce EccefiliusNabad,
que Nadab a fait à qu'a fait Adam à quid fecit Achicaro
Acheicaros qui l'a- Achiacharos, qui qui eum nutrivit,
vait nourri ; ne l'a- l'avait nourri, com- qucm vivum dedu-
vait-il pas fait des- me il l'a conduit xit in terrain deor-
cendre vivant dans de la lumière dans sum ? Sed reddidit
la terre ? Et Dieu les ténèbres et Devis malitiam il-
l'a traité selon sa comment il l'a ré- lius ante faciem
méchanceté devant tritué. Et (Dieu) a ipsius ; et Achicar
lui ! Et Achicaros sauvé Achiacharos exiit ad lucem,
est revenu à la lu- et il lui a rendu ce Nabad autemintra-
mière etNadab est qu'il méritait, etlui vit in tenebras
entré dans les té- (Adam) est descen- œternas, quia quae-
nèbres éternelles, du dans les ténè- sivit Nabad Achi-
parce qu'il a cher- bres. Manassé (li- carum occidere.
ché à tuer Achei- re : Ahikar) a fait
caros. Parce qu'il l'aumône et il a été
m'avait* fait l'au- sauvé du piège de
mône, il est sorti la mort qu'il lui
du piège mortel - avait tendu. Et
que lui avait tendu Adam est tombé
Nadab, et Nadab dans le piège et a
est tombé dans le péri,
piège mortel '^, et
il l'a perdu.
Le Codex Sinailicus renferme encore une fois le nom
d'Ahikar, certainement à tort, mais ce passage a son im-
1. Lire H-oi au lieu de [A£.
2. Litt. : « piège de la mort ».
54 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR l'aSSYRIEN
portance pour montrer combien facilement se permutaient
les noms propres.
CINQUIÈME passage, XIV, 15.
FIN DU LIVRE DE TOBIE 1,
SiXAITICUS VatICANUS
Avant sa mort il Avant sa mort il
vit et il entendit entendit (raconter)
(raconter) la prise la prise de Ninive,
de Ninive, et il vit qui fut emmenée
les prisonniers qui en captivité par
furent emmenés en Nabuchodonosor
Médie par Achia- etAssuérus, et il se
caros 2, roi de Mé- réjouit, avant de
die, etil loua Dieu mourir, sur Ninive.
de tout ce qu'il
avait fait aux fils
de Ninive et de
l'Assyrie. Il se ré-
jouit,avantde mou-
rir, sur Ninive, et
il loua le Seigneur
Dieu dans les siè-
cles des siècles.
Amen 3.
1. Celle fin manque dans les éditions hébraïques de Fagius et de
Munster. L'Itala est conforme au Sinaiticus.
2. Le Sinaiticus a été corrigé plus tard par un scribe qui l'a rendu
conforme au Vaticanus en remplaçant « Aliikar i par « Nabuchodo-
nosor et Asouéros, »
3. M. Rendel Harris a comparé les deux textes grecs du Vaticanus
et du Sinaiticus. Il anoté leurs divergences, au sujet surtout d'Ahikar,
et a cherché à les expliquer. Fprécise les noms propres tandis que
5 conserve leur véritable forme. F introduit à tort Manassé au lieu
d'Ahikar. S conserve (xiv, 4, 15) la locution « Assur et Ninive », qui
AHIKAn ET l'ancien TESTAMENT 55
La version syriaque du livre de Tobie présente la même
variété d'orthographe pour les noms propres. Après Ahia-
\iour, I, 21, 22 ; ii, 10, on trouve ' Akikar, xi, 18 ; xiv, 10.
De même Nadan est appelé Laban, xi, 48, et 'Acab, xiv,10.
Nous trouvons ainsi dans Tobie non seulement les noms
d'Ahikar et de Nadan (Nadam, Nadab), mais leurs fonctions
à la cour, leur parenté et un résumé de V Histoire d'Ahikar:
celui-ci fut descendu vivant sous la terre, mais Dieu le ra-
mena à la lumière, et Nadan, qui avait voulu le tuer, fut
victime du piège qu'il lui avait tendu. Par contre, daus \ His-
toire d'Ahikar nous ne trouvons aucune mention de Tobie :
la rédaction syriaque du manuscrit de Berlin, tout comme
la version arménienne, nous apprend qu'Ahikar était d'abord
idolâtre et elle est d'accord en cela avec le livre de Tobie,
mais elle ne fait aucune mention de sa parenté.
Il paraît donc impossible de supposer que VHistoii-e
d'Ahikar a été composée pour expliquer des passages obs-
curs du livre de Tobie, sinon son auteur aurait cherché à
établir plus de points de contact entre les deux livres. Mais
il semble bien que l'aute ur des rédactions grecques du
livre de Tobie connaissait V Histoire d'Ahikar, puisqu'il y
se trouve aussi dans Ahikar, tandis qtie V la corrompt en : « Ninive
[qu'emmenèrent en captivité Nabuchodonosor] et Assuérus. » Assur
est devenu Assuérus et les mots intermédiaires ont été interpolés.
Il s'ensuit que S l'emporte en général sur V, il représente mieux un
original sémite, ou il a été corrigé sur un original sémite. Cet écrit
original était d'ailleurs araméen et non hébreu, car les formes 'AOùp
et 'AOoupet'a, propres à S, sont araméennes et non hébraïques. — Ce-
pendant V a aussi grande importance, en particulier il nous a con-
servé (iv, 4-19) le discours de Tobie que 5 a omis. Il est certain que ce
discours figurait dans l'original, car .Çlui-mèmc, après l'avoir omis, con-
serve la finale : « et maintenant enfant, souviens-toi de ces préceptes,
et qu'ils ne quittent jamais ton cœur. » De plus, une citation de saint
Polycarpe et une du pseudo-Clément se rapportent, dit M. Rendel Ilar-
ris, à F et non à S. Cf. The double text of Tobit, dans The americoji
journal of Theology, t. m, 1899, p. 541-554.
56 HISTOIRIv ET SAGESSE d'aHIKAH l'aSSYRIEN
revient en cinq endroits différents et nous en fournit en
somme un résumé *.
2° DÉPENDANCE LITTERAIRE. — La Vulgate introduit tou-
jours Tobie à la troisième personne comme la version arabe
le fait pour Aliikar. Elle transforme « les discours »
de Tobie surtout en une « histoire » de Tobie. C'est donc
au texte grec que nous aurons recours pour faire la pré-
sente comparaison.
Tobie et Ahikar sont des livres (( de paroles », c'est-à-
dire «de maximes et de préceptes », plus encore que d'his-
toire.
C'est le titre des manuscrits grecs : « Livre des paroles
de Tobie. » i, 1.
De plus, Tobie parle à la première personne jusqu'à l'en-
droit, III, 7, où l'incident de Sara, fille de Raguel, fait
abandonner le discours direct pour prendre le style histo-
rique :
i, 3. «Moi, Tobie, je marchai dnns les voies de la vérité et
dans la justice tous les jours de ma vie..., i, 4, et lorsque
j'étais dans mon pays, dans la terre d'Israël, durant ma
jeunesse, toute la tribu de Nephtali mon père s'éloigna du
temple de Jérusalem..., i, 5, tous mes frères et la maison
de Nephtali mon père sacrifièrent au veau que le roi .léro-
boam éleva à Dan sur les frontières de la Galilée, et moi
•seul j'allais souvent à Jérusalem aux jours de fêtes..., i, 8,
comme l'ordonnait Debbora, mère de mon père, car j'avais
perdu mon père... i, 20. Tout ce que j'avais (me) fut
enlevé et il ne me resta qu'Anne ma femme, et Tobie
mon fils... m, 1. Affligé, je pleurai et je priai avec larmes
en disant : Tu es juste, Seigneur. »
1. Par conséquent nous ne pouvons admettre que l'Ahikar des
textes grecs de Tobie et celui de la légende pourraient ne pas être
identiques, comme semble ledire l'encyclopédie juive, JewishEncyclo-
pedia, éd. Isidor Singer, New- York, 1901, 1. 1, p. 290.
AHIKAK ET l'aNCIKX TESTAMENT 57
Enfin Tol)îe adresse aussi par deux fois des recomman-
dations à son fils :
« Il dit : IV, 3. Mon fils, si je meurs, ensevelis-moi et
(après ma mort) ne méprise pas ta mère, révère-la tous les
jours de ta vie, fais ce qui lui plaît et ne la contriste pas. .
IV, 5. Tous les jours, mon fils, souviens-toi du Seigneur
notre Dieu... iv, 12. Garde-toi, mon fils, de toute impureté
et prends vite une femme de la race de tes pères ; ne prends
pas une femme étrangère qui n'est pas de la tribu de Ion
père... donne de ton pain h celui qui a faim... xiv, 3. Il
appela son fils et ses enfants et il lui dit : Mon fils, prends
tes enfants, voilà que j'ai vieilli et que je suis sur le point
de quitter la vie... xiv, 8. Et maintenant, mon fils, quitte
Ninive, car ce qu'a dit le prophète Jonas va arriver ; pour
toi, garde la loi et les préceptes, sois miséricordieux et
juste, afin qu'il t'en arrive du bien... xiv, 11. Et mainte-
nant, mes enfants, voyez la puissance de l'aumône et que
la justice sauve... »
De même la version arménienne du livre d'Ahikar a pour
titre : « Les maximes et la sao-esse d'Ahikar, » et le manus-
crit syriaque C porte : « Proverbes, c'est-à-dire histoire,
du sage Ahikar. »
Ahikar, comme Tobie, raconte lui-même son histoire :
« i, l. Il dit : Lorsque je vivais à l'époque de Sennachérib,
roi de Ninive, lorsque moi, Ahikar, j'étais trésorier et
scribe, et que j'étais jeune, les devins, les sages et les
mages me dirent : Tu n'auras pas d'enfant, etc. )) CL
infra .
Cette fois le style direct est conservé jusqu'à la fin et, à
ce point de vue, Ahikar a plus d'unité que le livre de Tobie.
L'auteur adresse encore, comme Tobie, deux séries d'exhor-
tations à son fils adoptif Nadau, la première pour l'instruire
et la seconde pour lui faire comprendre la grandeur de sa
faute et de son ingratitude :
m, 1. « 0 mon fils Xadan, écoute mes paroles, suis me»
58 HISTOIRE ET SAGESSE d'aI.îIKAR l'aS SYRIEN
sentences, et souviens-toi de mon discours, comme l'a dit
le Seigneur, etc. » Cf. infra.
XXXIII, 96. -x Mon fils, celui qui n'entend pas avec les
oreilles, on le fait entendre par derrière le dos, etc. ». Cf.
infra .
Ajoutons que Tobie et Ahikar adressent chacun deux
prières à Dieu, bien que pour des motifs différents : Tobie,
III, 2-6; XIII ; Ahikar, i, 4; xv, 3-5.
Nous trouvons donc dans les deux livres même forme et
mêmes procédés littéraires.
3" DÉPENDAycES TEXTUELLES. — Elles sont peu nombreu-
ses. On peut seulement citer :
Ahikar Tobie
III, 1. 0 mon fils Nadan iv, 2. Ecoute, mon fils, les
écoute mes paroles, suis mes paroles de ma bouche et fais-
conseils et souviens-toi de en un fondement dans ton
mes discours. cœur (Vulgate).
9. Mon fils, ne pèche pas 13. Garde-toi, mon fils,
avec la femme de ton pro- de toute fornication '^.
chain.
App. II, 198. Mon fils, ce 16. Ce que tu ne voudrais
(jui te paraît mauvais, tu ne pas qu'un autre te fasse, vois
dois pas le faire à ton voi- à ne jamais le faire à un
sin. autre.
m, 13. Mon fils, verse ton 18. Mets ton pain et ton
vin sur les tombeaux des vin sur la sépulture du juste
justes et ne le bois pas avec et ne veuille pas en manger
les impies (ms. C). et en boire avec les pécheurs.
16. Joins-toi aux sages, 19. Demande toujours con-
aux hommes pieux. seil au sage ^.
1. Eusuite Ahikar (m, 11) recommande l'humilité et Tobie (iv, 14)
défend l'orgueil. L'idée est la môme, mais il n'y a pas de ressem-
blances lexlucllcs.
2. Les deux histoires se passent en Assyrie. Fréquentes meutionu
AHIKAR ET l'ancien TESTAMENT 59
Nous lisons dans Tobie, xiv, 10 : « Parce quil (Aliikar)
rn avait fait V aumône {ïXtr^'^j.zcù^r) , il est sorti du piège mor-
tel. » De son côté, Ahikardit, xxxiii, 97 : « Mon fils, je t'ai
fait asseoir sur un trône glorieux, et toi tu m'as précipité
de mon trône. Ma justice ma sauvé, » et, xxxiii, 138 : « De
même que Dieu m'a maintenu en vie à cause do ma justice,
il te perdra à cause de tes œuvres. » Il y a identité ici entre
Tobie et Ahikar, la diflerence apparente «aumône » et « jus-
tice » ne tient qu'à deux traductions différentes du même
mot hébreu sedaqah, qui signifie à l'a fois « aumône » et
« justice » ^ Ici c'est Tobie qui nous fait comprendre Alii-
kar : car le sens « aumône » s'impose dans Tobie puisque
« Aliikar l'a nourri deux ans » (Tobie, ii, 10, grec); d'ail-
leurs le livre d'Ahikar ne nous indiquait pas bien claire-
ment qu'elle était cette « justice » particulière à Aliikar qui
l'avait sauvé et maintenu en vie. Il faut donc traduire : «Mes
aumônes m'ont sauvé » et « Dieu m'a maintenu en vie h
cause de mes aumônes » -.
On peut enfin rapprocher l'importance attachée par Alii-
kar à ses funérailles, ix, 6, et xiv, du soin que prend
Tobie d'enterrer les morts, i, 20; ii, 3-9 ; iv, 3, 5; xiv, 12.
de Ninive dans les deux (Tobie : i, 11 ; xiv, 2, 6, 14 ; Aliikar : i, 1 ;
XII, 6 ; XYi, 2 ; xxx, 17 ; xxxi, etc.).
1. Aussi il arrive qu'on traduit ce mot simultanément par les deux
mois « aumône et justice », cf. Tobie xii, 9 : ot Troioûvreç èXey](xo-
(Tuva; y.al SixatofT-jvaç ; xiv, 11 : îSete tî £A£Yi[j.octijvT| Tioieî y.al Siy.atoff-jvr) p-j£-
xat ; II, 14 : Ttoy eîaiv aï ï\vr^\i.oa\j\a.i aou xal at Sc/.ato(TÛvac (tovj. Cf. Prov.
X, 2 ; XI, 4, où la Vulgate traduit par justifia, tandis que le contexte,
où il n est question que de richesses, montre qu'il faut traduire par
< aumônes ».
2. L'inverse n'est cependant pas impossible. Les passages d'Ahikar
devraient dans ce cas se traduire par «justice » et l'écrit original de
Tobie visant ces passages aurait aussi porté sedaqah = justice, mais
le traducleurgrecdeTobie — influencépar le commencement du livre
— aurait égalé en xiv, 10, sedaqah à èXeTjtioffûvrj. En toute hypothèse
il y a identité.
60 HISTOIUE ET SAGESSE d'ahIKAR l'aSSYRIEN
B) ECCLESIASTIQUE
Ahikar s'est inspiré des Proverbes et un peu des Psau-
mes, comme on le verra dans les notes ; il cite d'ailleurs en
quatre endroits des paroles plus anciennes qu'il utilise, m,
1 ; IV, 3, XXXIII, 96, note, et 140. Par contre, son livre sem-
ble être l'une des sources de FEcclésiastique. Voici quel-
ques passages parallèles. D'autres sont indiqués dans les
notes de notre traduction.
Ai.iiKAU Ecclésiastique
III, 79^^. Lorsque tu verras iv, 7. Humilie ton âme
un homme plus âgé que toi, devant un vieillard,
lève-toi devant lui.
83. N'entre pas en juge- iv, 32. Ne résiste pas en
ment avec un homme au jour face du puissant et ne fais pas
de sa (puissance) et ne rosis- effort contre le choc du
te pas au fleuve lorsqu'il fleuve,
vient inonder.
5. Ne te hùte pas de don- iv, 34. Ne sois pas prompt
ner une réponse. de ta langue (à parler).
'^ III, 87. Si tu veux être v, 17. Au voleur s'attache
sage, refuse ta bouche au la confusion, à celui qui a
mensonge et ta main au vol, deux langues la plus mau-
et tu seras sage. vaise renommée.
17. Si tu aimes un cama- vi, 7. Si tu as un ami, ac-
rade, éprouve-le d'abord et quiers-le en l'éprouvant, et
ensuite prends-le pour ami. ne te fie pas facilement à lui.
App. I, 157'^. Celui-ci est vi, 14. Un ami fidèle est
certainement bienheureux une forte protection, celui
qui possède un véritable qui l'a trouvé, a trouvé un
ami. trésor.
111, 1. O mon fils Nadan, vi, 2^. O mon fils, écoute,
écoute mes paroles, suis mes reçois le conseil de l'iiitelli-
AI.IIKAR ET l'ancien TESTAMENT 61
conseils et souviens-toi de gence et ne rejeltc pas mon
nies discours. conseil,
.'?.'). Arrache ton fils au vu, 25. Si tu as des fils,
mal... instruis-le, et frappe- instruis-les et courbe-les dès
le tant qu'il est jeune. leur enfance.
52. Ne blesse pas l'homme viii, 1. N'entre pas en liti-
puissant, de crainte qu'il ne ge avec l'homme puissant, de
résiste et ne (te) cause du crainte de tomber dans ses
mal. mains.
79 (Ar). Mon fils^ ne te viii, 8. Ne te réjouis pas
réjouis pas de la mort de ton sur ton ennemi mort, sachant
ennemi, car bientôt tu seras que tous nous mourrons,
son voisin. Cf. 25.
92*^. Que tes yeux ne re- ix, 8. Détourne ta face
gardent pas la femme qui d'une femme parée, et ne
est belle, et ne regarde pas considère pas une beauté
la beauté qui n'est pas étrangère ^.
tienne.
92^. Car beaucoupont péri ix, 9. Beaucoup ont péri à
à cause de la beauté d'une cause de la beauté d'une
femme, et son amour (est) femme, et ainsi la concupis-
comme un feu qui brûle. cence ^ comme un feu s'em-
brase.
70. Net'éloigne pasde ton ix, 14. Ne quitte pas un
premier ami, de crainte qu'il ancien ami, car un nouveau
n'y eu ait aucun autre pour ne lui sera pas semblable,
le remplacer.
89. Celui qui brille par xix, 20-27. A la vue on
son vêtement brille aussi par connaît un homme... Le vè-
son langage, et celui qui est temenl du corps... et la dé-
1. Le texte liébreu de l'Ecclésiasticfuc est idcntiijuo au syriaque
et porte aussi : « ne regarde pas la beauté qui n'est pas tienne » (dl
ta bit êl ifi là loq).
2. L'hébreu porte « son amour j {âhabiha) aussi bien qu'Aliikar.
62
inSTOIHE ET SAGESSE DAHIKAR L ASSYIUEN
méprisable dans son vêtement
l'est aussi dans sa parole.
70. Cache la parole dans
ton cœur et ne révèle pas le
secret de ton camarade, car,
si tu le révèles, tu as repous-
sé (son) amitié loin de toi.
XXXIII, 100 (Ag). Un hom-
me voulut un jour lancer
une pierre contre le ciel, elle
retomba sur lui et l'écrasa.
III, 66. Pour l'homme qui
n'a pas de repos durant la
vie, la mort est préférable à
la vie.
6. Une bonne mémoire et
un bon renom demeurent à
jamais.
65. Un bon renom sub-
siste toujours.
9. Ne pèche pas avec la
femme de ton prochain.
marche d'un homme le font
connaître ^.
2:xii, 26-27... on peut re-
trouver un ami, excepté
quand il s'agit d'invectives.,
de révélation de secret... en
toutes ces choses un ami
t'échappera.
XXVII, 17. Celui qui dévoile
les secrets d'un ami perd sa
confiance, et il ne trouvera
pas d'ami selon son cœur.
XXVII, 28. Si quelqu'un
jette une pierre en haut, c'est
sur sa lête qu'elle retom-
bera.
xxx^ 17. Mieux vaut la
mort qu'une vie amère, et le
repos éternel qu'une lan-
gueur persévérante. Cf. xli,
3-4.
xli, 16. La bonne renom-
mée demeurera pour tou-
jours -'.
XLI, 27. Ne regarde pas la
femme d'un autre homme.
1. L'accord de l'Ecclésiastique avec Ahikar est ici assez remar-
quable, car celte pensée est un peu paradoxale et n'a pas de par;il-
lèle dans le reste de la Bible.
2. Prov., xxii, 1, porte : «Un bon renom vaut mieux que de grandes
richesses;» cette pensée se retrouve dans Ahikar, m, 64, et Ecclésias-
tique, XLI, 15, mais la durée de la bonne renommée est propre à
Ahikar, m, 6, 64, 65, et à Ecclésiatique, xli, 15-16.
AHIKAR ET l'aNCIEN TESTAMENT 63
3. Si tu entends une paro- xlii, 1. Ne répète pas l«s
le ne la révèle à personne. paroles que tu as entendues.
c) AHIKAR ET DANIEL
On trouve aussi quelques passages parallèles, mais ils ne
sont ni assez nombreux ni assez caractéristiques pour sup-
poser un emprunt direct. Ces quelques parallélismes s'ex-
pliquent ici par le fait que les deux auteurs écrivaient dans
un milieu babylonien :
« Les devins, les mages et les sages » font une prédiction
à Ahikar, i, 1 ; le roi Sarhédom réunit tous les principaux :
«les sages, les mages et les savants de son royaume, » xvii, 1.
De même, dans Daniel, le roi Nabuchodonosor réunit
« les augures, les mages, les devins et les Chaldéens », ii,
2 ; IV, 4 ; V, 7.
Ahikar salue le roi par la formule : « 0 mou Seigneur le
roi, vis toujours dans les générations des générations, » n,
4; XXXII, 4; ou: « Seigneur roi, vis à jamais! » ix. G;
XXIV, 1.
De même dans Daniel : « Roi, vis à jamais ! » ii, 4 ;
111,9; v, 10; VI, 6, 21.
Ahikar revêt Nadan « de pourpre et d'écarlate », ii, 1, et
Sarhédom, pour récompenser Nabousemak, lui promet
cent habits de pourpre, xix, 2.
De même, Nabuchodonosor, pour récompenser Daniel,
lui promet « des habits de pourpre », v, 1(3.
Nadan, ne pouvant expliquer l'énigme, s'écrie : « Les
dieux ne pourraient pas faire de telles choses, comment les
hommes le pourraient-ils I »
Les Chaldéens, dans des circonstances analogues, disent
au roi : « Ce que tu demandes, ô roi, est difficile, et on ne
trouvera personne qui le fasse en présence du roi, excepté
les dieux, qui n'ont pas de rapport avec les hommes, » Dan.,
Il, 11.
04 niSTOIRi; ET SACIÎSSE D AI.IIKAH L ASSYIIIEN
Ahikar dit : « Mes cheveux descendaient sur mes épaules,
ma barbe arrivait jusqu'à ma poitrine, mon corps était
souillé de poussière et nies ongles étiiient aussi longs que
ceux de l'aisle, » xxi, 1.
De môme, Nabuchodonosor, chassé d'entre les hommes,
« mangea de l'herbe comme un bœuf, et son corps fut
mouillé de la rosée du ciel, ses cheveux crurent comme
(les plumes) des aigles ^ et ses ongles comme (ceux) des
oiseaux, » Dan., iv, .^0.
IV. Ahikar et le Nouveau Testament.
M. James le premier [Apocj-ypha anecdota, Cambridge,
1893 ; t. II, p. 158, note 1^ a signalé la grande ressemblance
qui existe entre la conduite de Nadan et celle du mauvais
serviteur, Matth., xxiv, 48-51 ; Luc, xii, 45-46.
« Nadan, mon fils, dissipa mon bien et n'épargna pas
mes meilleurs serviteurs qu'il frappa devant moi. ni mes
bêtes de somme et mes mules qu'il tua, iv, 2... il réunit
des femmes débauchées et il les fit asseoir pour manger et
boire au milieu des chants et de l'allégresse. Il tua, dépouil-
la et frappa mes serviteurs et mes servantes ; il ne respecta
même pas ma femme, xiv, 2-3. » Plus tard, lorsque Ahikar,
que l'on croyait mort, fut rentré en faveur auprès du roi
de manière bien inespérée, il se fit livrer Nadan, puis « je
lui mis, dit-il, des liens de fer aux pieds et aux mains...,
et je commençai à le flageller de verges, xxxii, 10... je
le mis sous le portique à la porte de mon vestibule, je lui
donnai du pain et de l'eau avec mesure », ibid. 6" (note).
1. Lilt. : « Ses cheveux crurent comme (ceux) des aigles, » ce qui
ne se comprend guère. Si un lexte dépend de l'autre, c'est certaine-
ment Daniel qui dépend d'Ahikar et qui — pour s^e conformer aux
habitudes du parallélisme poétique des Hébreux — a donné une tour-
nure plus poétique à : « mes cheveux descendaient sur mes épaules,
et mes ongles étaient aussi longs que ceux de l'aigle, s
Al.UKAU ET LE NOUVEAU TESTAMENT GS
D'après la rédaction F, qui précise ainsi le sens de 6\Nadaa
est enfermé dans le caveau obscur où Ahikar avait dû se
cacher. Enfin, après les remontrances d'Ahikar,le corps de
Nadan « gonfla et devint comme une outre pleine et ses-
enlrailles sortirent de ses lombes, xxxiv, 1 ^. »
Comparons maintenant à cette histoire de Nadan les deux
rédactions de la parabole du mauvais serviteur,
IMatth., xxiv, 48-51. Luc, xii, 45, 4G.
ISIais si ce méchant servi- Mais si ce serviteur dit en
leur dit" dans son cœur : son cœur : Mon maître tar-
Mou maître tarde (à venir), de à venir, et ([uil se mette
et qu'il se mette à battre ses à battre les serviteurs et les
compagnons de service et à servantes, à manocr, à boire
manger et à boire avec des et à s'enivrer, le maître de
ivrognes, le maître de ce ce serviteur viendra le jour
serviteur viendra le jour qu'il ne l'attend pas et à
qu'il ne l'attend pas et à l'heure qu'il ne sait pas, et il
l'heure (|u'il ne sait pas, et le séparera [lilt. : il le par-
il le séparera (Z«7^ : il le par- tagera en deux 2) et il lui
tagera en deux -) et il lui donnera sa portion avec les
donnera sa portion avec les infidèles,
hypocrites ; c'est là qu'il y
auia des pleurs et des grin-
cements de dents.
Les ressemblances entre l'histoire de Nadan et cette para-
bole du mauvais serviteur sont assez frappantes pour que
M. James ait regardé la seconde comme une dépendance
de la première et pour que M. Rendel Marris ait pu écrire,
afin de faire image, qu'Ahikar était l'un des livres de la
bibliothèque de Notre-Seigncur Jésus-Christ, et qu'il lui
1. Le syriaque, l'ariuéuien, l'aiabe cl le uéo-eyriaque porlont ton»
que Na'ian <( gonfla et creva ».
2. SiyoTojj./i'jît.
5.
66 HISTOIIIR ET SACKSSK d'aiUKAR l'aSSYRIEN
avait emprunté le type du mauvais serviteur. M. Velter,
avec raison, croit cette ressemblance fortuite, sinon on
trouverait d'autres points communs, ce qui n'a pas lieu ^
Les paraboles du Nouveau Testament et celles d'Ahikar
n'ont pas d'autre point de contact et sont séparées par
plusieurs siècles de maèal juive.
y. Ahikar et le Talmud.
1° I, 4 (note), III, 84, supposent l'habitude de mettre
de la poussière sur les yeux des morts. Un passade du Tal-
mud relatif à Alexandre le Grand paraît supposer la même
coutume. Nous le citons aux variantes, m, 84 2.
2° XVI ; XXX, 6-9, 29-30. On demande h Ahikar de.
construire un palais en l'air et de coudre une meule.
Le Talmud de Babylone renferme des histoires analogues
(traité BeclwrotJiy 8) : « Les sages d'Athènes demandèrent <à
Rabbi Josua ben Chanania ^ : Bâtis-nous une maison dans
l'air du monde. Il répondit : Il y en a un qui se tient entre
le ciel et la terre et qui crie : Donnez-moi des briques et
du mortier. Ils dirent : Qui peut lui en fournir si haut? Il
répondit: Qui peut donc bâtir une maison entre ciel et
terre?... Ils lui dirent encore : Nous avons une meule bri-
sée, peux-tu nous la recoudre? Il en prit un morceau, le
leur jeta et dit: Faites-moi des aiguilles avec cela et je
vous la coudrai. Comme ils dirent : Qui peut faire des
1. On trouvera quelques reuvois au Nouveau Testament; xxxin, ll'i,
et II Pierre, ii, 22 (porc qui retourne au bourbier), avec xxxiii, 135,
et Luc, XIII, 6-9 (Gguier qui ne porte pas de fruits) présentent seuls
quelfjue intérêt.
2. Nous n'avons pas trouvé ce passage dans le Talmud de Jérusa-
lem, qui contient seulement, sur Alexandre, le voyage chez le roi de
Cassi;i pour voir comment il juge ; trad. de Moïse Schwab, P;irîs,
I871-lfi90, t. X, p. 94.
3. Cité par M. Vetter.
AHIKAR DANS LES LITTÉRATUKES ORIENTALES G7
aiguilles fivec une meule, il leur répondit : Qui peut coudre
une mcnic ? »
Ces passages ont toute chance d'avoir été inspirés par
Ahikar ou par l'un de ses dérivés ^.
3*^ jM. Gaster cite une douzaine de traits - empruntés
à la littérature juive et plus ou moins parallèles à V Histoire
(CAJiihar. Le plus rra[)pant, qui est d'Eliézer le Grand, est
le suivant : « Mon fils, ne révèle pas ton secret à ta femme,
sois fidèle et dévoué en tout, ne révèle pas ton secret ta ton
ami quand tu es en dispute avec lui ni même quand tu es en
paix avec lui. » Cf. App. I, 151; App. II, 178. Les ressem-
blances sont donc trop faibles, comme le conclut M. Gaster
lui-même, pour que l'on songe à établir une dépendance
direcle entre les écrits.
VI. Ahikar dans les littératures orientales.
1" Dans les ApopJitcgmes des Pères égyptiens (iv^ au vi*
siècle) nous avons relevé quelques passages parallèles à
Ahikar, m.iis leur nombre n'est pas assez grand pour que
l'on puisse conclure à une dépendance directe, cf. m, 2G
(ei85) ; III, 84; App. II, 198.
2°M. J. V>'ASQ\\\m\[àAXis Kurze Bihliogr. Unters., 1901, l.ii,
p. 123 sq.), cité par M. Velter, a relevé les passages paral-
lèles à Ahikar qui se trouvent dans les anciens historiens
arméniens. Le plus frappant se trouve dans V Apologie d'Ez-
nik,j, 15 (ve siècle) : « Vraiment ce n'est pas en vain que
la parole du sage a été dite : Celui quf n'écoute pas avec
1. Ils ne fleurent pas daus le 'J'alnuid de Jérusalem el apparlieiincnl
donc moins à la littérature juive qu'à la littérature babylonienne. Le
Talmud de Jérusalem ne mentionne pas Sarl.iédom ni le Tobie
biblique. Sennachérib lui-même n'y figure que deux fois et cela
fort iucidenimenl, trad. Moïse Schwab, t. v, p. 139 ; t. vi, p. 42.
2. Journal of ihe Royal Asialic Society, 1900, p. ;n8-319.
68 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAH l'aSSYIUEN
son oreille, on le fera écouter avec son dos. » Cf. Ahikar,
xxxiii, 96 : « Mon fils, il est dit dans les Proverbes : Celui
qui n'entend pas avec les oreilles, on le fait entendre par
derrière son dos ^. » M. Vetter croit que les coïncidences
entre les anciens auteurs arméniens et Ahikar sont fortuites
ou doivent s'expliquer par une source commune, car la ver-
sion arménienne de Vllistoire d'Ahikar est assez récente
comme nous le dirons plus bas. Il n'est cependant pas im-
possible qu'il ait existé auparavant une compilation quel-
conque des Proverbes d'Ahikar traduite en Arménien, mais
son existence n'est pas encore démontrée.
3" M. Rendel Harris, éd. de Cambridge, p. lxxii h lxxix,
a signalé aussi les ressemblances qui existent entre Ahikar
et le chapitre du Coran (sourate xxxi) consacré à Loqman,
Nous traiterons plus bas des identifications partielles qui
ont été faites d'Ahikar, Esope et Loqman (cf. chap. YI :
Ahikar et les fabulistes). Signalons seulement ici les
ressemblances textuelles :
« 11. Nous donnâmes la sagesse à Loqman et nous lui dî-
mes : Rends gràcesàDieu. Celui qui chéritlareconnaissance
en a le mérite pour lui. L'ingrat l'est en pure perte. Le
Très-Haut est riche, et sa louange est en lui-même.
« 12. Loqman exhortant son fils lui dit : 0 mon fils ! ne
donne point d'égal à Dieu. L'idolâtrie est le plus grand des
crimes.
« 13. Nous avons prescrit à l'homme des devoirs sacrés
envers les auteurs de ses jours...
« 15. O mon fils ! ce qui n'aurait que le poids d'un grain
de moutarde, fût-il caché dans l'antre d'un rocher, au ciel
ou sur la terre, sera produit par les mains de Dieu, parce
que rien n'échappe à sa pénétration.
1. M. Rcndcl Harris, p. lxxxi, cite aussi une parole de Lazare de
Pliarbe, vc siècle, apparentée à xxxiii, 114.
ahikah dans les littératures orientales 69
(( IG. O mon fils ! fais la prière. Commande la justice.
Empêche l'iniquité, souffre patiemment les maux qui t'arri-
vent. Ils sont une suite des décrets éternels.
« 17. Ne détourne point orgueilleusement tes regards des
hommes. Ne marche point avec faste sur la terre, Dieu hait
le superbe et le glorieux.
« 18. Sois modeste dans ta conduite. Abaisse le son de
ta voix ; la plus désagréable de toutes est celle de l'âne... »
Les ressemblances avec Ahikar sont assez nombreuses :
1. Loqman aussi est un sage (11).
2. La phrase sur la reconnaissance et l'ingratitude (11)
peut avoir été inspirée par l'histoire de Nadan.
3. Loqman aussi donne des conseils moraux à son fils et
il débute aussi par les mots : O mon fils^ 12, 15, 16.
4. Les maximes 12 à 15 peuvent être propres à Mahomet,
qui voulait, sous le nom de Loqman, recommander le mo-
nothéisme et la Providence, cependant le culte de Dieu et
le respect des parents sont aussi recommandés par Ahikar
(app. I, 143, et c. 111,37).
5. Les recommandations pour la justice et contre l'ini-
quité (16) se trouvent aussi en partie dans Ahikar, m, 47,
78.
6. L'iiumilité (17j est recommandée par Ahikar, m, 48.
7. Le verset 18 se retrouve dans Ahikar, m, lira N'élève
pas la voix avec jactance et tumulte, car s'il suffisait d'une
voix puissante pour construire une maison, l'âne en bâti-
rait deux en un jour. »
Il ne doit pas paraître étonnant que Mahomet ait pu con-
naître les maximes d'Ahikar, car le Coran, dit M. Rendel
Marris (p. lxxh), est plein de Haggada juive et de légendes
chrétiennes *. Les concordances textuelles sont rares parce
l.Coci s'explique par l'iiinuence des puissaules tribus juives qui en-
louraienl la Mecque. Une légende, conservée dans les littératures orien-
tales vent qu'un moine chrétien, Bithira, ait instruit Mahomet (R. Got-
iheil, A Christian Baliira Legend^ dans Zeits. /'. Assyv. t. xiii,1899. Ce-
70
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR L ASSYRIEN
que Mahomet ne connaissait sans doute et la Bible et les
légendes juives ou chrétiennes que par tradition orale
etj de plus, lorsqu'il les citait de mémoire, il lesaccommo-
daità son imag^ination et aux exigences du moment où il
écrivait.
La légende Loqman-Ahikar se développa après le Coran,
car dans un recueil de sentences qui remonterait à Honein
ibn Ishak, mort en 873 (cf. infra, chap. VI, v), nous
trouvons une biographie de Loqman et surtout un long
recueil de maximes adressées à son fils. Nous en citons
quelques-unes d'après la traduction de Guillaume de
Tignonville, Las dictz moi-aulx des Philosophes, Paris, 1531,
fol. Lxxxi sq.
L'auteur attribue d'abord à Loqman, né en Ethiopie, une
partie des faits qui se trouvent aussi dans la vie d'Ésope,
comme le pari de boire la mer ; il continue : « Ycelui juif,
qui était maître de Loqman ^, lui donna plusieurs trésors
lesquels il distribua en aumônes et prêta aux pauvres
souffreteux sans usures et, pour ce, Dieu lui multiplia ses
biens grandement. Et aussi dit-on qu'il laissa toutes ses
richesses et se fit reclus en un temple et demeura solitaire -
lui-ci d'ailleurs se réclamait des Juifs et des chrétiens, par exemple,
sourate lxi : « Pourquoi m'affligez-vous ? disait Moïse aux Israélites.
Je suis l'interprète du ciel auprès de vous, vous ne l'ignorez pas... Je
suis l'apôtre de Dieu, répétait aux Juifs Jésus, fils de Marie. Je viens
confirmer la vérité du Pentateuque qui ma précédé, et vous annon-
cer Theureuse venue du prophète qui me suivra. Ahmed est son nom.
Jésus prouva sa mission par des miracles, et les Hébreux s'écrièrent :
C'est un imposteur... ô croyants ! soyez les ministres de Dieu, comme
le disait Jésus, fils de Marie, aux apôtres, quand il leur demanda :
Qui m'aidera ù étendre la religion divine ? — Nous serons tes minis-
tres, répoudirent-ils. »
1. Nous ne modifions l'orthographe du traducteur que dans les cas,
assez nombreux, où la clarté le demande.
AHIKAU DANS LES LITTÉuATUKES ORIENTALES 71
ment jusqucs à sa mort et prêcha moult de belles choses à
son lîls en disant :
«Fils, aie abstinence et restreins ta volonté... Fils, parle
toujours de Dieu ^ et Dieu mettra en ta bouche de bonnes
paroles. — Fils, mets toujours tes œuvres devant tes yeux
et celles d'autrui derrière. — Fils, quand tu verras aulcun
pécher, ne lui reproche mye ses fautes mais pense aux tien-
nes, desquelles tu auras seulement à rendre compte -. —
Fils, suffis-toi de peu de chose et ne convoite pas les biens
d'autrui ^. — Fils,... converse avec les sages et ainsi tu
pourras acquérir la sagesse^. — ... et il dit : Garde le
silence, car je me suis plus souvent repenti d'avoir parlé
que de m être tu •'•. — ... fils, crains Dieu et te garde de
vaine gloire. — ... et sache, fils, que si un fol parle, il se
fera moquer de lui par son mal gracieux parler ^...
« Fils, ne veuille mye perdre tes propres choses pour
garderies estranges, cartes propres choses sont les biens
que ton àme emportera avec elle et les autres richesses
qui demeureront après ta mort seront à autruy. — Fils,
honore la sagesse, ne la refuse pas à ceux qui la désireront
connaître et ne la montre pas à ceux qui la méprisent ^. —
Fils, fais ta société de ceux que Dieu aime. — Fils, honore
Dieu et le prie qu'il te veuille garder d'avoir mauvaise fem-
me et qu'il la veuille enseigner, car il n'y a pas d'autre
remède **. — Fils, montre à autrui les biens que tu as appris.
Ne fais pas ta société des mauvais, de crainte que tu ne
1. Cf. Ahikar, app. I, l'i3 ; app. lY, 266.
2. Cf. app. I, 142 b.
•S. Cf. app. I, 148.
4. Cf. iir, 16.
5. Cf. m, 71 ; app. IV, 269.
6. Il y a ici uue page sur les marques caractcrisliques de l'iaseusc,
et une aulre page sur celles du sage, opposées aux précédentes.
7. Cf. app. I, 147 a.
8. Cf. app. III, 251.
72
HISTOIRE ET SAGESSE D AI.llKAIt L ASSYIUEN
■deviennes l'un d'eux ^... — Fils, habite continuellement
avec les sages...
« Et il dit : Fils, ne te veuilles mye asseoir au plus haut
iieu, car mieux vaut qu'on te fasse lever de plus bas pour
toi asseoir plus haut, que de recevoir si grande vilenie
comme toi ôter d'un haut lieu pour toi mettre plus bas ^...
Et il dit : S il te convient envoyer quelque messager eu
légation, tâche d'y envoyer un sage ^ et, si tu ne le peux
pas, vas-y toi-même. — Et il dit : Ne crois point celui qui
ment à toi pour autrui, car il mentira légèrement et pareil-
lement à autrui de toi. — C'est plus légère chose de chan-
ger les montagnes d'une place en une autre, que de montrer
'et de faire entendre quelque chose à celui qui n'a point
d'entendement ^. — Il dit : Ne fais pas ce que tu aurais
honte de voir faire à autrui ^, et toutefois aie plus de ver-
gogne de Dieu que des hommes. — Il dit que, entre Us
autres mœurs et conditions, les plus mauvaises sont: soup-
çonner son ami, découvrir ses choses secrètes, avoir con-
fiance en chacun, trop parler des choses inutiles et s'exposer
en la compagnie des mauvais pour convoitise de leurs biens
temporels... »
Aucun autre sage cité dans ce recueil n'adresse ses ma-
ximes à son fds. Cette forme provient, croyons-nous, du
Coran, qui l'aurait emprunté lui-même à la légende écrite
ou orale d'Ahikar.
4o Au x° siècle, Bar Bahloul a connu V Histoire d'Ahikar.
T^ous avons déjà montré, à propos du mot ôrhé, qu'il cite
-ce livre sous le nom de Proverbes araméens^ cf. Jour-
nal asiatique, Xe série, t. ix (1907), p. 149 {infra, xxv, 4).
1. Cf. III, 16.
2. Cf. app. IV, 276.
3. Cf. 111,51.
4. Cf. III, 80.
5. Cf. app. II, 198, et app. IV, 284.
AHIKAR DAXS LES MTTÉHATURES ORIENTALES 73
De plus, dans son lexique syro-arabe (éd. Rub. Duval),
sous le mot Ahikar, il écrit : « C'était un homme célèbre,
qui fut vizir au temps des rois, il était sage et d'esprit
très pénétrant, son histoire est mentionnée dans le livre
des rois (?) des fils d'Israël. »
50 Un recueil de contes que nous analysons plus loin
(i-h, VI, note), intitulé Syntipas^ , qui a synthétisé, d'après
leur traduction syrienne, un certain nombre de fables, a
aussi utilisé Ahikar. Citons ici le conte 117 intitulé Galruk :
Un roi qui aime le fils de son vizir le voit un jour jouer
avec un page ; comme il est ivre, il s'irrite au point d'or-
donner de le décapiter. Le vizir obtient du bouircau qu'il
profite de l'ivresse du roi pour lui porter la tète d'un crimi-
nel à la place de celle de son fils ; car, s'il le tue, le roi,
revenu à la raison, le mettra à mort. Quand le roi s'éveille,
il déplore son crime et, pendant de longs mois, se livre
au désespoir. Le vizir croit enfin le moment venu de lui
dire la vérité et de lui amener son fils. Le roi est consolé,
reprend l'exercice du pouvoir et comble le vizir de lar-
gesses.
Il y a un parallélisme évident avec l'histoire d'Ahikar,
cher au roi, condamné à être décapité et rentrant en grâ-
ces après qu'on a décapité un criminel à sa place.
Il est possible que l'on trouve d'autres citations d'Ahikar
ou du moins des parallélismes frappants. Citons en ce genre,
pour terminer, le passage en vieux français relevé par
1. Une rédaction grecque (|ui dérive du syriaque a été publiée eu
particulier par Eberliard, Fabulx liomanenses grxce conscriptx, Leip-
zig, 1872, éd. Teubncr. Voir aussi Mischle Sindbad, Secundus, Syn-
tipas, ediri, einendirt und erklârt... par P. Cassel, 3e édit., Berlin,
1891. Le résumé complet du Syntipas et toute la bibliograpliie ont
été publiés par M. Victor Cliauvin, llil/liograp/iie des oin'iages arabes,
Liège, 1907. t. vni,
74 HISTOIHE ET SAGESSE d'ahIRAU l'aSSYRIEN
M. Rendel Harris (p. lxxx), dans les Poésies de Marie de
France ^.
Ahikar, XXX, 137. Marie de France
[néo-syriaque]
Mon fils, on a con- Un Prestre vult jadis apprendre,
duit le loup à l'école Un Leu, et faire letre entendre,
pour l'y instruire. A, ditliPrestres ; A, distliLeux;
Le maître lui dit Qi mult es fel et engingneux.
alors : Dis A. B, dist 11 Prestres, di od mei ;
Alors le loup répon- B, dist 11 Leus, la lettre vei.
dit et dit : Agneau. C, dit li Prestres, di avant;
Ensuite le maître lui C, dist li Lox, a-t-il dune tant?
dit : Dis B. Li Prestres feit : 0 di par toi ;
Alors le loup dit : Li Loz respunt jeo ne sai quoi.
Brebis. Di ke t'en samble et si espel ;
11 dit ce qui était Respunt li Lox: Aignel, Aignel.
dans ses pensées. Li Prestres dist : Que verte tuche ;
Tel en penssé, tel en la bûche.
CHAPITRE IV
Les versions de l'Histoire d'Ahikar.
/. Traducteurs et copistes.
1° Traducteurs. — Le texte original est perdu ; seule,
l'étude des versions nous permettra de faire quelques hypo-
thèses sur ce qu'il pouvait être : son contenu, sa forme, sa
langue.
Ces versions renferment toutes des remaniements dus
à leurs auteurs. Voici en effet ce qu'écrivait J. Agoub
1. Editées par B. de Roquefort, Paris, 1820, t. ii, p. 345-346. Cette
pièce est intitulée : « D'un prestre qui mist un Leu (loup) à lettre. »
LES V-TIRSIONS DE l'hISTOIHE d'ai.IIKAR 75
lorsqu'il faisait sa traduction (?) française sur deux manus-
crits arabes :
« Ces maximes, qui ne seraient pas indignes, pour la
plupart, des beaux temps de la philosophie grecque, appar-
tiennent toutes au texte arabe, je n'ai fait que les disposer
dans un ordre plus méthodique. F ai dû aussi en supprimer
quelques-unes, soit parce qu'elles n'offraient que des pré-
ceptes d'une morale banale, soit que, traduites en Irançais,
elles eussent pu paraître bizarres àdes lecteurs européens. »
Mélanges de litt. orientale et française, Paris, 1835, p. 75.
L'auteur nous apprend d'abord qu'il n'interpole pas et —
puisqu'il juge bon de nous en avertir — c'est qu'il croit,
avec raison, que les traducteurs sont fort capables d'inter-
poler leurs ouvrages. Il se borne à changer l'ordre et h faire
des suppressions. Ainsi ont travaillé tous les traducteurs,
comme on le constatera sur les tableaux de concordance :
ils ont changé l'ordre, ils ont supprimé et parfois même ils
ont ajouté.
D'autres ne retranchent ni n'ajoutent, mais condensent
ou paraphrasent — ce qui est plus facile que de viser à
faire une traduction fidèle. Ainsi La Fontaine, dans sa
traduction, condense le texte grec, lequel n'est déjà (ju'un
résumé trop condensé du texte original. Ces traducteurs
ressemblent un peu aux chimistes (.\y\'\ traitent des quin-
taux de matière pour en extraire quelques grammes d'un
corps plus rare. I^]n voici un exemple :
Traduction du grec. Traduction de La Fontaine ^ .
Esope, emmenant Ennos, Esope le reçut (Ennus)
ne lui causa aucun désagré- comme son enfant, et, pour
nient, mais, se conduisant à toute punition, lui recom-
nouveau envers lui comme manda d'honorer les dieux
envers un fils, il lui mit et son prince , se rendre ter-
1. Fables de La Fontaine, éd. Parmanlior, Paris, 1825, p. i.xxxui.
76 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAH l'aSSYRIEN
encore dans l'esprit ces au- rible à ses ennemis, facile et
très paroles : Mon fils, avant commode aux autres, bien
toutes choses, honore la di- traiter sa femme,
vinité, respecte le roi. ■ —
Rends-toi redoutable à tes
ennemis pour qu'ils ne te
méprisent pas. Sois facile et
indulgent pour tes amis,
afin qu'ils t'alTectionnent de
plus en plus. Souhaite à tes
ennemis d'être malades et
pauvres, afin qu'ils ne soient
pas en état de te molester.
Souhaite que tout réussisse
à tes amis. — Agis toujours
bien avec ta femme, de crainte
qu'elle ne cherche h faire
l'essai d'un autre homme.
Car les femmes sont natu-
rellement volages et légères,
elles pensent moins au mal
quand on les traite avec
écfard.
Lorsque nous aborderons la comparaison des versions,
les différences qu'elles présentent ne surprendront plus le
lecteur qui se sera pénétré des procédés d'Agoub et de
La Fontaine. Il aura le plaisir de constater que ces pro-
cédés ont été suivis de tout temps.
2° Copistes. — Mais il y a plus : ce ne sont pas seulement
les traducteurs qui en ont pris parfois à leur aise vis-à-vis
de l'original, certains copistes eux-mêmes, par paresse ou
par inadvertance, ont aussi omis des maximes ou des épiso-
des, tandis (|ue d'autres, plus zélés, en ont ajouté, de
LES VEHSIOXS DE 1,'lIISTOlllE d'ahIKAR 77
sorte qu'il y a des lacunes d'un manuscrit à un autre ma-
nuscrit d'une même version.
Par exemple, l'édition du texte arabe publiée par
Mme Agnès Smith Lewis, éd. de Cambridge, p. 1-30,
est basée sur un manuscrit carchouni de Cambridge, mais
on constatera que l'éditeur ajoute au texte de ce manuscrit
dix passages, dont trois sont empruntés à l'édition de
Salliani, p. 3, 4, 8, et sept à un manuscrit du Brilisli Mu-
séum, p. 4, 5, 7, 8, 20, 28.
De même, dans la traduction du texte slave, éd. de Cam-
bridge, p. 9-12, les maximes 97 à 123 manquent d;ms les
anciens manuscrits et ne se trouvent que dans deux manus-
crits sud-slaves du xv" siècle ^ Nous avons toute chance
ici d'être en présence d'une addition, car ces maximes,
qui manquent dans les anciens manuscrits slaves, man-
quent aussi dans les autres versions.
Enfin les nombreuses notes critiques que M. F. C. Conv-
beare a ajoutées à la traduction de la version arménienne,
nous apprennent encore que les manuscrits de celte \cr-
sion présentent de nombreuses omissions, additions,
transpositions et répétitions. Vers la fin, p. 36-46, un
manuscrit, qui ressemble davantage au syriaque, diOcre
assez des autres pour que M. F. C. Conybeare ait dû
ajouter sa traduction au bas des pages.
Nous pouvons donc conclure que Vllistoire d' Ahikar a
été très maltraitée par les traducteurs et les scribes. Sa
reconstitution, pour être fidèle, exigerait d'abord une édi-
tion soignée de chaque version basée sur le plus grand
nombre possible de manuscrits et ensuite une comparaison
des versions ainsi établies.
1. On remarquera aiis.si que ces maximes, incouimes des autres ver-
sions et que nous traduisons plus loin (app. III, 237-260), commencent
toutes par « mon fils Anadan o, tandis que les autres maximes slaves.
portent seulement < mon fils », comme le syriaque et l'arabe.
/8 HISTOIRE ET SAGESSE d'aI.IIKAR l'aSSYRIEN
//. La version syriaque.
Manuscrits. — Cette version est contenue dans de nom-
breux manuscrits dont un seul a été édité ; tous semblent
de provenance nestorieîjne : Vflis/oire cVAhikar s'est pro-
pagée surtout vers la Perse et l'Arménie et peu vers l'Occi-
dent.
I. (/.) Une seule feuille d'un manuscrit nestorien du xii^
au X!H'' siècle, add. 7'200, loi. 114, conservée au British
Miiscuin. C'est cette feuille qui a permis ii Hoffmann d'iden-
tifier le Haikar des contes ar;ibes avec l'Ahikar du livre de
Tobie. Elle a été publiée et traduite en anglais dans l'édi-
tion de Cambridge, texte p. 33 à 36, traduction p. 56-58 *.
II. (C) Cambridge, add. 2020. Manuscrit syriaque nesto-
rien sur papier, terminé le mardi 18 octobre 1697. II com-
prend :
1" L'histoire de Rabban Hormizd, anachorète persan,
iol. 1^', éditée et traduite en anglais par W. Budge, Lon-
dres, 1902.
2o Sur la résurrection des morts^ fol. 42^.
3° Histoire de Jean Bar Malké, fol. 52^, éditée par le
R. P. Bedjan, Acta marttjj-um et sanctoi'uni, t. i, p. 344.
4° Martyre de l'évêque Miles, du prêtre Aborsam et du
diacre Sinai, fol. 61, édité par le R. P. Bedjan, loc. cit.,
t. H, p. 260.
5** Les Proverbes, c'est-à-dire l'histoire d'Ahikar le Sage,
fol. QQ, texte édité et traduit en anglais dans l'édition de
Cambridge, texte, p. 37-72, traduction, p. 58-86.
1. Le texte est le même, à peu de cliose près, que celui du ras. C ;
c'est donc une même tr.iduction, mais il y a des omissions et surtout
des iuterveisioHs dans les maximes. Voici leur concordance avec notre
édition : 1, 2, 3, 4, 5 (= 48), 6 (= 84), 7 (= 8), 8 (= 85-86), 9 (= 11 b),
10 {= 12), 11 (= 15), 12 {= 16), 13 (- 19), 14 (= 22), 15 (= 23), 16
)= 24), 17 (= 25a), 18 (= 25b), 19 (= 26), 20 (= 28), 21 (= 79).
I,A VERSION SYRIAQUE 79
0° Extrait des maximes de Salomon, fol. 78, Eccli. xviii,
30 31 ; XIX, 10 ; xv, IG.
7° Proverbes (fables) du sage losipos (Esope). Cf. infra,
chan. VI : Ahikar et les fabulistes.
8" Histoire de Mar lareth d'Alexandrie.
9" Martyre de saint Georges, d'Antonin et de la reine
Ak'xandra, au temps du roi impieDadiana, fol. 97, édile par
le R. P. Bedjan, loc. cit.., t. i, p. 277.
iO" Autre extrait des Proverbes (fables) de losipos, fol.
lO. Cf. T.
11" Histoire de Jean de Dailam, en vers de douze f-ylla-
bes, fo!. 109.
12° Histoire des liuit enfants d'Éphèse, fol. 121, éditée
en particulier par le R. P. Bedjan, loc. cit., t. i, p. 301.
13. Histoire de Chrislophore, fol. 131.
14° Histoire de Daniel, disciple de Mar Eugène, fol. 141^,
éditée parle R. P. Bedjan, loc. cit., t. m, p. 481.
15" Histoire de la bienheureuse vierge Marie, fol. 153^;
éditée et traduite en anglais par W. Budge, Londres, 1899.
Cf. A catalogue ofthe Sijriac manuscripts pj-eserved in the
Ubrarij of the University of Cambridge, by llic lafc W.
Wright, Cambridge, 1901, p. 583-589.
Cette analyse un peu longue a l'avantage de montrer au
milieu de quels récits est encadrée V Histoire d' Ahikar. Les
manuscrits suivants n'ont encore été utilisés pour aucune
édition.
III. (/>) Le manuscrit de Berlin, Sachau 556', décrit et
résumé en allemand par INI. Sachau sous le no iS'i dans
son catalogue des manuscrits syriaques de Berlin, p. 437-
442. C'est un manuscrit récent écrit en 1883 ou 1884 à
Tell Kèf. II a été utilisé par M.B. Mcissner et par M. Lidz-
barski, mais jamais édité ni collationné. M. Lidzbarski le
déclare même très corrompu. La Bibliothèque de Berlin
nous a rendu le service, il y a plusieurs années, de nous
prêter ce manuscrit en même temps que le n" IGl (Sachau
80 HISTOinE ET SAGESSE û'AUIKAn l'asSYRIEN
315) ^. Nous l'avons alors transcrit et nous en publions ici
la première traduction.
Ce manuscrit ajoute de nombreux titres; quelques-utis
sont en évidence, mais la plupart ont été fondus par les scri-
bes avec riiistoirc et la rendent par endroits inintelligible,
si on ne remarque pas l'existence du titre. On trouve par
exemple en scriplio continua (c. xn-xiii) :
« Et le bruit se répandit dans l'Assyrie et à Ninive que
Ahikar était tué. Ahikar le scribe fut caché. Alors Nabou-
scmak, avec ma femme Esfagni, alla me faire dans la terre
une cachette de trois coudées de large. »
Les mots « Ahikar le scribe fut caché » nous ont fourni
le titre du c. xiii. Nous avons divisé les chapitres en
paragraphes pour faciliter les renvois.
La rédaction du manuscrit B ~ est souvent plus allongée
que celle de C ; quelquefois c'est une interpolation, mais
d'autres fois c'est la rédaction originale, car elle se retrouve
dans d'autres versions, tandis que, dans ces passages, C n'est
qu'un abrégé. Nous avons donc complété ces deux manus-
1. Nous avions dcinaudé ce dernier ms. pour y relover un fragment
relatif au monastère de Qennesré, fondé par Jean Bar Aphthonia.
Nous avons analysé ce fragment dans Vie de Jean Bar Aphlhonia,
l'aris, 1902, p. lo-14, et nous l'avons fait connaître au congrès des
orientalistes d'Alger (avril 1905), cf. Compte rendu du XIV^ congrès
international des orientalistes^ t. ii : Note sur le monastère de Qen-
nesré. Par contre, depuis 1901, nous n'avions fait aucun usage de
notre transcription d'Al.iikar.
2. La rédaction de ce ms. renferme quelques mots grecs que nous
avons mis entre parenthèses dans notre traduction. Ces mots peuvent
ne pas appartenir à la rédaction primitive, i\ moins qu'ils n'aient été
usités alors. On trouve aussi des formes araméennes comme i, 2,
ôpadnô (cf. Dan., ii, i, 3; m, 10; xi, 45), lorsque les autres mss. sy-
riaques portent le mot syriaque hiron et l'arabe qasr ; ii, 1, niilolô ;
II, 3, fannéq ; xxx, 26, hical, au sens, non de temple, mais de palais
comme en assyrien, cf. Daniel, iv, 4 ; vi, 18, Ce mol est étudié par
Rendcl llarris, p. lxxxiii.
LA VERSION SYRIAQUE 81
crits l'un par l'autre ^, en attendant que l'étude des manus-
crits suivants non encore utilisés permette d'arriver à une
édition définitive.
IV. Le manuscrit 105 (Sachau 102) de Berlin renferme,
fol. 8G-92, un fragment en syriaque sur Ahikar. Ce fragment
est du XV® siècle. Cf. Verzeichniss der syrischeii Hand-
schriflen (der kœnigl. Bibl. zii Berlin), Berlin, 1899,
p. 518-519.
V. Or. 2313, au Brit. Muséum, manuscrit nestorien sur
papier, écrit du xvi" au xvii'' siècle, tronqué au commence-
ment et à la fin. Bien des pièces aussi sont incomplètes.
Après d'autres histoires, on trouve, fol. 172 à 180, un
fragment de l'Histoire d' Ahikar écrit en syriaque. Cf. Des-
criptive list of sijriac and karshuni mss. in the Dritish
Muséum acquired since 1873, by G. Margoliouth, Londres,
1899, p. 8. M. E. W. Brooks nous a appris que ce frag-
ment commence au moment où Ahikar révèle son nom au
roi d'Egypte et se termine avec la comparaison 117
(c. XXXIIl).
VI. Au couvent des Chaldéens de Noire-Dame des Semen-
ces, à neuf heures au nord de Mossoul, dans la montagne
de Beit 'Edri se trouve un manuscrit syriaque de VHis-
toire d' Ahikar, le scribe du roi d'Assyrie Sennacliérib, et
de son neveu Nadan; cod. 100, écrit en 1883. Cf. Jour-
nal asiatique, X" série, t. viii (juillet-août, 190G), p. (32.
VII-IX. Trois manuscrits syriaques de V Histoire d' Ahikar
sont conservés à Oiirmiah. M. Rendel Harris a reçu, trop
tard pour l'utiliser, la collation de deux d'entre eux. Il dit
(p. 163) que les variantes sont moins nombreuses dans le
cours de l'histoire que dans les maximes, dont l'ordre est
aussi modifié.
1. Ils sont de même famille, parce que les maximes y sont disposées
exactement dans le même ordre, mais tous deux ont des lacunes et
des modiGcations propres. Chacun d'eux no représente donc qu'im-
parfaitement l'original.
6
82 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR l'aSSYRIEN
Importance de cette versiox. — On s'accorde à recon-
naître que la version syriaque provient directement de l'o-
riofinal araméen ou de sa traduction en hébreu moderne.
De plus, elle semble la source immédiate ou médiate de
toutes les versions qui nous restent. Voir p. 29.
Nous ajoutons ici la concordance des maximes et des
comparaisons de la version syriaque avec celles des autres
versions : arabe, éthiopien, arménien, slave et néo-svria-
que (ou édition Salhani). Dans la colonne du syriaque, les
nombres entre parenthèses sont ceux de l'édition de Cam-
bridge ; ils sont écrits à la suite de ceux de la présente
édition ^. Dans les autres colonnes, les nombres renvoient
à l'édition de Cambridge, hors iV^" ou Salh qui renvoient
à l'édition de M. Lidzbarski ^ (traduction du Néo-Syriaque^
complétée à l'aide de l'édition Salhani).
SYRIAQUE
ARABE
ETH.
ARM .
SL.
SALH.
1 (1)
1
1
2
1
1
Arm. à la fin
2 (2)
3 (3)
4 (4)
5
2
3, 5
6
1"
1'
1"
2
3»
3*
2
3
4
6
5
7
6
8 (5)
9 (6)
10 (7)
9
10
11"
2
39
3
45»
4,15
6'
7
8
Cf. 19, 72.
11 (8)
11"
11"=
4
45"
6"
9
12 (9)
12
5
4
7*
10
1. Nous avons numéroté toutes les maximes (m, xxiiii, et app.) à
la suite les unes des autres.
2. Editeur du ms. Sachau 339 (néo-syriaque) ; cf. Verzeichniss
der syrischen Ilandschriften, Bei-lin, 1899, p. 815. — Ces tableaux
ont déjà été publiés par M. P. Yelter (cf. supra, III, i, 15). Pour
donner ubc vue d'ensemble du fond commun des diverses versions,
nous les reproduisons en les complétant par endroits.
LA VERSION SYRIAQUE 83
SYRIAQVE
13, 14 (10) 13 7 11
15 (11) 5 7" 12'
16 (12) 14 6 13 Cf. 18.
17 59 (?) 75 (?) 14
18 10'(?) 13 (?) Cf. 16,
19 (13) 16 6 9 15'
20 15"
21
22 (14) 17 7 10» 10 16
23 (15) 18 10" 12 17 Cf. Arm. 27.
24 (16) 19' 10" 13" 18»
25 (17) 58 11,97 11, 14 18"
26 (18) 8 13
27 (19) Cf. 5, 72.
28 (20) 19" 58"
29 (21) 21 9 12 17 20'
30 20"
31 22 8 21
32 (22) 23 10 14 18,19 22
33 (23) 24 11 14 23
34,35 (24) 25
36 (25) 17 23
37 (26) 26 10, 78 24, 25
38 (27) 27 19 27
39 (28) 28, 29 20, 21
40' (29) 31* 22' 29
40" (30) 22"
41
42' (31) 31" 23 31 ^^ g, ^^^
42" (32)
43 (33) 41 45
44 (34) 33 42
45 (35) 85 92
46 (36) 30 43
47 (37) 44' 46 cf. 56
48 (38) 35' 2 26= Grec, 11.
49 (39) 35" 47
50 (40) 36 64? 49
51 (41) 37 65 50
52
'84 HISTOIIIE ET SAGESSE d'ahIKAR l'aSSYRIEN
SYRIAQVE
ARABE
ÉTH.
ARM.
SL.
SALH.
53 (42)
39
66
Cf.47 et Arm.
54 (43)
67
52, 91.
15
-55 (44)
68
112
56
69'
54'
-57 (45)
69"
54"
58 (46)
69=
55
59 (47)
66
Cf. 42.
60
Hébreu, p. 19
61
70
62 (48)
44
51
59
63
Cf. 71.
64 65 ^'^^'^
46
7,47
12
73'
50
62
63
^6 67 \^'''^
48'
64
' ((50")
48"
25
34
<68, 69 (51)
49 à 52
52
65
70 (52)
53
71 (53)
45
13
72
Cf. 63.
12 (54)
56
24'
73» (55)
54"
3
57
73
24"
Cf. 85, 86.
73"
74, 75 (56)
91
25
76 (57)
56
77
123
77 (58)
78 (59)
60
77
79' (60)
58'
79
26'
79'' (61)
38, 55
80"
80
26"
80 (62)
59
14
83
82
27
81 (63)
82 (64)
20
80'
84
19
83 (65)
38,62
28,81'
37
30'
84 (66)
81"
86
85
SQ
87 (67)
60
15
38
42, 43
28
88 (68)
63
82
30"
89 (69)
64
•90 (70)
65
91 (71)
66
31
^2 (72)
Cf. 5, 19.
LA VERSION SYr.IAQUE 85i
STRIAQUE ARABE KTH. ARM. SL. SALH.
93 (73) 61* 96 29
94 (74) 84
95 (75) 26,27 35
COMPARAISONS SYRIAQUES
96
(1)
2
97
j(2-)
1,25-
((2")
3
98
(3)
4
99
(4)
5
100
(5)
7
101
(6)
6
102
1(7^)
(8,:
( 9
103,
104 (8)
105
(9)
106
(10)
12
107
(11)
11
108
(12)
13
109
(13)
110
(14)
14
111
(15)
15
112
(16)
18
113
(17)
16
114
(18)
17
115
116
117
(19)
118
(20»)
19
119
(20")
20
120
(20 ')
21
121
(21)
122
123
124
(22)
125
(23)
126
(24)
22
127
(25)
1
1
2,3,5.
1,1213
2
Cf. 23, 30-32
7
8
9
2
10
3
3
18
4
4
12"
Cf. 8,
12=
12*not.
6
Cf. 7\
17
5
15
6
120
11
19
24
6
14»
14c
14"
Cf. 115.
Cf. 108.
Cf. 129'
Cf. 126'.
Cf. 126"
Cf. 2\ 30-32:
12»
13
86
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR L ASSYRIEX
128
(26)
23
20
10
10
129'
(27)
24
21
129"
(28)
Cf. 116.
130
(29)
11
131'
(30)
25
lia
Cf. 2% 23.
131"
(31)
26
11"
132
(32)
28
12
133
(33)
29
4
13
134
l34)
22
14
14
135
(35)
31
25
9
136
32
137
(36^
33
16
15
15
(36")
34
23
16
138
(37)
Cf.arm.7,26''
139
(38)
35
18
140
(39)
36
19
16
141
(40)
17
142
(41)
38
26
III. La version néo-syriaque.
Le manuscrit syriaque de Berlin 290 (Sachau 55.^) ren-
ferme un texte arabe de V Histoire d'Ahikar et, en face, sa
traduction en néo-syriaque ou torani (dialecte du Tour
Abdin).
M. Mark Lidzbarski a édité ces deux textes sur pages
parallèles : Die neuaramdisclien Handschriften der kœnig-
lichen Bibliothek zu Berlin, 1'"^ partie, Weiniar, 1894, et a
traduit le néo-syriaque en allemand, ibidem, Weimar,
4895, p. 1-41, 2" partie. Enfin il a ajouté un glossaire litho-
graphie, ibidem, 3" partie, Weimar, 1895. Cf. p. 18-19.
Cette version présente de nombreuses lacunes : M. Lidz-
barski eu a comblé un certain nombre (toutes les maximes
et, en plus, les comparaisons qui correspondent aux numé-
ros 98, 106, 114, 116, 119, 122, 123, 129, 135, 136, 139,
142), à l'aide du texte arabe édité par Salhani. L'arabe sur
LBS VERSIONS ARABES 87
lequel a été traduit le néo-syriaque est donc d'importance
secondaire à cause de toutes ces lacunes, mais il porte le
discours direct comme le syriaque et se sépare nettement
de tous les autres textes arabes. 11 est, sans doute pos-
sible, un abrégé arabe de la version syriaque. Nous
donnerons à l'occasion ses principales différences.
IV. Les versions arabes.
11 existe en arabe au moins deux versions et un rema-
niement :
1. L'une de ces versions, base du néo-syriaque, éditée
par M. Lidzbarski, vient d'être mentionnée. Elle provient
certainement du syriaque.
2. La seconde est conservée dans de nombreux manus-
crits arabes ou carchounis (arabes, écrits en caractères
syriaques") :
1° Cambridge, add. 2886, ms. carchouni, écrit en 1783.
Il contient des miracles de la sainte Vierge (traduits du
grec par Macaire, patriarche d'Antioche), et des histoires
de saints (saint Georges, Jean Bar Malké, Suzanne, Job). On
y trouve, loi. 81 à 106, l'histoire de Hikar, vizir de San-
chérib, et de son neveu Nadan. C'est ce texte qui a servi
de base à l'édition de la version arabe de Cambridge que
nous désignons par la lettre A ou par Ar. Cf. A catalogue
of the syriac manuscripts preserved in the lihrarxj of the
University of Cambridge, Cambridge, 1901, p. 732-739.
2" Londres, add. 7209, manuscrit carchouni, qui ren-
ferme V Histoire d' Ahikar, fol. 182^ au fol. 213^. Ce manus-
crit a été utilisé dans l'édition de Cambridge, pour complé-
ter en quelques endroits le précédent.
3" Gotha, n. 2052, manuscrit carchouni, utilisé par Cor-
nill, qui lui a emprunté les maximes parallèles aux frag-
ments éthiopiens et les a imprimées en caractères syria-
ques (cf. infra, version éthiopienne).
88
HISTOinE ET SAGESSE D AHIKAR L ASSYRIEN
4** Un manuscrit carchouni (de Beyrouth ?), édité par
Salhani [Contes arabes, Beyrouth, 1890).
5" Paris, Av. 3037, traduit jjar Caussin de Perceval.
Les manuscrits suivants ne semblent pas avoir été uti-
lisés :
6° V^atican, manuscrit carchouni, n. 22, d'Alep (cité dans
l'édition de Cambridge, p. xxiii).
7''-9° Trois manuscrits arabes de Copenhague et du
Vatican, ibid.
10° Or. 2326, au Brit. Muséum, ms. sur papier du xvi° siè-
cle, contient, fol. 65 à 105, un fragment de l'histoire de
Haikar^ écrit en carchouni. Cf. Descriptive list of Syriac
and Kars]ni?ii jnss. in tJie British Muséum acquired since
1813, by G. Margoliouth, Londres, 1899, p. 12.
11° Manuscrit carchouni 1^6 de l'archevêché chaldéen
de Diarbékir (xv!!** siècle). Cf. Journal asiatique, X*^ série,
t. x(1907), p. 421.
12° Paris, Ar. 3056, fol. 32-46. Nous en avons colla-
tionné la première page, les trois premières maximes et les
deux dernières lignes, et l'avons trouvé conforme au texte
de l'édition de Cambridoe.
3. Le texte traduit dans les éditions des Mille et une
nuits est un remaniement. On y trouve deux textes bien dif-
férents : d'abord la traduction d'Agoub faite, dit-il, sur
deux manuscrits — ces deux manuscrits devaient ressembler
beaucoup à ceux de la seconde version — en second lieu la
traduction publiée par Chavis et Cazotte, que nous citons
sous la lettre F. La traduction de Caussin de Perceval,
sans être littérale, est plus fidèle que celle d'Agoub. Nous
la citons d'après l'édition Pourrat (supra, p. 15, note 1)
des Mille et une nuits.
La version arabe provient d'un texte syriaque, car il en
est presque toujours ainsi : tout texte ecclésiastique syria-
que est traduit en carchouni ; de plus, dans l'édition Sal-
hani, traduite par M. Lidzbarski, l'ordre des maximes est
LES VERSIONS ARABES 89
presque identique à l'ordre du syriaque (voir ci-dessus la
concordance de la version syriaque avec les autres ver-
sions). Dans l'édition de Cambridge elle-même, la concor-
dance est encore frappante {ibidem, colonne de l'arabe).
M. Vetter tient que l'arabe édité à Cambridge est un
remaniement d'un texte arabe perdu qui aurait été traduit
directement sur l'hébreu. Car, dit-il, la version arménien-
ne donne au bourreau l'épi thète de « nayih » qui est un
mot arabe et doit donc s'être trouvé dans la version arabe
sur laquelle on a traduit l'arménien. Cette version arabe
n'est pas l'actuelle qui porte saijyaf au lieu de naijib.
C'est une version perdue, et cette version perdue ne venait
pas du syriaque, qui ne porte pas de mot ressemblant à
nayib. Elle provenait de l'hébreu original, qui portait sans
doute nesib, lequel mot pouvait se traduire par naifib.
Les raisonnements de ce genre reposent sur une base
bien fragile, car ils supposent que le traducteur se croit
tenu de rendre fidèlement un mot par un mot corres-
pondant. Or ceci a lieu assez rarement chez les Arabes
et même ailleurs. Un traducteur pouvait très bien intro-
duire ncujib dans sa traduction sans avoir un mot abso-
lument correspondant sous les yeux.
Nous n'ajoutons pas la concordance de l'arabe avec les
autres versions, parce que l'ordre est à peu près le même
que dans le syriaque et que les maximes et allégories sont
moins nombreuses. La table donnée ci-dessus pour le sy-
riaque suffit donc pour la version arabe.
y. La. version éthiopienne.
On n'a pas trouvé de version éthiopienne de Vllistoire
d'Ahikar, mais de nombreux manuscrits renferment une
collection d'apophthcgmes, le Lii'ie des nasses philusophcs^
parmi lesquels se trouvent quinze maximes de « Haikar ».
L'ouvrage a été étudié par M. C. IL Cornill, Das Uuch
90 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR l'aSSYRIEN
der weisen Philosophen nacli dem JEthlopischen untersuclit
und ziir Erlangung des Doctorgrades bei der phil. Fac. zu
Leipzig eingereicht, Leipzig, 1875, in-8, 58 pages. Dill-
raann en donne un court extrait dans sa Chrestomathie,
p. 40-45 ; il provient de Tarabe, comme nous l'apprend le
traducteur : u Ce livre a été traduit de l'arabe en langue
gheez par Mikaël, fils de l'évêque Abba Mikaël, avec le
secours du Saint-Esprit. » Cette collection arabe-éthio-
pienne comprend des maximes de Socrate, Diogène, Platon,
A ristote, Pythagore, Galien, Hippocrate, Alexandre, Démo-
crite, Ptolémée, Héraclius, Thémistius, Simonide, Hermès,
Buzurgimihr, Arestûlà, Soles, Kersis, Kasri, Cicéron,
Sextus, saint Grégoire, saint Basile, David, Salomon,
Haikar. M. Cornill croit qu'elle a été compilée par un moine.
Elle montre du moins que les maximes de Heykar ont eu
cours chez les Arabes indépendamment de son histoire.
M. Cornill traduit les quinze maximes d'Ahikar (p. 19-21),
et donne la version éthiopienne d'après deux manuscrits
(l'un de Francfort et l'autre de Tubingue)^, avec le texte
carchouni du manuscrit de Gotha (p. 40-44).
M. Moritz Steinschneider - a rattaché la version éthio-
pienne du Livre des sages philosophes à une compilation
arabe faite par le médecin chrétien Abou Zaïd Honein ibn
Ishaq :il-Ibadi 2, dont il reste au moins une traduction espa-
gnole, complétée par Abul-wafa ibn Fatik et traduite sous
cette dernière forme en espagnol, en latin et en français.
Voici la filiation proposée par M. Moritz Steinschneider:
1. Autres manuscrits du Mashafa Falasfâ Tahibân (Livre des
sages philosophes) à Paris, coll. d'Abbndie, n. '26, 75, SI, 122, et à
Vienne, n. XVI et XIX.
2. Die Hebraeischen Uehersetzungen des Mitlelalters, Berlin, 1893.
3. Cette collection fut sans doute traduite directement sur le grec,
en majetire partie du moins, car Honein (mort en 873) est surtout cé-
lèbre par SCS traductions de livres grecs en syriaque et en arabe. Cf.
R. Duval, La littérature syriaque, 3e éd., Paris, 1907, p. 386.
LA VERSION ÉTHIOPIENNE 91
Honein ibn Ishak (f 873) a compilé un recueil de senten-
ces et d'anecdotes. Il y a en effet à l'Escurial deux manus-
crits intitulés -.El lihro de los buenos proçerbios q/ieclLceron
los pinlosophos et sabios antigiios... e translado este libro
Joanicio fijo de Isaac (Honein ibn Ishaq) de griego en
AraviiTo etlransladamo lu nos de arafwo en latin.
L'éthiopien a utilisé l'arabe de Honein ; il y a deux recen-
sions de cet éthiopien, l'une étudiée par C. H. Cornill et
l'autre conservée dans le ms, éth. de Paris, n. 159 (Catal.
Zotenberg, p. 259).
Abul-Wafa Mubaschir ibn Fatik, vers 1053, a complété
le recueil précédent par des notices sur les auteurs. On
trouve cette rédaction traduite dans de nombreux manus-
crits latins. Renzi a édité cette traduction latine dans sa
Collectio Salernitana, Naples, 1854, t. m, 69-150, d'après
le mauvais manuscrit 6069 de Paris, où cette collection est
attribuée à tort au fameux médecin Jean Procida. Elle a
môme été traduite en français par Guil. de Tignonville ^.
La version française, intitulée Les dictz nioraidx des
Philosophes translatez de latin ^ en françoys par noble hom-
me messire Guillaume de Tignonville chevalier, conseiller
et chambellan du Roi, Paris, 1531 ^, ne renferme plus au-
cune n)aximc d'Ahikar ^, mais contient par contre un long
1. Écrit aussi Tignoville et Thignoville. Il vivait dans la seconde
moitié du xive siècle et au commencement du xvc.
2. D'après Gildemeister, cette traduction latine ani-ail été faite sur
une ancienne version espagnole intitulée Bocados d'oro (paroles d'or)
et éditée en dernier lieu par la société littéraire de Stuttgart (par
Knunst, en 1880). Cf. Sleinsclineider, loc. cit.
3. L'ouvrage a été imprimé d'abord à Bruges, sans date ; puis à
Paris en 1486, 1531, 1560, etc.
4. Elle contient des maximes d'Alexandre et des philosophes : Aris-
totc, Assaron, Bath, Diogènc, Galien, Hermès, llippocrate, Logman,
Magdarge, Omer, Oneze, Platon, Pythagore, Ptolémée, Sédéchias,
Socrate, Thésillc, Hippocrate, Zabion, Zalon, Zaqualquin. Presque
tous ces noms figurent dans le recueil étudié par M. Cornill.
92
HISTOIRE ET SAGESSE D AIIIKAU L ASSYRIEN
chapitre intitulé : Ci-après s^ensuys'ent les diclz rnoraulx
de Logman philosophe , différents de ceux d'Ahikar conte-
nus dans l'autre recueil. Il nous faut donc admettre, si nous
acceptons la filiation proposée par M. Steinschneider, que
si Honein a inséré des maximes d'Ahikar (sans doute d'a-
près la version syriaque) dans sa compilation, celles-ci ont
été remplacées dans la rédaction d'Abul-Wata par des ma-
ximes différentes attribuées à Loqman (cf. supra, ch. III,
VI, 3°).
Voici la concordance des maximes conservées dans la
version éthiopienne.
1*
1
(1)
1
fui
1
1"
2
(2)
2
.,.
2
2
18
(38)
35=
26^
3
73»
(55)
54"
57
73
4
11
(8")
11"
45"
6"
5
12
(9)
12
4
j^
6
19
(13)
16
9
7
22
(14)
17
10'
10
8
31
22
9
29
(21)
21
12
17
10
32
(22)
23
14
18, 19
11
33
(23)
24
14
12
64
(49")
7,47
50
63
13
71
(53)
45
72
14
80
(62)
59
83
82
15
87
(67)
60
38
42,43
Grec 11.
VI. La version arménienne.
Cette version a été éditée et traduite par M. F. Cony-
beare d'après huit manuscrits d'Edjmlatzin, d'Oxford, de
Paris et de Venise (éd. de Cambridge, p. xxiv-xxvi, 24-
55, 125-162). C'est la seule qui ait un apparat critique
LA VERSION ARMÉNIENNE 93
suffisant cl qui n'exige pas une nouvelle édition *. M. V'cllcr
en a donné une traduction allemande et a voulu étaldir
qu'elle provient d'une version arabe, caries noms propres
ont la forme arabe : Khikar, Abousmaq.De plus, l'arménien
appelle Abousmaq le « nayip » du roi, qui n'est autre
que l'arabe « nayib », le « gouverneur ». Cette traduciion
n'aurait donc été faite qu'au moment où l'on introduisait
l'arabe dans l'arménien, c'est-à-dire après le x*' siècle 2. En
fait, les manuscrits arméniens utilisés sont assez récents
(du xv^ au XIX* siècle), cependant M. J. Daschian a relevé
dans l'ancienne littérature arménienne (v'^-vii'^ siècle) un
certain nombre de passages parallèles à Aliikar. Ces pas-
sages, d'après M. Vetter, proviendraient non d'Aliikar mais
de sources parallèles. Il n'est pas impossible pourtant
qu'il y ait eu plusieurs versions arméniennes. Du moins, la
version actuelle peut n'être qu'un remaniement, fait sous
une influence arabe, d'une version plus ancienne. Cette
hypothèse permettrait de regarder les formes arabes comme
des corrections ou des interpolations et d'admettre la pos-
sibilité d'une ancienne version arménienne faite sur le
syriaque ^.
1. Celte version abrège «l'histoire». Après avoir mentionné, comme
le manuscrit syriaque B, le recours d'Aliikar aux idoles, elle omet,
par une sorte d'homoiotéleutie, le recours au vrai Dieu. Plus loin
(c. V à VIII), elle omet les lettres prétendues d'Ahikar au.v rois
d'Egypte et de Perse (un seul manuscrit arménien contient la lettre au
roi d'Egypte; il omet d'ailleurs, comme tous les autres manuscrits ai*
méniens, la lettre au roi de Perse). Ses particularités, par rapport au
syriaque B, sont donc plutôt des fautes que des qualités.
2. C'est aussi l'avis de M, F. C. Conybeare (éd. de Cambridge,
p. lxx.m). Le plus ancien manuscrit est à peu près de l'an 1500. Ce-
pendant les différences des manuscrits montrent que la version est
plus ancienne, ses caractères linguistiques la reporteraient au xn**
ou au xme siècle.
\\. Dans la première partie de son étude (1904, p. 330) M. Veltcr
admettait d'ailleurs que l'arménien venait du syriaque ; de i^lus un
94 HISTOIRE ET SAGESSE d'ai.IIKAR l'aSSYUIEX
Un bon nombre des maximes arméniennes ne figurent ni
dans le syriaque actuel, ni dans Tarabe. Nous les tradui-
rons plus loin (appendice II, n. 158-209). Nous ajoutons
donc ici la table de concordance de la version arménienne
avec les autres versions pour fixer l'ordre relatif des maxi-
mes et l'endroit où Ton trouvera leur équivalent ou leur
traduction ^.
ARM.
STR. '^
AR.
SL.
KTH.
1»
(2) 2
2
2
1"
1"
(4) 4
6
S''
1 =
(3) 3
3, 5
3'
2
(5. 19, 72) 8, 27, 92 9
4,15
3
(7) 10
10
4
(9) 12
12
/'
5
5
(11) 15
7-
6
(12) 16, 18
14
7
(10) 13,14
13
8
11(?)
8
9
(13) 19
16
6
10^
(14) 22
17
10
7
10"
(15) 23
18
12
10°
13>
10"
a 6) 24
19^
1 S'-
11
(17) 25
58
il, 14
Cf. 61, 97.
12
(21) 29
21
17
9
13
(18) 26
8
manuscrit arménien (Oxford, canon, oriental 13Ï) se rapproche du
syriaque plus que les autres et nous oblige de choisir entre l'hypo-
thèse d'une version faite sur l'arabe et influencée ensuite par le
syriaque et celle d'une version faite sur le syriaque et influencée
ensuite par l'arabe. Nous préférons la seconde.
1. Par exemple 16 = 158 signifle que la seizième maxime armé-
nienne a été traduite par nous sous le n. 158 (cf. app. II).
2. Nous mettons encore entre parenthèses les numéros de l'édi-
tion de Cambridge et donnons ensuite les numéros de la présente
édition (m, xxxiii et app.). Les numéros des autres colonnes se rap-
portent à l'édition de Cambridge (et à la numérotation de M. P.
Vetler).
LA VERSION AUMÉNIENNE 95
ARM.
SÏR,
AR.
SL.
ET H.
14
(22, 23)
32,
33
23,24
18, 19
10, 11
1
15
(42, 44)
53,
55
41
Cl".
66.
16 = 158
21
Cf.
grec 13.
17
(25) 36
23
18
(26) 37
26
25, 25
Cf.
78.
19
(27) 38
27
27
20, 21
(28) 39
28,29
22»
(29) 40"
31"
29
22''
(30) 40"
23
(31) 42"
31"
31
Cf.
SI. 30.
24 = 159
34(?)
33
25
(50") 67
48"
34
Cf.
27
26
(75) 95
35
27= 160
Cf.
26.
28
(61) 79"
38, 55
37
29 = 161
30 = 162
38(?)
31 =163
39
32 = 164
40
33 = 165
34 = 166
35 = 167
36= 168
57
41
37 = 169
38
(67) 87
60
42,43,
119
15
39
(6) 9
40= 170
41
(33) 43
45
42
(34) 44
33
43
(36)
30
44«
(37, 56)
4:7,
74-75
46
44"
80
45^
(80 11"
11"
6»
45"
(8") 11"
11"
6"
4
46 = 171
47
(39) 49
35"
48 = 172
49 = 173
50
(49") 65
7. 47
63
12
96
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR L ASSYRIEN
51
(48) 62
44
59
52
(51) 68, 69
49
65
53 = 174
50
54 = 175
44 (?)
67 (?;
55 = 170
4, 54"
22, 67, 72
56
72
54
57
(55) 73", 85, 86
54"
73
58 = 177
74
59 = 178
53 (?)
75
GO = 179
(59) 78
77
61 = 180
25
62 = 181
63 = 182
64
[40 (?)] 50
36
49
65
(41) 51
37
50
66 = 183
67
(43) 54
52,91
68
(44) 55
112
69* = 184
40
54'
69"
(45) 57
54"
69=
(46) 58
55
70 = 185
61
71 = 186
56
72 = 187
73" = 188'
58
73" = 188"
61
73= = 188=
{'y h 64
46
62
74 = 189
68
75 = 190
69
76 - 191
77 = 192
56
123
78 = 193
79 =- 194
76
80" = 195"
(64) 82
20
84
80" = 195"
(61) 79"
80
81"
(65) 83
62
81"
(66) 84
86
«2
(68) 88
63
83
(62) 80
59
82
«4
(74) 94
Cf. 11,97.
Cf. 15.
Cf. grec 9.
Cf. 18.
14
LA VERSIOX AliMKMENNE 97
ARM. SYK. AU. SI.. KTII.
85 (35) 45 92
86 i_[ -186
à 90 ^~/à 200
91 (56) 7i-75
92 /_^ 201
à 96 ^~/à 205
9" = 206 Cf. 11, 61.
98 i_[ 207
à 100\~)à 209
COMPARAISONS ARMÉMKNXES
Cf. 3, 5.
Cf. 2, 5.
Cf. 2, 3.
Cf. 26»
1
96 (1)
1
2
97^ 131-132
1,3'
1, 12
(2% 30-32)
25-28
13
•>
i
133 (33)
29
5
6
117 (19)
;
138 (37)
8
98 (3)
4
9
99 (4)
5
2
-10
100 (5)
7
3
-11
110 (14)
14
12'
126 (24)
22
-12"
102» (7")
8, 10
12'
102" (7")
9
13
127 (25)
li"
118 (20*)
19
14"
120 (20=)
21
14'
119 (20")
20
15
106 (10)
12
6
16
137' (36»)
33
15
17
105 (9)
5
18
101 (6)
6
4
19
113 (17)
16
20
128 (26)
23
10
21
129' (27)
24
•)•>
134 (3'i)
14
98
HISTOinE ET SAGESSE D AHIKAR L ASSYRIEN
AR. SL.
23
137*
(36-)
34
16
24
(18)
17
25
135
(35)
31
9
Les deux derniers paragraphes arméniens (26-27) sont traduits
aux variantes sous le r. I'i2.
VII. La version slave.
La traduction allemande de cette version [Der weise Akij-
rios) publiée par V. lagic dans la Byzantinische Zeit-
schriff, t. I (1892), p. 107-126, a été traduite en anglais
dans l'édition de Cambridge (p. xxvi et 1-23).
M. V. lagic écrit que la diffusion de l'histoire d'Aliikar
dans les littératures slave, serbe, roumaine, fait conclure à
un original grec. Il n'en apporte d'ailleurs aucune preuve
directe. La (orme grecque Akyrios n'est pas un argument
en faveur de l'origine grecque du slave, car elle semble due
à M. lagic, puisqu'il nous avertit que tous les manuscrits
slaves portent Akir (le serbe seul porte Akijrie d'où le tra-
ducteur a fait Akyrios). Or Akii- peut dériver directement
d'Ahikar avec suppression de l'aspiration h '^. De plus,
lorsque le syriaque porte par quatre fois : « la plaine des
Ailles (Nesrin) » (cli. v, vi, viii), le slave porte autant de
fois (p. 12, lig. 26; p. 13, lig. 1, 20, 22) : « la plaine d'E-
gypte, y> ce qui n'offre aucun sens puisqu'il s'agit d'une
plaine de Babylonie. Nous pensons donc que le traducteur
slave a lu mesrin (Egypte) au lieu de nesrin (aigles), ce
qui supposerait encore un original sémite. De même la
forme slave « Nalon « du nom du roi de Perse ne nous
raît pouvoir s'expliquer que par une mauvaise lecture du
syriaque 'Elam (noun pour aïn). Cf. supra, p. 13, note 2.
La version slave a donc toute chance de provenir aussi
1. Ou même du Hikar arabe.
LA VERSION SLAVE 99
du syriaque. Si elle provient d'un texte grec non retrouvé,
celui-ci du moins se rattache au syriaque, comme le grec
du Syntipas et une partie de la biographie d'Ésope "*.
Comme le slave renferme lui aussi un bon nombre de
maximes qui lui sont propres et que nous traduisons plus
loin (iipp. ni, n. 210-261). nous ajoutons encore la table de
concordance des maximes de la version slave avec celles
des autres versions et les renvois aux numéros de l'appen-
dice où nous traduisons celles qui ne se trouvent pas dans
les précédentes versions.
1
(1) 1
2
(2) 2 ■
3»
(3) 3
3»
(4) 4
4
(5) 8
5 = 210
6^
(8') 11='
(?
(8^) 11"
7"
(9) 12
■-h
(11) 15
8
11 (?)
9
[13 (?)] 19
.0
(14) 22
[1
(17) 25
[2
(15) 23
13»
13" (16) 24
1'' Cf. 11.
1
1
2
1*
1"
3, 5
1=
6
1"
9
2
Cf. 15, 72
11^
11"
45»
45"
4
Cf. 47.
12
4
5
8
5
16
10»
6
17
10»
7
58
11, 97
Cf. 14.
18
10"
10=
19'
10'
15
16 = 211
17 (21) 29 21 12
Cf.
1. M. lagic nous apprend encore que dans une recension roumaine
(Gasler, Chrestomathie roumaine, l. ir, p. 133) le roi se nomme Siua-
grid et le vizir Arkiri (cf. infra, ix, une autre reccnsion roumaine).
De plus, des sentences tirées de Al.iikar avaient été publiées par
le professeur Suchomlinov dans lo tome iv des Isveslija académi-
ques, Saiut-Pétersbourg, 1855, p. 151-153.
100 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR l'aSSYRIEN
I
SL.
SYR.
AR.
ARM. KTH.
18,19
(22, 23) 32,
33
23, 24
14 10, 11
20 = 212
21
16
22
4, 54*
55
Cf. 67, 72.
23
(25) 36
17
24, 25
(25) 37
26
18,78
26 = 213
27
(27) 38
27
19
28 = 214
29
(29) 40»
31*
22'
30
[30 (?)] 40"
22"
31
(31) 42»
31"
23
Cf. 30.
32
32
33
34 (?)
24
34
(50") 67
48"
25
35
(75) 95
26,27
36 = 215
37
(65) 83
38,55
28
38
30(?)
39
31
40
32
41
57
36
42
(67) 87
60
38 15
Cf. 43. 119.
43
Cf. 42.
44 = 216
45
41
46
(37, 56) 47,
, 74, 75
44»
47
(8>) 11»
11'
45'
Cf. 6
48 = 217
49
('iO) 50
36
64(?)
50
(41) 51
37
65
51
(i2, 47) 53,
. 59
39
15,66
52
('i3) 54
67
Cf. 9i.
53 = 218
54»
72
40
69»
54'
(45) 57
69"
55
(46) 58
69=
56
71
57 = 219
58
LA VERSION SLAVE 101
SL.
SYR.
AK.
ARM.
ET H.
59
(48)
62
44
51
60 = 220
73"
61
62
(49")
64
46
73=
63
(49')
65
7,47
50
12
64
(50')
66
48»
65
(51)
68,
69
49
52
66 = 221
Cf. 22, 72.
67
44 (
?)
54(?)
68
74(?)
Cf. grec 9.
69
75
70 = 222
71 = 223
72
(53)
63,
71
45
13
Cf. 22, 72
73
(55)
73%
85, 86
54"
57
3
74
58
75
53
(?)
59
76
79
77
(59)
78
60
78 = 224
79
(60)
79'
58^
80 = 195"
(61)
79'
80"
81 = 225
82
(62)
80
59
83
14
83 = 226
84
(64)
82
20
80»
85 = 227
86
(66)
84
81"
87 )_\ 228
à 90 \~iii 231
91
Cf. 52.
92
(35)
45
85
93 /_j 232
à 95 \ /à 234
96
(73)
93
61-
97 ) t 235
àllli~jà 249
112 = 250
(4'0
55
68
113 ) \ 251
à 118\~)à 256
102 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR l'aSSYRIEN
SL. SYR. AR. ARM. ETH.
119 = 257 Cf. 42, 43.
120 )( 258
à 122i""ià 260
123 56 77
124 = 261 Cf. 1.
COMPARAISONS SLAVES
1 97431-132 (2»30-32) 1,3', 2,3,5 Cf. 12, 13.
25-28
2 99 (4) 5 9
3 100 (5) 7 iO
4 101 (6) 6 18
5 ' 105 (9) 17
6 106 (10) 12 15
7
8 109 (13)
9 135 (35) 31 25
10 128 (26) 23 20
11 130 (29)
12
13
14 134 (34) 22
15 137» (36*) 33 16
16 137" (36") 34 23
17
18 139 (38) 35
19 140 (39) 36
La fin du slave (20) est traduite aux variantes sous le n. 140.
Cf. 1.
Cf. 1.
VIII. La version grecque.
Une partie de l'histoire d'Ahikar et quelques-unes de ses
maximes sont résumées en grec dans la vie « d'Esope le
fabuliste ».
Il en existe au moins deux recensions. La plus connue
LA VERSION GRECQUE
103
est celle qui figure dans la rédaction de la vie d'Ésope
composée par Maxime Planude, éditée déjà au xv'' siècle,
sans date ni indication de lieu, par Bonus Acciirsus
Pisanus, rééditée souvent, et récemment encore par
A. Eberhard, Fabula; Romanenses grxce conscriptve (éd.
Teubner, Leipzig, 1872), souvent traduite, en particulier
par La Fontaine.
Maxime (ou Manuel) Planude, moine de Constantinople,
né à Nicomédie vers 1260 et mort vers 1310, était un grand
traducteur ^ et un collectionneur de bons mots et d'épi-
grammes -.
Il semble être certainement l'auteur de la recension qui
porte son nom, car elle lui est attribuée par les manuscrits,
et elle n'a pas encore été signalée dans des manuscrits
antérieurs au xv'' siècle. Le manuscrit de Paris, suppl. grec
6'JO, du xu'' siècle, renferme une vie d'Esope, mais elle est
l'œuvre d'Aphtonius, auteur du iii'^ siècle ^, et ne renferme
point le passage emprunté à Aliikar. Le manuscrit grec de
Paris, «. 2894, du x m" siècle, contient bien un folio delà vie
de Planude, mais ce folio relié en tête n'appartient pas à ce
manuscrit et semble aussi lui être postérieur de deux
siècles.
On peut seulement se demander si Planude a utilisé di-
rectement des sources orientales ou s'il s'est borné à rema-
nier une vie d'Esope déjà compilée en grec.
La seconde recension grecque de la vie d'Esope, plus
développée que celle de Planude, vient donner une assez
1. Il traduisit du latin en grec les sentences de Cafon [De moribus
ad filiuiii, cf. Phsedri fabulse, Strasbourg, 1810, p. cvi, 197-216),
les métamorphoses d'Ovide, quelques écrits de Boèce etc. Cf.
K. Kruiiibaclier, dans Byzanlinische Litleratur, 2* éd., Munich,
1897, p. 5'i3-546, 99-100.
2. Anlhologia Plnnudea. Cf. K. Krumbacher, loc. cit.^ p. 727-728.
3. Celte vie a été rééditée aussi par A. Eberhard, loc. cit., p. 306-
308.
104
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR L ASSYRIEN
grande probahilité h la seconde hypothèse. Cette seconde
rédaction a déjà été traduite en latin par Rynucius "* Thet-
talus, au XV'' siècle ^, et a été éditée par Ant. Westermann,
Vita JEsopi e.v Vratislaviensi et partim Monacensiet Vindo-
bonensi codicibus, Brunswig et Londres, 1845. Nous la
désignerons par la lettre W.
Souvent Platuide et W se correspondent phrase par
phrase avec des mots différents, comme le font deux traduc-
tions différentes d'un même texte, d'autres fois Planude
abrège et remplace le discours direct par le discours indi-
rect.
Par exemple où II' porte : « Le roi dit à Esope : Prends
cette lettre du roi d'Egypte et lis-la, » Planude écrit : « Le
ro'x donna à lite à Esope la lettre du roi d'Egypte. »
De même, W : « J'ai fait venir des chevaux de Grèce
pour les accoupler avec les chevaux d'ici, mais lorsque
les cavales entendent hennir les chevaux de Babylone, elles
-avortent. »
Planude : « J'ai ici des cavales qui conçoivent dès qu'elles
entendent hennir les chevaux de Babylone. »
W : « Tu as mal agi, Esope, car (le chat) est l'idole de
la déesse de Bybastc, que les Égyptiens vénèrent surtout. »
1. Ou lliiiuciiis (d'où Rimicius), ou Rinuccio d'Arezzo.
2. Vita .Usopi fabulatoris clarissimi^ e ^rseco latina per Rynucium
fada, ad Reverendissiinuin Patrem Dominum Aiitoniuin tituli sancti
Chrysogoni Presbyterum Cardinalem ; et primo prohœmiam. — \J édi-
tion de cette version latine (xv^ siècle) est donc antérieure aux plus
•anciens manuscrits des versions slave et arménienne d'Ahikar. —
Rynucius ne prend pas parti pour ou contre les incidents fabuleux de
l'histoire d'Esope. Il prend le lecteur pour juge : In hac vita {.-E-
sopi) duo tempora prœcipue notanda sunt. Primuni tempus est : que
servitutevi servivit ; alterum vero est : quo se in libertatem vindicavit.
In utraque quxdam scrihuntur qux fahularum habent effigiem.
Verum enini sive sint ficta s/t'C vera : hoc ego legentium arbitrio
relinquo.
hA VEnSION GRECQUE 105
Planude : « Ne sais-tu pas, Ésope, que le chat est vénéré
chez nous comme un dieu ? »
W : « Nectanébo lui envoya par lettre les questions sui-
vantes : Nectanébo, roi des Egyptiens, à Lycurguc roi des
Babyloniens, salut 1 — Comme je veux bâtir une tour qui
ne touche ni la terre ni le ciel, envoie-moi ceux qui bâti-
ront la tour et celui qui répondra à tout ce que je deman-
derai, et tu recevras, de tout l'empire (|ui dépend de moi,
les tributs de dix ans. INIais, si tu recules, envoie-moi les
tributs de dix ans de toute la terre qui dépend de toi. »
Planude : « Nectanébo envoya aussitôt une lettre à Ly-
céros, lui demandant de lui adresser des architectes pour
lui bâtir une tour qui ne loucherait ni le ciel ni la terre, et
quelqu'un pour répondre à ce qu'il lui demanderait ; s'il le
faisait, il percevrait des tributs, sinon il les paierait. »
De même les trente-cinq maximes de II' sont réduites à
quinze chez Planude.
Les deux écrits dépendent certainement l'un de l'autre,
car, par exemple, toutes les maximes données par Planude
figurent, dans le même ordre, chez IF. La question est donc
de savoir si IF interpole ou si Planude abrège. La seconde
hypothèse nous par;iît la plus vraisemblable. Nous crovons
donc que Planude n'a pas composé la vie d'Esope publiée
sous son nom. Il a résumé un texte grec préexistant, peut-
être ÏF^, qui nous restitue ainsi un état intermédiaire en-
tre les versions orientales et Planude.
Nous traduisons aux variantes la version de Planude
(édition Eberhard), qui est la plus répandue, mais nous
1. II a pu y avoir plusieurs rédactions grecques en plus des deux
qui sont éditées. M. A. Westermann indique dans sa préface des
litres de manuscrits grecs aujourd'hui perdus qui semblent corres-
pondre à des rédactions ditférentes, et publie les maximes conservées
dans un manuscrit de Vienne qui ne concordent entièrement ni
avec celles qu'il édile plus loiu ni avec celles de Planude.
106 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR l'aSSYRIEN
ajoutons en note les maximes propres à W, d'après la tra-
duction de Rynucius ^.
11 resterait à montrer comment on a pu assez facilement
assimiler Esope à Ahikar et attribuer au premier la bio-
graphie du second ; nous tâcherons de le faire au chapitre :
« Ahikar et les fabulistes. »
IX. La version roumaine.
Cette version a été popularisée et mise en relief par
M. Gaster. Dans son histoire de la littérature roumaine
populaire (Bucharest, 1883), il avait déjà consacré un cha-
pitre (p. 104-114) aux versions roumaines de V Histoire d'A-
hikar et noté leur ressemblance avec les versions slaves, le
conte des Mille et une nuits et l'histoire d'Ésope ^. Dans le
Journalofthe Royal Asiatic Society , 1900. p. 301-319, sous
le litre de Contributions to the History of Ahikar and Na-
dan, il traduit en anglais un manuscrit roumain ^. En voici
le début :
« Histoire d'Arkirie, le très sage, qui instruisit son neveu
Nadan dans la sagesse et la science, pour qu'il eût prudence,
philosophie et saine connaissance.
« Dans les jours du roi San;igriptu, vivait dans le pays de
Rodu (Daru), un homme nommé Arkirie. Ce grand sage
1. Nous avons transcrit Rynucius sur l'édition déjà citée de « Bonus
Accursus Pisanus », dédiée à Jean-François Torrès. Sur cette édition
du grec et de la traduction laline, voir Fabrieius, Bibl. grœca, éd.
Harles, t. i, p. 631 (cette édition aurait été donnée à Milan vers 1489) ;
S. F. G. Hoffmann, Lexicon bibliographicum , Leipzig, 1832, t. i ;
Brunet, Manuel du libraire.
2. D'après M. lagic {supra., vu), M. Gaster aurait publié le texte
de la version roumaine dans Chrestomathie roumaine, t. ii, p. 133.
3. Ecrit en 1777, et signalé par lui sous le no 90 dans son histoire
de la littérature roumaine [Grundriss der lîonianischen Philologie, éd.
Groeber), t. ii, 3, p. 387.
LA VERSION ROUMAINE 107
Arkirie adopta un neveu, le fils de sa sœur, nommé Anadan
(parce qu'il n'avait pas d'enfants). Il le nourrit avec du pain
blanc, du miel et du bon vin et lui enseigna la philosophie ;
et il lui dit. »
Le roumain porte trente- six maximes, M. Gaster donne
les concordances suivantes de douze de ces maximes avec
le slave.
2 (=25) ; 5 (=33) ; G (=41) ;8( = 97) ; 10 (= 119) ;
il ( =: 119 ) ; 14 ( = 49) ; 15 ( =53 ) ; 16 ( = 61 ) ; 17
(=68) ;21(= 74); 31 (=78).
Nous traduirons toutes les autres, pour lesquelles M. Gas-
ter n'indique pas de concordance, dans l'appendice IV, mai s
nous verrons que presque toutes ont des maximes parallèles
dans les antres versions et se rattachent donc bien à la
même source. Après les maximes on lit :
« Quand il l'eut instruit dans toute la philosophie, la sa-
gesse et la science, Arkirie conduisit son neveu au roi Sa-
nagriptu. En le présentant k la cour, Arkirie dit : « Hono-
« rable roi, je vous présente mon neveu Anadan pour qu'il
« serve Votre Majesté, car je deviens vieux et ne pourrai plus
«la servir longtemps. » Et le roi Sanagriptu lui répondit :
« .le le ferai très volontiers, Arkirie. » Et Arkirie dit au roi :
« Votre gracieuse volonté pourrait-elle être de faire mon
« neveu grand Logothète ? » Et il fut nojnmé à ce poste... »
Il n'y a plus de noms de rois ni de noms géographiques ;
on trouve une seule lettre, écrite parNadan : « Moi Anadan,
au nom de l'illustre roi Sanagriptu, rassemble les troupes
et viens en hâte.» Le roi est étonné, lorsqu'il apprend qu'A-
hiikar rassemble des troupes. Anadan lui dit que son
oncle se révolte. Il n'est pas question non plus do l'adoption
du frère de Nadan. Le roi demande comment il doit punir
Ahikar et c'est Nadan qui propose de lui faire couper la
tête et de la faire porter à cent pieds de son corps ■*. L'cxé-
1. Il en est de inèine dau3 le slave (p. 14).
108 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR l'aSSYRIEX
cuteur n'est pas nommé, ni l'esclave immolé en place
d'Ahikar.
Arkiric vécut neuf ans caché.
« Anadan demanda au roi la maison et les propriétés
qui appartenaient à son oncle Arkirie, et le roi les lui don-
na. Il alla à la maison de son oncle et il commença à frap-
per les serviteurs et les esclaves, et il fit de grandes fêtes
et des danses sur le tombeau de son oncle et beaucoup
d'autres choses semblables. Arkirie entendait tout cela et
en souffrait. »
Pharaon écrit ensuite au roi d'Assyrie, mais le voyage en
Egypte est très abrégé. La version roumaine mentionne
seulement la construction du château dans les airs (xxx, 6-
10 ) et la confection des câbles de sable (xxx, 22-27), puis
Ahikar retourne en Assyrie et demande que Nadan lui soit
livré : !« Il le frappe et Nadan lui demande de garder ses
pourceaux. Arkirie répond par la parabole du loup auquel
on voulait faire dire A, B, C, D (xxxiii, 137). 2» Il le frappe
de nouveau et Nadan lui demande à être pâtre. Arkirie cite
la parabole du loup qui suivait le troupeau et prétendait
que la poussière était bonne à ses yeux (xxxiii, 137 ^ ). 3^ 11
le frappe encore, Nadan dit : Je soiguerai tes chevaux.
Arkirie lui cite la parabole de l'âne qui avait cassé sa lon-
ge et qui était tombé sur le loup (xxxiii, 105 ), « et Arki-
rie continua à le frapper jusqu'à ce qu'il mourût. » Sic exit.
La version roumaine présente donc aussi le même fond
que les versions orientales mais elle abrège davantage ^.
1. Il en existe un grand nombre de manuscrits qui diffèrent les
uns des autres, dit M. Gaster, mais qui sont tous modernes. Le
même savant fait remarquer que les éditeurs contemporains pren-
nent, vis-à-vis des maximes d'Ahikar, les mêmes libertés que les
6cril)es qui transcrivaient les manuscrits. Il cite Negrutsi, qui publiait
eu 1852 une collection de proverbes roumains et qui y incorporait
mot à mot presque; toutes les maximes d Arkyrie, et Anton Paun qui
introduisait arbitrairement par contre des proverbes populaires
LA VERSION HÉunAÏQUE DR JOSEPH MARSEI. 109
Sa ressemblance avec ces versions est assez, grande pour
qu'elle puisse servir à démontrer que le texte d'où elle pro-
cède (slave ou grec 1 ) provient directement d'une version
orientale.
X. La version hébraïque de Joseph Massel '-.
Cette version a été faite sur la traduction anglaise de
E. J. Dillon basée sur les manuscrits syriaques L et C
(Londres et Cambridge). L'ordre des sentences est celui
de L. La version arabe a aussi été mise à contribution (cf.
supra, p. 19, n. 7). D'après MM. E. J, Dillon et Joseph
Massel, l'original des versionsd'Ahikar est un écrit hébreu ;
c'est la thèse de M. Vetter, mais il se trouve que les hé-
braïsmes signalés par M. Vetter dans la version syriaque,
comme preuve de sa filiation néo-hébraïque, ne se retrou-
vent pas dans la traduction hébraïque de M. J. Massel
(cf. infra chap. V, m). On peut donc en conclure qne ces
hébraïsmes ne s'imposent pas. C'est le principal résultat
que l'on tirera de la lecture de ce petit livre ; on trouvera
en notes des renvois à un certain nombre de passao-es du
Talmud.
rouiiuiins dans sa seconde édition d'Arkyrie (sa première édition
est de 1842).
1. Il ne s'agit ici ni du slave traduit par M.Iagic, ni du grec inséré
dans la vie d'Ésope, car le roumain ne provient directement ui de
l'un ni de l'autre.
2. Kivjath sepher (collection de textes hébreux anciens et nouveaux
publiés par N. S. Libovvitz), n. 1 : The siory of Ahihar, translatcd
into Ilebrew by Joseph Massel, wilh introductions and notes by
lector M. Fridmann and explanatory notes by N. S. Libowilz, New-
York, 1904, 44 pages.
110 insTOinE ET SAGESSE d'aiiikar l'assyriex
CHAPITRE V
Le texte original de VHistoire d'Ahikar.
I. Langue du premier écrit.
Ce premier écrit, auquel Clément d'Alexandrie et Stra-
bon font sans doute allusion, qui a été utilisé lors de la
rédaction orecque du livre de Tobie, qui aurait été mis à
contribution par Déniocrite (né vers 460 ou 496 avant
noire ère) ^ et peut être par Ménandre ( 342-290 avant
notre ère ) ^ , sans doute par l'intermédiaire de Démocrite,
aurait donc été composé en Assyrie antérieurement au v®
siècle avant notre ère ■^ . La langue originale ne pouvait
être que l'araméen. M. Renan l'a écrit avec raison '^ :
« On ne peut douter que 1 immense majorité de la popu-
lation de l'Assyrie ne parlât habitullement Taraméen, Cette
langue, en effet, représente partout la conquête assyrienne.
L'araméen était employé par les hauts fonctionnaires de
la cour d'Assyrie envoyés par Sanhérib pour parlementer
avec Ézéchias ^... Lorsque la domination des Perses eut
remplacé celle des Assyriens, l'araméen garda toute son
importance. »
Comme spécimen de cette langue (peut-être un peu hé-
braïsée) on peut citer les fragments iv, 8-vi, 18, et vu, 12-
VII, 26, du livre d'Esdras, presque contemporain d'Ahikar.
1. Fabricius, Bibl, grœca, éd. Harles, Ilamboui-g, 1790, t. ii,
p. 628-629.
2. Fabricius, ibid., p. 455.
3. Puisque Démocrite vivait au ve siècle.
4. iJisloire générale et système comparé des langues sémitiques,
Paris, 1863, p. 215-216.
5. II Rois, xviii, 26 ; Isaïe, xxxvi, 11.
CONTENU DU PREMIER ÉCRIT 111
Une rédaction de l'écrit araméen original a pu être tra-
duite directement en syriaque au commencement de notre
ère, c'est-à-dire six à sept cents ans après la composition
du premier écrit.
II. Contenu du premier écrit.
Il a pu comprendre à la fois : io V Histoire (VAhikar qui en
est la partie la plus frappante et dont l'existence est attes-
tée par le livre de Tobie, et 2^ les proverbes ou la Sas^csse,
composés sur le modèle des Proverbes de Salomon et dont
l'existence, antérieure à Démocrite, est attestée par Clé-
ment d'Alexandrie.
Ainsi Ahikar, qui a pris modèle sur les Proverbes, a été
imité par Jésus, fils de Sirach, dans l'Ecclésiastique, et les
ressemblances textuelles des deux livres proviennent, non
pas, comme l'a écrit M. Vetter, de ce qu'un auteur juif, ré-
dacteur d'Aliikar, a utilisé le texte hébreu de l'Ecclésias-
tique, mais de ce que Jésus, fils de Sirach, qui rédigeait
l'Ecclésiastique, connaissait par ailleurs les maximes d'A-
hikar. Il les connaissait sans doute d'après le texte araméen
original, bien qu'une version hébraïque, non rencontrée
jusqu'ici, ait pu en être laite.
Les maximes et les comparaisons du premier écrit, por-
tées par Démocrite à la connaissnnce des Grecs, ont servi
aussi de modèle aux moralistes et aux fabulistes grecs i.
o
1. Ou ne peut faire que des hypothèses sur la furme du premier
écrit. M. Rendel Harris (p. lxxxiv-lxxxvi) suppose que les maximes
étaient en vers et même rangées par ordre alphabétique, comme les
sentences en un vers de Ménandre ; cette hypothèse plaît beaucoup
aussi à M. Vetter. Il est certain que l'auteur d'Ahikar, qui avait les
ProTerbes pour modèle, pouvait songer à écrire en vers, mais il est
possible aussi que le premier recueil ait été en prose, comme Jes
premiers recueils des fables d'Esope, et que Jésus fils de Sirach l'ait
mis en vers, de même que Socrate dans sa prison et plus tard Ba-
brius ont mis en vers les fables d'Ésope.
112 HISTOIRE ET SAGESSE DAHIKAIl l'aSSYRIEN
III. Les prétendus néo-hébraïsmes
de la version syriaque.
jNI. Vettcr, pour démontrer ([ue la version syrinque pro-
vient d'un écrit néo-hébreu ^ , rédigé de 100 avant Jésus-
Christ à 100 ou 200 après Jésus-Christ, a dû y chercher
des traces de cet écrit -.
lo XXXIII, 110. Un homme sèmedix mesures de blé et ne
récolte que dix mesures, il se lâche contre ce champ. — Le
ms. C, pour le mot blé, porte se'ortti. M. Yetter suppose que
cela provient d'un texte hébreu qui portait se'oi-d, lequel
mot signifie à la fois blé (se'orâ ) et tempête (se 'ara), d'où
le jeu de mot hébreu : « J'ai semé du blé et la tempête est
venue, » ou encore : « Aussitôt semé aussitôt enlevé. » Des
reconstructions de ce genre seraient h peine permises s'il
était certain que le syriaque provient d'un texte hébreu,
elles ne peuvent donc pas conduire à la découverte de ce
texte. De plus, le ms. B porte ici hélé et non se'orlâ. 11 ne
se prête donc plus au jeu de mots supposé. Ce jeu de mots
n'a pas d'ailleurs été soupçonné par le traducteur hébreu
Joseph Massel '^.
2° xxxiii, 106. Un piège à oiseau se trouvait (.s'a/<^/ ) sur
unfumier... Il dit : Je prie (/;ze.sa/rt)Dieu, — Dans la langue
du Targum, dit M. Vetter, le péal de ^ald est la propre ex-
1. Ou conipj-end peu qu'un rédacteur juif ait fait dire à IS'adan
(xxxin, 134'') : o Je paîtrai... tes porcs. »
2. Ij' Histoire d'Ahikar^ rédigée en araméen, par un auteur qui con-
naissait l'Ancien Testament, devait évidemment contenir des liébraïs-
mes. Nous tenons seulement qu'on ne peut lui attribuer aucun néo-
hébraïsnie qui nous contraigne h placer sa composition à une basse
époque. D'ailleurs l'évolution de la langue hébraïque est mal connue
faute de points de comparaison. — M. Gaster estime aussi qu'il est
prématuré de rechercher un texte hébreu original. Journal of the
Boyal Asiatic Society\ 1900, p. 315.
3. The story of Ahikar, New-York, 190i, p. 36.
LES NÉO-HÉaRAÏSMES DE LA VEliSION SYRIAQUE 113
pression pour la place du piège et au pacl la même racine
signifie prier, J. Lévy, Chald. Wôrterbuch iiber die Tar-
gumini^ t. II (1868), p. 324, 325. Cela prouverait tout au
plus qu'on trouve la même chose dans la langue du Tar-
gum et en syriaque, où selci comporte aussi ces deux sens,
rnnis il y a plus, le ms. B, qui ressemble ici à l'arabe et à
l'arménien plus que le ms. C, porte : «Un piège à oiseau
était caché {jyielteniar) sur un fumier. » Il ne permet donc
pas d'imaginer un jeu de mot ( hébreu ou syriaque ) sur la
racine selô. Le traducteur hébreu n'emploie d'ailleurs ici
aucun mot dérivé de s^elô ^ .
3o III, 84. M. Vetter propose de voir ici un jeu de mots
roulant sur 'aïn, «œil» ou « source », et 'oser, «richesse»,
ou 'afar^ « poussière ». Le texte original aurait porté :
« L'œil de l'homme est comme l'œil de l'eau, il ne se rassa-
sie pas de richesses ( 'o.s'e/') avant d'être plein dépoussière
Ça far). » Cette reconstruction, pour ingénieuse qu'elle
soit, est purement hypothétique et n'aurait quelque valeur
que s'il était certain par ailleurs que le texte original
était hébreu, mais elle ne peut servir a le démontrer. De
plus, le mot « richesses » manque dans B, dans le slave et
dans tous les mss, arméniens (hors un) ; il a donc chance
de n'avoir même pas appartenu à la rédaction primitive ;
toute cette maxime manque même en arabe.
4" Les tournures hébraïques que relèvent M. Vetter,
p. 349, et M. Rendel Ilarris (éd. de Cambridge, p. lxxxiii)
comme : « en trouvant, j'ai trouvé », « rappelant, j'ai rap-
pelé », se renconlrcnt dans la Bible et en général dans
toutes les littératures sémitiques. Elles peuvent donc pro-
venir de l'écrit araméen original, car son auteur connais-
sait et utilisait la Bible ; il n'est pas nécessaire, pour les ex-
1. Joseph Masscl, The story of Ahikar, Ne\Y-Yoik, lOO'i, p. 36. Il
rend « se trouvait î par iUlak mazura/i, et « je prie Dieu > par
êtfalal leêl.
114 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR l'asSYRIEN
pliquer, d'imaginer un écrit néo-hébreii du commencement
de notre ère, intermédiaire entre l'écrit original et les ver-
sions qui nous sont conservées.
5" XXXIII, 105. Un lion (ou : un loup ) rencontre un âne
errant et lui dit : Salut, mar kijrios. L'autre, se doutant
bien que le lion, malgré tant de politesse, le mangera,
maudit le maître qui ne l'a pas attaché ce matin-là.
M. Vetter a trouvé une explication fort ingénieuse de la
répétition : mar kyrios, « monsieur, seigneur •». 11 fait re-
marquer qu'on trouve deux fois dans le Talmud la locu-
tion Afr? qît'i : une première fois (traité Erubin, 53'^) on
donne des exemples de la manière comique dont les Gali-
léens prononçaient l'hébreu. En particulier, on cile
l'exemple d'une femme qui devait dire : « mon seigneur »
et qui prononça comme si elle disait y.upis y^sipiî, « mon
seigneur serviteur ». J. Lévy, Neuhehr. Wôrterbuch, 1879,
t. II, p. 324. Une seconde fois (traité ChuUin 139 ^ ), le
roi Hérode est appelé aussi par dérision par une co-
lombe kîj'î qîrî (-/.jp'.s ycipis, seigneur serviteur) parce que
les ascendants d'Hérode étaient, sous les Macchabées, des
serviteurs et des valets. Le lion aurait donc appelé également
l'âne, par sarcasme, 7.;jpte yziçut, « mon seigneur valet »,
comme on le trouve dans le Targum, et le syriaque,
comprenant mal ce jeu de mots, l'aurait rendu par mar
kyrios. Cette explication n'est qu'ingénieuse, car ces mots,
soi-disant néo-hébreux, ne sont que des mots grecs. Par
suite, au lieu d'expliquer le syriaque mar kyrios par le
néo-hébreu kîrî qirî, qui s'explique lui-même par le
grec /.jpis XîtptS) il est beaucoup plus simple d'expliquer
immédiatement le syriaque par le grec mar xùpioç :
mar étant un titre qui se met en syriaque devant le nom de
tous les personnages que l'on veut honorer, l'auteur syrien
l'a encore mis devant le grec xjpto;, qu'il utilisait sans
le regarder comme identique à mar. C'est ce qu'a compris
B qui remplace mar -/.jpioç par « mon frère et mon
LES NÉO-HÉBRAÏSMES DE LA VERSION SYRIAQUE 115
ami ». Le slave et l'arménien n'ont rien conservé non plus
qui ressemble à niar xjpioig. Cette locution est propre
à f et peut donc être un remaniement moderne.
J'ajoute que prêter ici un sarcasme au lion est aller con-
tre l'idée de la fable qui demande un lion très poli pour
nous montrer un àne qui n'est pas dupe de toutes ces poli-
tesses. C'est là le cadre des fables xiv et clvii d'Esope,
« L'oiseau et le chat, » reprises par Babrius (n. cvii). Voici
cette dernière qui est très courte :
Un oiseau tomba malade. Un chat le trouva et dit : Com-
ment vas-tu ? De quoi as-tu besoin ? Je t'apporterai tout,
seulement guéris-toi. — Et l'autre : Si tu t'en allais, dit-il,
ma vie serait sauve.
On ne conçoit pas que, dans cette fable, le chat adresse
quelque sarcasme à l'oiseau, nous ne concevons pas non
plus que l'on place un sarcasme dans la bouche du lion, sur-
tout pour expliquer une locution aussi simple que marY.jpioq.
Le traducteur hébreu n'a d'ailleurs vu ici aucun jeu de
mots et a traduit par èalom lok, Adônaï hasar *.
G" Les relations entre Ahikar et le texte hébreu de l'Ec-
clésiastique et les ïargums doivent s'expliquer en suppo-
sant, non pas que le premier dépend des derniers, mais bien
que les derniers dépendent du premier, car nous n'avons
aucune raison, ni a priori ni textuelle, pour supposer qu'A-
Ijiikar a été imaginé vers le commencement de notre ère. Au
contraire, les témoignages des auteurs grecs Strabon et
Clément d'Alexandrie, confirmés par les parallélismes rele-
vés avec les restes de Démocrite et de Ménandre, nous con-
duisent il placer l écrit primitif de V Histoire et sagesse dW.-
hikar vers le vi® ou le vu" siècle avant notre ère, taudis
que l'Ecclésiastique date certainement de deux à trois siè-
cles avant notre ère et que les Targums sont encore beau-
coup plus récents.
1, Joseph Massel, The story of Ahikar, New- York, 1904, p, 35.
116 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAU l'aSSTRIEX
IV. Transmission du texte original.
Nous ne trouvons pas trace d'un intermédiaire néo-hé-
"breu. Iln'y adonc pas de motif pour faire état decet intermé-
<liaire, dont nous ne pouvons pas prouver l'existence.
Nous savons seulement que toutes les versions conser-
vées paraissent se ramener à une version syriaque pri-
mitive, qui n'est pas identique aux manuscrits modernes
B, C, mais qui avait des traits de l'un et de l'autre :
l'arménien provient d'une source apparentée à B plutôt
qu'à C ; l'arabe provient plutôt de C mais a des traits
propres à B. Le slave et le roumain eux-mêmes proviennent
d'une source orientale ou immédiatement ou par l'intermé-
diaire d'un texte grec non retrouvé. L'éthiopien provient
de l'arabe ^.
Ces versions, par leurs points communs, nous donnent
uue connaissance suffisante de la version syriaque qui a dû
être leur prototype. Mais ce prototype syriaque, qui est déjà
non pas connu mais reconstitué, ne nous fait pas connaître
avec la netteté désirable l'original araméen dont il dérive
immédiatement ou médiatement.
Toute question sur l'authenticité et l'hi-storicité de VBis'
toire (TAhikar doit donc être envisagée à ces deux points de
vue.
1° Historicité des versions conservées
La comparaison des versions, surtout dans les maximes,
nous a montré qu'elles ont certainement un fond commun,
ïl faut se garder d'attacher trop d'importance à quelques
mots ou à quelques détails, car les manuscrits sont tous ré-
1. Voir (cb. iv) les paragraphes consacrés aux diverscH vorsîoDS.
TRANSMISSION DU TEXTE ORIGINAL 117
cents ; le plus ancien est du xii^ au xin"' siècle, mais ne
comprend qu'une feuille (L), les manuscrits syriaques B
et 6" ont été écrits en 1883 et 1697. Voici cependant quel-
ques observations générales :
Le voyage en Egypte est certainement fabuleux.
La mention du roi de Perse, v, 5, et des Parthes, xi, 2^
3, 4 ; xii, 4, 5, est aussi un anachronisme. Il ne pouvait
guère en être question — des seconds surtout — que
près de deux siècles après Sarhédom.
L'onomastique, où Nabù et Bel jouent un grand rôle, est
plutôt babylonienne qu'assyrienne. D'ailleurs les mentions
des soixante femmes pour lesquelles Ahikar construit soi-
xante palais, 1, 2, et des mille jeunes suivantes de Zéfagnie^
X, 1, ont toute l'allure d'un conte.
Le ton de l'ouvrage est surtout païen, les idoles y sont
mentionnées i, 3 ; m, 90 ; le vrai Dieu Test fort peu.
Les versions conservées nous représentent donc un faux
littéraire composé sous le nom d'Ahikar en Babylonie plu-
sieurs siècles après Sarhédom.
Les critiques supposent en général que l'auteur était
païen et que son ouvrage a été légèrement rapproché du
monothéisme par un Juif qui aurait ainsi constitué le pro-
totype de nos versions. D'autres pensent qu'un auteur
juif a intentionnellement donné un caractère polythéiste à
sa rédaction d'une légende populaire, pour eu faire un
moyen de prosélytisme chez les Gentils. Ce sont des
hypothèses. En fait le syriaque, qui semble le prototype
de nos versions, ne peut remonter au delà du commence-
ment de notre ère, et les manuscrits utilisés ne remontent
pas plus haut que le xvc siècle ( hors un feuillet syria-
(jue ). Nous avons donc peut-être assez de champ pour
expliquer bien des invraisemblances et bien des ana-
chronismes. En d'autres termes, les versions conservées
constituent un (aux littéraire, mais ce caractère de faux
a pu être donné à l'éciit original par le traducteur (?)
118 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR l'aSSYRIEN
S}'Tien des premiers siècles ou par les transcripleurs "^
qui se sont succédé depuis les premiers siècles jusqu'au
xve où commencent nos manuscrits.il nous est heureu-
sement possible de remonter plus haut.
2° Historicité de l'écrit araméen original
Cet écrit n'est pas connu et ne peut qu'être entrevu a
travers les mauvaises versions qui en dérivent, mais il a du
moins le grand avantage de percer sous sa forme histo-
rique dans les manuscrits grecs de Tobie du iv" siècle (et de
remonter sans doute à l'original même de Tobie ) et, sous
sa forme gnomique, dans Clément d'Alexandrie, Strabon et
Démocrite. Il contenait les maximes d'un sage nommé
Ahikar et sans doute le récit de la puissance et de la dis-
grâce subite du même personnage. Le voyage en Egypte,
dont on ne trouve trace ni dans Tobie ni dans les anciens
auteurs grecs, a été ajouté plus tard pour motiver la ren-
trée en grâce.
Nous ne sommes pas d'avis, comme nous l'avons déjà dit,
de séparer les maximes de l'histoire qui leur sert de cadre,
car on serait ainsi conduit à supprimer la seconde série de
maximes qui présuppose la trahison de Nadan, et peut-être
à changer la forme des premières, c'est-à-dire à volatiliser
les maximes elles-mêmes et à les réduire à rien ~.
Quel est le premier rédacteur? Ahikar lui-même? —
Nous n'en savons rien, mais nous ne voyons pas d'inconvé-
nient à admettre que ce peut être lui : car, puisque sa
famille avait abandonné le Dieu d'Israël, il était pnïen, il
était peut-être même, comme semble l'indiquer le texte de
1. Par exemple dans la substilutiou de Seunachérib à Sarhé-
dom.
2. Cette raison seule nous empêche d'admettre que l'ouvrage ne
comprenait d'abord que des maximes.
AHIKAR ET LES FABULISTES 119
Strabon, l'un des sages chaldeens deBorsippa, et celanous
expliquerait la forme païenne du récit conservé par les ver-
sions ; cela nous expliquerait aussi l'onomastique toute ba-
bylonienne.
Pour notre part, il nous plairait de supposer que l'écrit
araméen, original immédiat ou médiat de la version syriaque,
était une rédaction babylonienne populaire basée à la fois
sur rhistoire et sur la légende d'Ahikar. Nous la placerions
au v'' siècle ou au commencement du iv® avant notre ère,
puisqu'elle mentionnait sans doute les Perses et les Parthes
sans faire allusion aux Grecs. Cette rédaction aurait été
précédée par un recueil de maximes (connu de Démocrite)
et par une histoire transmise et embellie par la légende.
Ces maximes et cette histoire peuvent avoir été synthéti-
sées, sinon par Ahikar lui-même, du moins dès le vi® siècle.
CHAPITRE VI
Ahikar et les fabulistes.
Ahikar se rattache très étroitement aux anciens fabulistes
car les fables étaient alors des « moralités », c'est-à-dire
des exemples choisis parmi les animaux ou les êtres inani-
més pour mettre en évidence une idée morale ou une vertu.
Le principal était donc l'idée morale ou la vertu qu'il s'a-
gissait d'inculquer; la fable proprement dite n'était ajoutée
que pour donner du relief "". Dans cet ordre d'idées, toutes
1. Tout autre est l'idéal des Arabes qui aiment la fable pour elle-
même. Aussi ces parleurs infatigables allongent-ils leurs fables en
les cliargeaut d'incidents : la pensée morale constitutive des apolo-
gues juifs et grecs n'y joue plus aucun rôle. Ils ont même imaginé
quelques cadres élastiques pour syntiictiser im nombre indéfini de
fables. Telles sont les Mille et une nuits et la collection du Syntipas.
On connaît la trame des Mille et une nuits. Certains traits du Synti-
120
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAIl L ASSYRIEN
les maximes d'Ahikar, qui sont les moralités, devaient pas-
ser pour contenir l'essentiel des meilleurs recueils de fables.
Il n'en a pas toujours été de même : La Fontaine, dit-on,
adaptait la morale tant bien que mal à ses fables — sou-
vent plus mal que bien — et certains éditeurs de Babrius
supprimaient même les moralités ; aussi nous oublions fa-
cilement que le moraliste est le point d'appui, le support
du fabuliste.
Mais nous pouvons encore aller plus loin et montrer que
bien des passages d'Ahikar sont de véritables fables ; il suf-
firait d'en modifier un peu la forme pour en tirer du Ba-
brius, du Loqman, de l'Ésope ^.
pas sont aussi empruntés à Ahikar : il y avait un roi nommé Cyrus
(jid avait sept femmes et n avait pas d'enfant, il pria la divinité de
lui donner un fils (Ahikar, i, 2, 3). Il fut exaucé et eut un fils qu^il
nourrit, qu'il éduqua royalement et qui crût en taille comme un bel
arbre (Ahikar, ii, 1, 2). // le fit instruire par Vhomme le plus sage
de son royaume (Ahikar, ii, 2, 8 ; m), nommé Sindbad. Celui-ci,
tirant un jour l'horoscope du prince, vit qu'il serait en danger de
mort durant sept jours. En effet, une femme du roi accusa à tort le
jeune prince d avoir voulu la séduire et le roi ordonna de le mettre
à mort. Mais ses sept vizirs obtinrent de jour en jour la remise de
l'exécution en lui racontant des fables pour lui conseiller la patience
et le pardon. Chaque jour aussi, la femme qui avait accusé le jeune
prince racontait d'autres histoires pour montrer au roi qu'il devait
le mettre à mort. — Ce cadre est très élastique, il a suffi à d'autres
rédactions de mettre quarante vizirs au lieu de sept pour augmenter
en proportion le nombre des fables du recueil. — Au bout de
sept jours, le prince et Sindbad paraissent devant le roi et se justi-
fient. La fin donne encore place à quelques anecdotes. L'une de ces
fables {supra, page 73, 5°) a sans doute été inspirée par VHistoire
d'Ahikar, cf. Victor Chauvin, Bibliographie des ouvrages arabes ou
relatifs aux Arabes, Liège, 1907, t. vin.
1. Surtout dans la seconde série de sentences (ou : les comparai-
sons), xxxiii, 96-142; J. Agoub a déjà écrit que cette seconde série
« pourrait fournir le sujet de plusieurs fables, > Mélanges de litt.
orient, et française, Varis, 1835, p. 75. — IS'ous n'avonspasmodifié ce
chapitre depuis la récente publication de M. Rudolf Smeud, cf. supra.
AHIKAK ET LES FABULISTES 121
AHIKAR (126) BABRIUS (l, 34)
Mon fils, tu m'as été com- Des bûcherons fendaient
me un arbre qui dit à ceux un pin et lui enfonçaient des
qui le coupent : « Si vous coins pour qu'il se fendit
n'aviez pas (une partie) de et que leur travail devînt en-
moi dans vos mains, vous suite plus facile. Celui-ci dit
ne seriez pas tombés sur en gémissant : « Comment
moi. » meplaindrais-je de la hache,
qui n'appartient pas à ma li-
gnée, autant que de ces coins
très méchants dont je suis
le père et qui, s'ajoutant
l'un à l'autre, me déchirent !»
AHIKAR (127) LOQMAN (xXIIl)
Mon fils, tu m'as été com- Les fouines, ayant appris
me les petits de l'hirondelle que les poules étaient mala-
qui tombèrent de leur nid. Jes, se revêtirent de peaux
Un chat les attrapa et leur Je paons et vinrent les visi-
dit : « Si ce n'était pas moi, ter en leur disant : « Que la
il vous arriverait un grand vie soit sur vous, ô poules,
mal. » Ils prirent la parole et comment vous trouvez-vous
lui dirent : « C'est pour cela et comment va votre santé ? »
que tu nous as mis dans ta Celles-ci leur répondirent :
gueule! » « Notre santé sera parfaite
le jour où nous ne vous ver-
rons point. »
Cette fable se rapporte à
celui qui montre une amitié
p. 29-35. Nous prouvous suitout qu'Ahikar (,'sl l'un des pères de la
fable (ce qu'où n'avait pas fait auparavant) cl qu'il avait été visé par
Mahomet sous le nom de Loqman. M. 11. S. prouve que des fables
ésopiques proviennent d'Aliikar ; on trouvera ses renvois sous noire
traduclion.
122 HISTOIRE ET SAGESSE c'ahIKAR l'aSSYRIEN
feinte et qui porte la haine
dans son cœur.
Cf. Ésope, XIV {Le chat et
les ois eau jc).
Une autre fable, après avoir commencé de la même ma-
nière dans Ahikar et Loqman, finit tout autrement dans ce
dernier :
AHIKAR (135) LOQMAN (xXIl)
Mon fils, tu m'as été com- Le buisson dit un jour au
me un palmier qui se trou- jardinier : « Si j'avais quel-
vait le long du chemin et on qu'un qui prît soin de moi et
n'y cueillait pas de fruit, qui, me plantant au milieu
Son maître vint et voulut du jardin, m'arrosât et me
l'arracher ; ce palmier lui cultivât, on regarderait avec
dit : « Laisse-moi une année admiration mes fleurs et mes
et je te donnerai du cartha- fruits et je serais un objet
me ^. » d'envie pour les rois eux-
[ L'arabe porte, comme mêmes. »
Loqman : « Mets-moi à une Le jardinier le prit, le
autre place et, si je ne porte planta dans la meilleure
pas de fruit, coupe-moi. »] terre au milieu du jardin et,
Son maître lui dit : a Mal- chaque jour, il l'arrosait
heureux, tu n'as pas réussi à deux fois; alors les épines du
produire ton fruit, comment buisson se Ibrtifièrent et se
réussirais-tu à en produire multiplièrent, ses branches
un autre ! » et ses racines s'allongèrent,
elles couvrirent et étouffè-
rent tous les arbres qui
étaient autour de lui...
1. Sic B. Le lïianusrrit C porte : «comme un palmier qui était près
du fleuve et jetait tout son fruit dans le fleuve. » Il ressemble donc
à Loqman plus que le manuscrit B^ car il supporte aussi le sens :
€ si l'on me changeait de place tout en irait bien mieux. »
AHIKAR ET LES FABULISTES
123
Une autre fable de Loqman peut servir de commentaire
à une pensée assez obscure d'Ahikar:
AHIKAR (129) LOQMAN (xXXVIll)
Tu m'as été, ô mon fils. Un homme vit un jour
comme un serpent monté sur deux serpents qui se querel-
un buisson et qui flottait laient et se battaient avec tu-
sur le fleuve. Un lion (un reur. Un autre serpent, qui
loup, C) le vit et dit: « Le survint, rétablit entre euxla
mauvais est monté sur le paix et la bonne intelligence,
mauvais et un plus mauvais L'homme lui dit alors :
« Certes, si tu n'étais pas
encore plus méchant qu'eux,
tu ne les aurais pas abordés
et ne les aurais pas conci-
liés. »
Cette fiible signifie que les
méchants et les scélérats ne
peuvent être abordés et
réunis entre eux que par un
plus méchant qu'eux-mêmes.
qu'eux deux les emporte. »
AHIKAH
98)
Tu as été pour moi, mon
LA FONTAINE (v, 16)
On conte qu'un serpent,
fils, comme un scorpion qui voisin d'un horloger
frappe une roche. Celle-ci Entra dans sa boutique, et,
lui dit: « Tu as frappé un cherchant à manger
cœur insensible. » N'y rencontra pour tout
11 a Irappé une aiguille et potage
on lui dit : «Tu as frappé Qu'une lime d'acier qu'il
un aiguillon plus redouta- se mit à ronger,
ble que le tien.» Cette lime lui dit, sans se
mettre en colère :
— Puuvre ignorant, eh !
que prétends-tu faire ?
124 HISTOinK ET SAGESSE d'aHIKAR l'aSSYPIEN
Tu te prends à plus dur
que toi.
Cf. Loqman, xxviii, qui
traduit, plus fidèlement que
La Fontaine, la fable xlix
d'Esope [La belette).
Ces exemples pourraient être multipliés. Par exemple :
le chien qui va se réchauffer chez des boulangers puis cher-
che à les mordre et est tué par eux, Ahikar, 113, semble
bien être proche parent du serpent qui est réchaviffé par un
villageois, puis cherche à le piquer et est tué par lui, Esope,
cxxx ; La Fontaine, VI, xni.
La taupe qui monte à la surface de la terre pour accuser
Dieu et qui est enlevée par un aigle, Ahikar, 134, ressemble
au coq qui monte sur un fumier pour chanter victoire et
qui est emporté par l'aigle, Esope, cxix ; La Fontaine, VII,
XIII ; Babrius, v. Le dialogue du piège et du passereau,
Ahikar, 107, ressemble à celui du loup et du petit chaperon
rouge etc.
D'autres ressemblances, assez nombreuses, peuvent être
relevées entre les maximes d'Ahikar et les morales de di-
verses fables :
AI.I1KAR (52) ÉSOPE (cVIIl) ; LOQMAN (x)
Ne blesse pas Thomme Les lièvres et les renards.
puissant, de crainte qu'il ne Cette fable montre « que
te résiste et ne (te) cause du l'homme ne doit point atta-
mal sans que tu le pré- quer celui qui est plus fort
voies ■•. et plus puissant que lui. »
Al.IIKAll (8O) LOQMAN (xXIIl) ; KSOPE (cciv).
Mon fils... lorsque le cor- Le nègre. Cette fable
beau sera blanc comme la montre « que le méchant
1. Cf. III, 83.
AI.IIKAn ET LES FABULISTES
125
neige, lorsque l'amer devien- peut corrompre le bon, mais
dra doux comme le miel, que nul ne peut améliorer
alors l'insensé deviendra le méchant ».
AI.IIKAR (fis)
Une chèvre proche vaut
^ ' LOQMAN (XXXIX)2; KSOPk(cCXIx)
BAIÎRIUS (l, 69) ; PHÈDRE (r, 4)
LA FONTAINE (vi, 1?)
Le chien qui abandonne la
mieux qu'un taureau qui est proie pour l'ombre. Cette
loin, et un passereau que tu fable s'adresse à ceux qui
tiens dans ta main l'emporte laissent un petitbien présent
sur cent qui volent dans et sûr, pour un plus grand
dont l'espérance est éloignée
et incertaine,
LOQMAN (xi) ; ÉSOPE (cVl)
Le lièvre et la lionne. Qu'un
seul enfant d'un bon naturel
est préférable à un grand
nombre d'enfants vicieux.
LOQMAN (XLl) ^ ; ÉSOPE (xxil)
BABRIUS (l, 35)
Les deux chiens. Cette
fable signifie que beau-
nion, et, si l'on ne t'inter- coup de gens viennent sou-
rogc pas, ne donne aucune vent sans être iuvités, mais
réponse. qu'on les chasse et qu'ils
s'en retournent avec le mé-
pris et la honte.
AI.IIKAR ('i9) ESOPE (lv) ; cf. BABRIUS (il, 'S)
Mon fils, ne laisse pas ton L'homme mordu par un
l.Cf. m. 50, 60.
2. XLi (page 33) dans l'édition Cherbonncau.
3. XXXIX (page 32) dans l'édition Cherbonneau.
l'air.
AHIKAll (l66)
INIon fils, ne te réjouis pas
du nombre de tes enfants et
ne te trouble pas s'il t'en
manque.
AI.IIKAR (l8l)
Mon fils, si l'on ne t'a pas
appelé, ne va à aucune réu-
126 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR l'aSSYRIEN
prochain te marcher sur le chien. Cette faille signifie
pied, de crainte qu'il ne te que ceux des hommes qui
marche sur la poitrine. sont alléchés par un (petit)
méfait sont excités à com-
mettre de plus grandes in-
justices.
On s'est déjà préoccupé plusieurs fois de rendre compte
de ces ressemblances et, si l'on ne peut pas affirmer qu'Eso-
pe est un personnage oriental importé en Grèce ''j il est
du moins certain que l'histoire d'Ahikar fut mise à contri-
bution pour compléter celle d'Esope et que Loqman n'est
qu'une combinaison d'Esope et d'Ahikar.
1° Esope. — Son nom est attesté par de très anciens té-
moignages : Platon par exemple nous apprend que Socrate,
dans sa prison, mettait en vers des fables d'Ésope dès la
fin du v° siècle avant notre ère ^. Mais on s'est demandé,
depuis le xvm" siècle, si Esope n'aurait pas une origine
orientale et ne serait donc pas une personnification grecque
d'un auteur oriental antérieur au v*' siècle avant notre
ère. D'après Fabricius ^, Heumann aurait écrit, dans
les Acta philosophoriim, t. i, part. 6", p. 944sq. qu'Esope
n'était autre qu'Asaph ^, ami de Salomon et poète ; ses
maximes auraient été appelées chez les orientaux Carmina
Asapliim^ ce que les Grecs auraient traduit par AÔyouç
1. A noter que les biographes dE'sope (dès Hérodote et Plutar-
que) le font vivre à la cour de Grésus où il aurait connu Selon,
OEuvres de La Fontaine, éd. Lefèvre, Paris, 1838, page 37. Ou prèle
aussi à Ésope une série de trente-quatre maximes, rangées par ordre
alphabétique, qui n'ont d'ailleurs rien de communavec celles d'Ahikar:
"AaTtopo; «ypô?, àjj.Épt[ivoç oîxovôjjloç. 'Apyw iJ-aystpa) Travra âx^cti (k'x^îara)
etc, cf. Rheinisches Muséum fur Philol., t. v. (1837), p. 331-332.
2. D'après Maurice Croiset, Babrius, Fables, p. 7-8.
3. Bibl. grxca, éd. Harles, Hambourg, 1790, t. i, p. 620-621.
4. Les deux noms Esope et Aeaph s'écrivent en hébreu esactomont
de la même manière.
AUIKAR ET LES FABULISTES 127
Aldwâîiouç, quitte à imaginer plus tard qu'elles provenaient
d'un homme nommé Esope.
Un autre auteur '^, sans doute pour retrouver une autre
partie des trois mille paraboles et des cinq mille vers com-
posés par Salomon ^, supposait que ce roi était l'auteur des
fables attribuées à Esope. Il les aurait récitées à table et
Asaph les aurait mises par écrit, d'où leur attribution à
Esope après qu'un voyageur grec (par exemple Démocrite)
les eut introduites en Grèce.
Harlcs, qui résume l'opinion de Heumann (p. 620,
pote A), ne trouve pas sa démonstration suffisamment ri-
goureuse, mais M. Rendel Harris nous proposera du moins
tout à l'heure d'identifier Asaph avec Loqman.
Pour en finir avec Esope, il faut distinguer soigneuse-
ment entre les traits fixés par les anciens auteurs grecs et
ceux qu'a ajoutés Planude '. Les derniers ne peuvent être
attribués à Ésope, comme l'ontdéjà écritBachet deMéziriac *
et, après bien d'a/utres, Fabricius ^ ; or c'est parmi ceux-ci
que figurent les traits communs à Esope et à Ahikar. Il
est donc reconnu par tous qu'ils n'appartiennent pas à
Esope et personne n'en conteste plus la propriété à Ahikar.
Ajoutons qu'une fausse étymologiedu nom d'Esope allait
1. Cf. Fabricius, ihid.
2. I Rois, IV, 30-33. Cf. Eccli., xlvii, 16-18.
3. En réalité, Planudc semble n'avoir fait que remanier (surtout
qu'abréger) une rédaction antérieure, cf. supra, ch. IV, viii.
4. Les fables d'Ésope, traduites du grec par M. Pierre Millol, ensem-
ble la vie d'Ésope composée par M. de Méziriac, Bourg-eu-Bresse,
lG'i6 : « Certes je rejette comme faux et controuvé à plaisir tout ce
que Planude rapporte des voyages qu'Esope fit en Babylonie et en
Egypte... qui ouït jamais parler de Lycerus... Il n'y a pas uou plus
d'apparence de croire qu'Esope soit allé en Egypte du temps du roi
Neclauébo, comme dit l'ianudc, attendu que ce roi ne commença
point à régner que deux cents ans après la mort d'Esope, > p, 298»
301.
5. Bibl. grseca, t. i, p. 619.
128 HISTOIIIE ET SAGESSE d'aHIKAIî l'asSYRIEN
conduire les Orientaux à modifier sa personnalité. Chez les
anciens auteurs grecs, Esope est un esclave, mais personne
ne dit qu'il ait été nègre et difforme. D'après Eustathius *,
le nom d'Esope se dérivait alors du verbe JEtho, JEso, qui
signifie « luire » aussi bien que « brûler », et du nom ops,
écrit avec un o long, qui signifie « œil », de sorte que le
nom du fabuliste signifiait : « (l'homme) aux yeux bril-
lants )). Mais plus tard, du moins en Orient, on supposa
qu' « .iEsope » était le mot «/Ethiopien» et qu'on lui avait
donné ce nom parce qu'il était un esclave nègre, aux gros-
ses lèvres, bossu et difforme, issu de ce pays 2. C'est sous
cette forme que sa personnalité allait être transportée à
Loqraan.
2° Loqman. — Ce sage apparaît pour la première fois dans
le Coran (vji^ siècle), à la sourate xxxi citée plus haut. Depuis
lors tous les commentateurs de cette sourate ont dû s'occu-
per de lui. Les uns ^ font de Loqman le neveu ou le cousin
germiùn de Job "*. D'autres en font le fils de Bàour ou Bêar,
fils de Nachor, fils de Thareh, et par conséquent petit neveu
d'Abraham. Dans les deux cas, il serait prophète par droit
de succession.
Remarquons ici que Balaam étant aussi fils de Bôor ^, il
1. Cité par Bachet de Méziriac.
2. « Je ne sais d'où Planude a tiré ce qu'il assure pour véritable
qu'Ésope était le plus difforme et le plus contrefait de tous les
hommes de son temps et qu'il ressemblait tout à fait au Thersite
d'Homère, car je ne trouve aucun auteur ancien qui le dépeigne de
la sorte, » Bachet de Méziriac, p. 275. Nous croyons que tous ces
traits découlent d'une mauvaise étyraologie du nom d'Esope, avec
peut-être le désir d'opposer davantage encore la laideur physique à
la beauté intellectuelle et morale.
3. Cf. d'Herbelot, Bibl. orient., au mot Loqman, et surtout René
Basset, Loqman Berbère..., Paris, 1890.
4. Comme Al.iikar, c'est aussi un èÇâSeXço;, fait remarquer M. Ren-
del llarris.
5. Nombres, xxii, 5 ; xxiv, 3.
AHIKAR ET LES FABULISTES 129
est tout naturel que certains auteurs aient identifié Loqman
avec Balaam *.
D'autres auteurs le font vivre au temps de David et en
font non un prophète mais un sage. Tous s'accordent à
dire qu'il était de servile condition, natif d'Ethiopie ou de
Nubie et l'un des esclaves noirs qu'on tire de ces pays-là.
Il se trouva vendu parmi les Israélites, sous les règnes de
David et de Salomon. Les anges lui dirent que Dieu voulait
faire de lui un monarque. Il répondit qu'il préférait garder
sa condition. Cette réponse parut si admirable à Dieu qu'il
lui donna aussitôt le don de sagesse et le rendit capa-
ble d'instruire tous les hommes par un très grand nombre
de maximes, de sentences et de paraboles, que l'on fait
monter jusqu'à dix mille.
Un auteur musulman écrit que le sépulcre de Loqman se
voyait encore de son temps à Ramlah ou Ramah, petite
ville qui n'est pas éloignée de Jérusalem, qu'il était Abyssin
de nation, juif de religion, et qu'il fut enterré avec les
soixante-dix prophètes que les Juifs firent mourir de faim
et qui perdirent tous la vie en un seul jour auprès de Jéru-
salem. Ce même auteur le fait vivre trois cents ans, pour
qu'il ait pu être aussi contemporain de David, et suppose
qu'un autre Loqman vivait au temps du prophète Houd ou
Héber. Mais d'autres prétendent que le même Loqman était
1. Par exemple Petrus Alphonsus, vers 1110, écrit dans sa Disci-
plina clericalis (P. L., t. clvii) : « Et Balaam, qui est appelé en arabe
Lucaman (Roth écrit Lucnin), dit à son fils. » Cité par K. L, Roth,
dans Philologus, Gœttingue, 8« année, 1853, p. 130-141, et par Rendel
Harris, p. lxxv. Cependant il paraît certain que Mahomet n'a pas
identifié Loqman avec Balaam, s'il est vrai, comme îe disent les
commentateurs, que les versets 174 et 175 du chap. vu (sourate
Elaraf) doivent être rapportés à ce dernier, car il y est dit que le
diable l'a fait tomber dans ses pièges, qu'il n'a pas été élevé à la
Sagesse et qu'il n'écoutait que ses passions. Il est donc bien différent
de Loqman.
9
130 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR l'aSSYRIEN
contemporain d'Abraham et de David et le font vivre jus-
qu'à mille années ^.
Quelques orientalistes ont ajouté foi à ces commentai-
res : dllcrbelot écrivait : « L'on pourrait dire avec beau-
coup de vraisemblance que Loqman est le même que celui
que les Grecs, qui ont ignoré son nom, nous ont fait con-
naître sous celui de sa nation, en l'appelant Esope, qui
signifie la même chose en g-rec que le mot d'Ethiopien. En
effet, on trouve dans les Paraboles, Proverbes, ou Apolo-
gues de Loqman en arabe des choses que nous lisons dans
les fables d'Esope, en sorte qu'il serait assez malaisé de
décider si les Arabes les ont empruntées des Grecs, ou si
les Grecs les ont prises des Arabes. Il est cependant cer-
tain que cette manière d'instruire par les fables est plus
conforme au génie des Orientaux qu'à celui des Occiden-
taux '-. »
M. J.-J. Marcel, éditeur et traducteur des fables de
Loqman, était encore plus affirmatif: « ...ces fables qui seu-
les peut-être, avec celles de Bidpai, ont droit de porter le
titre d'originales, les fables d'Esope, un grand nombre de
celles de Phèdre et même de notre La Fontaine n'en étant
presque que des traductions et des copies ^. »
Par contre, le monde grec semble avoir toujours regardé
Loqman comme un personnage inventé par Mahomet.
Cela résulte au moins d'un rituel de l'Eglise grecque pour
l'abjuration des musulmans * ; on y lit :
1. D'Herbelol, Bill, orient.; Loqman aurait eu un fils nommé
Annm et, selon d'autres, Matlian. Puisqu'il est censé instruire son
fils, il fallait lui en trouver un qui fût le parallèle de Nadan, nommé
Enos dans le grec. Anam = Enos ; Matlian = Nathan (qui, dans
l'arménien, remplace Nadan).
2. Bibliothèque orientale.
3. Loqman (Fables de), trad. par J.-J. Marcel, 2^ éd., Paris, an XI
(1803), p. 10.
4. Cr. Revue de l histoire des religions, t. tni, n. 2 (1906), p. 150,
159.
AHIKAR ET LES FABULISTES 131
r.pcç TOJTOiç 3s y.al xoùç [xuOsuojxsvouç û::' aùxou ^poçi^-caç y.ai
axoaTÔXouç, cl-' ouv tov Xoù3 xai Ti^aÀST -i^ ^«Xs^ xat tov Swai-rc
y.a'. TOV 'Eop-^"ç xai xcv AouaXxtçiX xai xbv Aox[xav.
« J\iiialhématise en outre les pj-ophètes et apôtres fabu-
leux intentés par lui, à savoir Khoucl (sourate ii, 105, 129,
134 ; VII, 63; XI, 52, Cl) et Tzalet ou Salekh (sour. vu, 71 ;
XI, 64, 69; XXVII, 46), et Sôaip (sour. vu, 83,88, 90; xi, 85,
97 ; XXIX, 35) et Edrês (sour. xix, 57 ; xxi, 85, identifié
souvent avec Ilénocli, cf. Gen., v, 24, et sour. xix, 58), et
Doualikifil (sour. xxi, 85 ; xxxviii, 48, identifié à Élie, Za-
charie. Josué, Isaïe, Ézéchiel, etc.) et Loqinan (sour. xxxi,
11-12). »
Ce manuel d'abjuration remonte sans doute au ix^ siè-
cle 1 et nous fait connaître, au sujet de Loqman en particu-
lier, l'opinion officielle de l'Église grecque à celte épo-
que.
Les opinions des commentateurs musulmans sont en
effet de peu d'importance, puisque leur rôle consistait sou-
vent à trouver un sens aux passages qui en avaient peu.
Leurs divergences montrent que Loqman leur était totale-
ment inconnu en dehors du Coran, et qu'ils lui ont cher-
ché, chacun à sa manière, une généalogie dans l'Ancien
Testament '^.
1. Revue de l'histoire des religions, t. lui, p. 147.
2. Personne, croyons-nous, ne nous contredira, car d'IIerbelot
lui-même, après avoir paru dire que les Grecs ont emprunté aux
Arabes les apologues d'Esope, ajoute à la fin de sou article : « Les
Arabes qui ont copié et traduit nos fables d'Esope en leur langue
sous lonom de Locmaii... il est fort vraisemblable qu'ils (les Arabes)
n'ont donné à Esope le nom de Lociiuui qu'à cause qu'il y a uu cha-
pitre de l'alcorau qui porte son nom, dans lequel Dieu dit qu'il lui
a donné la sagesse. » De même diins la Biographie générale de Mi-
chaud, article Lokman : « Rien dans ses fables ne porte le caractère
d'une invention arabe et le style dans lequel elles sont écrites ne per-
met même pas de les faire remonter au icr siècle de l'hégire; si elles
ont été mises sous le nom de Lokman, c'est donc uniquement parce
132 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR l'aSSYRIEN
Le seul problème ici est de chercher qui Mahomet avait
en vue. Pour lui les noms ont peu d'importance, il les
modilie ou même les imagine à son gré ou selon les besoins
de son vers ; reste donc le texte, or ce texte (traduit plus
haut, chap. III, vi, 3") n'est en aucune manière apparenté à
Ésope et à ses fables, mais il est apparenté de très près,
comme nous l'avons montré, aux maximes d'Ahikar. C'est
donc Ahikar seul qui semble avoir fourni à Mahomet le type
de Loqman ; ensuite les commentateurs l'ont rattaché à
l'Ancien Testament et au sag»' grec Esope, entendu au sens
d'Éthiopien, c'est-à-dire esclave noir, lippu et contrefait ;
enfin, comme conséquence, ils ont attribué à Loqman un
choix de fables ésopiques qui leur sont sans doute arrivées
à travers une traduction syriaque ^
que Lokman était renommé pour sa sagesse. » 11 est fort probable que
les fables de Loqman ne proviennent pas directement du grec mais
bien d'une traduction syriaque, car les fables d'Esope ont été tra-
duites en syriaque sous le nom de Josippos (Josephos = Joseph,
c'est en effet le nom employé en syriaque pour désigner par exem-
ple l'historien Josèphe). La traduction syriaque a été éditée (en
caractères hébreux) par B. Goldberg dans Chofes matmonim sive
Anecdola rabhinica, Berlin, 1845, sans qu'il ait reconnu quelle prove-
nait du grec, puis par Landsberger, Fahulse aliquot aramese, Berlin,
1846. Elle a été étudiée par K. L. Roth, dans Philologus, Gœttingue,
viiie année (1853), p. 130-141, Die ^J^sopische Fabel in Asien (il attri-
bue le recueil des fables de Loqman à un chrétien syrien ou égyptien),
et par Samson Hochfeld, Beitrage zur syrischen Fabelliteratur^
Halle, 1893. Le syriaque provient du grec, mais c est la traduction
syriaque des fables d'Ésope qui a fourni les matériaux du Syntipas.
1. M. Rendel Harris (p. lxxvilxxviii) se demande si Loqman ne
pourrait pas être une personnifîcalion d'Asaph, Beaucoup de musul-
mans en font un prophète et le placent au temps de David, or la
chronique d'Eusèbe, source de toutes les chronographies anciennes
orientales, porte sous la huitième année de David : « Prophétisaient
Gad, Nathan et Asaph. » Ces recherches n'auraient d'intérêt que si
Loqman était le représentant d'une ancienne tradition, mais nous
croyons pour l'instant que son nom a été inventé par Mahomet qui
BUT DU PRÉSENT TRAVAIL 133
Pour conclure ce chapitre, nous avons trouvé deux sages
presque contemporains, du vi" et vii^ siècle avant notre ère,
Ésope chez les Grecs et Ahikar en Babylonie. On a tenté
de les reluire à un : les Grecs en introduisant la biogra-
phie d'Ahikar dans celle d Esope, les modernes en ratta-
chant Esope à Asaph, c'est à-dire aux sages orientaux. Ces
tentatives n'ont rien de concluant. Du moins il est certain
que l'histoire d'Ahikar a servi à constituer l'histoire d'E-
sope, que ses fables ont été introduites parmi les fables
ésopiques, et enfin qu'un troisième sage, Loqman, n'était
à l'origine (dans le Coran) qu'un pseudonyme d'Ahikar,
auquel on a prêté par la suite les traits et quelques fables
d'Esope éthiopien.
CHAPITRE VII
But du présent travail.
Il ne pouvait être question de traduire sur la meilleure
édition connue. Car la version syriaque, qui représente le
mieux l'original et qui est sans doute la source immédiate
ou médiate des autres versions conservées, n'est pas édi-
tée. M. Rendel Harris s'est borné à en reproduire un
manuscrit, avec un feuillet d'un second manuscrit ; notre
traduction, si elle avait été faite sur ce texte, aurait été
aussi incomplète que la sienne.
Nous avons donc traduitle manuscrit syriaque de Berlin,
Sa«hau 336, qui ne l'avait pas encore été ; les titres des cha-
pitres figurent, sauf avis contraire, dans le manuscrit ; nous
a mis sous son patronage ses réminiscences d'Ahikar et ses idée»
personnelles. Il n'y a donc pas lieu de le chercher plus haut.
134 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR l'aSSYRIEN
avons ajouté la numérotation des chapitres et des versets
pour faciliter les renvois. Nous signalons aux variantes tou-
tes les différences du manuscrit syriaque de Cambridge
édité par M. R. liarris. Nous donnons donc une connais-
sance de la version syriaque plus exacte qu'on ne l'avait
encore fait, puisque nous traduisons deux manuscrits sy-
riaques il un dans le texte et l'autre dans les cariantes
numérotées en chiffres arabes) au lieu d'un seul.
Mais nous ne nous sommes pas borné à donner une tra-
duction annotée ^, plus complète qu'on n'avait pu le faire,
de la version syriacjue ; nous avons pris la peine de relever,
rarement dans les variantes proprement dites, mais le plus
souvent dans une seconde série de variantes numérotées en
lettres et placées sous les précédentes, les principales
différences des autres versions : arabe ^, arménien, grec ^,
néo-syriaque, slave. Il est possible parfois que la bonne
leçon se trouve dans l'une de ces versions et non dans nos
manuscrits syriaques, qui sont modernes et qui diffèrent
chacun plus ou moins de leur prototype. En tout cas, les
différences des versions montreront aux lecteurs comment se
transmet et s'altère un texte qui n'est pas protégé, comme
la Bible, par le respect des scribes et des lecteurs.
Au bas des pages se trouvent les quelques notes philolo-
giques et exégétiques (renvois à l'Ecriture et aux écrits
parallèles) que comporte ce travail.
Enfin nous avons ajouté, en appendice, les maximes
et les comparaisons qui sont propres aux versions grecque,
1. La Iraducliou syriaque donnée dans l'édition du Cambridge con-
tient fort peu de notes.
2. Nous faisons connaître quatre rédactions de la version arabe •'
A ou Ar édition de Cambridge, Ag traduction Agoub, F tra-
duction des Mille et une /luils, NS néo-syriaque.
3. Nous traduisons toute la rédaction de Maxime Planude et ajou-
tons, App. I, les maximes propres à la rédaction utilisée par Rynu-
cius et éditée par Weslermann.
BUT DU PRÉSENT TRAVAIL 135
arménienne, slave et roumaine ^, afin de donner au lecteur,
par notre seule édition, une connaissance suffisamment
complète de toutes les versions.
D'ailleurs, dans l'introduction, nous avons retracé, de ma-
nière aussi complète cjue nous l'avons pu, l'histoire du li-
vre et de ses versions ainsi que des divers travaux qui lui
ont été consacrés, et nous avons mis en relief, de notre
mieux, ses relations avec divers livres de la Bible ( Tobie,
l'Ecclésiastique, Daniel) et avec quelques ouvrages d'autres
littératures ( Esope, Démocrite, Ménandre, Loqman, le
Coran ).
Nous avons aussi proposé nos hypothèses sur le contenu,
la forme et la date de l'écrit prototype de la version syriaque
— rédaction araméenne, babylonienne, populaire, basée
sur l'histoire et la légende d'Ahikar écrite au ve siècle
ou au commencementdu ivc siècle avant notre ère — ce n'est
qu'une opinion ; chacun de nos lecteurs pourra la contrôler
à l'aide des documents que nous allons lui mettre sous les
yeux.
François Nau.
Paris, 15 février 1908.
1. Pour ne pas faire, autant que possible, double emploi, nous avons
signalé d;tns le corps de l'édition les additions ou omissions de
l'arabe et du néo-syriaque, qui sont les textes les plus apparentés au
syriaque et dont le futur éditeur de la version syriaque devra tenir
compte. Nous avons donc ajouté seulement les maximes armé-
niennes qui n'ont leurs parallèles ni dans le syriaque ni dans
l'arabe et les maximes slaves qui n'ont leurs parallèles ni dans le
syriaque ni dans l'arabe ni dans l'arménien. Enfin nous avons tra-
duit toutes les maximes roumaines que M. Gasler regardait comme
nouvelles.
BIBLIOGRAPHIE
I. EDITIONS
a) Version syriaque.
F. C. GoNYBEARE, J. Rendel Harris and Agnes Smith Lewis,
T/ie Story ofAhikar from the syrlac^ arable^ armenian, et/iiopiCy
greek and slavonic versions, Londres, Cambridge et Glasgow^
1898. Pour abréger, nous désignerons cette édition par: Ed. de
Cambridge. Le ms. syriaque C et le feuillet conservé dans le
manuscrit syriaque L ont été édités par J. Rendel Harris.
b) Version néo- syriaque-arabe.
M. LiDZBARSKi, Die neuaramaiscJien Handschriften der Kônigli-
clienBibl. zu Berlin, I, Weiraar, 1894. Le texte néo-syriaque
et le texte arabe correspondant figurent en face l'un de l'au-
tre et sont publiés d'après le ms. de Berlin : Sachau 339.
c) Version arabe.
Salham, Contes arabes, Beyrouth, 1890.
Agnes Smith Lewis, dans \'Ed. de Cambridge, p. 1-80, d'après
le ms.2886 de Cambridge avec des compléments tirés de l'édi-
tion de Salhani et d'un ms. du British Muséum, à Londres.
d) Version arménienne.
F. G. CoNYBEARE, dans Y Ed. de Cambridge, p. 125-162, d'après
huit manuscrits.
Trois éditions avaient été données auparavant à Constantinople
dans un recueil de contes : 1° Le livre de l'histoire de la cité
d'airain... et t histoire de Khikar..., Constantinople, 1708,
édité par Sergis. — 2° Le livre de V histoire de la cité d'airain et
138 HISTOIRE ET SAGESSE D^AHIKAn l'aSSYRIEN
les maximes instructives et utiles du saint homme Khikar avec
d'autres maximes utiles^ Constantinople, 1731, édité par Asto-
natsatour. — 3° Même ouvrage, Constantinople, 1862, édité
par R, J. Qurqdshean.
e) Version éthiopienne.
C. H. CoRNiLL, Das Buchder weisenPhilosopliennach dem /Ethio-
pisclicn untersucJit und zur Erlangung des Doctorgrades bei der
Phil. Fac. zu Leipzig eingereic/tt, Leipzig, 1875, d'après deux
manuscrits, l'un de Tubingue et l'autre de Francfort. M. G.
H. Gornill ajoute le texte arabe correspondant, d'après un ma-
nuscrit de Gotha.
/■) Version grecque.
Publiée avec la vie d'Esope. Relevons, parmi les anciennes édi-
tions de la vie d'Esope attribuée à Maxime Planude :
Edition princeps du texte grec avec la traduction latine de Rynu-
cius, Vita yEsopi fabulatoris, Milan, 1476, in-4. Presque toutes
les éditions postérieures, jusqu'à 1550, proviennent de celle-ci.
JEsopi Fahulse et Vita graece cum Aldi Manucii interpretatione,
Louvain, 1503, in-4.
Vita et Fah élise JEsopi..., Venise (imprimerie Aide Manuce), 1505.
MsopiPhrygis vitaet Fabulse... Râle, 1518; autres éditions. Râle,
1524, 1530; Lyon, 1535; Paris, 1546 (éd. Robert Estienne) ;
Paris, 1549 ; Anvers, 1505, 1567, 1574 ; Leipzig, 1741 ; Venise,
1747.
Nous avons utilisé l'ancienne édition (sans date ni lieu d'ori-
gine) donnée par « Ronus Accursus Pisanus », Ribl. nationale
de Paris, Réserve, Inv. Yb, 426, et surtout:
A. Eberhard, Fahulx Romanenses graece conscriptse^ Leipzig,
1872, éd. Teubner.
La partie de la vie d'Esope qui concerne Ahikar a été reproduite
d'après cette dernière édition dans Ed. de Cambridge^ p. 119-
124.
Antonius Westbrmann, Vita jEsopi, ex Vratislaviensi, acpartim
Monacensi et Vindobonensi codicibus nunc primum cdidit,
Brunswig et Londres, 1845. Cette vie diffère de la précédente.
BIBLIOGRAPHIE 139
g) Version slave.
SucHOMLiNOV a publié des sentences tirées d'Ahikar dans le
t. IV des Isvestija académiques de Saint-Pétersbourg, 1855,
p. 151-153.
//) Version roumaine.
Gaster. Chrestoinathie roumaine, t.ii, p. 133; The journal of
the Royal Asiatic Society, 1900.
II. TRADUCTIONS MODERNES
a) de la Version syriaque.
E. J. DiLLON, Contemporary Revicw,TaâY?, 1898, traduction an-
glaise du manuscrit C.
J. Rendel Harris, The Legend of Ahikar, Ed. de Cambridge,
p. 56-84 ; traduction anglaise du feuillet du manuscrit L et du
manuscrit C.
F. ViGOUROUX, Les Livres saints et la critique rationaliste,
5^ édit., Paris, 1901, traduit toute la partie historique d'après
le manuscrit C.
b) de la Version néo-syriaque-arabe.
Mark Lidzbarski, Die neuarainàisclien Handschpiften der Kon,
Bihl. zu Berlin, II* paiHie, Weimar, 1895 (p. 1-41). Autre ti-
rage de la même traduction sous le litre : Geschichtcn und
Lieder aus den ncuaramàischen Handschriften der Kôn. Bibl.
zu Berlin, yVeimaii\ 1896. Dans cette traduction, M. L. a com-
plété le néo-syriaque par un certain nombre de passages tra-
duits sur l'édition Salhani.
c) de la Version arabe.
Mille et une nuits, l^' éd., Ghavis et Cazolte dans le Cabinet des
Fées, Genève et Paris, 1788, t. xxxix, p. 166- 361. — 2« éd.,
Caussin de Perceval, Paris, 1806, t, vin, p. 167. — 3® éd.,
140
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR L ASSYRIEN
Gaultier, Paris, 1822, t. vu, p. 313. Des traductions anglai-
ses et allemandes se trouvent dans les éditions de Hanley,
Habicht, Burton, Henning, cf. supra, p. 15-16.
J. Agoub, Le sage Heykar, conte arabe, Paris, 1824. Cette
traduction a été reproduite dans Mélanges de littérature oricn'
taie et française, Paris, 1835, p. (31-119, et c'est encore elle,
divisée en nuits, qui figurait dans l'édition Gauttier des Mille
et une nuits (cf. supra).
Agnès Sraith Lewis, T/ie story of Haiqar and Nadan, Ed. de
Cambridge, p. 87-118.
d) de la Version arménienne.
F. C. Conybeare, T/ie Maxims and Wisdom of Kkikar, Ed. de
Cambridge, p. 24-55.
P. Vetter, Das BucJi Tobias und die Ac/iikar-Sage, dànslai T/ieo-
log. Quartalschrift de Tubingue, 1904.
e) de la Version éthiopienne.
C. H. GoRNiLL, loc. cit. (a édité et traduit).
J. Rendel Harris, Ethiopie fragments of the sayings of A/iikar,
Ed. de Cambridge, p. 85-86.
f) de la Version grecque.
Dans toutes les traductions de la vie d'Esope attribuée à Pla-
nude, par exemple en tête des fables de La Fontaine, éd. Par-
mantier, Paris, 1825, t. i. p. lxxxii-lxxxvi ; éd. Hachette,
Paris, 1883, t. i, p. 46-51.
g) de la Version slave.
V. Jagic, Deriveise Akyrios, dans Byzantinische Zeitsclirift^i. i
(1892), p. 107-126.
Agnès Smith Lewis, The story of the wise Akyrios, Ed. de
Cambridge, p. 1-23. Cette traduction a été faite sur celle de
V. Jagic.
BIBLIOGRAPHIE 141
h) de la Version roumaine.
M. Gaster, Journal oft/ie royal Asiatic Society, 1900, p. 301-
319.
III. TRAVAUX DIVERS
S. AssEMANi, Bibliotheca orientalis, t. ii, p. 208 ; t. m, p. 286.
G. Hoffmann, Ausziige aus syrischen Aktcn persischer Mdrtyrer,
Leipzig, 1880, p. 182-183.
G. BiCKELL, dans Athenxum, t. ii, 1890, p. 170.
E. KuHN, dans Byzantinische Zeitschrift, 1892, p. 127-130.
M. Steinschneider, Die Hebràischen Uebersetz. des Mittelalters,
Berlin, 1893.
Bruno Meissner, dans Zeitschrift der Deutschen Morgenl. Gcsell»
schaft, t. XLVIH (1894), p. 171-197.
Mark Lidzbarski, ibid., t. xlviii, 1894, p. 671-675.
E. ScHÙRER, Geschichte des j'iid. Volhes imZeitalter Jesu-Christi,
3' éd., 1898, t. m, p. 177 sq. — Theolog. Litteraturzeitung,
1897, n. 12 (p. 326).
E. GosQUiN, dans la Revue biblique, t. viii (1899), p. 50-82 et
510-531.
Th. Reinach, Uti conte babylonien dans la littérature juive : le
roman d'Akhikhar, dans Xd^ Revue des études juives, t. xxxviii
(1899), p. 1-13.
Mark Lidzbarski, Deutsche Litteraturzeitung, 1899.
E. SachaUj Verzeichniss der syrischen Handschriften, Berlin, 1899.
J. Halevy, Tobie et Akhiakar, dans la Revue sémitique, 1900,
p. 23-77.
J. Daschian, dans Kurze bibliograph. Untersuchungen und Texte,
t. II, 1901, p. 1-152 (en arménien).
M. Plath, Zum Buch Tobit, Gotha, 1901.
Paul Marc, Die Achikar-Sage, ein Versuch zur Gruppirung der
Quellen, Berlin, 1902.
R. Gottheil, a Christian Bahira Legend, New- York, 1903.
J. Siéger, Das Buch Tobias, dans Der Katholik, t. xxix, 1904.
P. YETTEHy Das Buch Tobiasund die Achikar-Sage, dans la Theol,
142 HISTOIRE ET SAGESSE DAIIIKAR l'aSSYRIEN
Qaartalsc/irift de Tubingue, 1904, p. 321 et 51^; 1905,
p. 321 et 497.
Hagex, Lexicon biblicum, Paris, 1905, au mot Archiacharus.
F. ViGOUROUx, Les Livressaints et la critique rationaliste, 5® éd.,
t. IV, Paris, 1901.
— La sainte Bible polyglotte, trois textes grecs pour Tobie ;
grec et hébreu pour V Ecclésiastique.
— Manuel biblique, 12'= éd., Paris, 1906,
R. DuvAL, La littérature syriaque, 3* éd., Paris, 1907.
F. Nau, Le mot orfié dans Ahihar et Bar Bahlul, dans le Journal
asiatique, X^ série, t. ix (1907), p. 149.
Victor Chauvin, Bibliographie des ouvrages arabes, t. vill,
Liège, 1907.
Rudolf Smend, Aller und Herkunft des Acliikar-romans und sein
Verhàltnis zu Msop, Giessen, 1908.
BIBLîOCnAPHIE - 143
SIGLES ET ABREVIATIONS
A et Ar =r texte arabe de rédition de Cambridge, Cf. Introd.,
ch. IV, IV, 2.
Jg- =r traduction Agoub. Cf. Introd., ch. III, i, 2.
Arm. = traduction de l'arménien d'après P. Vetter ou l'éd.
de Carabrigde. Cf. Introd., ch. IV, iv.
B =z ms. de Berlin, Sachau 336. Cf. Introd., ch. IV, ii, 4.
C= ms. de Cambridge, add. 2020. Cf. Introd., ch. IV, ii, 2.
Ed. de Cambridge Cf. Introd., ch. III, i, 8,
F = traduction des Mille et une nuits, éd. Chavis et Cazotte. Cf.
Introd,, ch. III, i, 1,
G = version grecque d'Ahikar insérée dans la vie d'Esope. Cf.
Introd., ch, IV, viii.
H=: version hébraïque de Joseph Massel. Cf. Introd., ch. IV,
X.
L = ms. de Londres, add. 7200. Cf. Introd., ch. IV, ii, 1.
Lidzbarski r=. édition et traduction du néo-syriaque. Cf. Introd.,
ch. IV, III.
B. A/e/ssrter= article de la Zeitsclirift der Deutschen Morgenlssn"
dischen Gesellsc/iaft, t. XLViii (1894). Cf. Introd., ch. Ill, i, 5.
iViS = version néo-syriaque. Cf. Introd., ch. IV, m.
Rendel Harris = introduction à l'édition de Cambridge. Cf.
Introd,, ch. III, i, 8.
B. S. = Rudolf Smend, Aller und Herkunft... Cf, Introd.,
p. 29-35 — M, Rudolf Smend cite les fables d'Esope (en chif-
fres romains) d'après l'édition de C. Halni, et les fables de
Babrius d'après l'édition de Crusius, CL Aller und Herkunft...,
p. 77 et 78.
Nous citons les fables d'Ésope (en chiffres romains) d'après
l'édition Tauchnitz, Leipzig, 1829 ; les fables de Babrius, d'a-
près l'édition Maurice Croiset, Paris, 1890 ; les fables de Phè-
dre, d'après l'édition de la Société bipontine, Argentorati, 1810,
144
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR L ASSYRIEN
et les fables de Loqman, d'après l'édition Gherbonneau, Paris,
1847, et la traduction J.-J. Marcel, 2« édit., Paris, an XI (1803).
Sal/i =z Salhani, Contes arabes, Beyrouth, 1890.
SI = version slave. Cf. Introd., ch. IV, vu.
W = édition A. Westermann, Vita jEsopi, 1845. Cf. Introd.^
ch. IV, VIII,
Z D M G = Zeitschrift der deutschen morgenlaendischen Gesell-
schaft.
[ ] Nous mettons entre crochets dans la traduction les passa-
ges ou les mots empruntés au manuscrit C, pour compléter ou
rectifier le manuscrit B.
( ) Nous mettons entre parenthèses nos propres explications
ou additions.
HISTOIRE ET SAGESSE D'AHIKAR
INTRODUCTION
An nom du Dieu vivant, le serviteur coupable commen-
ce à écrire une histoiie ninivite : Ahikar l'Assyrien'*.
— Jacques d'Edesse la composa en langue syriaque d'après
la tradition de Mar Ephrem l'ancien — il mourut en pays
chaldéen, l'an 1252 des Grecs *.
1 C a pour litre : a Avec l'aide divine, je commence à écrire les
Proverbes, c'est-à-dire l'histoire du sage Ahikar, le scribe de
Sennachérib, roi d'Assur et de Ninive. »
a Titre. A : « Haiqar et Nadan. Au nom de Dieu le Créateur, le
Vivant. la Source de la raison, nous commençons — avec l'aide
du Très-Haut et sous sa direction puissante — à écrire l'histoire
de Haiqâr le sage, vizir du roi Sennachérib, et de Nadan, fils de
la sœur de Haiqâr le sage. » — Arin : « Les maximes et la sagesse
de Khikar. » — I^th : (( Instructions de Haikar le sage. »
Introd. Le serviteur coupable... Le scribe rédige son en-tête en
vers de sept syllabes. B. Meissner a Iranscrit l'cn-têle du manus-
crit 555. Cf. Zeitschrift der Deulsch. Morgenl. Ges., t. xlviii, p. 176.
D'après la tradition, lilléralcmcnt : « d'après l'audition intellec-
tuelle. »
L'an 1252. Un lecteur trouvant cette date peu satisfaisante a sur-
monté de trois points le premier cliiffre et le troisième pour indiquer
ainsi qu'on doit les intervertir. Cela donne l'an 5212 (du monde), ou
296 avant notre ère.
L'an Î2Ô2 des Grecs, ou 941. Celte date ne convient donc qu'à un
scribe, peut-être à l'auteur de ces quelques vers (Jacques d'Edesse
est mort en 708).
10
146 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR I^ 1
CHAPITRE I
Ahikar demande un fils.
4. * Il dit : Lorsque je viv;iis à l'époque de Sennachérib,
roi de Ninive ^ ; lorsque moi, Ahikar, j'étais trésorier
(IziTCOTTOç) et scribe ■•, et que j'étais jeune, les devins, les
mages et les sages me dirent : « Tu n'auras pas d'enfant. »
1 C : « La vingtième année de Sennachérib, fils de Sarhédom,
roi d'Assur et de Ninive, moi, Ahikar, j'étais scribe du roi. » —
NS : «j'avais acquis beaucoup de bien. »
^ A : <L Dans les jours du roi Sennachérib, fils de Sarhé-
don, roi d'Assur et de Ninive, il y avait un vizir, un homme sage
nommé Haykar, et il était vizir du roi Sennachérib. »
b G : « (Ésope) quitta ensuite l'île (de Samos) et parcourut
la terre, prenant part partout aux discussions des philosophes.
Il arriva aussi à Babylone et, après y avoir montré sa sagesse,
devint en grand crédit auprès du roi Lycéros. A cette époque»
les rois qui étaient en paix s'écrivaient par plaisir des problè-
mes captieux et se les envoyaient. Ceux qui les résolvaient rece-
vaient, à cette occasion, des tributs de ceux qui les avaient en-
voyés, sinon ils payaient les mêmes tributs. Esope résolvait
avec intelligence les problèmes qui étaient adressés à Lycéros et
couvrait ainsi le roi de gloire. Il envoyait aussi de son côté d'au-
tres problèmes par l'intermédiaire de Lycéros et, comme ils
n'étaient pas résolus, le roi en tirait de nombreux tributs. »
Le rédacteur grec prépare ainsi le lecteur à l'ambassade du roi
d'Egypte, — /i^ transforme ce paragraphe delà manière suivante :
« Dans les temps dont je viens de vous parler, sire, Sinka-
rib régnait à Nenevah et à Thor, royaume d'Assyrie. Ce prince,
parvenu fort jeune au trône, n'était pas né sans vertus; mais le
goût des plaisirs lui faisait négliger ses affaires ; elles étaient un
fardeau pour lui, et le ministre qui l'en soulageait pouvait se pro-
I, 2-3 AHIKAR DEMANDE UN FILS 147
2. J'acquis une grande richesse, j'étais comblé d'un
bon superflu, j'épousai soixante femmes et je leur bâtis
soixante palais, vastes, merveilleux et admirables, ainsi
que de nombreuses maisons, et j'arrivai h l'âge de soixante
ans, et il ne m'était pas né d'enfant ^.
3. Cependant moi, Ahikar, j'allai offrir des sacrifices
et des présents aux dieux; je brûlai pour eux l'encens et
les aromates et je leur dis : « 0 dieux, donnez-moi un fils
dans lequel je me complaise jusqu'au jour où je mourrai et
où il me succédera ^ ; il fermera mes veux et m'ensevelira. Et
1 Les mss. C, L cités plus bas, d'accord avec l'arménien et le
slave, portent : « me jette de la poussière sur les yeux. » — Armé-
nien : (C Je demande seulement qu'il puisse de ses mains répan-
dre de la poussière sur moi. » — Slave : « Donne-moi un fds qui
puisse répandre de la poussière sur mes yeux après mon décès. »
Cet usage explique plus loin (ch. m) la pensée 84.
mettre de le subjuguer. Heureusement pour le jeune monarque,
il avait eu la précaution de conserver pour son premier vizir
celui qui avait gouverné l'Assyrie sous le règne de son père,
avec autant d'éclat que de sagesse : Hicar était son nom. C'était
l'homme le plus instruit de son temps dans toutes les sciences
connues ; sa prudence, sa fermeté, ses ressources et la haute
réputation dont il jouissait faisaient le bonheur des peuples et
le salut de TEtat. » — NS porte simplement : « C'était dans
les jours de Sennachérib, fds de Sarchadum roi d'Assyrie et de
Ninive, alors moi, Chikàr, j'étais son ministre et son secrétaire. »
^ A: « Il avait une grande fortune et beaucoup de biens, et il
était un philosophe sage et avisé par ses connaissances comme par
2. J'étais comblé d'un hun super/lu, c'csl-à-dire : « j'avais acquis
beaucoup de biens. »
Palais— Apadné ; et. Daniel, xi, 45. 6', L portent : Biron — et l'a-
rabe, Qasr. Cf. Cantique, vi, 7 : Sexagi/ita surit reginœ.
3. Je brûlai, lilf. : « je faisais fumer. »
// me succédera, litt. : « il héritera de moi. »
148 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR I, 3
depuis le jour de ma mort jusqu'à sa mort, s'il prenait cha-
que jour une mesure (y.ipoç) de mon argent et la répandait
sans cesser, mon bien ne finirait pas, » Les idoles ne lui
répondirent rien ^, aussi il les laissa et fut rempli de peine
et d'une orande souffrance ^.
1 Dans C, L, Ahikar est monothéisle dès le commencement et
ne s'adresse donc pas aux idoles. (7,p. 37-38 : « ... et je n'avais
pas de fils. Alors moi, Ahikar, je bâtis un grand autel tout en
bois, j'y allumai du feu, y plaçai une bonne nourriture et je dis :
O Dieu mon seigneur, lorsque je mourrai et que je ne laisserai
pas de fils, les hommes ne diront-ils pas : Voilà certes qu'Ahikar
était juste, bon et pieux, il est mort et il ne laisse pas de fils pour
Bes pensées et sa conduite. Il avait épousé soixante femmes et
construit un palais pour chacune d'elles. Et après cela, il n'avait
pas d'enfant de toutes ses femmes, pour en faire son héritier. »
« A : « 11 en était très affecté et un jour il assembla les astrolo-
gues, les savants et les devins, il leur exposa sa situation et leur
dit la cause de sa tristesse. Ils lui dirent : Va sacrifier aux dieux
et les supplier pour qu'ils veuillent bien te donner un fils. »
F: « Zéfagnie, sa première épouse, qui n'avait jamais per-
du les droits qu'elle s'était acquis sur son cœur, l'exhortait en
vain à la résignation : Un enfant, lui disait-elle, n'est pas tou-
jours un bienfait du ciel. Vous savez que j'eus une sœur que le
sien a fait mourir de chagrin. Soumettez-vous, mon cher Hicar,
à un décret qui vous délivre peut-être de bien des amertumes, en
paraissant vous accabler. — Hicar avait beaucoup de déférence
pour son épouse, elle était tante de Sinkarib et ne s'était jamais
enorgueillie du hasard de la naissance ; elle avait toujours eu
une excellente conduite, elle avait des droits à son estime et à sa
tendresse. Honteux de la démarche qu'il allait faire, il lui cacha
qu'il avait mandé des astrologues, pour les consulter sur les
moyens qu'il pourrait employer pour avoir un enfant. »
Plus loin, /''mentionne le dieu Bilelsanam et ajoute : « Hicar
était né dans le pays d'Aram, il en avait rapporté la connais-
1,4-5 AI.IIKAR DEMANDE UN FILS 149
4. Il changea alors son discours, pria Dieu ^, crut (en lui),
le supplia dans l'ardeur de son cœur et dit : « O Dieu du
ciel et de la terre, Créateur de toutes les créatures, je te
demande de me donner un fils dans lequel je me complaise,
qui (me) console au moment de ma mort, me ferme les yeux
et m'ensevelisse '', «
5. Une voix vint et lui dit : « Puisque tu t'es confié
dans les dieux, que tu as mis ton espoir en eux et que tu
leur as offert des présents, tu mourras sans fils et sans fil-
les ; cependant, je te le dis, voici que tu as Nadan, fils de ta
sœur, prends-le, enseigne-lui toute ta science et il aura
ton héritage. »
l'ensevelirni même de fille ; ses richesses, comme celles d'un
homme maudit, n'ont pas d'héritier. Je te demande, ô Dieu, d'a-
voir un fils qui jette de la poussière sur mes yeux au moment de
la mort. Et j'entendis cette parole : 0 Ahikar, sage scribe, je
t'ai donné tout ce que tu m'as demandé, si je t'ai laissé sans en-
fants, cela te suffit, ne t'en afflige pas, mais voilà Nadan, le fds de
ta sœur... » Z, p. 33 : (( Je n'avais de fils d'aucune d'elles, alors
sance du vrai Dieu. Cependant, entraîné par son désir, il va
trouver le prêtre de Bilelsanam. »
a NS : « Il pria le Dieu du ciel (analogue à Bilelsanam
ou Belsira). » La prière d'Ahikar manque dans NS.
b L'arménien, dont le commencement ressemble beaucoup
au syriaque, mentionne les dieux Belsim, simil et i^amin, il
soude ensemble les deux prières d'Ahikar et omet ainsi sa con-
version au vrai Dieu. Ce sont donc les dieux qui lui conseillent
d'adopter Nadan. L'arménien abrège encore la suite pour arri-
ver en hâte aux préceptes (c. ni), qui figurent seuls d'ailleurs
dans son titre ( Maximes et sagesse de Khikar ).
G : « Ésope n'ayant pas d'enfant, adopta l'un des nobles,
nommé Ennos, et le présenta au roi comme son propre fils. » Le
grec passe d'ici à la faute d'Ennos (Nadan). Cf. iv.
150 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR H, 1-3
CHAPITRE II
(Ahikar adopte Nadan et le choisit pour son successeur.)
1. Je pris donc Nadan, le fils de ma sœur, je l'élevai, le
dirigeai et le donnai à huit nourrices pour le nourrir. Je le
comblai d'huile et de miel *, je le revêtis de pourpre et d'é-
carlate,je le fis dormir sur des lits moelleux et des tapis.
2. Nadan, fils de ma sœur, profita et grandit comme un
noble cèdre. Je lui enseignai l'écriture, la sagesse et la
philosophie (çiAo-soîa).
3. Lorsque le roi Sarhédom revint de ses fêtes et de ses
voyages, il m'appela un jour, moi Ahikar, son scribe et
je me bâtis un autel bien parfumé, je fis un vœu et je dis : O Sei-
gneur Dieu, donne-moi un fils mâle qui, lorsque je mourrai,
jette de la poussière sur mes yeux. J'entendis alors cette parole :
0 Ahikar, ne t'afflige pas trop, tu n'as pas d'enfant, mais voilà
Nadan, le fils de ta sœur. »
=* « D'huile et de miel, « NS ajoute « et de crème ; » — « de
pourpre et d'écarlate, » NS (( de soie et de pourpre. »
II. 1. Je le comblai, litl. : « je l'engraissai. »
Des lits... des tapis^zamlé, ntilotô \ ces deux mots, qui proviennent
évidemment d'une même racine, sont rapprochés par Payne Smith
de l'araméen dàniîltû (Thésaurus syriacus^ col. 229, sous amiltâ)
et du grec ^J:r|')M^r^ ou (Tzpôi\).<x-:a.) (it).r|0-ta.
3. Sarhédom. Toutes les versions et B lui-même portent ici Sen-
nacliérib par analogie avec /, 1, hien qu'il y ait une vingtaine d'an-
nées entre ces deux événements.
Be ses fêtes, en araméen fanneq, litt, : « de ses délices. »
.Son scribe, sofrô. M. R. S., p. 104, estime qu'un scribe syrien
n'aurait pas choisi ce nom s'il ne l'avait trouvé dans l'original araméen
utilisé par lui, car c'est un mot araméen. Cf. Esdras, iv, 8, 9, 17, 23.
IIj 3-4 AHIKAR ADOPTE NADAN 151
son chiliarque {yùdapyoç) ®, et il me dit: «O ami illustre, cher,
honoré, sage et habile, mon chancelier et le confident
de mes secrets, tu es avancé en âge, tu as vieilli et ta
mort est proche, dis qui me servira après ta mort et ton
enterrement *. »
4. Je lui dis : « 0 mon seigneur le roi, vis toujours dans
les générations des générations ! J'ai le fils de ma sœur qui
est comme mon fils. Voilà que je lui ai enseigné toute ma
sagesse, et il est sage et prudent. »
Mon seigneur me commanda (en ces termes) ^ ; « Va,
"1 C porte : « Mais voilà Nadan, le fils de ta sœur, il te sera un
fils et, à mesure qu'il grandira, tu pourras lui enseigner.
Quand j'entendis ces paroles, je fus encore affligé et je dis : 0
Dieu, mon Seigneur, c'est donc que tu me donneras Nadan, fils
de ma sœur, pour me jeter de la poussière sur les yeux, lorsque
je mourrai? — Aucune réponse ne me fut plus donnée. J'accom-
plis ce précepte, je pris Nadan, fils de ma sœur, pour fils ;
comme il était jeune, je lui donnai huit nourrices ; j'élevai mon
fils avec du miel, je le fis coucher sur des tapis de choix et je le
vêtis de fin lin et de pourpre. Mon fils grandit et poussa comme
un chêne. Et quand mon fils grandit, je lui enseignai les lettres
et la sagesse. Etlorsque le roi revintd'oii il était allé, il m'appe-
la et me dit : 0 Ahikar, sage scribe et mon confident, quand tu
vieilliras et mourras, qui donc après toi me servira comme toi ?»
2 C porte : « Le roi me dit : Amène-le pour que je le voie ;
s'il peut te remplacer, je te laisserai partir en paix et lu passe-
ras ta vieillesse avec honneur jusqu'au jour où tu mourras. »
a fiC Son chiliarque », NS: «c son ministre (vizir). »
3. Mon chancelier, lilt. : c l'écrivain de mon secret. »
3. Dis, litt. : « ordonne >>.
4. Vis toujours etc. Même formule dans Daniel, ii, 4 ; m, 9 ; v, 10;
VI, 6, 21 ; I Rois, i, 31 ; Néhémic, ii, 3. C porte : « Vis à jamais > ; cf.
infra, ix, 6 j xxiv, 1.
152 HiSTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR H^ 4-7
amène-le pour que je le voie, et, s'il me plaît, il me servira
et se tiendra en ma présence. Pour toi, continue ta route,
il te reposera de ton travail et entourera fa vieillesse
d'honneur et de gloire. »
5. Alors moi, Ahikar, je pris Nadan, le fils de ma sœur,
je l'amenai devant le roi Sarhédom et le remis entre ses
mains. Quand le roi l'eut vu, il se plut et se réjouit en
lui et il dit : « Que le Seigneur conserve ton fils 1 Comme
tu m'as servi ainsi que mon père Sennachérib, et comme
tu as dirigé nos affaires en perfection, ainsi fera Nadan,
fils de ta sœur : il me servira, fera mes affaires, je l'hono-
rerai et l'exalterai a cause de toi et j'en prendrai soin. »
6. Je m'inclinai devant le roi et je lui dis : « Vis, ô mon
seigneur le roi, à jamais ! je te demande de prendre soin
de lui et de l'aider. Qu'il demeure dans ta maison, comme
moi-même je t'ai servi et j'ai servi ton père. »
7. Alors il lui donna la main et jura de le garder près
de lui avec honneur et gloire. Je me levai et je dis: « Ainsi
(soit-il), ô roi ^ ! »
1 C porte : «Alors je conduisis Nadan, mon fils, et le présentai
au roi. Quand le roi mon maître le vit, il dit : Le jour d'aujour-
d'hui sera béni devant Dieu. Gomme Ahikar a marché devant
Sarhédôra, mon père, et a prospéré devant moi, il a aussi élevé
son fds à ma porte durant sa vie et lui-même quittera la vie.
4. Entourera, lilt. : « gouvernera, s
5. Sarhédom. Toutes les versions et même le manuscrit B inter-
vertissent ici Sennachérib et Sarhédom et font du second le père du
premier. Celle faute provient de ce que Sennachérib est mentionné —
à bon droit cette fois — en i, 1. Le scribe n'a pas remarqué que les
chapitres i et ii sont séparés par un intervalle de vin^t ans.
6. J ai marché devant ton père (ms. C.) R. S., p. 104, fait re-
marquer que la locution « marcher devant », litt. « courir devant »,
est araméenne et hébraïque. Cf. I Sam., ii, 35; viii, 11 ; II Sam., xv,
1 ; I Rois, I, 5.
n^ 8 AI.IIKAR ADOPTE XADAN 153
8. J'instruisis mon fils Nadan ^ et je lui transmis ma
sagesse, je le comblai de doctrine et de sagesse jusqu'à ce
qu'il devînt scribe comme moi. Voici comment je l'ins-
truisais et comme je lui parlais ^, moi, Ahikar le sage ^ :
Alors moi, Ahikar, j'adorai le roi et je lui dis : Vis, ô mon sei-
gneur le roi, à jamais, de même que j'ai marché devant ton père
et devant toi jusque maintenant, ainsi, toi aussi, seigneur, sup-
porte avec patience la jeunesse de mon fils ici (présent) et re-
double de bonté envers lui. Alors, quand il eut entendu cela, le
roi me donna la main droite et moi, xVhikar, je saluai le roi. »
^ Le ras. L omet la plus grande partie de ce qui précède :
« Alors j'entendis cette parole : 0 Ahikar, ne t'afflige pas beau
coup, tu n'as pas de fils, mais voilà Nadan, le fils de ta sœur ;
prends-le pour fils, et quand il grandira, tu pourras tout lui
enseigner. Alors, quand j'entendis cela, je pris Nadan, fils de
ma sœur, et il fut mon fils et je lui parlai ainsi : Ecoute mon
enseignement, mon fils Nadan. »
2 C porte : (( Je ne cessai pas d'instruire mon fils avant de
l'avoir rassasié d'instruction comme de pain et d'eau ; je lui par-
lai ainsi. )>
a F : ((Nadan est revêtu sur-le-champ de lécritoire et du sceau,
il prend les ordres du roi pour les expéditions à faire, et retour-
ne au palais d'Hicar.
(( Mon cher Nadan, lui dit son oncle, vous n'avez plus guèrcde
temps pour prendre les conseils de votre mère et les miens,
n'oubliez jamais ceux que nous vous avons donnés jusqu'ici ;
c'est en les suivant que vous avez été en état d'obtenir la faveur
que je viens de faire tomber sur vous. Je vous préviens qu'elle
vous expose autant qu'elle vous élève, et je vous prie d'écouter
encore des avis qui eussent été prématurés avant ce jour, mais
qui sont pour vous maintenant de la plus haute importance. » —
NS porte seulement: ((Alors moi, Ghikâr,je baisai la main
du roi, puis je pris Nadan et l'instruisis jour et nuit jusqu'à ce
que je l'eusse rassasié de science, de sagesse et de connais-
sance plus que de pain et d'eau. Alors je l'instruisis et lui ensei-
gnai les Proverbes. »
154 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR III, 1-2
CHAPITRE III
Segesse, doctrine et proverbes qu'Ahikar enseigna
à Nadan, fils de sa sœur ^.
1. O mon fils Nadan, écoute mes paroles, suis mes con-
seils et souviens-toi de mes discours, comme l'a dit le Sei-
gneur ^ ^.
2. Oui, mon fils Nadan, si tu entends mes paroles, enfer-
me-les dans ton cœur et ne les révèle pas à autrui ^. de
"i C, //portent: a Ecoute, mon fils Nadan, et comprends-moi,
souviens-toi de mes paroles comme des paroles de Dieu. » —
/.porte :« Souviens-toi de mes paroles comme de cesdiscours...»
•■• Ici, comme plus loin, B seul ajoute des titres.
b « Comme l'a dit le Seigneur » manque dans Salhani.
c Salhani : (( ... de crainte qu'elle ne devienne un charbon qui
brûle ta langue, qu'elle ne prépare de la douleur à ton corps et
qu'elle ne t'amène de la douleur. » — A •■ « 0 mon fils, si tu
entends une parole, enferme-la... »
III. 1. Cf. Ecclésiastique, vi, 24 ; xvi, 24-25: Jésus, fils de Sirach,
a le même but qu'Ahikar : « Ecoute-moi, mon fils, et apprends la disci-
pline de l'esprit et à mes paroles sois attentif en ton cœur. Et je te
dirai avec équité la discipline ; et je chercherai à t'expliquer la sa-
gesse. » — Item, Tobie, iv, 2. — B peut avoir conservé la bonne le-
çon : Ahikar ferait allusion aux passjiges parallèles des Proverbes :
c Mon fils, prête attention à mes discours et incline ton oreille à mes
paroles, » iv, 20 ; cf. i, 8 ; iv, 10; vi, 7 ; vu, 1,2. — D'ailleursle texte
de C et de L est mauvais en cet endroit : C porte âlah corrigé par
l'éditeur on dlahâ et L porte lehên corrigé par l'éditeur en holên,
2. Cf. Prov., XXV, 9-10, 22.
III, 2-3 SAGESSE, DOCTRINE ET PROVERBES d'ai.UKAR 155
crainte qu'une fournaise de feu ne brûle ta langue et que
tu ne causes de la douleur à ton corps et du mal à ton in-
telligence, et que tu n'aies honte devant Dieu et (devant)
les hommes *.
3. O mon fils *, si tu entends ^ une parole ne la révèle à
personne ^ et ne dis rien de ce que tu vois ^.
1 (( Ne les révèle pas à autrui. » C, L, H portent : « Mon fils
Nadan, si tu entends une parole, qu'elle meure dans ton cœur,
et ne la révèle à personne, de crainte qu'elle ne devienne un
charbon dans ta bouche et qu'elle ne te brûle et que tu n'infliges
une souillure à ton âme, et que tu ne murmures contre Dieu. »
Z, // ajoutent : « Et que tu ne sois haï sur la terre. »
2 C : «. tout ce que tu entends, tu ne le diras pas. » Cf. Ecclé-
siastique, XLII, 1.
3 L intervertit : « Mon fds, tout ce que tu vois tu ne le diras pas,
et tout ce que tu entends, tu ne le révéleras pas ». L place en-
suite les sentences 4, 48, 84 et 8.
a Voici les premiers conseils dans F : « Vous allez être
revêtu d'une grande puissance ; employez-la toute pour celui
qui vous l'abandonne, songez qu'il en est jaloux.
« Éloignez, par le respect, la familiarité de votre souverain
et, par la réserve, celle de votre inférieur. Vous n'avez plus
d'égaux, vous ne sauriez avoir un ami.
(( Ne soyez point dupe de la cour qui va vous environner, L'ar-
bre chargé de fruits attire les oiseaux, tous viennent sur ses
branches jouer et folâtrer : est-il dépouillé, on l'abandonne, il
est le jouet des vents, la poussière le couvre et chacun le fuit. »
b Môme pensée dans A, qui porte un peu plus loin : « 0 mon
fils, si tu as entendu quelque chose, ne le cache pas. )) — /'', au
lieu de 3, porte : a Quand vous méditerez une entreprise, fer-
mez vos lèvres. Quand vous voudrez vous mettre en chemin
pour l'exécution, doublez vos babouches avec de la laine. »
2-3. Ag : « Mon fds ne raconte jamais ce que tu as vu ni ce
156 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR HI, 4-7
4. 0 mon fils, ne délie pas un nœud caché et ne scelle
pas un nœud délié ^.
5. 0 mon fils, diri<^e ton sentier et ta parole, écoute et ne
te hâte pas de donner une réponse ^.
6. Mon fils, ne désire pas la beauté du dehors, car la
beauté disparaît et passe, mais une bonne mémoire *^ et un
fcon renom demeurent à jamais,
7. ^ Mon fils, ne prends pas une femme aux paroles querel-
leuses, car l'amertume suit les paroles, un poison mortel est
enveloppé dans sou filet et t\i seras pris dans son piège ^.
"^ C, L, H omettent 5, G, 7. xVprès 4, Z, //placent aussitôt 48.
Cf. infra, 14, 26.
que tu as entendu ; si une parole secrète est prononcée devant
toi, laisse-la mourir dans ton cœur et garde-toi de la divulguer à
personne, de crainte qu'elle ne devienne un charbon ardent qui
brûle ta langue etque tu ne sois honni de Dieu et des hommes, )>
p. 68-69.
^ 4 manque en Salh. , se trouve plus loin en A. — importe : « Le
secret qui s'échappe brûle la langue ; le bruit qui précède ou
qui accompagne le projet le déconcerte. »
^ Salhani : « Mon fds, rends tes paroles légères pour l'audi-
teur (parle peu), et ne te hâte pas de répondre. »
c « Une bonne mémoire » n'est pas dans Salhani.
'^ Ag : « Ne te laisse pas séduire par les discours d'une fem-
me dépravée, de crainte qu'elle ne te fasse tomber dans ses fi-
lets et que tu ne périsses misérablement, » n. 69.
Salhani : « Mon fils, ne te laisse pas tromper par les paroles
d'une mauvaise femme, pour que tu ne meures pas d'une mort
5. Cf. Démocrite, éd. Didot, p. 351, n. 178 : « Démocrite voyant
quelqu'un qui parlait beaucoup, mais sans grand discernement : Je
ne le trouve pas, dit-il, habile à parler, mais incapable de se laire. »
Eccli , IV, 34 ; xxxii, 9-12.
6. Eccli., xLi, 15-16 ; cf. infra, 64-65.
7. Cf. infra, 14, 26.
III 8-9 SAGESSE, DOCTRINE ET PROVERBES d'aHIKAR 157
8. * Mon fils, si tu vois une femme parée de (beaux) habits
et parfumée d'agréables parfums et que son caractère soit
abject, querelleur et impudent, que ton cœur ne la désire
pas. Quand même tu lui donnerais tout ce que tu as, tu
trouverais que cela ne tourne pas à ta gloire, mais tu irri-
terais Dieu et tu le mettrais en colère contre toi "*.
9- ^ [Mon fils, ne pèche pas avec la femme de ton pro-
1 C, L, II portent : « Mon fils, n'élève pas tes yeux pour voir
une femme parée et fardée. Ne la désire pas dans ton cœur ; car
lors même que tu lui donnerais tout ce que tu as, tu ne trouve-
rais en elle aucun profit et tu commettrais un péché {H : un
grand péché) contre Dieu. » Cf. infra^ 92. R. S. rapproche
« n'élève pas tes yeux » du !xeT£(cpi(j[jLôi; ôçOaXjjiwv d'Eccli., xxiii, 5;
XXVI, 12, et de Didac/ié, m, 3,
honteuse, lorsqu'elle te prendra dans le filet et que tu seras en-
traîné à la perdition. »
a Salhani : « Mon fils, ne désire pas une femme qui se rend
belle avec des habits et des parfums, tandis qu'à l'intérieur elle
est vulgaire et mauvaise.
a Prends garde de l'écouter ou de lui donner quelque chose de
ce qui t'appartient ou de lui confier ce que tu as en main, car
elle te couvrira de péchés et Dieu s'irritera contre toi. »
b 9 manque dans Salhani et Ag, mais Ag ajoute ici : « L'homme
sans enfants est semblable à un tronc stérile, dépouillé de ra-
meaux, de feuillage et de fleurs. Sois plutôt comme cet arbre
planté sur les bords d'un ruisseau et dans le voisinage des gran-
des routes, il offre ses fruits nouveaux aux voyageurs, et les
animaux du désert viennent se réfugier sous son ombrage tuté-
laire, » p. 70. Cf. n. 39.
8. Son caractère^ litt. : « sa maison » ou « son intérieur. »
Ne la désire pas. Prov., v, 3-5 ; Eccli,, ix, 8.
Cf. Prov., VII, 25-26.
9. H omet. Cf. Job, xxxi, 9-11 ; Eccli, xli, 27.
158 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR III, 9-1*
chain, de crainte que d'autres ne pèchent avec ta femme. ^]
10. ^ Mon fils, ne te hâte pas de répondre et ne mets pas
de jactance dans tes réponses et tes discours, comme
l'amandier qui pousse des feuilles et verdoie avant tous
les arbres et ne donne des fruits qu'après tous (les au-
tres) ; sois comme l'arbre agréable, admirable, doux et
plein de saveur, comme le figuier, qui incline ses bran-
ches, verdoie et pousse des feuilles à la fin, bien que son
fruit soit m:ingé avant tout autre ^.
11. ^ Mon fils, incline ta tête, porte ta vue et regarde au
bas et prête ton attention Sois instruit, soumis, réservé,
tranquille. Ne sois pas impudent et querelleur. N'élève
"* Au lieu de cette maxime, H, L portent ici le n. 86. H la
place plus loin après le n. 79.
2 C porte : oc Mon fils ne te hâte pas comme l'amandier qui
(porte) d'abord des fleurs et dont le fruit est mangé en dernier
lieu, mais ressemble au figuier qui (porte) des fleurs à la fin et
dont le fruit est man^é d'abord. »
a Salhani : « : Mon fils, ne sois pas comme l'amandier qui
verdit avant tous les autres arbres, mais produit des fruits le
dernier de tous les arbres fruitiers. Sois plutôt comme le mû-
rier, qui produit des fruits avant tous les arbres et verdit le
dernier entre tous. »
^ Arra., 8 : « Mon fils, ne sois pas trop doux, de crainte
qu'on ne te dévore, ni trop dur, de crainte qu'on ne te haïsse.
Tu dois être doux et tranquille dans les actes de tes fonctions
et dans toutes tes paroles. » Cf. 48. — 11 ^^ forme dans Arra. le
n. 45. — NS 1 « Mon fils, incline ta tête aussi bas que tu le peux ,
10. Amandier, mot araméeu (louz) 5 cf. Jérémie, i, 11-12.
Ne donne des fruits, litt. : « et on n'en mange. •»
Le figuier, ou « le mûrier ». Sic Ag., if^.
11. N'élève pas la voix. Cf. Eccles., vu, 6.
III, 11-15 SAGESSE, DOCTRINE ET PROVERBES d'ahIKAR 159
pas ta voix avec jactance et tumulte ^, car s'il suffisait d'une
voix puissante pour construire une maison, l'une en bâti-
rait deux en un jour; et si la charrue était dirigée par la
force, le chameau la conduirait au mieux.
12. ^ [Mon fils, il vaut mieux transporter des pierres avec
l'homme sage que de boire du vin avec l'insensé.]
13. ^ Mon fils, verse ton vin et môle-le sur les tombeaux
des justes 2.
14. Mon fils, sois sage (et) bon, ne bois pas ton vin avec
les femmes querelleuses ^.
15. ^ [Ne sois pas impie avec le sage et ne sois pas sage
avec l'impie *].
1 L omet tout ce qui précède ; C n'en renferme que les douze
premiers mots. — Cf. supra, p. 69, n. 18.
2 C porte : « Mon fils, verse ton vin sur les tombeaux des
justes et ne le bois pas avec les impies ; » cf. Tobie, iv, 17 ;
Eccli., XXX, 13.
3 C porte : « avec celui qui ne rougit pas. 9
* Cornet. — H, L mettent 15 après 12. — Z ne renfermepas 13
etl4.
adoucis ta voix et possède -toi bien. Suis la voie de la vertu et ne
sois pas impie. Ne fais pas de tapage lorsque tu ris ou lorsque
tu parles, car si l'on pouvait bâtir une maison en criant Fane
bâtirait chaque jour beaucoup de maisons. » — La fin de 11
manque dans Salhani.
a 12 et 13 figurent dans Salhani, qui omet 14 ; — B omet 12.
i» 13-14. Arm 7 : « Mon fils, verse ton vin et ne le bois pas
avec les insensés et les vagabonds, de crainte d'être mépx-isé
par eux. d Cf. 24.
c 14 et 15 manquent dans A. — 13-15, Salhani : « Mon fils,
11. D'après M. Ilalévy, si on lisait « ville » au lieu de < maison »
cette maxime reposerait sur la similitude de 'air ==. ànon et de 'ir
= ville.
14. Cf. Eccli,, VII, 2 ; xxv, 23 ; cf. I Cor., v, 11.
d60 HisTOiniî ET SAGESSE d'ahikar ih, 16-18
16. * Mon fils, joins-toi aux sages, aux hommes pieux,
afin (le leur ressembler ; ne t'associe pas aux jeunes gens
pour ne pas leur ressembler et ne pas suivre leurs voies ^.
n. ^ Mon fils, si tu aimes un camarade, éprouve-le d'abord,
et ensuite prends-le pour ami. Tant que tu n'as pas éprouvé
un homme, ne le loue pas, mais éprouve-le et ensuite fré-
quente-le <^.
18. '^ Mon fils, ne marche pas avec celui qui n'est pas sage
et ne lui dis rien, et ne te môle pas h l'assemblée des jeunes
fifcns 2.
^ C, L portent : « Mon fils, accompagne l'homme sage et tu
deviendras sage comme lui ; n'accompagne pas l'homme lo-
quace et bavard pour que tu ne sois pas compté avec lui. »
"^ C, L, H omettent 17 et 18 ; d'ailleurs 18 répète 16.
verse ton vin sur les tombeaux des hommes pieux plutôt que de
le boire avec des hommes mauvais et vulgaires. »
a ^ : « 0 mon fils, attache-toi à l'homme sage qui craint Dieu
et demeure près de lui ; ne va pas avec l'ignorant de crainte que
tu ne deviennes comme lui et que lu n'apprennes ses voies. »
b Arm, 5 : « Ne deviens point le compagnon d'un insensé
et d'un fou, de crainte que tu ne sois appelé fou comme eux. »
Ag : « Autant tu dois rechercher la société de ceux qui
marchent dans la crainte de Dieu, autant tu dois fuir les insen-
sés, qui t instruiraient dans leurs voies corruptrices. Eprouve
d'abord l'ami que tu veux te choisir et ensuite fréquente-le, »
p. 72-73.
« (fin) Salhani: (( ... ne le loue pas sans l'avoir éprouvé. Ne
le découvre pas en face d'un fou. »
d 18 manque dans A et Salhani.
16. Cf. Prov., XIII, 20 ; xxvi, 4. De même dans Démocrite : « L'ami<
lie d'un seul sage l'emporte (sur celle) de tous les insensés. »
17. Kprous'e-le. Cf. Eccli., vi, 7.
111,19 22 SAGESSE ET DOCTRINE d'aHIKAU 161
19. Mon fils, marche nu-pieds sur les épines et les ron-
ces et fraie un chemin à tes enfants et aux enfants de tes
enfants ''.
20. * Won fils, chaque fois que le vent souffle dans l'air
et que la mer n'est pas agitée, conduis ta bar(|ue et ton
navire au port, avant que la mer ne s'agite et ne se mette en
mouvement et ne multiplie ses flots et ses tempêtes et ne
submerge le navire.
21. ^ Repose-toi durant ton chemin et durant tes courses,
c'est à-dire: chaque fois que tu es en bonne santé, pense à
ta fin et souviens-toi delà mort entre toi et ton bien ^.
22. ^ Mon fils, lorsqu'un riche mange des serpents, on
dit qu'il (les) mange pour se guérir et que cela lui est uti-
1 C, L,Etlt. : (cMon fils, foule les ronces aux pieds tant que tu
as des souliers. » — R. S. (p. 106) rapproche cette pensée d'I-
saïe, xxvii, 4.
2 C, Z, // omettent 20 et 21 .
a 19-20. A : (iO mon fils, tant que tu as une chaussure à ton
pied, marche avec elle sur les épines et fais une roule pour ton
fils et pour ta famille et tes enfants. Radoube ton navire avant
<ju"il n'aille sur la mer et ses flots, qu'il ne soit submero-é et
qu il ne puisse être sauvé, » — Salhani : «...avant que la mer et
ses fiots n'enflent, car alors tu périras et tu ne pourras plus être
sauvé. » 20. — Ag. : « C'est pendant le calme que tu dois radou-
ber ton vaisseau, car si le vent des orages se lève et te sur-
prend, Ion naufrage est inévitable, » p. 71.
b 21 manque dans A et Salhani.
c 22. Ag : « Si le riche mange une vipère, les hommes disent :
22. l'uur M. Vctter, il ne peut s'agir d'un véritable serpent mais
d'une herbe de même nom, nahas, menlioiinée dans le Talmud • cf.
J. Lévy, Neuhebr. Wôrtcihuch, t. ni, 1883, p. 374. Rien n'indique
que H l'ait compris ainsi. 11 fait le mot à mot de T, L.
Cf. Eccle., IX, 15-16. A, C, L, Elk. omettent la lin : car etc. Le sy-
11
162 HiSTOinE ET SAGESSE d'ahikar ih, 22-24
le*; si un pauvre en mange, on dît qu'il en mange par
faim ; car c'est sous de nombreuses parures qu'on (croit)
trouver l'homme bon et juste.
23. ^ Mon fils, mange ta portion seulement et ne désire
pas celle de ton prochain 2.
24. Mon fils, ne t'oublie pas avec l'insensé, n'aie pas
commerce avec celui qui n'est pas chaste ^.
^ L, C, H omettent « et que cela lui est utile. »
2 L, H: (( et n'étends pas ta main sur celle du prochain » (n.
15) ; — C: (( et ne méprise pas ton prochain. » — R. S. montre
(p. 107) que C se tire facilement de L et renvoie à Eccli., xxxiv,
16 et 18 ( ? ?).
^ C, L (n. 16) : Mon fds, ne mange pas de pain avec l'homme
sans pudeur. » Cf. I Cor., v, 11. — Slave (n. 13): « Mon fds, ne
te mets pas en route avec un homme qui n'accepte pas d'avis
(cf. Eccli., VIII, 15), et ne t'asseois pas à la même table qu'un
trompeur. »
C'est par sagesse. Qu'un pauvre la mange et l'on dira que c'est
par besoin, » p. 77. Sic Salhani.
a 22-23. Arm., 10: (( Mon fils, si le fils d'un homme riche mange
un serpent, on dit que c'est pour lui une médecine ; si le fils
d'un homme pauvre en mange un, on dit que c'est par faim.
Mange ta portion en paix et ne jette pas les yeux sur celle de
ton compagnon. Ne passe pas une journée avec celui qui est
sans crainte (de Dieu), et ne mange pas ton pain avec celui qui
manque de jugement. »
riaque et l'arabe portent liltéialement : « uu fils de riches » et « un fils
de pauvres», ce qui équivaut à « un riche » et « uu pauvre». Le slave
et l'arménien portent: « le fils d'un riche » et s le fils d'un pauvre ».
Ces deux versions proviennent donc d'un original sémitique : comme
l'a fait remarquer R. S. p. 103, le traducteur a mal compris ces deux
locutions si fréquentes dans les langues sémitiques.
III, 25-26 SAGESSE ET DOCTRINE d'ahIKAR 163
25. ^ Mon fils, va dans la prospérité au-devant de ceux
qui te haïssent, compatis aux maux qui leur arrivent et
plains-(les). Ne te réjouis pas au moment de leur chute *.
26. Mon fils, ne t'approche pas de la femme querelleuse
et à la voix altière ^, ne désire pas la beauté de la femme
bavarde (et) impure, car la beauté de la femme est (cause
de) sa honte, et ce n'est rien que l'éclat de son vêtement
et la beauté extérieure avec lesquels elle te captive et te
trompe ^.
'^H,L (n. 17) : « Mon fils, si lu vois ion ennemi à terre, ne te mo-
que pas de lui, de crainte qu'il ne se lève et ne se venge de toi. »
Celle partie est propre à L et se rapproche de la fin de B. On a
ensuite : « Mon fils, n'envie pas la prospérité de ton ennemi et
ne te réjouis pas de ses maux. »
2 C (n. 18), L (n. 19), H : « Mon fils, n'approche pas de la
femme qui murmure (L : de la femme bavarde et loquace ) et de
celle qui a la voix altière. »
3 C (n. 19) (( Mon fils, ne cherche pas la beauté de la femme et ne
la désire pas dans ton cœur, car la beauté de la femme c'est son
bon sens, et sa parure c'est la parole de sa bouche. » — Z(n. 19 ^)
porte seulement la fin : car, etc.
» 24-25. A et Salhani : « O mon fils, ne voisine pas avec le fou
et ne mange pas le pain avec lui ; ne te réjouis pas des afflic-
tions de tes voisins. Si Ion ennemi te nuit, montre-lui de la bien-
veillance. )) La fin ressemble à 28, qui manque dans A et Sal-
hani.— Salhani place ici 82 sous la forme mauvaise : « Mon fils, un
homme qui ne craint pas Dieu, crains-le et honore-le. » M.Lidz-
barski met ensuite à bon droit un point d'interrogation. A est
conforme à 82.
25. Plains-les. Cf. Ecnli., vi, 5 : « î^a parole douce multiplie les
amis et adoucit les ennemis. »
Cf. Prov., XXIV, 17 ; Eccli., iv, 27, et i/ifra, 79".
26. Ou lit dans les apophtegmes des Pères : « Un vieillard dit :
164 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR HI, 27-30
27. ^ Mon fils, de même que des anneaux ne servent à rien
aux oreilles d'un onagre, ainsi une femme de port princier
ne sert à rien, lorsqu'elle est mauvaise dans ses paroles et
dans ses actes, sans sagesse, bavarde et prolixe discou-
reuse "•.
28. Mon fils, si ton adversaire vient an-devant de toi pour
le mal, va au-devant de lui pour le bien - et reçois-le •^.
29. Mon fils, l'impie * tombe et le juste n'est pas ébranlé
de sa place ^.
30.^ Mon fils, si le sage est malade, le médecin peut le
soigner et le guérir, mais il n'y a pas de remède pour les
souffrances et les blessures de l'insensé ^.
1 C, L, //^ omettent 27.
2 Sic B, L ; — C porte : « dans la sagesse »,
3 Ces trois derniers mots manquent dans C, L. Cf. Matth., v,
38-48. — L, H passent d'ici kl'è. H : « Mon fils, si ton ennemi
te rencontre et que sa pensée soit mauvaise, va au-devant de lui
et que ta pensée soit bonne. »
* Sic C ; — B porte : (( le sage. »
^ C,H : « Mon fils, l'impie tombe et ne se relève pas ; le juste
n'est pas ébranlé, parce que Dieu est avec lui. »
« C, // omettent 30 et 31.
a 26-27 manquent dan^ A et Salhani.
b 29-30. Salhani : (( Mon fils, l'ignorant tombe et trébuche, mais
le sage ne chancelle pas et ne tombe pas. Même s'il trébuche et
s'il tombe, alors il se relève rapidement. S'il est malade, il peut
se guérir lui-même, mais il n'y a aucun moyen de guérison pour
les maladies de l'ignorant. » — 29 figure aussi dans l'éthiopien.
Eloigne-toi de tout iunnrne à la parole querelleuse, > Revue de l'O-
rient chrétien, 1907, p. 402 et 411, n. 100. Cf. infra, 85.
Cf. supra, 11. 7 et 8 ; Eccli., ix, 8-9, 11.
27. De port princier, litt. : « maîtresse de l'aspect. »
m, 31-33 SAGESSE ET DOCTRINE d'ahIKAR 16o
31. ^ Mon fils, reçois chez toi celui qui est au-dessous de
toi et celui qui est moins riche que toi ; s'il s'en va et ne te
rend pas, Dieu te rendra.
32. ^ Mon fils, ne cesse pas de frapper ton enfant ; le châ-
timent du fils est comme le fumier dans le jardin, comme le
cordon de la bourse, comme le licol de l'animal, et comme
la barre [[xo'/}<bz) de la porte *.
33. Mon fils, arrache ton fils au mal pour te tranquilli-
ser toi-même dans tavieillesse ; instruis-le et frappe-le tant
qu'il est jeune, fais-le obéir à tes ordres, afin que peu
après il ne vocifère pas et ne se rebelle pas contre toi,
1 C : «Mon fils, ne soustrais pas ton enfant aux coups, caries
coups sont au jeune homme comme le fumier au jardin et comme
le lien à l'âne ou à tout animal, et comme la corde au pied de l'âne. »
— H porte seulement : (( Mon fils, n'épargne pas les coups à ton
fils, car les coups sont à l'enfant comme le fumier au jardin,
comme le frein et les liens à l'âne. »
« Salhani : c( Mon fils, si un homme moindre que toi vient au-
devant de toi, tiens-toi debout en le recevant; s'il ne te le
rendpas, son maître te le rendra pour lui. » Cette maxime figure
aussi dans l'éthiopien.
t» A est conforme ài?et non à C; — l'éthiopien diffère des deux.
31. Dieu te rendra. Cf. Eccli., xii, 2 : « Fais du bien au juste
et tu trouveras des rotribulions, sinon de lui, (du moins) du Sei-
gneur. »
32. Domocritc, p. 3'i9, n. 134 : « Rien de pire que la mollesse
dans l'éducation des enfants, car c'est d'elle que naissent toutes les
voluptés d'où proviennent les vices. » Cf. Prov., xxiii, 12,14;
Eccli., XXX, 1,11, 12.
33. Instruis-le et frappe-le, cf. Eccli., vu, 25.
Cf. Eccli.. XXX, 13.
166 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR IH, 33-36
qu'il ne te fasse pas honte au milieu de tes camarades»
qu'il ne (t'oblige pas à) baisser la tête dans les places pu-
bliques et les carrefours (TrÀaxsîa), que tu ne rougisses pas
delà méchanceté de ses œuvres et que tu ne sois pas avili
par son impudence perverse '' ^.
34. Mon fils, acquiers un bœuf trapu et un Ane au pied
(solide) ; n'acquiers pas un bœuf cornu, et ne t'associe pas
à un homme barbu ^.
35. Mon fils, n'acquiers pas un esclave querelleur ni une
servante voleuse, car ils perdront tout ce qui sera confié à
leurs mains ^.
36. Mon fils, les paroles des hommes menteurs (et) insen-
sés ressemblent aux passereaux qui volent dans l'air et sont
gras '^ ; celui qui n'a pas d'intelligence les écoute ^.
^ C, H : (.(. Mon fils, soumets ton lîls tant qu'il est jeune avant
qu'il ne devienne plus fort que toi [ II : de crainte qu'il ne lève
sa main ), qu'il ne se révolte et que ses vices ne te couvrent de
confusion. »
2 (.34-35) (7 : « Mon fils, acquiers un bœuf trapu et un âne qui
a bon pied ; mais n'acquiers pas un serviteur fuyard et une
servante voleuse, de crainte qu'ils ne te perdent tout ce que tu
as acquis. »
^ C, H : (( Mon fils, les paroles du menteur sont comme de gras
passereaux; celui qui n'a pas de cœur (d'intelligence) les mange. »
a 33 (fin) Salhani: «... qu'il ne (t'oblige pas) à courber la tête
dans les rues et dans les assemblées, et tu auras honte de ses
mauvaises actions. » — L'éthiopien est plus rapproché de C
que de B.
^ 34-71 manquent dans Salhani. — Au lieu de « barbu »,
A porte (( mauvais ».
c 36 manque dans A.
3A. Au pied solide, lill. ungiilis prcVcUlits.
36. Cf. Prov., X, 41'.
III, 37-39 SAGESSE ET DOCTRINE d'ahIKAU 167
37. Mon fils, ne réduis pas tes enfants à la misère, de
crainte qu'ils ne te maudissent et que Dieu ne s'irrite con-
tre eux, car il est écrit : Celui qui maudit son père et sa
mère mourra de mort — c'est là le péché qui irrite Dieu
— et : Celui qui honore son père et sa, mère aura une longue
çie et des biens en abondance *.
38- Mon fils, ne te mets pas en route sans glaive et ne
cesse pas de faire mémoire de Dieu dans ton cœur, car tu
ne sais pas quand les ennemis mauvais — c'est-à-dire les
Satans (et) les hommes méchants — te rencontreront. Sois
prêt dans ta route, parce qu'il y aura de nombreux enne-
mis 2.
39. Mon fils, tel un arbre opulent sous ses fruits, ses
feuilles et ses rameaux, ainsi est l'homme avec une femme
excellente, et ses fruits (sont) des enfants et des frères.
L'homme qui n'a ni femme, ni enfants, ni frères au mon-
de sera dédaigné et mépris4 de ses ennemis, (comme) un
arbre qui est le long du chemin : tous les passants le frap-
pent du pied et mangent de ses fruits, et l'animal sauvage
fait tomber et choir ses feuilles ^.
1 C, // : « Mon fils, n'attire pas sur toi les malédictions de
ton père et de ta mère, de crainte que tu ne te réjouisses pas
dans les biens detesfds.» — B,H: « de crainte que tu ne pleu-
res du lait de tes fils. »
2 C (n. 27) : « Mon fds, ne te raels pas en route sans glaive,
car tu ne sais pas à quel moment ton ennemi te rencontrera. »
B paraphrase.
^ C (n. 28) : « Mon fds, de même qu'un arbre est orné par ses
branches et par son fruit, et une montagne touffue par (ses) ar-
37. Exode, XXI, 17.
Deut., V, 16. — R. S. renvoie à Eccli., in, 6, 9.
39. Cf. Psaumes, cxxvi, 3-4, et cxxvii, 3-5.
168 HisTOinE ET SAGESSE d'ahikar IH, 40-43
40. ^ Mon fils, ne dis pas : «Mon seigneur est fou et moije
suis sage ; » — mais il faut que tu le regardes comme excel-
lent, quand bien même il aurait quelque défaut, (et) tu en
seras aimé. Ne t'estime pas (être) du nombre des sages
lorsque près des hommes tu n'appartiens pas à ce groupe '*.
41. Mon fils, n'allonge pas tes paroles devant ton sei-
gneur, des paroles de sottise et de folie^ (et) tu ne seras pas
blâmable à ses yeux ^.
42. Mon fils, ne sois pas de ceux auquels leur maître dit :
a Va de devant ma face, » mais de ceux auxquels il dit :
« Approche et demeure près de moi ^. »
43. ^ Mon fils, au jour de ton deuil, de ton mal et de ta
soufirance, ne dispute pas et ne maudis pas ton seigneur,
bres, ainsi l'homme est orné par sa femme et ses enfants. L'hom-
me qui n'a pas de frères, de femme et d'enfants est dédaigné et
méprisé devant ses ennemis ; il ressemble à l'arbre qui est le
long du chemin, tout passant en prend et tout animal sauvage
fait tomber ses feuilles. »
^ C (29-30) : (( Mon fils, ne dis pas : Mon seigneur est fou et
je suis sage, — mais arrête-le (applaudis-le ?) dans ses vices et tu
seras aimé. — Mon fils, n'estime pas que tu es sage lorsque les
autres ne t'estiment pas sage, »
2 Cornet 41.
^ C (n. 31-32) : « Ne mens pas devant ton maître, de crain-
te que tu ne sois méprisé et qu'il ne te dise : Va de devant mes
yeux. Mon fils, que tes paroles soient vraies, afin que ton maî-
tre te dise : Viens vivre près de moi. »
^ 40-41. A : « 0 mon fils, ne dis pas : Mon seigneur est fou
et je suis sage. Ne rapporte pas des paroles d'ignorance et de
folie, sinon tu seras méprisé par lui. y>
^ 43 n'est pas dans A.
42. Cf. Mattl)., XXV, 21-23.
III, 43-48 SAGESSE ET DOCTRINE d'aHIKAR 169
de crainte qu'il n'entende tes paroles et ne s'irrite contre
toi^
44. Mon fils, lorsque tu as des serviteurs, n'aime pas l'un
et ne hais pas l'autre, car tu ne sais pas lequel d'entre eux
tu choisiras à la fin ^ a^
45. ^ Mon fils, le serviteur qui abandonne la maison de
ses maîtres et va chez d'autres n'améliore pas ses affaires ^.
46. Mon fils, la chèvre qui circule et qui multiplie ses
pas sera la proie du loup.
47. Mon fils, prononce un jugement droit et bon, afin que
tu obtiennes et voies une vieillesse honorable et que tu te
reposes dans ta vieillesse '*.
48. Mon fils, adoucis ta langue à l'aide des paroles de
Dieu et rends bonnes les paroles de ta bouche. Parle à
^ C(n. 33) : « Mon fils, au jour de ton mal ne maudis pas
Dieu, de crainte que, l'entendant, il ne s'irrite contre toi. »
2 C (n. 34) : «Mon fils, ne fais pas plus de bien à l'un de tes
eervileurs qu'à son camarade, car tu ne sais pas duquel d'en-
tr'eux lu auras besoin à la fin. »
^ C (n. 35) : « Mon fils, jette des pierres au chien qui aban-
donne son maître et qui marche à ta suite. »
* C (n. 37) : 6. Mon fils, juge un jugement di'oit dans ta jeu-
nesse, afin que tu sois honoré dans la vieillesse. » — // ajoute
ici qu'un jugement injuste irrite Dieu.
a A porte en plus (n. 34) : « 0 mon fils, n'aie pas peur de ton
Seigneur qui t'a créé, sinon il gardera le silence à ton égard, »
^ 45, 47 et 48 ne se trouvent pas dans A.
46. CF. Inlrod., page 21, note, et infra, c. xxxiii, 105.
48. Parle à chacun avec bonté ; Eccli., xi,, 21 : « Les flûtes et le
psaltérion font une douce mélodie, mais au-dessus de l'un et de l'au-
170 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAU HI, 48-51
chacun avec bonté et élégance, car c'est la queue du chien
qui lui donne du pain et sa gueule lui attire des coups et
des pierres '.
49- Mon fils, ne laisse pas ton prochain [te marcher sur
le piedj, de crainte qu'il ne te marche sur la poitrine ; c'est-
à-dire ne permets pas à l'adversaire Satan de te faire com-
mettre un petit péché, de crainte qu'il ne t'en fasse commet-
tre un grand ^.
50. Mon fils, frappe le sage et tu seras comme une fièvre
dans son cœur, mais frapperais-tu l'insensé de nombreux
coups de bâton qu'il n'apprendrait et ne comprendrait rien
de ce qui est bien ^.
51. Mon fils, si tu envoies un homme sage pour faire ton
travail, ne lui donne pasde longs conseils ou avertissements,
car il fera ton travail comme ton cœur le veut ; mais si tu
envoies un homme insensé, ne parle pas avec lui devant
^ Celte sentence est la cinquième dans L, H. — C (n. 38) :
« Mon fils, adoucis ta langue et assaisonne l'ouverture de ta
bouche, car c'est la queue du chien qui lui donne du pain et sa
gueule des coups. »
2 C (n. 39) : « Mon fils, ne laisse pas ton prochain te mar-
cher sur le pied, de crainte qu'il ne te marche sur la tête. » La
fin est une paraphrase.
^ C (n. 40) : « Mon fils, frappe l'homme avec une parole
sage pour qu'elle soit dans son cœur comme une fièvre en été,
(//: et elle sera à ses oreilles comme un vent frais un jour
d'été). Si lu frappes l'insensé de nombreux coups de bâton, il ne
comprendra pas. »
tre est une langue douce. » — On attribue la même pensée à Démo-
crite, cf. Meissncr;, p. 183 ; H. S., p. 69.
49. La même pensée est attribuée par Schalirastani à Démocrite,
R. S., p. 69.
51. Cf. Eccli., XXII, 14-16.
III, 51-54 SAGESSE ET DOCTRINE d'ai.IIKAR 171
quelqu'un, mais va-t-en plutôt et ne l'envoie pas, car il ne
fera pas ton travail selon ta volonté, quelque longs conseils
que tu lui donnes ^.
52. ^ Mon fils, si l'on t'envoie en chercher un autre (plus
fort) que toi, ne blesse pas l'homme puissant, de crainte
qu'il ne résiste et ne (te) cause du mal sans que tu le pré-
voies 2.
53. ^ Mon fils, éprouve ton fils et ton serviteur avec le
pain, (c'est-à-dire) dans les petites choses d'abord, ensuite
confie-lui ce qui t'appartient et tes possessions ^.
54. Mon fils, sors vite des repas de noce et des festins, et
n'attends pas pour oindre ta tête d'huile et de parfum, de
crainte d'attirer sur ta tète des contusions et des cicatri-
ces *.
^ C (n, 41) : « Mon fils, envoie le sage et ne le commande
pas. Mais si tu envoies Tinsensé, va toi-même plutôt que de
l'envoyer, »
2 C omet 52.
3 C(n. 42) : « Mon fils, éprouve ton fils avec le pain et avec
l'eau, après cela tu laisseras en ses mains tes possessions et tes
richesses. »
* C (n. 43) : « Mon fils, pars le premier du festin et n'attends
pas les parfums suaves, de crainte qu'ils ne deviennent des con-
tusions pour ta tête. »
^ A : (L Mon fils, ne te fais pas un ennemi d'un homme plus
fort que toi, parce qu'il te mesurera et se vengera sur toi. » —
Ag porte : « Garde-toi d'exciter la haine d'un homme puissant,
parce qu'il mesurerait ta faiblesse et t'écraserait de sa ven-
geance, )) p. 71.
^ 53. A soude ensemble 53 et 55 et omet 54.
52. Cf. Eccli., VIII, 1.
54. Cf. Eccle., VII, 2-4.
Cf. Eccli.. XXX, 12.
172 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR IH, 55-6ft
55. Mon fils, celui dont la main est pleine est appelé sage
et honorable, et celui dont la main est vide est appelé mé-
chant, pauvre, besogneux et indigent, et personne ne l'ho-
nore ^
56. Mon fils, j'ai mangé de l'absinthe et j'ai dévoré de la
myrrhe, mais je n'ai rien vu de plus amer que la pauvreté et
l'indigence.
57. ^ Mon fils, j'ai porté du fer et du plomb, et je n'ai rien
vu comme lopprol^re et la calomnie -.
58. Mon fils, j'ai porté du sel et de grandes pierres, et
elles ne m'ont pas pesé comme celui qui rit et se moque
et qui demeure dans la maison de son beau-père ^.
59. Mon fils, enseigne à ton enfant la faim et la soif, pour
qu'il dirige sa maison [selon ce qu'il a vu].
60. ^ Mon fils, n'enseigne pas aux insensés des paroles
^ C(n. 44) : « ... est appelé coupable et vil. »
^ (56-57), C (n. 45) : « Mon fils, j'ai porté du sel et j'ai roulé
du plomb, et je n'ai rien vu déplus lourd qu'une créance qu'on
doit payer sans l'avoir contractée. »
^ B porte en plus : « et les autres qui sont comme eux. » —
C(n. 46) : «Mon fils, j'ai porté le fer et j'ai roulé les pierres, et
cela ne m'a pas pesé autant que l'homme qui demeure chez son
beau-père. » — L'Arm. (69 ^) porte : « J'ai levé du fer et j'ai levé
des pierres sur mes épaules, et cela me valait mieux que d'habiter
avec l'insensé. »
* 57-58 ne figurent pas dans J.
^ 60. A : (( Mon fils, n'enseigne pas à l'ignorant le langage de
l'homme sage, car il lui sera insupportable. » —Cf. supra, n. 15.
55. Cf. Eccle., IX, 16 ; Eccll., xiii, 21-23.
58. Cf. lîlccli., XXII, 17-18 ; Prov., xxvn, 3.
60. Figure entre parenthèses dans l'hébreu (page 19), qui renvoie à
un passage analogue du Talmud.
III, 60-64 SAGESSE ET DOCTRINE d'aiIIKAR 173
sages et savantes, car mes paroles sont pour eux comme
celui (jui enduit son corps de poix pour Tengraisser ^.
61. Mon fils, si tu deviens indigent et pauvre, ne révèle
pas tes affaires à ton ami, de crainte qu'il ne devienne
avare *.
62. Mon fils, l'aveugle des yeux vaut mieux que l'aveugle
de cœur, car l'aveugle des yeux suit la voie de la vie, tan-
dis que l'aveugle de cœur va dans la voie profonde ".
63. Mon fils, si un homme glisse et tombe, cel.i vaut
mieux qu'un péché de langue; car, s'il meurt de sa chute,
il est délivré des traits tentateurs, tandis que s'il pèche par
la lant^ue il tombe en tentation ^.
64. ^ Mon fils, un ami proche l'emporte sur un frère éloi-
gné, et un bon renom sur la richesse du monde, car la
1 Cornet 60 et 61.
2 C (n. 48) : c( laisse la voie droite et va dans celle du dé-
sert (et se perd). »
^ Cette fin manque dans A.
^ 61. A : (( iNIon fils, ne dévoile pas ta situation à ton ami,
de crainte d'en être méprisé. )>
b 64. A : (( Mon fils, un ami proche l'emporte sur un frère ex-
cellent et éloigné. »
61. Cf. Démocrite, éd. Didot, p. 350, n. 16'i à 165 : « Beaucoup
évitent leurs amis lorsqu'ils louibent de la bonne dans la mauvaise
fortune. Dans la prospérité, il est facile de ti'ouver un ami ; dans la
mauvaise fortune, c'est l'œuvre la plus difficile.
63. Litt. : « La chute d'unhomme de son pied est meilleure que la
chute de sa langue. » Sic A. — C omet 63. On attribue la même
sentence à Solon ou à Socrate. Cf. Meissner, p. 183, et infra, n. 71,
Cf. Eccli., XXVIII, 30 : « Sois attentif de peur que tu ne failles p;irla
langue. »
64. Cf. Ecole., VII, 2.
Cf. Eccli., xLi, 15, 16.
174 HISTOIRE ET SAGESSE d'ai.IIKAR HI^ 64-68
richesse s'évanouira et se dissipera tandis qu'un bon re-
nom subsiste toujours.
65. Mon fils, la beauté périt, se corrompt et s'évanouit et
le monde cesse, s'en va et passe, tandis qu'un bon renom
ne passf pas, ne cesse pas et ne se corrompt pas *.
66. Mon fils, pour l'homme qui n'a pas de repos durant
sa vie la mort est préférable à la vie a.
67. Mon fils, le bruit des pleurs et des gémissements
l'emporte sur le bruit de la joie et des festins, car le bruit
et l'a..;:! *ion des pleurs font connaître à l'homme son péché
et l'expient *.
68. ^ Mon fils, le morceau de pain que tu donnes de ta
main h un pauvre dans ta pauvreté l'emporte sur un talent
que tu donnerais dans ta richesse. Une chèvre proche
^(64-6.5), C (n. 49) : « Mon fils, un ami proche l'emporte sur
un frère éloigné; un bon renom l'emporte sur une grande beauté,
car un bon renom subsiste toujours tandis que la beauté vieillit
et disparaît. »
2 C (n. 50) : (( Mon fils, la mort est meilleure que la vie pour
l'homme qui n'a pas de repos, elle bruit des lamentations est
a SI: c( Mon fils, une bonne mort vaut mieux pour Ihora me
qu'une mauvaise vie. »
^ 68-69. Le commencement de A (n. 49) est conforme à C, et
la fin à B. Puis A ajoute trois maximes (50-52). Cf. p. 175, notes
1, 2, 3.
65. Cf. Prov., xxvii, 10 et xxii, 1. Démocrite, éd. Didot, p. 348,
n. 127 à 128 : « La noblesse des animaux consiste dans la force du
corps et celle des hommes dans l'excellence de leur conduite. Il faut
que les hommes tiennent plus de compte de l'esprit que du corps. »
Cf. Eccle., VII, 2 ; Eccli., xli, 15, et supra, 6, 64.
66. Eccle., IV, 2 ; vu, 2 ; Eccli., xxx, 17 ; xli, 3-4.
67. L'expient, litt. : a le rendent vain. »
68. Cf. Luc, XXI, 2-4.
III, 68-69 SAGESSE ET DOCTRINE d'ahikAU 175
vaut mieux qu'un taureau qui est loin, et un passereau que
lu tiens dans ta main l'emporte sur cent qui volent clans
l'air. Si tu es indigent et que tes enfants amasseîit auprès
de toi, cela vaut mieux que d'avoir une grande richesse et
des enfants qui dissipent ^ Un renard vivant vaut mieux
qu'un lion mort -; c'est-à-dire un homme Taible qui rend
service vaut mieux qu'un homme riche qui est avare et mau-
vais, celui-ci meurt dans le péché ^.
69. Mon fils, un talent de laine vaut mieux qu'un poids
(égal) d'or ou d'argent, car l'or et l'argent se cachent, sont
entermés dans les bourses {'(Kco^^by.oy.ov) et ne sont vus
d'aucun étranger, tandis que la laine se sort et se vend dans
les rues et les places publiques (jzXacieiai) ; elle sert aussi
pour les vêtements et elle est belle à voir ^a,
meilleur que le chant et la joie aux oreilles de l'insensé. » — Le
n. 67, conservé par ^ seul, est parallèle à Eccle., vu, 3, 4.
^ Ar porte (50) : « 0 mon fils, une petite fortune vaut mieux
qu'une fortune dissipée.»
2 Ar (51) : « Mon fils, un chien vivant vaut mieux qu'un
pauvre homme mort. »
3 yf/" porte (52) : « 0 mon fils, un homme pauvre qui donne
bien vaut mieux qu'un riche qui est mort dans le péché. »
^ ( (38-69 ) C(n. 51) : « Mon fils, le fromage que tu as en ta
main l'emporte sur l'huile qui est dans la jarre (des autres) ; une
•' 68-69. Arm. (52-53) donne l'équivalent du fromage (C), du
passereau {B et C) et de la pauvreté qui amasse (C). — SI n'a
pas cette dernière maxime, mais porte en plus (comme C) :
« Mieux vaut une robe de chanvre que tu as qu'une robe de pour-
pre que lu n'as pas. ))
68. Cf. Eccli., IX, 4. Ménandre écrit: «Uujour sous le soleil l'em-
porte sur cent années passées dans l'enfer. » Land, t. i, p. 162, lig. 35.
— Meurt, litt. : « descend. »
Cf. Eccle.. IV, 13.
69. Cf. Eccle., VI, 9.
176 HlSTOir.E ET SAGESSE d'ahIKAR HI, 70-71
70. Mon fils, ensevelis et cache la parole dans ton cœur
et ne révèle pas le secret de ton camarade, car, si tu le
révèles, tu as repoussé (son) amitié loin de toi *.
71.^ Mon fils, nepronoiice pas de parole qui puisse ensuite
affliger ton cœur ^. Il te vaut mieux trébucher du pied que
de la langue ^.
o
brebis proche l'emporte sur une vache qui est loin ; un passe-
reau que tu tiens l'emporte sur mille qui volent ; la pauvreté
qui amasse l'emporte sur la richesse qui dissipe ; le vêtement
de laine que tu portes est préférable au byssus et à la soie des
autres. » Ce manuscrit n'a pas conservé les passages parallèles à
Ar : 50, 51, 52.
^ C(n. 52) : « Mon fils, enferme la parole dans ton cœur et
elle te fera du bien ; car lorsque tu as communiqué ta parole,
tuas perdu ton ami. »
2 C(n 53) : « Mon fils, ne laisse pas sortir une parole de ta
bouche avant de l'avoir méditée dans ton cœur, car il vaut mieux
pour l'homme broncher en son cœur que broncher de sa langue.»
^ Ag : (( L'ignorant heurte un écueil et tombe ; le sage bi'on-
che et ne tombe point ; ou, s'il fait un faux pas, il se relève.
Qu'une maladie l'attaque, il sait se guérir lui-même ; la mala-
die des ignorants n'a pas de remède.
((Le véritable sage est continent de trois manières: par la lan-
gue, par les mains et par les yeux. Ne laisse pas échapper une
parole de ta bouche que tu n'aies auparavant consulté ton
cœur, » p. 74.
b 71 et 72 manquent dans A. L'éthiopien (n. 13) porte : « Mon
fils, mieux vaut trébucher du pied que trébucher de la langue.
70 Cf. Prov., XI, 13.
Cf. Eccli., XXII, 26-27 ; xxvii, 17, 24 ; cf. xix, 8-10.
71 Cf. supra, n. 63. D'apiès Cornill (p. 43), la fin eslattribuée par
Maxiineà Socrale : KpeÏTTov elvat Tfîi TtoSi ô).sff9at'v£tv r^-crj yXwcrffa — etpar
Schahrastani à Selon. Diogène Laerce attribue la même sentence à
Zenon ; cf. R. S., p, 71-72, qui renvoie aussi à Eccli., xx, 18.
III, 72-73 SAGESSE ET DOCTIUNE d'aHIKAH 177
72. a Mon fils, si tu as entendu une parole du chef, recou-
vre-la et cache-la dans ton cœur aussi longtemps que tu
vivras en ce monde ; tant que tu la médites dans ton cœur,
ensevelis-la chez toi *.
73. Mon fils, ne t'élève pas dans ton jugement contre les
hommes illustres et qui l'emportent en grandeur et en
puissance, car des plaisanteries et des paroles méprisantes
proviennent la colère et la discorde. Une parole colère
éveille et suscite la fureur, et de cette fureur provient la dis-
corde puis, après la discorde, vient le meurtre. Si tu te
trouves en ce lieu et que tu y demeures, ou bien tu seras
tué, ou bien ils t'appelleront comme témoin ; ils demande-
ront et exigeront ton témoignage, après quoi tu souffriras
et, par honte ou par crainte, tu donneras, pour ta confu-
sion, un faux témoignage. Aussi, je te l'ordonne, hâte-toi
1 C, H(n. 44) : « Mon fils, si lu as entendu une parole mauvai-
se, enfonce-la à sept coudées sous terre. » — B porte : meltâ men
risâ, et C : meltâ bistâ, que Ha. traduit par dcbar ra\ Dans 5
le sens de 72 complète celui des deux maximes précédentes 70 et
71. Cf. supra 2, 3. La différence de B et de C peut s'expliquer
par une confusion entre risâ « chef » et resi'â « mauvais ». Cf.
p. 268, n. 197.
Ne laisse sortir aucun discours de ta bouche avant d'avoir tenu
conseil avec loi-méme. »
a 72. Arm., 50 : (( Mon fils, si tu entends de quelqu'un une
mauvaise parole, cache-la dans ton cœur à sept brasses de pro-
fondeur pour que le mal périsse et que le bien prospère. »
72. 'l'obic, XII, 7, ti.
73. /llustres=perisé. De cette racine provient le mot «pharisien ».
Cf. Eccli., VIII, 1 : « Ne dispvile pas avec l'iioiuinc puissant, de
crainte de lombei- entre ses mains. »
12
178 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR IH, 73-75
de fuir ^ l'endroit où il y a dispute et ton âme sera dans le
calme ^.
74. ^ 0 mon cher fils, ne t'élève pas contre celui qui est
plus âgé que toi ; il te donuera satisfaction au jugement
et tu sortiras vainqueur. Ne sois pas impudent, écarte les
disputes et vaincs le mal h l'aide du bien.
75. c Mon fils, acquiers un cœur pur et net, une intelligence
et une volonté intègres et lucides, procure-toi un esprit
humble et une voie droite et il n'y aura personne dans ce
monde qui vaille mieux que toi et tu auras la vie bienheu-
reuse '^.
^ C ( n. 55) : « Mon fils, ne demeure pas près d'une rixe, car
après la lutte vient le meurtre. »
2 74-75. C (n. 56) : « Mon fils, quiconque ne juge pas un ju-
gement droit irrite Dieu. » // omet (p. 20 ) les maximes 73 à 75
(C : 55 à 56 ).
a 73. A et Salhani: « Mon fils, ne laisse pas sortir une parole
de ta bouche avant d'avoirpris conseil avec ton cceur. Ne te mets
pas entre des personnes qui se querellent, car d'un mauvais mot
viendra une dispute, d'une dispute viendra une guerre, d'une
guerre viendra un combat et tu seras forcé d'être témoin ;
aussi pars de là et reste à l'écart. »
b 74 n'est pas dans A.
c ^ et Salhani : (( Mon fils, ne résiste pas à un homme plus
fort que toi, mais acquiers un esprit patient, de la constance et
une conscience droite, il n'y a rien de meilleur que cela. »
74. // te donnera satisfaction. Les anciens étaient juges ; cf.
Eccli. VIII 2: « Ne dispute pas avec l'homme riche, de crainte qu'il
ne fasse un procès contre toi. » Cf. Eccli., viii, 17. Rom., xii, 21.
III, 76-78 SAGESSE ET PROVERBES d'ahIKAR 179
76. Mon fils, ne t'éloigne pas de ton premier ami ^ ^ de
crainte qu'il n'y en ait aucun autre pour le remplacer.
11. Mon fils, ne descends pas au jardin des juges, redoute
le tribunal et n'épouse pas une fille de juge ^.
78. '' Mon fils, soutiens ton ami avec de bonnes paroles
devant le prélet et arrache sa faiblesse à la gueule du lion ^.
^ C (n. 57), L : « Mon fils, (ne) t'éloigne pas de l'ami de
ton père, de crainte que ton autre arai n'approche plus de toi. »
2 C (n. 58) : « Mon fils, ne descends pas au jardin des grands,
et n'approche pas des filles des grands. »
3 C (n. 59) : « Mon fils, aide ton ami devant le préfet, afin
que tu puisses l'aider contre le lion. »
a Ag : (( Ne renonce jamais à ton premier ami: tu ne garderais
pas longtemps le second, » p. 73.
76 à 78 manquent dans Salhani. — 77 n'est pas dans A.
^ A : a Mon fils, visite le pauvre dans son affliction, parle-
lui en présence du Sultan et applique-toi à le sauver de la gueule
du lion. )) — Ag: « Assiste le malheureux dans sa détresse et parle
en sa faveur en présence des rois. » Cette édition porte en plus:
« 0 mon fils, il y a quatre choses avec lesquelles il ne peut sub-
sister ni gouvernement ni armée : La tyrannie d'un ministre,
l'inhabileté dans l'administration, la déloyauté dans la poli-
tique et la vexation du peuple. Il y en a quatre autres qu'on ne
peut tenir secrètes : Le savoir et l'ignorance, la richesse
etla pauvreté, » p. 74-75. Cf. infra, 92-95, et Prov., xxx, 21,
24. — Arni. paraphrase ce passage. Il introduit les fils du
roi, Hutay et Baliayn, qui ne figurent nulle part ailleurs et qui
viennent ici interroger Ahikar. 11 leur indique quatre choses
1*J qui font plaisir à la vue ; 2° qui tiennent l'homme en bonne
76. Cf. Eccli., IX, 14; Prov., xxvii, 14.
77. Cf. Eccli., IX, 18 : «Tiens-loi loin de l'homme qui a le pouvoir de
tuer. »
78. Cf. Prov., VI, 3.
180 HISTOIRE ET SAGESSE d'ai.IIKAR IH, 79-81
79. Mon fils, ne te réjouis pas sur ton ennemi quand il
meurt ^.
[Mon fils, lorsque tu verras un homme plus âgé que toi,
lève-toi devant lui ^.j
80. a Mou fils, lorsqu'un homme se tiendra debout sans
(occuper de) place, lorsque l'oiseau volera sans ailes, lors-
que le corbeau sera blanc comme la neige, lorsque l'amer
deviendra doux comme le miel, alors Tinsensé deviendra
sace 3.
o
81. h Mon fils, si tu es prêtre de Dieu, prends bien garde
à lui et parais devant lui avec pureté ^.
^ Sic C (n.60). Cf. Eccli.,viii, 8. H ajoute entre parenthèses:
a et souviens-toi que bientôt tu seras son compagnon dans le
tombeau. »
2 SicL,H(n. 21) et C (n.61). —Cornet. Cf. EccH.,iv,7;vin,7.
^ C (n. 62) : « Mon fils, lorsque les eaux subsisteront sans
la terre (Et/>. : lorsque les eaux couleront en arrière), lorsque
l'oiseau volera sans ailes, lorsque le corbeau sera blanc comme
la neige, lorsque l'amer deviendra doux comme le miel, alors
l'insensé deviendra sage. »
* C,H ajoutent: « et ne t'éloigne pas de sa présence» (n. G3).
santé ; 3° qui sont toujours utiles ; 4° qui font pleurer; —puis un
mot de Pytarchos (Pythagore).
a 79. A et Salhani : « Mon fils ne te réjouis pas de la mort de ton
ennemi, car bientôt tu seras son voisin. Si quelqu'un te méprise,
montre-lui de la considération, honore-le et va au-devant de lui
pour le saluer. »
1 81-82. Au lieu de ces deux versets, A porte: « Mon fils, si tu
79. Cf. II Tira., IV, 17, où saint Paul compare aussi le juge au lion.
80. Cf. Prov.,xxvii,22 ; Eccli.,xxii, 7. — Déraocrite,p. 349, n. 137:
< Les insensés ne s'instruisent que par la mauvaise fortune. » Cf. Mé-
nandre, p. 531 : « Il n'est pas facile de changer une mauvaise nature. »
III 82-84 SAGESSE ET PROVERBES d'aI.UKAR 181
82. Mon fils, l'homme que Dieu a comblé de bienfaits
sera aussi respecté par toi ^.
83. Mon fils, n'entre pas en jugement avec un homme en
son jour et ne résiste pas au fleuve lorsqu'il vient (inon-
der) 2 a.
84. '^ Mon fils, l'œil de l'homme est comme une fontaine :
il ne se rassasie pas ^ avant d'être rempli de poussière c.
1 Sic C (n. 64).
2 C (n. 65) : ((... au fleuve dans son inondation,
^ C ( n. 66), L (n. 6) ajoutent : « de richesses. »
veux être sage, garde la langue du mensonge, ta main du vol et
tes yeux des mauvais spectacles, alors lu seras appelé sage. —
Mon fils, laisse le sage te frapper avec une verge, mais ne laisse
pas le fou t'oindre d'un suave onguent. Sois humble dans ta
jeunesse et tu seras honoré dans ta vieillesse. » Cf. 87.
a 81 à 83 manquent ici dans Salhani ; 82 se trouve plus haut
après 25 ; 83 se trouve plus bas après 93.
J^ 84 à 86 manquent dans A et Salhani.
c Slave (86) : « Mon fils, les yeux d'un homme, comme une
fontaine jaillissante, sont insatiables et dévoreraient des bœufs;
mais, lorsque l'homme meurt, ils sont remplis avec le sable. »
L'arménien (81) abrège et rattache cette pensée à la précédente
de la manière suivante : « Mon fils, ne résiste pas à un homme
puissant ni à une rivière en crue. Car les yeux d'un homme avide
ne sont pas remplis, si ce n'est avec du sable. »
83. £n son jour, c'est-à-dire : « au jour de sa puissance, »
comme // l'ajoute entre parenthèses, — Cf. Eccli., iv, 32. — Ménaii-
dre, 53i : « Il faut toujours fuir les maîtres en colère. »
84. Cf. Eccli., XIV, 9 ;Eccle.,i,8 ; Prov.,xxvii, 20. iM. Veller propose
de voir ici un double jeu de mots roulant sur 'aùi, <jui signifie à la fois
œil et (onlaine, et sur Li ressemblance de 'oser «richesse» avec '«/"ar
< poussière » ; cette maxime est précisément omise par //.
182 HisToinE ET SAGESSE d'ahikar HI, 85-88
85. Mon fils, ne demeure pas près des gens querel-
leurs ^.
86. Mon fils, après les plaisanteries viendront les rixes,
puis les combats et enfin le meurtre.
[87. ^ Mon fils, si tu veux être sage, refuse ta bouche au
mensonoe et ta main au vol, et tu seras sacre.
88. Mon fils, n'interviens pas dans les fiançailles d'une
femme, car, si elle (en) tire confusion, elle te maudira, et si
elle (en) est heureuse, elle ne se souviendra pas de toi.
^ C ne répète pas ici ce n. 73 et omet donc 85 et 86, — L porte
{ p. 35, n. 8 ) : ((Mon fils, ne demeure pas dans les maisons des
querelleurs, carde la parole naîtront les rixes, des rixes les con-
tusions et des contusions le meurtre. »
a Salhani : « Mon fils, si tu veux être sage éloigne ta langue
du mensonge, ta main du vol et tes yeux de l'aspect du mal,
alors tu seras nommé sage. »
85. Cf. Prov., XXVI, 17. Voir supra, 26.
86. Cf. supra, 73.
87. Cf. Eccli., V, 17.
Dans la légende d'Alexandre, telle que le Talmnd l'expose, se trouve
un passage qui a quelques rapports avec le verset 84 : Alexandre
arriva à une source. Il s'assit et mangea du pain... Il remonta
la source jusqu'à ce qu'il arrivât à la porte du paradis. Ils lui don
nèrent un globe. Il alla et pesa tout son or et tout son argent en
regard, et cela ne faisait pas contrepoids. Il dit aux rabbins : Qu'est-ce
que cela ? — Ils dirent : C'est un globe d'œil, fait de chair et de
sang, qui ne se rassasie pas. — 11 leur dit : Qui le prouve ? — Ils
prirent un peu de poussière et l'en couvrirent. Aussitôt le contre-
poids se fit, car il est dit : « Le scliéol et le lieu de destruction ne se
rassasient pas et les yeux ne se rassasient pas. » Cf. Israël Lévi,
La légende d'Alexandre dans le Talmnd^ liciiie des éludes juives,
t. n (1881), p. 298 — Ou lit dans les Apophtegmes des Pères : e Les
vieillards dirent : L'âme est une source ; si tu creuses elle se purifie ;
III 89-91 SAGESSE ET PROVERBES d'ahIKAR 183
89. ^ Mon fils, celui qui brille par son vêtement brille
aussi par son langage, et celui qui est méprisable dans son
vêtement l'est aussi dans sa parole.
90. ^ Mon fils, si tu trouves un objet devant une idole,
offre-lui sa part ^.
91. c Mon fils, tu tendras ^ la main qui était rassasiée et
qui a faim et non celle qui avait faim et qui est rassasiée.
1 M. Rendel Harris ajoute en note que cette maxime ne peut
pas être d'origine chrétienne ou musulmane. Elle manque en B ;
le sens de A, préférable à celui de C, conduit àla reconstruction :
« Si tu trouves un objet devant la demeure d'un homme puissant,
donne-lui en sa part. »
2 Sic C. Les éditeurs ajoutent une négation. Cette sentence
a 89 à 92 manquent dans Salhani.
^ A : (.(. Mon fds, si tu as commis un vol, fais-le connaître au
sultan et donne-lui en une part, ainsi tu pourras être absous,
sinon il t'en arrivera du mal. » Ce texte nous semble préférable
au syriaque,
c ^ : « Mon fils, fais-toi un ami de l'homme dont la main est
comblée et remplie, et ne te fais pas un ami de l'homme dont la
main est fermée et affamée. »
89. Cf. Eccli., XIII, 32 : « La marque d'un bon cœur est une bonne
face ; » et xix, 26-27 : « A la vue on connaît un homme, et à la ren-
contre du visage on connaît une personne sensée. Le vêtement du
corps, le rire des dents et la démarche du corps le font connaître. »
si tu aiiuisses de la terre autour, elle disparaît, » Revue de l'Orient
chrétien, 4907, p. i02 et 411, n, 100.
En somme, la pensée 84 repose, pour la première partie, sur Prov.,
XXVII, 20, ou Eccli., xiv, 9: « L'homme (cupide) est insatiable, » et,
pour la seconde partie, sur l'usage constaté plus haut (p. 151, note 1)
de mettre de la poussière sur les yeux d'un mort.
184 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR HI, 92-95
92. a Mon fils, que les yeux ne regardent pas la femme qui
est belle ; et ne regarde pas la beauté qui n'est pas tienne,
car beaucoup ont péri à cause de la beauté d'une femme,
et son amour (est) comme un feu qui brûle.
93. Mon fils, que le sage te frappe de nombreux coups
de bâton et que l'insensé ne t'oigne pas d huile odorifé-
rante.
94. Mon fils, que ton pied ne coure pas (trop souvent)
vers ton ami, de crainte qu'il ne se rassasie de toi et ne te
haïsse.
95. Mon fils, ne mets pas un anneau d'or à ta main, si tu
n'as pas (de grandes richesses), de crainte que les insensés
ne se moquent de toi, ^]
est obscure. Le meilleur sens est encore celui de A, c^est-à-dire
en soiume : « Sois lami du riche et non du pauvre ; » /f a adop-
té le sens de A.
1 B omet 87 à 95. Ces sentences sont tirées de C, n. 67 à 75.
H ajoute ensuite, d'après l'arabe : « Mon fils, il y a quatre
choses... )) Cf. p. 179, note b.
^ 92-95. Au lieu de ces maximes,^ porte la même addition que
Ag : «0 mon fils, il y a quatre choses...» V. supra, p. 179, n. b.
Après 93, Salhani porte : « Mon fils, sois modéré dans ta jeu-
nesse, alors tu seras honoré dans ta vieillesse ; » puis viennent
les n. 88 et 38 réunis ensemble et enfin l'addition déjà signalée
au n. 78 pour Ag et ci-dessus (92-95) pour A.
92. Cf. Prov., VII, 25-29 ; Eccli., ix, 8-9 ; cf. supra, 8.
93. Cf. Psaume cxli, 5; Eccle., vu, 6.
94. Prov., XXV, 17.
95. R. S., p. 83, traduit : t s'il ne t'appartient pas » (c'est le sens de
l'arménien, n. 26) et rapproche ce passage de la fable 410 d'Ésope
(Babrius, 188).
IV, 1-2 185
CHAPITRE IV
Ahikar arrêta ici les sages paroles qu'il adressait à Nadan ;
ensuite Ahikar montra au roi tout ce qu'avait fait Nadan
contre ses possessions et ses biens i.
1. Alors moi, Ahikar, lorsque j'eus enseigné cette doc-
trine îi Nadiin, fils de ma sœur, je pensais qu'il la conserve-
rait dans son cœur et resterait à la cour, et je ne savais
pas qu'il n'écoutait pas mes paroles, mais les jetait — pour
ainsi dire — au vent.
2'^ 11 prenait l'habitude dédire: « Ahikar, mon père, est
1 C, au lieu de ce titre, porte : « Voilà l'enseignement
qu'Ahikar donna à Nadan, le fils de sa sœur. »
a Ag (sic A) : « S'étant alors démis du soin des affaires pu-
bliques, Heykar se retira chez lui et confia à Nadan l'adminis-
tration de ses richesses ; il lui donna un pouvoir illimité sur
toute sa maison, sur ses esclaves, sur ses chevaux, sur ses meu-
bles, sur ses troupeaux, enfin sur tout ce qu'il possédait. Il
l'installa ensuite auprès du roi et remit en ses mains les fonc-
tions de premier ministre d'Assyrie.
(( La puissance engendre l'orgueil : Nadan, maître de tout,
n'ayant pour loi que ses penchants, pour frein que sa volonté, et
disposant à son gré des immenses richesses de son oncle, n'eut
bientôt plus que du mépris pour son bienfaiteur. Joignant l'in-
solence à l'ingratitude, il osait même le railler publiquement, et
il disait à qui voulait l'entendre : Mon oncle est déjà dans un
Titre. Les sages paroles qu'il adressait^ litt. : c les paroles de
sa sagesse qu'il enseignait. »
1. Resterait à la cour, litt. : « à la porte du roi. » C ajoute: c à ma
place. >
186
HISTOinE ET SAGESSE D AHIKAR IV 2-4
vieux et a perdu l'esprit *. » Et Nadan, mon fils, s'adjugea
mes troupeaux, dissipa mon bien et n'épargna pas mes
meilleurs serviteurs, qu'il frappa devant moi, ni mes bêtes
de somme et mes mules qu'il tua,
3. ^ Quand je vis ce qu'il faisait, je lui dis : « Mon fils, ne
touche pas à mes biens, il est dit dans les maximes : Ce que
la main n'a pas acquis l'aùl, ne Va pas ^ respecté. »
4. Je fis connaître toui cela à mon seigneur le roi, et
le roi ordonna : « Que personne n'approche des biens d'A-
hikar, le scribe; aussi, tant qu'Ahikar sera envie, personne
n'approchera de ses biens et de sa maison ^b. »
^ C : (( Ahikar, mon père, est vieux et se trouve à la porte du
tombeau, son intelligence la quitté et son esprit a diminué. »
2 Cornet cette négation.
^ C : « Et mon seigneur lui parla de cette manière : Aussi
longtemps qu'Ahikar vivra, personne n'aura de pouvoir sur ses
biens. »
âge voisin de l'enfance, et ses discours se ressentent un peu de
sa caducité : le pauvre homme ne connaît plus rien dans les
affaires de la vie. Et il battait ses esclaves, vendait ses pro-
priétés et ses chevaux et dissipait follement des biens lente-
ment acquis. »
y NS : « Lorsque moi, Chikâr, je vis que Nadan népargnait
pas mes biens et ma famille, je lui dis : Tiens-toi loin de ce que
j'ai acquis, et ne fais pas souffrir mes serviteurs et mes esclaves
aussi longtemps que je vivrai. »
^ Dans F^ Nadan commence par perdre Ahikar dans l'esprit
du roi : « La vieillesse, disait-il au roi, rend Hicar ombrageux
et timide, il ne voit plus de près les affaires et voudrait toujours
3. Celle citation ne se trouve pas dans les Proverbes.
4. Le roi, C : « Sennachérib. »
V, 1-2 AHIKAR ADOPTE LE FRÈKE DE NADAX 187
CHAPITRE V
De ce que Ahikar prit le frère de Nadan pour lélever.
1. Lorsque (Nadan) vit que j'avais pris son jeune frère ^
et que je l'élevais, il vint devant moi dans ma maison et il
en eut déplaisir a.
2. b Nadan l'envia, il avait dans son esprit de mauvaises
pensées à cause de cela et il disait : « Ahikar, mon père, est
vieux, sa sagesse a disparu et ses paroles sont méprisables.
^ C : a Nabouzardan. ))
les conduire ; devenu faible et languissant il ne pourrait plus
retenir l'autorité, mais il la regrette tous les jours. Son humeur
me donne du chagrin, et si je l'en croyais il me sei'ait impossi-
ble de terminer aucune affaire à l'avantage de votre majesté. »
Le roi reçoit ensuite Ahikar fort froidement. Celui-ci le raconte
à sa femme Zéfagnie qui le console.
■"> Ag (sic A) : « Heykar regretta amèrement toutes les pei-
nes qu'il s'était données pour l'éducation de Nadan, Celui-ci
avait un frère plus jeune, nommé Ebnazadan (^1 : Benûzardân).
Heykar l'appela près de lui, le combla d'honneurs, et, lui con-
fiant tout le pouvoir qu'il venait de retirer des mains de son
frère, il le mit à la tôle de ses affaires et il le nomma adminis-
trateur de tous ses biens. » — NS : « Nadan avait un plus
jeune frère, nommé Ncbusaradan, je le pris près de moi, je re-
levai, je commençai àl'instruire dans ma sagesse et ma science et
je le pris en place de fds. » — F ne mentionnepas cette adoption
d'un frère de Nadan.
•» 2-5. A (sic Ag.) : (( Lorsque Nadan apprit ce qui était arrivé,
1. Nabouzardan. Cf. II Rois, xxv, 8 ; Jér., xxxix, 9 ; lu, 12.
188 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR V 2-4
Est-ce qu'il donnera ses biens à mon frère et me chassera
de sa maison ?»
3. Ahikar entendit les paroles de Nadan; alors il réfléchit,
puis il répondit à Nadan et lui dit : « Enfiinte la sagesse,
mon fils, car elle a bien diminué chez toi ^. »
4. '"- A ces paroles, mon fils s'irrita beaucoup et, dans son
cœur, il prépara du mal contre moi. Il alla à la cour du
roi pour réaliser le mal qui était dans son cœur, comme si
Ahikar avait écrit — du moins sous son nom — des lettres
mauvaises et s'il venait à la cour pour les découvrir -.
^ C : « Lorsque moi, Ahikar, j'entendis ces paroles, je dis :
« Malheur à toi, ô ma sagesse ! Nadan, mon fils, t'a rendue insi-
pide et il a méprisé mes sages paroles. »
2 C : « A ces paroles, Nadan s'irrita, alla à la cour et machi-
na le mal en son cœur. 11 s'assit et écrivit deux lettres à deux
rois ennemis de mon maître Sennachérib, l'une à Aki, fils de
Hamsélin, roi de Perse etd'ÉIam. » Cf. Introd., page 13, 10°. —
L'arabe porte Ahis, fils de âah le sage. M. Halévy voit dans
Ahis une réminiscence de Xerxès (= Hschayarscha). De même,
M. Lidzbarski propose de compléter Ahas en Ahasweros ;:= As-
suérus ou Xerxès. M. Meissner (p. 184-5) rapproche Akis de
I Sam., XXI, 11, et xxvii, 2.
il fut rempli d'envie et de jalousie, il commença à se plaindre à
chacun de ceux qui l'interrogeaient et à se moquer de son oncle
Haiqâr, en disant : Mon oncle m'a chassé de sa maison et m'a
préféré mon frère, mais, si le Dieu Très-Haut m'en donne la
puissance, je le précipiterai dans des calamités mortelles. Et
Nadan cherchait avec quelle pierre d'achoppement il pourrait
l'écraser. Après y avoir bien réfléchi dans son esprit, il écrivit
une lettre à Ahis, fils de Sah le sage, roi de Perse, lui disant. »
3 Dans F, Nadan emploie deux machinations préliminaires.
Il commence par écrire contre lui-même un libelle anonyme
V, 5 AHIKAR ADOPTE LE FRÈRE DE NADAN 189
5. C'étaient deux lettres (écrites) en mon nom aux rois
mais où Ion pouvait reconnaître le style de son oncle. Il le rem~
plit d'imputations fausses et hasardées mais qui pai aissent spé-
cieuses et dictées par le zèle. Il le montre au roi, « en même
temps qu'il laisse soupçonner quHicar seul en est l'auteur, il en
paraît attendri jusqu'aux larmes et prie le roi de pardonner à
l'âge et à la faiblesse de son oncle, en prenant cependant des
mesures pour écarter un homme... qui se rend le jouet et l'ins-
trument de l'intrigue. » Le roi y prête peu d'attention, parce
qu'il craint de faire delà peine à sa tante Zéfagnie. Nadan ima-
gine le nouvel artifice suivant : La cour de Perse devait livrer
une ville frontière aux Assyriens. Nadan écrit à Hicar, sous le
nom de l'un de ses amis, que le roi de Perse est de mauvaise
foi, qu'il a creusé des souterrains pour faire rentrer ses troupes
dans la ville et massacrer les troupes assyriennes qu'on y aurait
mises en garnison. Hicar porte cette lettre au souverain et Nadan
montre facilement que tout est inexact ; il reproche à Hicar une
crédulité excessive et même des inventions détestables et lui fait
dire par le roi de se tenir en repos et de ne plus venir à la cour.
Zéfagnie conseille à Hicar de se consoler de l'ingratitude des
hommes par l'étude des sciences, mais Nadan raconte au roi que
son oncle veut se venger, qu'il est en relations suivies avec les
princes étrangers et qu'il serait bon d'arrêter ses courriers pour
voir de quelle nature sont ses correspondances, on trouve alors
la lettre au roi de Perse Akis. Il n'est pas question ici d'une let-
tre au roi d'Egypte.
5. Du roi Sennachérib. Mieux vaudrait lire : « de Sarhédom ; »
cependant on peutdire que ces lettres sont adressées aux rois «qui
avaient été les ennemis du roi Sennachérib. »
Au roi de Perse (p. 190), litt. : « à la face {afi) du roi. d Si cotte
rédaction était la bonne, ce serait le cbangement du f en k (fé en caf)
qui aurait conduit à la lecture « à Aki, roi, » et ce roi inconnu que
l'on a tant de peine à identifier (voir p. 188, note 2) pi-oviendrait
d'une faute de lecture.
190 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR V, 5-8
ennemis du roi Sennachérib. L'une était adressée au roi
de Perse et d'Elam et il la rédigea ainsi ^ :
6. « De la part d'Ahikar scribe et (gardien du) sceau du
roi Sarhédom ^, salut I Quand tu auras reçu cette lettre, sors
aussitôt et viens en Assyrie et moi je te livrerai l'Assyrie, et
tu prendras tout ce pays sans guerre et sans combat b, »
7. i^ Il adressa encore en mon nom une autre lettre à Pha-
raon, roi d'Egypte, et l'écrivit ainsi ^:
8. « Quand cette lettre t'arrivera, sors au-devant de moi
dans la plaiiie du sud ^, le 25 du mois d'Ab (août) d. Je te
1 C : « Sennachérib, roi d'Assur et de Ninive. » A partir de
ce verset, B portera toujours Sarhédom, qui est la bonne leçon,
tandis que C conservera Sennachérib.
2 C ajoute : « A Pharaon, roi d'Egypte, Aliikar, scribe et
gardien du sceau du roi d'Assur et de Ninive, salut ! »
3 C : « dans la plaine de Nisrîn (des Aigles) qui est au sud. »
Le slave porte : « au champ égyptien », ce qui provient d'une
confusion entre Mesrin (Egypte) et Nesrin (aigle).
a NS : « Il écrivit deux lettres aux rois ennemis de Senna-
chérib, 1 une au roi Achash, fils de Samachlîn, roi de Perse, dans
laquelle il écrivit ce qui suit. »
1* L'arabe (^, Ag, Salhani), comme le syriaque et NS, continue
de'porter Sennachérib au lieu de Sarhédom. Au lieu de : « viens
en Assyrie », l'arabe porte : « viens vite dans la plaine de Nisrîn
(Ag : de Basin) et en Assyrie et à Ninive. » — F: « Il l'en-
gagea à se rendre dans la plaine de Nerrim, où lui-même se
rencontrerait avec sa garde dans les premiers jours de la lune
de Niram. » Il faut sans doute lire Nesrim et Nisam.
c? et 8. Nous avons déjà écrit que F ne mentionne pas le roi
d'Egypte. — Ar/n. au contraire ne renferme que la lettre au roi
d'Egypte.
<l Au lieu de : « dans la plaine du sud le 25 du mois d'Ab, »
l'arabe et NS portent seulement : « dans la plaine de Nisrîn. »
V, 8-VI, 1 NADAN ÉCRIT A SON PÈRE 191
conduirai à Ninive et tu y prendras le royaume sans com-
bat ^))
9. Il conforma ces lettres aux lettres (écrites) de ma main
et les scella de mon sceau 'T, puis il les jeta ^ dans l'une des
chambres du roi ^.
CHAPITRE VI b
De ce que Nadan écrivit une lettre à son père Ahikar
au nom du roi.
1. Il écrivit encore une autre lettre comme de la part de
mon seiofneur le roi*:
^ « Sans combat )) figure dans C après le mot « Ninive ».
2 C omet : « de mon sceau, puis il les jeta. » (Faute d'homoio-
téleutie.)
^ C ; « dans le palais du roi. »
^ A, C: « du roi Sennachérib. »
Nisrîn peut se traduire de l'arabe par : « aigles, ou roses sauva-
ges » et du syriaque par : « aigles ou fougères. »
a Dans F, on remplace la bourse du courrier de Hikar par
une autre toute semblable dans laquelle se trouvait la lettre de
Nadan, après quoi on arrête le courrier et on a ainsi la preuve, de
la bouche même du courrier, de la trahison d'Ahikar. F n'a donc
pas besoin des chapitres vu et viii et en arrive aussitôt à l'arres-
tation d'Ahikar.
h iv-vi. G : « Peu de temps après (son adoption), Ennos dés-
honora la concubine de son père adoptif, et l^^sope l'ayant appris
le chassa delà maison. Il en conçut grande irritation : il écrivit,
au nom d'Esope, une lettre aux rois adversaires de Lycéros,
comme s'il était prêt à les servir plutôt que Lycéros, et il fit
tenir cette lettre aux rois après Tavoir scellée du sceau d'ICsope. »
192
HlSTOmE ET SAGESSE D AHIKAR VI, 2-3
2. De Sar^édom * à Ahikar, scribe de mon seigneur ^^ sa-
lut :
« Qiinnd tu auras reçu cette lettre, rassemble toute l'ar-
mée a à la montagne ^ et va de là ^ à la plaine des Aigles ^, le
25 du mois d'Ab (août), et, lorsque tu me verras approcher
de toi, range tes troupes en face de moi comme si tu le pré-
parais il la guerre, car des messagers de Pharaon, roi d'E-
gypte, sont venus près de moi, et ils verront quelles sont
mes forces. »
3. Et mon fils, Nadan, m'envoya la lettre par deux hom-
mes ^ b.
1 Sarliédora, A ; C : (.( Sennachérib. »
^ C : (( mon scribe et mon (gardien du) sceau. »
^ C : « à la montagne nommée Sis. »
^ C ajoute : (( à ma rencontre. »
^ C ajoute : « qui est au midi. » — On peut continuer à
transcrire le nom propre et écrire « à la plaine de Nesrin » ou
même « à Fck'atnesrin », Comparer ce mot au nom propre sy-
rien Qennesrin, « Le nid des aigles. »
^ C : (( par deux serviteurs du roi. »
a Au lieu de : « rassemble toute l'armée... Ab, » A et Asf
portent : « rassemble toutes les troupes qui sont avec toi, qu'el-
les soient bien équipées et nombreuses, et conduis-les moi le
cinquième jour (le jeudi), dans la plaine de Nisrin {Ag : de
Basrin. » — NS porte en plus à la fin : « ainsi ils crain-
dront devant nous, car ils sont nos ennemis et sont jaloux de
nous. »
•' Au lieu de : « par deux hommes, » A et Ag portent : « par un
des serviteurs du roi. »
VII-VIII, 1. NADAN ECRIT UNE LETTRE AU ROI 193
CHAPITRE VII a
De ce que Nadan donna au roi une lettre qu'il écrivit
au nom d'Ahikar.
1. Alors mon fils Nadan prit l'une des lettres comme s'il
l'avait trouvée, et il la lut i devant le roi,
2. En l'entendant, le roi s'irrita beaucoup et se fâcha
contre Ahikar et il dit 2 : « O Dieu ! quelle faute ai-je donc
commise contre toi et contre Ahikar pour qu'il veuille me
traiter ainsi ? »
CHAPITRE VIII
Réponse de Nadan au roi au sujet d'Ahikar.
1. Alors Nadan 3 répondit et dit au roi : « Ne sois pas en
peine, ô mon Seigneur le roi, allons à la plaine des Aigles,
comme il est écrit dans cette lettre, nous connaîtrons ainsi
la vérité, et* tout ce que tu commanderas aura lieu. »
1 C : « Alors mon fils Nadan prit les lettres qu'il avait écrites
comme s'il les avait trouvées et il les lut. »
2 C : En les entendant, le roi mon seigneur se lamenta et dit. »
8 C : « Mon fils Nadan. »
* C : « au jour qui est écrit dans la lettre et si c'est vrai. *
» vii-xi. G : « Le roi, trompé parle sceau, fut saisi d'une inex-
primable colère et ordonna à Hermippos de tuer de sa main le
traître Esope, sans chercher déplus grande preuve. »
43
194 HISTOIItE ET SAGESSE d'ahiKAR VIH, 2-IX, 1
2. Le roi ordonna donc de se préparer;! gagner la plaine
pour voir la vérité de cette affaire, et ^ Nadan, mon fils,
conduisit le roi, et ils vinrent me trouver, avec l'armée qui
m'accompagnait, dans la plaine des Aigles a.
3. Quand je le vis venir vers moi ^, je rangeai mon armée
en bataille en face de lui comme pour la guerr(% sur la foi
de la lettre que mo!i fils m'avait envoyée ^^.
4. Mon fils dit au roi : « •* Va chez toi en toute quiétude,
6 mon Seigneur, et nioi j'amènerai en ta présence mon père
A^ikar », et le roi alla à sa demeure.
CHAPITRE IX
De ce que Nadan alla en ambassade près d'Ahikar son père.
1. Alors Nadan, mon fils, vint près de moi, il prit la pa-
role et dit : « ^ Le Seigneur roi m'a envoyé près de toi pour
te dire : Tout ce que tu as fait, tu l'as bien fait. Le roi te
1 C omet le commencement de celte phrase qui pourrait
encore n'être qu'un titre.
2 C : « Quand je vis le roi. »
3 C : « je rangeai l'armée en face de lui, comme il était écrit
dans la lettre. A cette vue, le roi fut saisi d'une grande crainte. »
* C ajoute : « Ne crains pas, mon Seigneur le roi. »
s C omet : «Le Seigneur roi m'a envoyé vers toi pour te dire.»
a L'arabe répète encore que cela se passait un jeudi.
^ NS ajoute à la fin : « Lorsque mon maître, le roi Sanché-
rib, me vit faire cela, il fut saisi de crainte devant moi et pensa
que je m'étais révolté contre lui et que j'avais noué une intrigue ;
il lui parut certain qu'il y avait un traité entre moi et ses enne-
mis. Je ne reconnus pas le piège que Nadan avait dressé contre
moi. »
IX, 1-4 NADAN VA EN AMBASSADE PRÈS d'ahIKAK 195
loue beaucoup. Et maintenant renvoie les troupes ; que
chacun aille chez soi et toi viens seul près de moi. m
2. Alors je vins devant le roi et quand il me vit, il me
dit: « Tu es venu, Ahikar, mon scribe elle père nourri-
cier d'Assur et de Ninive ^ ; je t'ai donné honneurs et repoa,
et toi tu as fait défection et tu es devenu l'un de mes
ennemis. » Puis il me donna la lettre qui éttiit écrile en
mon nom et qui était scellée de mon sceau.
3. Le roi me dit : « Lis cette lettre ^. » Quand je l'eus lue,
mes membres chancelèrent, ma langue me refusa son se-
cours, je cherchai une sage parole et je n'en trouvai pas.
4. [Nadan, mon fils, prit la parole et dit: « Retire-toi de
devant le roi, vieillard insensé, et tends les mains aux
cordes et les pieds aux fers b. »
* C omet : « Le roi me dit: Lis cette lettre. »
^ B : <i Mon conseiller ainsi que d'Assur et de Ninive. » —
NS : « le gouverneur de mon royaume et mon ami. »
^ Dans l'arabe, c'est Nadan qui fait enchaîner Ahikar. Na-
dan promet au roi de lui amener le coupable pieds et mains
liés (viii, 4), puis il tient à Ahikar le discours suivant (ix, 1) :
a Le roi est content de toi, il donne les plus grands éloges à la
docilité avec laquelle tu viens d'exécuter ses ordres. INIaintenant
il veut que tu renvoies les troupes et que tu paraisses devant son
trône les pieds et les mains chargés de fers, afin que les ambas-
sadeurs de l'Egypte, qui viennent d'être témoins de ta puissance
le soient de ta soumission. Les étrangers pourront jugerparlà de
tout le respect qu'inspire aux premiers dignitaires de l'empire
l'autorité du roi d'Assyrie, et ils en porteront la nouvelle à la
cour de Pharaon » (trad. Ag). Al.iikar, qui ajoute foi à ces paro-
les, se laisse lier les pieds et les mains et paraît ainsi devant le
roi.
2. Je t'ai donné honneurs et repos. Litt. : « je l'.ii laisse à l'Iion-
neur et ou repos. »
196 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR IX, 5-6
5. Alors le roi Sarhédom ^ détourna son visage de moi,
parla à Nabousemak a, le bourreau, qui était mon ami, et
lui dit : V Va tuer Ahikar et porte sa tête à cent coudées de
son corps. » Alors je tombai la face contre terre, j'ado-
rai le roi et je dis] :
6. « Seigneur roi, vis à jamais 1 Tu veux donc me tuer,
que ta volonté soit faite. Je sais que je n'ai pas péché contre
toi, mais ordonne, Seigneur roi, qu'on me tue devant la
porte de ma maison et qu'on donne mon corps pour être
enterré. » Le roi ordonna qu'il en fut ainsi 2.
iLe ms. C porte, comme toujours : « Sennachérib. »
Les phrases entre crochets sont traduites sur C. Elles sont
remplacées dans B par une sorte de répétition : « Ensuite il lui
donna à lire la lettre qui avait été écrite (comme) de sa bouche ;
il lalutet sa sagesse disparut à cause de la stupeur qui l'envahit. »
Vient ensuite : « Alors le roi ordonna de le tuer dans sa maison,
et moi, Ahikar, je répondis et je dis au roi. » Le commencement
de cette dernière phrase semble encore être un titre.
2 C: « Et le roi dit à Nabousemak, le bourreau, qui était mon
ami : Va, tue Ahikar à la porte de sa maison et donne son corps
pour être enterré. »
a Nabousemak n'est pas nommé ici dans NS.
5. L'édition de Cambridge et le ms. néo-araméen de M Lidzbars-
kl portent dans le texte Yabousemak, mais le ms. 5 porte partout
Nabousemak.. qui est sans doute la bonne leçon, « Nabû appuie. »
y. supra, p. 11. Ag : Abou Someika ; F: Yapousmak ; A : Abou Samik
et Ibn Samik
Mon ami. Nous adoptons la traduction proposée par M. Rendel
Harris (p. 69, note 1) ; ff fait de ces é|.ithètes une suite du nom
propre et transcrit : Nabousemak Meskin Kenoth.
X, 1-2 AI.UKAR ANNONCE SA CONDAMNATION 197
CHAPITRE Xa
Ahikar annonce sa condamnation à Esfagni sa femme.
1. Et moi, A^iikar, j'envoyai dire à ma femme: a Viens au-
devant de moi et amène avec toi mille jeunes filles * habil-
lées de fin lin, de pourpre et de safran ^ ^, qui danseront
au-devant de moi et se lamenteront jusqu'à ma mort.
2. (f Prépare du pain au bourreau Nabousemak, mon ami,
et aux Parthes qui l'accompagnent, sors à leur rencontre
^ C : a. mille et une jeunes filles de ma famille. »
2 C : (( habillées de deuil. »
a ix-x. Dans /'', c'est Zéfagnie qui implore inutilement le roi et
qui demande du moins de ne le faire mourir que chez lui. C'est
elle qui a fidée de préparer le festin pour les bourreaux et c'est
encore elle qui a sauvé jadis Yapousmak, lorsque son frère Ser-
kadoum, père de Sinkarib, voulait le faire mettre à mort ; elle
obtient donc qu'il mette à mort « un vieil esclave magicien,
souillé des plus grands crimes, en place de Hicar. »
b NS : « habillées de soie et de pourpre. »
X. Voir supra i, p. 9 et comparer : 'Ao-pevàs, do Daniel, i, 3. —
Ce mot persan signifie « hôte, hôtelier » (Halévy).
2. Mon ami. Nous adoptons — ici comme plus haut — la conjecture
de l'édition anglaise (p. 69, note 1). Rapprocher de ce nom propre
j'/4/iisemaA- de Exode, XXXI, 6 ; XXXV, 34. Le grec porte "EpfAiTCTroi; et cela
vient peut-être, dit M. Meissner (p. 185), de ce que Nabû = Hermès.
198 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XI, 1-4
et fais-les entrer chez moi, afin que moi aussi je puisse
entrer dans ma maison comme un étranger a. »
CHAPITRE XI
De ce que Esfagni, femme d'Ahikar, sortit au devant de lui.
1. Ma femme, lorsqu'elle reçut les messagers (que je lui
avais envoyés), fut remplie d'une grande sagesse et accom-
plit ^ tout ce que je lui avais Aut dire b.
2. Elle sortit au devant de Nabousemak et des Parthes ^
et les fit entrer dans sa maison.
3. Esfagni apporta du pain à Nabousemak et aux Par-
thes, elle leur fournit aussi du vin et le leur versa^. Esfagni
les servit jusqu'à ce que tous fussent ivres et endormis.
1 C : « comme elle était très sage, elle comprit. »
2 C : « au-devant d'eux... dans ma maison. »
* C : « Elle les fit entrer dans ma maison et ils mangèrent du
pain. »
a NS : « Et toi, ma femme, retourne à ma maison, et prépare
ma table avec de la nourriture pour le bourreau et pour les Per-
ses et les Assyriens qui l'accompagnent. Va donc à mon apparte-
ment et donne-leur bonne nourriture et agréable boisson, mélan-
ge du vin et donne-leur à boire. Veille toi-même au service. » —
Ici et plus hâsA et Ag ne mentionnent pas les Parthes.
b NS : «. Ma femme Aschfeghni était une femme intelli-
2. Aux Parthes. Ce mot figure cinq fois dans B, trois fois dans
C. M. Vetter propose de le remplacer par « Partourié » ou « Pré-
torié », les prétoriens ou les gardes du corps. Cette correction, qui
modernise Ahikar, ne semble pas nécessaire. Les Parthes pouvaient
être connus dès le iv' siècle avant J.-C.
XI, 4- XII, 2 AHIKAR DEMANDE A n'ÉTRE PAS MIS A MOItT 199
4. Quand les Parthes se furent enivrés avec le vin, ils
tombèrent dans un profond sommeil et chacun d'eux s'en-
dormit à sa place ^.
5. »Je louai Dieu, maître du ciel et de la terre, de tout
ce qui avait lieu et je dis : « 0 Dieu, sauveur du monde,
toi qui sais ce qui a été et ce qui sera, vois-moi d'un œil
miséricordieux devant Nabousemak. »
CHAPITRE XII b
Ahikar demande à Nabousemak de n'être pas mis à mort.
1. c Alors moi, Ahikar, lorsque je vis cela, je pris la parole
et je dis à Nabousemak :
2. « Lève les yeux au ciel, o Nabousemak, et regarde
Dieu. Souviens-toi du pain et du sel que nous avons mangé
ensemble et ne médite p;is ma mort.
^ C : a Elle les servit de sa raain jusqu'au moment où, du
fait de leur ivresse, ils dormirent à leur place. » La lin de ce
chapitre manque dans A, C.
gente et de grand savoir. Elle fit donc tout ce que je lui avais
commandé, elle leur dressa une table et leur mélangea du vin. »
a XI, 2-5. NS : « Ils mangèrent et burent, tandis qu'elle les
servait; ils s'enivrèrent et dormirent à leur place. »
•> xii-xv. G : « Or Ileruiippos était ami d'Esope et il le fil bien
voir : il le cacha dans un tombeau à l'insu de tous, et il le nour-
rit en secret. Ennos, sur l'ordre du roi, s'empara de tous les biens
d'Esope. »
c iV.V : « Alors moi, Chickâr, je dis au bourreau dont le nom
était Nabusmîk. » le ins. porte aussi Yabusmîk, mais M. Lidz-
barski le corrige en Nabu — Dans /', c'est Zéfagnie qui adresse
la parole à Nabousemak : « Vous souvenez-vous que quand le
200 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR XII, 3-6
3. « Souviens-toi que le père de mon seigneur le roi * t'a
aussi livré à moi pour que je têtue, et je ne t'ai pas tué parce
que j'ai reconnu que [tu] n'avais pas péché, je t'ai laissé
la vie jusqu'au jour où le roi t'a demandé et [lorsque je t'ai
amené devant lui] il m'a donné de nombreux présents,
4. « Toi donc, sauve-moi mnintenant. De crainte que le
bruit ne s'en répande et qu'on ne dise : Il n'a pas été mis à
mort, — voilà que j'ai dans ma prison un homme ^ qui mé-
rite la mort, prends mes habits, revêts-l'en, puis envoie les
Parthes pour le tuer, [et moi je ne mourrai pas parce que je
n'ai pas péché. »
5. Quand j'eus dit cela, Nabousemak le bourreau, mon
ami, fut aussi rempli de tristesse à mon sujet, il prit mes
habits et les fit revêtir à l'esclave qui était en prison, puis il
réveilla les Parthes, qui se levèrent sous l'influence du vin
et le tuèrent ; ils éloignèrent sa tête à cent coudées de son
cadavre et donnèrent son corps pour être enseveli] ^.
6. Alors le bruit se répandit dans l'Assyrie et à Ninive
que Ahikar était tué.
^ A, Ag, C : 1 Souviens-toi que jadis Sarhédora, père de Sen-
nachérib, »
2 C : « un serviteur, nommé Manzifar. » — La traduction
anglaiseporte à tort Marzifan(p.70). Cf. plushaut,p. 13, et 'Acrae-
vaçâp dans Esdras, iv, 10.
* Les phrases entre crochets, traduites sur C, sont rem-
placées dans D par : « ensuite l'homme fut tué. Il excita les
Parthes contre lui et, à cause de leur ivresse, ils tuèrent cet
homme. »
roi Sarkadoum, mon frère, père de Sinkarib, voulut vous faire
mourir, je trouvai le moyen de vous dérober à sa colère. »
XIII, i-2 AHIKAR EST CACHÉ 201
CHAPITRE XIII
Âhikar le scribe est caché.
1. Alors Nabousemak, avec ma femme Estagni, lia me
faire dans la terre une cachette de trois coudées de large
sur quatre de long et cinq de haut ^ a^ ils me donnèrent du
pain et de l'eau et allèrent annoncer à mou Seigneur le roi
que Ahikar avait été mis à mort.
2. Le roi dit : « Les souffrances d'Ahikar sont retombées
sur moi ; toi, le scribe et le sage qui défendais la brèche
de la ville, je t'ai fait périr sur des paroles d'enfant ^ b. »
^ C : « Ils me firent dans la terre une cachette de trois
coudées de large et de cinq coudées de haut sous le seuil de ma
maison. »
2 C : a Ils allèrent annoncer au i*oi Sennachérib que le scribe
Ahikar était mort. Lorsque les hommes l'apprirent, ils pleurè-
rent et les femmes déchirèrent leur visage et dirent : Deuil sur
toi ! Ahikar, le sage scribe, qui réparais les brèches de notre
pays ; jamais nous n'en avons eu comme toi !. 5>
a NS : « 14 coudées de long, 7 de large et 5 de haut, »
b NS : « Je souffre à cause de toi, scribe habile, qui connais-
sais les secrets et interprétais les paroles difficiles et obscures.
Malheur à nous à cause de loi ! où en trouverons-nous un sem-
blable H toi ? d'où nous viendra un homme intelligent, savant et
sage comme toi, qui prenne ta place ? »
2. Cf. Eccle., IX, 15.
202 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XIV, 1 -XV, 1
CHAPITRE XIV a
Que le roi ordonna à Nadan de me faire des funérailles
et un deuil.
1. Alors le roi appela Nadan, mon fils, et il lui dit : « Va
faire des funérailles à ton père *. »
2. Nadan, mon fils, vint à ma maison, il ne me fit pas de
funérailles et ne fit pas mémoire de moi, mais il réunit des
femmes ^ débauchées et il les fit asseoir ^ pour manger et
boire au milieu des chants et de l'allégresse.
3. Il tua, dépouilla et frappa mes serviteurs et mes ser-
vantes ; il ne respecta même pas ma femme qui l'avait éle-
vé et lui demanda à commettre avec elle l'acte d adultère
et de fornication.
CHAPITRE XV
Prière qu'Âhikar adresse à Dieu.
1. A l'intérieur de la fosse obscure, j'entendais la voix de
mes cuisiniers 4^ de mes pâtissiers et aussi de mes boulan-
gers qui se lamentaient et pleuraient.
* C ajoute : « et viens près de moi. »
2 C, NS : « des hommes. »
^ C ajoute : « à ma table. »
* C :«Et moi Aliikar, je gisais dans les ténèbres, dans la fosse
d'en dessous, et j'entendais la voix de mes cuisiniers. »
■ xiv-xv manquent dans F.
XV, 2- XVI, 1 LETTRE DE PHARAON 203
2. J'adressais sans cesse ma prière à Celui qui vit tou-
jours a.
3. Après (un certain nombre de) jours, Nabousemak
vint, m'ouvrit et me donna du pain et de l'eau. Je lui dis ;
« Fais mémoire de moi devant Dieu ^ et, d'après ce que tu
vois, dis-lui ;
4. « O Seigneur Dieu, juste et bon diins le ciel et sur la
terre, (jusqu'à) maintenant Ahikar était protégé par toi, il
te sacrifiait des bœufs gras et voilà qu'il gît dans une fos-
se obscure, où la lumière ne lui arrive pas. Ecoute, Sei-
gneur, la voix de ton serviteur et prends pitié de lui ^ b. »
CHAPITRE XVI
Lettre que Pharaon roi d Egypte envoya à Sarhédom ^ roi
d'Assur et de Ninive.
1. Lorsque le roi d'Egypte apprit que moi, Ahikar, j'é-
tais mort, il fut dans une grande joie et envoya une lettre
à Sarhédom ^ :
^ B : n devant le roi. » Ce ms. porte « Dieu » plus loin, aussi
bien que C.
* C : (( et dis : Dieu juste et droit, qui répands la grâce sur la
terre, écoute la voix d'Ahikar ton serviteur et souviens-toi qu'il
te sacrifiait des bœufs gras comme des jeunes veaux, et mainte-
nant il gît dans une fosse obscure, où il ne voit pas la lumière.
Est-ce que tu ne le sauveras pas, lui qui crie vers toi ! Ecoute,
mon Seigneur, la voix de mon ami. »
' A, C, F portent « Sennachérib » ici et au v. 2.
a NS : « Je me tournai de nouveau vers le Seigneur et je
criai : Seigneur, adoucis ma douleur, — et je pleurais amè-
rement. »
b 4 manque dans NS,
204 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR XVI, 2-4
2. a Le roi d'Egypte à Sarhédom, roi d'Assur et de Ni-
nive, salut ^.
3. « Je dois bâtir une forteresse entre le ciel et la terre,
envoie-moi ^ un homme sage, un architecte, que je charge-
rai de tout ; je l'interrogerai et il me répondra.
4. « Si l'homme que tu m'enverras fait tout ce que j'ai
dit, je lèverai et je t'enverrai par ses mains le tribut de
trois ans de i'Egypte. Si tu ne m'envoies pas un homme
qui puisse faire ce que j'ai dit, alors lève et envoie-moi,
avec le messager que je t'ai adressé, le tribut de trois ans
d'Assyrie et de Ninive a. «
^ B porte en plus la phrase suivante qui semble encore être
un titre : « Lorsque (ou : de ce que) Sarhédom reçut les messa-
gers de Pharaon avec sa lettre et la lut. «
2 C : « cherche et envoie. »
a G : « Au bout de quelque temps, Nectanébo, roi des
Egyptiens, persuadé qu'Esope était mort, envoya aussitôt une
lettre à Lycèros lui demandant de lui adresser des architectes
pour lui bâtir une tour qui ne toucherait ni le ciel ni la terre,
et quelqu'un pour répondre à tout ce qu'on lui demanderait ;
s'il le faisait, il percevrait des tributs, sinon il les paierait. »
— Ag : (( Salut et honneur au roi Senkharib. L'Egypte est
3. M. Meissner fait remarquer (p. 190-1) que, d'après Tabari et
Hamze, le roi perse Kai-Kaos se fait bâtir par les démons une ville
entre le ciel et la terre. Cette histoire a passé dans le Talmud. Cf.
supra, p. 66.
4. Cet échange d'énigmes entre rois est une idée biblique. On en
raconte autant de Salomon et Hiram. Cf. Josèphe, Antiquités juives,
VIII, 5. La reine de Saba proposait aussi des énigmes à Salomon,
II Parai., ix, 1. Enfin les Proverbes de Salomon devaient préparer le
sage à interpréter les énigmes, Prov., i, 6.
XVII, 1-2 SAnHÉDOM RÉUNIT LES SAGES 205
CHAPITRE XVII
Que le roi Sarhédom réunit tous les principaux de son
royaume et leur fit connaître la lettre de Pharaon.
1. Quand cette lettre eut été lue devant le roi, il fit réu-
nir tous les principaux, les sages, les mages et les savants
de son royaume et il dit : « Lequel d'entre vous ira en
Egypte et répondra à Pharaon ^ » ?
2. Les nobles répondirent au roi et lui dirent tous : « Tu
sais, Seigneur roi, que de ton temps et du temps de ton
1 C ajoute : « sur tout ce qu'il lui demandera, et lui bâtira le
château qu'il réclame, et prendrale tribut de trois ans de l'Egypte
et l'apportera. »
la mère du monde : tous les peuples nomment ses édifices des
merveilles ; moi, je veux aller plus loin que les Pharaons, mes
prédécesseurs, je veux construire un palais entre le ciel et
la terre. S'il se trouve dans tes états un architecte assez habile
pour opérer ce prodige, et assez instruit en même temps pour
résoudre, sans hésiter, les questions les plus épineuses, adresse-
le moi ; je te promets, en échange, les revenus de l'Egypte
pendant trois ans ; sinon trois ans des revenus de l'Assyrie me
seront payés. » La lettre du roi d'Egypte commence dans /"par
l'apophthegme : « Que l'homme qui n'est point instruit renonce
à commander. » — F porte : « Je vous ferai payer, pendant
quatre ans, le dixième des revenus de l'Egypte. »
1. Convocations analogues dans Daniel, ii, 2 ; iv, 4 ; v, 7.
206 HISTOIRE BT SAGESSE d'ahIKAU XVIII, 1-2
père 1, Ahikar le scribe résolvait toutes les questions de ce
genre, et maintenant Naclan, son fils, qui a appris son mé-
tier de scribe et qui connaît sa sagesse ira résoudre cette
affaire a. »
CHAPITRE XVIII b
Qu'on appela Nadan devant le roi et il entendit sa voix^.
1. Alors, lorsque Nadan entendit ces paroles 2, il cria
fort devant le roi et dit au roi : « Les dieux ne pourraient
pas faire de telles choses, comment les hommes le pour-
raient-ils ? »
2. A ces paroles, le roi fut saisi de tristesse et de peine,
il quitta son siège, s'assit sur un sac ^ et pleura.
1 C : « de ton père Sarhédora. »
2 II n'y a pas de lacune dans le ms B, mais le paginateur a
passé de 36 à 39.
^ C : (( sur la terre. »
a G : « Cette lettre, lue à Lycéros, le jeta dans le décourage-
ment, car aucun de ses amis ne pouvait comprendre le problème
concernant la tour. »
^ xviii-xx. G : « Le roi alla jusqu'à dire qu'il avait perdu la
colonne de son royaume avec Esope. Hermippos, apprenant la
tristesse du roi au sujet d'Esope, alla le trouver et lui annonça
que celui-ci vivait, ajoutant qu'il ne l'avait pas tué parce qu'il
savait que le roi se repentirait bientôt de la sentence qu'il avait
portée, »
c xvin. C'est chez sa tante Zéfagnie — d'après F — que le roi
1. Cf. Daniel, n, 11.
2. Cf. Jonas, 111,6 : « Surrexit de solio suo... indutus est sacco et
sedit in cinere. >
XVIII, 3-XIX, 1 RETOUR d'ahikar 207
3. En pleurant, il disait ; « Malheur sur toi, Ahikar le
scribe, que j'ai fait périr sur les paroles d'un enfant, et il
ne me reste personne comme toi qui le ressemble. Qui te
rendra à moi anjourd hiii ? Je lui donnerais ton poids
d'or * ! »
CHAPITRE XIX
Que Nabousemak cherche à faire connaître au roi ce qui
concerne Ahikar, le scribe.
1. Alors, lorsque Nabousemak entendit le roi pronon-
cer de telles paroles, il se prosterna à terre, l'adora et dit :
« O roi, vis à jamais ! celui qui méprise la parole de son
maître est digne de mort ; ordonne donc de me crucifier
1 C : « cent talents d'or et cinquante talents de pourpre. »
expose ses peines et ses regrets d'avoir fait mourir Hicar. Il
veut vénérer ses restes, alors Zéfagnie lui apprend qu'il est vi-
vant. Elle ne parle pas de Yapousmak, de crainte que le roi ne
lui tienne rancunede sa désobéissance, et Hicar demande à pas-
ser encore pour mort afin que le roi d'Egypte n'invenle pas de
nouvelles difficultés. Hicar se préparera et se mettra en route
sous le nom d'Abicara, astrologue chaldéen, protégé de Zéfagnie,
Nadan en particulier n'a aucune connaissance de ce qui s'est
passé.
3. L'arabe ajoute que le peuple, pour n'avoir pas à payer le tribut
au roi d'Egypte s'enfuyait en Egypte. Cf. Il Rois, xxv, 26, où l'Egypte
est déjà le lieu de refuge contre les Chaldéens.
208 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR XIX, 1-3
sur le bois puisque j'ai désobéi à ta parole, car Aliikar que
tu m'avais ordonné de tuer est encore vivant a. »
2. Le roi répondit à Nabousemak : « Parle, Nabouse-
mak, car tu es un homme bon et juste, incapable de com-
mettre le mal; s'il en est comme tu le dis et si tu me mon-
tres Ahikar en vie, je te donnerai de grands présents : dix
mille talents d'argent et cent habits de pourpre b.»
3. Quand Nabousemak entendit le roi parler ainsi, il
commença à dire : « Je prie mon seigneur le roi de me
dire une seule chose : qu'il oublie ce péché et qu'il n'en
conserve pas de colère contre moi », — et le roi le lui
jura avec joie ^ c.
1 C: «Et Nabousemak lui dit : Jure-moi, mon seigneur
roi, que si je n'ai pas d'autres péchés devant toi, tu ne m'impu-
teras pas celui-là. — Et il lui donna la main à ce sujet. »
a NS : « Lorsque moi, Nabusmîk, le bourreau, j'entendis
cela et vis la tristesse et les larmes du roi au sujet de Ghi-
kâr, je m'avançai, je me prosternai devant le roi et je lui
dis... »
i> NS : (( Je te donnerai jusqu'à la moitié de mon royaume,
cent talents d'or et cinquante talents de pourpre avec des habits
de soie. »
c Dans NS, Nabusmîk demande encore au roi de jurer seu-
lement qu'il ne le punira pas de sa désobéissance.
2. Cf. Daniel, v, 16.
XX, 1-XXI, 2 RETOUR d'ahikau 209
CHAPITRE XX
Que Nabousemak délivra Ahikar le scribe.
1. Alors Nabousemak^ monta aussitôt sur un char et
arriva aussi rapide qu'un vent violent ^.
2. II m'ouvntet je montai ; je ne fus pas confondu parce
que j'avais espéré en Dieu.
CHAPITRE XXI
Que Nabousemak conduisit Ahikar au roi.
1. Je me prosternai à terre; mes cheveux descendaient
sur mes épaules, ma barbe arrivait jusqu'à ma poitrine,
mon corps était souillé de poussière et mes ongles étaient
aussi longs que ceux de l'aigle.
2. Quand le roi me vit, il pleura beaucoup et me dit ^ :
« 0 Ahikar, je n'ai pas péché contre toi, mais c'est ce fils
que tu as élevé qui a péché contre toi. »
^ C : « le roi. »
2 (7 : (( Aussitôt le roi monta sur un char et arriva rapide-
ment près de moi. Il m'ouvrit, je montai et allai tomber devant
le roi. »
3 C : « il pleura et avait honte de me parler. II me dit avec
grand» compassion. »
XX. Titre, Déli\'ra, litt. : a ouvrit devant. >
1. Violent, litt. : « qui souffle. »
XXI, 1. Cf. Daniel, iv, 30.
210 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XXII, 1-3
CHAPITRE XXII a
Ahikar répond au roi.
1. Alors je répondis et je dis au roi : « Mon seigneur,
maintenant que j'ai vu ton visage, je n'ai plus de mal. »
2. Alors le roi répondit et me dit : « Va à ta maison,
coupe tes cheveux, lave ton corps dans l'eau, recueille-toi
durant quarante jours, puis tu viendras près de moi b. »
3. Alors j'allai à ma maison et je fis ce que m'ordonnait
mon seigneur le roi ; je demeurai vingt jours ^ dans ma
maison et, lorsque j'eus repris mes forces, je vins devant le
roi.
* C : « trente jours. » — NS : « seulement vingt jours. »
A : « quarante jours. »
a xxi-xxii. G : « Comme le roi, à cette nouvelle, était trans-
porté de joie, on lui amena Esope couvert de crasse et de mal-
propreté. A sa vue, le roi se mit à pleurer et lui commanda d'al-
ler prendre un bain avec tous les soins nécessaires ; après quoi
Ésope se disculpa des fautes dont on l'avait accusé. Le roi vou-
lut faire mourir Ennos, mais Esope implora son indulgence. »
b Ag : a Ma disgrâce, répondit Heykar, a été l'ouvrage d'un
perfide et d'un ingrat : voilà ce qu'on doit attendre des enfants
de l'iniquité. J'ai cultivé un palmier pour servir d'appui à ma
vieillesse, et ce palmier s'est penché sur moi et m'a renversé;
mais, puisque le Ciel a conservé une vie qui est dévouée à votre
service, bannissez désormais toute inquiétude et reposez-vous
sur moi des soucis de Terapire » (sic A).
2. Recueille-toi, litt. : « ton esprit entrera en toi. »
3. Repris mes forces^ litt. : « fortifié mon âme. »
XXIII-XXIV, 1 AI.IIKAR RÉPOND AU ROI 211
CHAPITRE XXIII
Lorsque Ahikar vint près du roi après sa sortie du cachot
où il avait été enfermé, le roi lui fit connaître la lettre
envoyée par le roi d'Egypte.
Alors le roi reprit et me dit : « Vois, Ahikar, les Égyp-
tiens, comment ils m'ont écrit et quel tribut ils imposent à
Assur et à Ninive a. »
CHAPITRE XXIV b
Ahikar répond au roi.
1. Alors je lui répondis et dis : « Mon seigneur le roi,
vis à jamais ! Ne te fais ni soucis ni peine au sujet de cette
* Ag : « Senkharib raccueillit avec beaucoup de distinc-
tion, le fit asseoir à ses côtés et lui remit la lettre de Pharaon. Il
l'avertit en même temps qu'un grand nombre d'Assyriens s'étaient
enfuis en Egypte, craignant qu'on ne les obligeât à payer leur part
du tribut exigé par Pharaon si sa demande n'était pas satisfaite. »
Cf. infray xxvi, 1 ; xxxi, 2, et supra, p. 207, 3 (note),
^ G : IX. En conséquence, le roi fit lire à Esope la lettre de
l'Egyptien ; il vit aussitôt la solution du problème, se prit à
rire et fit répondre qu'après l'hiver on enverrait des gens pour
bâtir la tour et quelqu'un pour répondre à toutes les ques-
tions. Le roi renvoya les ambassadeurs Egyptiens, rendit à Esope
tous les biens qu'il avait possédés et livra Ennos à sa discrétion.
Ésope, emmenant Ennos, ne lui causa aucun désagrément, mais
se conduisant à nouveau envers lui comme envers un fils, il lui
mit encore dans l'esprit ces autres paroles. » — Le grec n'a pas
donné d'autres maximes ; celles-ci, au nombre de quinze, sont
donc les seules ! Elles ne sont pas apparentées textuellement
212 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAH XXIV, 1-XXV, 1
affaire, j'irai en Egypte et je donnerai réponse, je donne-
rai à tous tes ennemis l'énigme et la solution '', et je t'ap-
porterai le tribut de trois ans de l'Egypte. »
2. A ces paroles, le roi se réjouit beaucoup et fit un jour
de réjouissance, la douleur quitta son esprit, il sacrifia des
bœufs et des brebis et me donna de grands présents,
3. Il mit aussi Nabousemak au-dessus de tous ^ et lui
donna un rang élevé.
CHAPITRE XXV *
Ahikar écrit une lettre à E^fagni sa femme ^.
1. [J'écrivis ensuite une lettre à Esfagni ma femme] ^ :
1 C: « j'irai en Egypte, je bâtirai un château au roi et je lui
répondrai à tout ce qu'il me demandera. »
^ B : n au-dessus de nous tous. »
^ Sic C. B omet ces mots.
avec les maximes des textes orientaux, quelquefois même l'idée
est opposée. Nous les traduisons plus loin, Appendice I. Après
ces quinze maximes, le grec porte : « Comme Esope exhortait
ainsi Ennos, celui-ci eut l'âme percée, comme d'un trait, par ses
discours et par ses propres réflexions et, peu de jours après, il
mourut. » Après avoir ainsi terminé l'histoire d'Ennos, le grec
raconte l'ambassade d' Ahikar en Egypte.
a xxiii-xxv. Dans F, Ahikar ne vient donc pas à la cour, mais,
sous le nom d'Abicam, il fait « parcourir les déserts dans les-
quels les rochs, ces oiseaux monstrueux, ont accoutumé de
nicher. »
1' XXV. G: a Ésope ayant convoqué tous les oiseleurs, leur or-
XXIV. 2. Un jour de réjouissance, litt. : < un grand jour. >
XXV, 2-3 AHIKAU ÉCRIT UNE LETTRE A ESFAGNI SA FEMME 213
2. « 0 ma femme, quand cette lettre t'arrivera, ordonne
aux chasseurs de me prendre deux jeunes aigles, dis à mes
serviteurs de m'iipporter un fil de lin et de m'en faire deux
cordes dont l'épaisseur soit d'un doigt et la longueur de
mille coudées», et commande aux forgerons de me faire
deux cages ^.
3. « Remets Nabouhaîl etTebsàlôm b^ mes serviteurs, à
sept femmes primipares qui les allaitent afin qu'ils gran-
dissent ; mets près d'eux les jeunes aigles, afin qu'ils gran-
dissent ensemble ; donne-leur chaque jour deux brebis
pour nourriture.
^ C : € des cages pour les jeunes aigles, jj
donna de captiver quatre jeunes aigles. Quand ils furent pris, il
les nourrit et, comme on le raconte, il leur apprit (ce que j'ai
peine à croire) à emporter en l'air des enfants portés dans des
corbeilles fixées à leur corps et à obéir à ces enfants au point de
les emporter en l'air ou de les ramener à terre à leur volonté. »
a XXV, 1-2. Ag: a Retiré chez lui, Heykar lit appeler des chas-
seurs et leur ordonna de prendre deux aiglons vivants ; on les
lui apporta. II commanda en même temps qu'on lui préparât
deux coffres d'un bois fort léger et deux cordons de soie de
deux mille coudées de longueur. » ^V.S' porte aussi « deux raille
coudées. »
*> A et Ag ne donnent pas les noms des enfants. C'est tou-
jours Ahikar (et non sa femme) qui fait ces préparatifs. .lV.S' écrit:
« Nebuchal et Tabschalùn, » presque identique à la leçon de B.
2. « Quatre aigles » dans le giec, uii pour cliaque angle. D a-
près M. Mcissner, deux paires d'aigles sont peut-être devenues deux
aigles, p. 182. Mais M. Lidzbarski fait remarquer, Zeitschrift der
Deutschen morgenlundischen Gesellschaft, 1. xlviii, p. 674, que dans
le texte syriaque les enfants montent sur les aigles. H suffit donc de
deux aigles pour deux enfants.
3. Cr. iN'abouel, infra, xxxii, 10.
Tabsâloin. Rapprocher ce nom deTabèl, Is., vu. G; Esdr., iv, 7.
214 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XXV,4-XXVI, 1
4. « Que les enfants apprennent à dire ^ : Apportez de la
boue et du mortier ; les architectes, hôtes du roi ^, man-
quent de travail a. »
5. Ma femme était très habile, elle fit tout ce que je
lui avais commandé, et je reçus du roi l'ordre d'aller en
Egypte.
CHAPITRE XXVI b
[Départ pour l'Egypte]
1 . A cette nouvelle, les Assyriens et les Ninivites se réjoui-
rent grandement et retournèrent chez eux ^.
1 C: « Et toi, donne-leur Oubâîl et Tebsalom, deux enfants
qui ne savent pas parler, et ils leur apprendront à dire. »
2 Ce passage semble fixer le sens du mot ôrhé. Dans le ms. C,
ce mot est encadré entre « mortier » et « briques ». Les édi-
teurs l'ont donc traduit par « tuiles ». — Bar Bahloul dit avo!r
rencontré ce mot dans « des proverbes araméens » et lui donne
le sens de a château » et « palais ». Payne Smith, Thésaurus sy-
ri'acws, 1. 1, col. 375. Il est probable que Bar Bahloul vise notre ou-
vrage et donne le sens de « palais» parce quil s'agit, d'après le
contexte, de construire un palais. — Le sens « hôtes » est suffi-
sant, car ce sont les architectes « hôtes du roi d'Egypte » qui
devront construii'e le palais en l'air. Cf. Journal asiatique ^X.^ sé-
rient. IX (1907), p. 149.
^ Cette phrase manque dans C. On doit l'entendre des gens
a Ag . « Heykar avait ensuite instruit les enfants à crier de
toutes leurs forces, lorsqu'ils se verraient au milieu des airs :
Apportez-nous des pierres et du mortier, afin que nous bâtis-
sions un palais au roi Pharaon. Nous n'attendons plus que les
matériaux. Ilâtez-vous donc de nous les faire parvenir !... C'est
une chose inouïe de nous laisser ainsi désœuvrés !... »
'' XXVI. G : « A la sortie de l'hiver, lorsque le printemps
XXVI, 2-4 DÉPART POUR l'ÉGYPTB 215
2. Je répondis au roi : « Mon seigneur le roi, per-
mets-moi [d'aller en Egypte,» — et quand il m'eut ordonné
d'y aller] ^ je pris avec moi une nombreuse troupe et je
partis a.
3. Quand j'arrivai à la halte du soir, je commençai par
licencier les troupes, puis je sortis lesjeunes aigles, j'atta-
chai les cordes à leurs pieds et je fis monter mes enfants
sur eux, puis je les lâchai et ils montèrent en haut dans
l'air.
4. Les enfants criaient comme on le leur avait appris :
« Apportez des briques, delà boue et du mortier, les hôtes
et les architectes du roi en ont besoin. » Après cela, je les
ramenai près de moi.
qui s'étaient déjà mis en route pour se rendre en Egypte comme
le porte d'ailleurs NS : « Lorsque les Assyriens et les habitants
de Ninive qui s'étaient enfuis en Egypte entendirent et virent
tout ce que j'avais fait et préparé, ils revinrent dans leur pati'ie. »
* Manque dans B.
s'épanouit, Ésope, qui avait tout préparé pour le voyage, prit
avec lui les enfants et les aigles et partit pour l'Egypte. II s'en-
toura de beaucoup de luxe et de gloire afin de frapper l'esprit
des indigènes. »
a Dans A et Ag, Ahikar fait l'essai de son invention devant
le roi. Par contre 3-4 manquent. — Dans F, les essais ont lieu
en secret chez Hicar : « Les rochs ne pouvant encore s'élever
qu'avec peine suivaient partout les enfants, ainsi qu'ils auraient
suivi leur mère ; les enfants montaient sur le dos des oiseaux,
qui prenaient plaisir de les porter ; on leur attacha de petites
selles commodes, sur lesquelles les cavaliers se tenaient avec
grâce sans courir le risque de tomber, car on les y avait atta-
chés. »
216 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XXVII, 1-3
CHAPITRE XXVII
Entrée d'Ahikar en Egypte avec les messagers de Pharaon,
roi d'Egypte '>.
1. Quand j'arrivai en Egypte, les serviteurs du roi le lui
annoncèrent et le roi ordonna qu'Ahikar vînt près de lui^.
2. J'entrai près de lui et le saluai, puis il me dit: « Quel
est ton nom. » — Je répondis: « Abikam, l'une des fourmis
du roi de Ninive, »
3. Lorsque Pharaon l'entendit, il fut irrité et dit : « Suis-
je donc tellement méprisé de ton maître qu'il m'envoie une
fourmi pour me donner réponse c ! »
^ xxvii, 1-4. Le grec suppose qu'Ésope se fait immédiatement
reconnaître : « Nectanébo, apprenant qu'Esope (lui-même) arri-
vait : Je suis tombé dans un piège, dit-il à ses amis, lorsque j'ai
entendu dire qu'Esope était mort. »
^xxvii, 1. F: (( A la huitième heure écoulée depuis la lettre de
Sinkarib à Pharaon, Hicar, sous le nom d'Abicara, demande à se
mettre en route... Zéfagnie laccorapagne... quatre éléphants
composent tout son équipage... et cent eunuques à cheval, armés
d'un sabre et d'une lance, escortent cette petite troupe... La
caravane entière arrive à Masser (ou Misr = l'Egypte). »
"^ Dans F, Abicara répond au roi : « Sire, la mouche à miel,
placée entre les oiseaux et les insectes, est un des plus petits
animaux ailés. Voyez (cependant) quel merveilleux ouvrage elle
compose ! 11 est admis avec distinction sur la table des plus
2. Abikanij « Mon père s'est relevé », v. supra, p. 12, Ce serait
une allusion au relèvement de Ahikar après sa chute causée par Na-
dan. Rapprocher ce nom de Ahiqam, II Rois, xxv, 22 ; Jér., xxxix,
14 ; XL, 5.
XXVII, 4-8 ENTiiÉE d'ahikar en Egypte 217
4. Puis il me dit : « Va, Abikam, à ta demeure ^, puis
lève-toi le matin et viens près de moi a. »
5. Le roi ordonna à ses grands de prendre le lendemain
et de revêtir des habits de couleur rouge, et il revêtit au
matin des habits de byssus et de pourpre. II s'tissit sur son
siège, et ses grands siégeaient autour de lui et devant lui.
6. Et le roi me fit entrer en sa présence, puis il me dit:
« A qui puis-je ressembler, ô Abikam, et à qui ressem-
blent mes grandsb?» — Je lui répondis: «Tu ressembles, ô
mon seigneur le roi, à Bel c, et tes grands à ses prêtres d. »
7. Il me dit encore : « Va, Ahikam {sic)^, et, au matin,
reviens. »
8. <^ Le roi ordonna à ses grands de changer leurs habits
et de prendre des habits de lin blanc; pour lui, il s'habilla
de blanc, puis il s'assit sur son trône et ses grands se te-
naient devant lui et autour de lui.
^ Ici et plusieurs fois plus bas, C emploie le mot persan És^
fezâ.
2 Lorsque C emploie ce mot, il écrit toujours « Abikam ».
grands souverains et, devant Sinkarib, les petits comptent comme
les plus grands : il les juge du faîte des grandeurs oîi les des-
tins l'ont placé. »
a Dans F, le roi accorde trois jours à Ahikar. Ag écrit :
« Abimacam. »
•* Le grec ne contient que deux comparaisons. La première
semble représenter l^i à 15, et la seconde 8 à 10.
c Bel. Dans F : « Bilelsanam. ]»
^ Au lieu de « à ses prêtres, » iV.S' porte : « à ses serviteurs. »
c Grec : « Le jour suivant, le roi revêtit une tunique très
blanche et commanda à ses amis de prendre (des habits) de
pourpre. A l'entrée d'Esope, il lui posa encore la même question.
Esope répondit : Je te compare au soleil et ceux qui t'entourent
à ses rayons. »
218 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR XXVII, 9-15
9. Il me fit entrer devant lui et me dit : « A quoi puis-je
ressembler, ô Ahik;ir, et à quoi ressemblent mes grands ? » —
Je lui donnai réponse et lui dis : « Tu ressembles au soleil
et tes grands à ses rayons a. »
10. Il me dit encore : « Va, Abikam, et, au matin, reviens
près de moi. »
H. Il ordonna à ses grands de revêtir le lendemain des
habits noirs. Les portes du palais seraient recouvertes
(d'étoffes) noires et d'écnrlate. Le roi revêtit des habits
écarlates, puis Pharaon fit entrer Ahikam.
12. J'entrai et il me dit : « A quoi puis-je ressembler,
Abikam, et à quoi ressemblent mes grands ?» — Je lui dis :
« Tu ressembles, ô roi, à la lune, et tes grands aux étoiles. »
13. Il me dit : « Va, Abikam, et, au matin, viens près de
moi. »
14. Pharaon ordonna h ses grands de revêtir le lende-
main d'autres habits teints en couleurs de tout genre. Les
portes du temple seraient couvertes (d'étoffes) rouges de
diverses couleurs. Le roi revêtit des habits tissés de diver-
ses nuances, puis Pharaon fit entrer Ahikar.
15. J'entrai et il me dit : « A quoi puis-je ressembler et
à quoi ressemblent mes grands ? » — Je lui répondis : « Tu
ressembles à Nisan et tes grands à ses fleurs b. »
i» F contient une scène de plus : Abicam compare les habits
blancs aux neiges des montagnes de l'Ethiopie qui arrosent et
fertilisent l'Egypte. Le lendemain, le roi et ses grands sont
éblouissants de pierreries et Abicam les compare au soleil et
aux planètes qui lui empruntent leurs rayons.
^ 14-15 manquent dans./^. Le grec porte : (( Le jour suivant, le
11. Du palais, litt. : « du temple. »
15. Nisariy premier mois de l'année babylonienne, mars-avril.
XXVII, 16-XXVIII, 1 AHIKAR RÉPOND A PHARAON 219
16. Lorsque le roi l'entendit, il se réjouit beaucoup et
fut rempli de joie. Il me dit : « Abikam, tu m'as comparé
une fois à Bel et mes grands à ses prêtres, une seconde fois ^
tu m'as comparé à la lune et mes grands aux étoiles, une
troisième fois tu m'as comparé à Nisan et mes grands à ses
fleurs, alors à quoi ressemble Sarhédom ton maître 'î? »
CHAPITRE XXVIII h
Ahikar répond à Pharaon.
1. Je répondis et lui dis : « Dieu me garde, ô roi, de
^ B, a l'encontre de C, ne rappelle pas ici la comparaison au
soleil.
roi ordonna que tous revêtissent des habits blancs, lui-même
portait du jaune avec un diadème et un turban orné de pierreries.
Assis sur un trône élevé, il fit entrer Esope et lui demanda dès
son arrivée : A qui me corapares-tu, Ésope, ainsi que ceux qui
m'entourent? — Il répondit : Je te compare au soleil de printemps
(ceci répond un peu à Nisan, ou mois d'avril, des autres versions),
et je compare ceux qui t'entourent à des épis mûrs (ces épis peu-
vent correspondre aux fleurs des autres versions). Le roi, plein
d'admiration, lui fit des présents. » Nous avons déjà dit que
dans le grec 14 à 15 précède 8 à 10.
a G : (( Nectanébo (lui dit) : Je pense que Lycéros n'est rien
en comparaison de ma puissance ? »
•j XXVIII. G : (( l^^sope souriant, répondit : Ne pense pas si légè-
rement à son égard, ô roi. Vis-à-vis de ton peuple, ton auguste
royauté brille comme le soleil, mais si on la mettait en parallèle
avec Lycéros, il serait facile de montrer que tout son éclat n'est
que ténèbres. »
16. R S. rapproche de ces comparaisons la fable 414 d'Esope.
220 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR XXVIII, 1 -XXIX, 1
parler de mon seigneur Sarhédom pendant que tu es assis,
car mon seigneur le roi Sarhédom ^ ressemble au Dieu du
ciel 2 et ses grands aux éclairs ; quand il le veut, il durcit
la rosée et la pluie en grêle, il fait monter des fumées aux
cieux de sa royauté, il tonne, il rugit et il empêche le so-
leil de se lever et ses r;iyons de se montrer ; il empêche
Bel et ses prêtres d'aller et de venir par les places publi-
ques.
2. « Il empêche la lune de se lever et les étoiles de bril-
ler. S'il veut commander au (vent du) nord, le vent fabrique
la grêle et la pluie, frappe le Nisan et perd ses fleurs. » Le
roi entendant cela s'irrita a.
CHAPITRE XXIX b
Pharaon demande à Âhikar quel est son nom ^.
1. Pharaon dit : « Par la vie de ton seiijneur Sarhédom *
quel est ton nom ? »
^ C : <i Sennachérib. »
2 Arm : « à Bêlshim. »
3 B porte ici en plus : o et il lui dit : Tu es Ahikar. » —
Je lui répondis : Je le suis, mon Seigneur. » Cette phrase fait
doublet avec la suivante.
* Comme nous l'avons dit, C porte toujours Sennachérib.
a XXVIII, 2. D'après F, à la fin de l'entrevue avec Pharaon arrive
une lettre de Sinkarib qui ne doute pas de la réussite de son
envoyé et demande au roi d'Egypte neuf cents katars d'or (un
katar vaut trois cents livres, dit le traducteur), pour achever de
payer soixante mille chariots ds guerre. Par contre, xxix-xxx, 5
manquent dans F. Pharaon dit qu'il répondra à Sinkarib lorsque
Abicara lui aura construit un palais aérien.
^ xxix, 1-3, manque dans le grec et xxix, 4-xxx, 5 se trouve
plus bas, après xxx, 21.
XXIX, 2-XXX 3 AI.IIKAU ÉCIUT A PHARAON 221
2. Je lui répondis : « Ahikar, le scribe, et l'anneau du
roi Sarhédom est entre mes mains. »
3. Pharaon me dit : <r Tu vis donc ?» — et je lui répondis :
« Je vis et, ô mon seigneur roi, j'ai vu Sarhédom et il a
allongé ma vie, et Dieu m'a délivré de la mort et de h\ peine
capitale et de ce que mes mains n'avaient pas fnit. »
4. Le roi me dit : « Va, scribe, et, au matin, viens près
de moi et dis-moi une parole que personne n'a entendue
et qu'aucun de mes grands n'a entendue dans aucune ville
de l'Egypte. »
CHAPITRE XXX
Ahikar écrit la parole que lui demandait Pharaon.
1. Alors moi, Ahikar, je m'éloignai et j'écrivis une lettre
qui portait :
2. « De Pharaon, roi d'Egypte, à Sarhédom, roi d'Assy-
rie, salut a :
« Les rois ont besoin des rois et les juges des juges ^, et,
à cette époque-ci, ils ont besoin de présents, parce qu'ils
sont diminués ^. L'argent manque à mon trésor, mais fais-
moi envoyer du tien neuf cents talents d'argent et je te les
retournerai sous peu. »
3. Je roulai cette lettre et je la portai devant lui, je lui
dis : « La parole qui est écrite dans cette lettre n'a été
entendue ni de toi ni de personne autre b. »
1 C : « et les frères des frères. »
2 (7 : « et, à celte époque, les présents ont diminué. »
a XXX, 2. Dans A et Ag, c'est le roi de Ninive et d'Assyrie qui
écrit à Pharaon et lui demande six cents talents d'or,
^x\\, 1-3. G : « Il s'en alla et fit un écrit par lequel Neclanébo
222 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XXX, 4-7
4. ^ Tous s'écrièrent : « Nous l'avons entendue, il n'y a
pas de doute. »
5. b Alors je leur répondis : « Voilà donc que (d'après
votre témoignage) l'Egypte doit neuf cents talents à As-
sur ; » — et ils lurent saisis d'étonnement.
6. c Le roi me dit alors : « Ahikar. » — Je lui répondis :
« Me voici. » — Et il me dit: « Bàtis-moi un palais entre le
ciel et la terre, qui soit de près de mille coudées au-dessus
de la terre. »
7. '1 Je sortis aussitôt mes jeunes aigles, je leur attachai
1 B porte simplement : « ils lurent la lettre. »
reconnaissait devoir mille talents à Lycéros, le matin il alla
trouver le roi et lui remit l'écrit.
a G : « Les amis du roi, avant d'ouvrir la lettre, dirent tous :
Nous avons vu cela et nous l'avons entendu, nous le savons
même très bien. — Esope (leur dit) : Je vous en sais gré pour
le paiement « (je vous sais gré de reconnaître votre dette).
b G : « Mais Nectanébo ayant lu la reconnaissance du prêt
dit : Vous êtes tous témoins que je ne dois rien à Lycéros ? Et
tous, changeant d'avis, dirent : Nous ne l'avons pas vu et nous
ne l'avons pas entendu. — Esope (leur dit) : S'il en est ainsi,
j'ai répondu à votre question. »
c XXX, 6. Dans F, le roi d'Egypte fait réunir des matériaux et
donne les dimensions du palais qu'il veut. — Le grec porte :
« Nectanébo, frappé de stupeur par la justesse de ses raisonne-
ments, lui dit : As-tu amené ceux qui doivent bâtir la tour ? — Il
répondit : Ils sont prêts, si seulement tu veux nous indiquer
l'emplacement. »
^ 6-7. Ag, qui est beaucoup plus développé, peut servir de com-
mentaire au présent passage : « Pharaon s'écria : C'est à toi,
Heykar, que devraient ressembler tous ceux qui servent les rois I
Hommage à l'Etre éternel qui t'a prodigué la sagesse et qui a
orné ton esprit de tant de raison et de tant de savoir ! Mais il te
XXX 7 AHIKAR ÉCRIT A PHARAON 223
les fils aux pieds avec (longueur) convenable et je fis mon-
ter sur eux les enfants qui criaient : « De la boue, du mor-
tier. Voici arrivés les architectes. Fournissez-leur de quoi
travailler, car les architectes du roi en ont besoin, et mélan-
gez des margérê ^, c'est-à-dire du vin, pour les architec-
tes. »
1 Ce mot (qui porte ici deux ribouis !) a été décomposé en
deux dans C et a donné mârâ-âgrâ. La traduction de ce mot par
<L vin » est sans doute l'œuvre d'un scribe. Il serait préférable
de lire margenê : préparez des « colonnes » ou des « fouets »
((jiâpaYva) pour frapper les manœuvres.
reste encore à remplir une condition difficile : tu as prorais de
me construire un palais suspendu entre le ciel et la terre. — Je
m'en souviens, répondit Heykar, et vous me voyez prêt à exécu-
ter ce que j'ai promis : j'ai amené avec moi les architectes,
ordonnez seulement qu'on leur prépare les pierres, le mortier
et la chaux, et que des manœuvres soient là pour leur faire par-
venir tous les matériaux nécessaires à la bâtisse.
« Cet ordre fut donné à l'instant, et le lendemain Pharaon et
toute sa cour se rendirent dans une vaste plaine où s'était déjà
portée une population immense, curieuse de savoir comment
Heykar remplirait sa promesse. Celui-ci y parut accompagné de
deux enfants qu'il avait instruits. Les coffres où il avait enfermé
les deux aigles étaient portés derrière lui par les gens de sa
suite.
« Arrivé à travers la foule au milieu de la lice qui lui avait été
préparée, Heykar tira les deux aigles de leur i*etraite, fit monter
chaque enfant dans chaque coffre et les ayant fortement attachés
aux serres de ces oiseaux, il leur lâcha la corde et, en moins d'un
clin d'œil, ils s'élevèrent à une hauteur prodigieuse. Placés ainsi
entre le ciel et la terre, les enfants se mirent à crier de toutes
leurs forces : Apportez-nous donc des pierres, de la chaux et du
224 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XXX, 8
8. » Les grands virent, entendirent et furent dans l'admi-
ration. Alors moi, Ahikar, je pris un bâton et je frappai
mortier, afin que nous bâtissions le palais du roi Pharaon, Nous
n'attendons plus que les matériaux ; allons, messieurs les ma-
nœuvres ! nous voilà depuis une heure les bras croisés ! c'est
une chose inouïe de nous laisser ainsi dans l'inaclion. » — A pa-
raphrase un peu moins et se trouve intermédiaire entre B et Ag.
— ^a beaucoup plus de mise en scène: c'est Zéfagnie, du haut
d'une tour portée par un éléphant, qui dirige le vol des rochs.
— NiS : « Aussitôt je pris les deux aigles de (leurs) cages, j'atta-
chai les deux liens à leurs pieds, je plaçai les enfants sur leur dos
et les deux aigles s'envolèrent avec les deux enfants sur leur dos
et montèrent à une hauteur telle que personne ne les voyait plus.
Alors ils commencèrent à crier et à appeler : Donnez-nous de la
terre, de la chaux, des briques et des pierres, car les travailleurs
et les architectes du roi n'ont rien à faire et voudraient bien
construire un château entre le ciel et la terre pour le roi Pharaon.
Ils crièrent encore : Serviteurs, mêlez-nous du vin, nous voulons
boire. » — G: ((Le roi sortant ensuite de la ville vers la campagne
désigna l'emplacement. Alors Ésope, amenant sur les quatre
angles de cet emplacement les quatre (petits) aigles avec les
enfants suspendus dans des sacs, donna à ceux-ci les outils des
architectes et leur ordonna de monter en l'air. Arrivés à une
certaine hauteur : Donnez-nous, crièrent-ils, des pierres, don-
nez de la poussière, donnez des bois et tout ce qui est nécessaire
pour construire. »
a A et Ag : (( Tandis que les enfants répétaient ces cris du
haut des airs, les gens de la suite de Heykar {A porte : Heykar
et ses serviteurs), aux yeux de la foule ébahie, frappaient les
ouvriers de Pharaon en leur disant : Faites donc votre métier de
manœuvres ; portez aux maîtres-maçons les matériaux qui leur
sont nécessaires ; ne les laissez pas ainsi désœuvrés ! Et ils con-
tinuaient de les battre, et pendant ce temps Pharaon et ses cour-
tisans riaient. »
XXX, 8-13 AHIKAR BÉPOND A PHABAON 225
les architectes jusqu'à ce qu'ils se fussent enfuis, afin qu'ils
montassent ce qui était nécessaire pour bâtira.
9. Alors le roi dit : « Tu es fou, Ahikar ; qui peut leur
monter ce qu'ils demandent ! »
10. ^ Je lui dis : « Pourquoi donc avez-vous le nom de
Sarhédom à la bouche ? S'il était ici et s'il voulait bâtir
deux palais en un jour, il les bâtirait. »
H. (Le roi) me dit : « Laisse ce palais et reviens au
matin près de moi. »
12. c Dès le matin j'entrai près de lui, il regarda, me vit
et me dit : « Ahikar, explique-moi ce qui nous arrive : un
cheval de ton maître hennit en Assur et à Ninive, nos cava-
les ici l'entendent et avortent. »
13- •* Alors moi, Ahikar, je sortis de devant le roi, et je
commandai à mes serviteurs de me prendre un chat, dieu
a 8-11. G : (( Nectanébo, voyant les enfants emportés en haut
par les aigles, dit : D'où me viennent ces hommes qui volent ? —
Et Ésope répondit : Ils appartiennent à Lycéros. Comment
veux-tu, toi qui es un homme, chercher querelle au roi ? — Et
Nectanébo dit : Esope, je suis vaincu, mais je veux l'interroger
et tu me répondras. »
^ Ag : « Apparemment, répondit Heykar, que mon maître
Senkarib a des ouvriers plus dociles, car, s'il le voulait, il ferait
bâtir deux palais en un seul jour. »
c G : c( Il dit : J'ai ici des cavales qui conçoivent dès qu'elles
entendent hennir les chevaux de Babylone ; si tu as quelque
sage (réponse) à ce sujet, manifeste-la. — Et Esope dit : Demain
je te répondrai, ô roi. »
«i G : « Arrivé où il demeurait, il ordonna à ses serviteurs
de prendre un chat et, après Tavoir pris, d'aller le battre en
public. »
12. Cette histoire H passé dans le ïalmud. Cf. Meissuer, p. 194-
195.
13. Un chat, ou « un furet. »
15
226 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAH XXX, 13-17
des Égyptiens *, et de le frapper jusqu'à ce que les Egyp-
tiens l'entendissent ^.
14. a Ils allèrent dire au roi : « Cet Abikam a pris un chat
(qui est) un dieu et il le frappe ^. »
15. Le roi l'apprit ainsi et me dit : <( 0 Ahikar, pourquoi
maltraites-tu nos dieux ? »
16. Je lui dis : « O roi, vis à jamais I Ce chat m'a causé
un grand dommage et non un petit, car le roi m'avait
donné un coq qui avait une très belle voix, et »u moment
où je voulais aller à la cour, loisque le roi me demandait,
il chantait à cette heure même et me réveillait de mon
sommeil *.
17. « Et voici le dommage que ce chat m'a causé : il a été
cette nuit à Assur et à Ninive, il a enlevé la tête de ce coq
et il est revenu ici. »
1 « Dieu des Égyptiens » manque dans C.
2 C : « et de le frapper sur les places de la ville. Lorsque les
Égyptiens le virent. »
3 C : « Ahikar s'est élevé contre notre peuple et nous tourne
en dérision ; car il a pris un chat et il le frappe sur les places
publiques de notre ville. »
* C : « il avait une très belle voix et, au moment où il chan-
tait, je comprenais que mon Seigneur me demandait et j'allais à
la porte de mon Seigneur. »
• G : (( Les Egyptiens, qui vénèrent cet animal, lorsqu'ils
virent celui-ci tellement maltraité, accoururent ; ils arrachèrent
le chat des mains de ceux qui le battaient et annoncèrent aussi-
tôt cet incident au roi. »
16 A la cour, litt. : ff à la porte du roi. »
17. Et voici le dommage que ce chat m'a causé, lilt. : « et jamats
ne sera bien ce que ce chat a fait ainsi contre moi. »
XXX, 18-20 AHIKAR RÉPOND A PHARAON 227
18. =^ Alors le roi me dit : « Maintenant que tu es vieux,
tu te trompes. Il y a trois cents "^ parasanges entre Assur
et l'Egypte ; comment aurait-il pu y aller cette nuit, pren-
dre la tête de ce coq et revenir bp »
19 c. Je lui dis : « Bien ru'il y ait trois cent trente p;ira-
sanges entre Assur et F Egypte, n'avons-nous pas appris
que vos cavales entendent la voix de notre cheval et avor-
tent? De même pour ce chat. »
20. A ces mots, le roi confus et étonné me dit : « 0
Ahikar, explique-moi ce que je vais te dire: J'ai une grande
colonne [formée de huit mille sept cent soixante-trois bri-
'^ C: « Trois cent soixante. » — A : (.<. soixante-huit parasan-
ges. » — Ag : (( trois cent soixante lieues. »
a 15-17. G : (( Celui-ci appelant Ésope : Ne sais-tu pas, dit-il,
Ésope, que le chat est vénéré chez nous comme un dieu ; pour-
quoi donc as-tu fait cela ? — L'autre répondit : « Ce chat, la
nuit dernière, a causé du tort au roi Lycéros , car il a tué son
coq valeureux et brave, qui allait jusqu'à lui annoncer les heures
de la nuit. »
I' G : « Et le roi dit : N'as-tu pas honte de mentir ainsi,
Ésope ? Comment un chat pourrait-il, en une nuit, aller d'f'gypte
à Babylone ? »
c (7 : (( Et celui-ci dit en riant : Comment donc, ô roi, les
cavales d'ici peuvent-elles concevoir lorsque les chevaux de
Babylone hennissent ? — Le roi, à ces paroles, loua son in-
telligence. Ensuite (le roi) envoya chercher à Iléiiopolis des
hommes réputés pour les questions sophistiques, il leur parla
d'I'.sope et les invita en niônie temps que lui à son festin. Tandis
12-19. ri. S., p. 83-85, rapproohe ce passage de la fable l'a d'Ésope
cl met eu relief la couleur locale, toutecgyplienne, du texte d'Ahikar.
20. Courent, lilt. ; et courent deux. »
228 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XXX, 20-21
ques] * au-dessus de laquelle sont plantés douze cèdres ; au-
dessus de chacun des cèdres il y a trente roues et sur
chaque roue courent ^ un blanc et un noir. »
21. Je répondis au roi au sujet de ce qu'il me deman-
1 Manque dans B, mais est présupposé par la suite.
^ C : a. sur chaque roue deux cordes. »
qu'ils étaient à table, l'un des habitants d'Héliopolisdit à Ésope :
J'ai été envoyé par Dieu pour te poser une question et voir si tu
pourras y répondre. — Ésope lui répondit : Tu mens, car Dieu n'a
rien à apprendre des hommes ; en disant cela, tu ne parles pas
seulement contre toi, mais aussi contre Dieu. — L'autre reprit : 11
y a un grand tempk et dans ce temple une colonne qui a douze
portes, dont chacune est formée de trente poutres, autour de
celles-ci tournent deux femmes. » — Le texte grec porte (( douze
villes )) au lieu de douze portes. Aussi, La Fontaine a traduit :
(( Il y a un grand temple qui est appuyé sur une colonne entou-
rée de douze villes, chacune desquelles a trente arcs-boutants et
autour de ces arcs-boutants se promènent l'une après l'autre,
deux femmes, l'une blanche, l'autre noire. » — Ag porte : « Que
dis-tu d'un architecte qui a bâti un palais avec huit mille sept
cent soixante pierres et y a planté douze arbres, dont chacun a
trente rameaux portant deux grappes, l'une blanche et l'autre
noire ?» — Une énigme analogue figure déjà dans l'anthologie
grecque sous le nom de Cléobuline, fille de Cléobule (580 av.
J.-G.) : (( 11 y a un père qui a douze enfants, chacun d'eux a
soixante filles d'aspect très différent, les unes blanches, les
autres noires. Toutes sont immortelles et meurent. » Anili. srec-
20-21. D'après M. Meissner, cette éuigme est d'origine grecque,
p. 182. MM. Windisch et Mark Lidzbarski tiennent qu'elle est d'ori-
gine sémitique, dans Zeitschrift der Deutschen inorgenlsendischen
Gesellschaft, t. xlviii, p. 674.
XXX, 21-22 AHIKAR RÉPOND A PHARAON 229
dait : « Les intelligences des moutons et des bœufs * con-
naissent ce que tu me demandes, ô roi. La colonne dont a
parlé mon seigneur le roi c'est l'année ; cette colonne est
bâtie de huit mille sept cent soixante-trois pierres, qui sont
les huit 2 mille sept cent soixante-trois heures ; les douze
cèdres sont les douze mois de l'année ; les trente roues
sont les trente jours du mois ; les deux coureurs, l'un noir
et l'autre blanc, sont la nuit et le jour a. »
22. Le roi me dit encore : « Cesse. — Maintenant, je te
demande, ô Ahikar, de me tresser deux longs câbles de
^ C : « les intelligences des bœufs de nos pays. »
^ B : fs. sept. » — Les textes arabes et même NS portent 8763,
Le nombre 8736, dans la traduction de M. Lizbarski, n'est
qu'une faute d'impression.
que, XIV, 101, Irad. française, Paris, 1863, t. ii, p. 56 et
319-320. Par contre, cette énigme ne se trouve pas dans A.
a G : a Ésope dit : Même les enfants de chez nous sauraient
résoudre ce problème, car ce temple est le monde, la colonne est
l'année, les portes (villes ?) sont les mois, les poutres sont leurs
jours, et les deux femmes qui se succèdent sont le jour et la
nuit. »
21. Les intelligences des moutons et des bœufs. D'aprèsM. Vetter,
p. 367, ce mot a les bœufs » ou « les animaux » pouvait désigner en
Assyrie les hommes du vulgaire. Il renvoie à Josèphe, Ant.jud. ,XlYf
X, 7, et auTalmud. Le renvoi à Josèphe (éd. Didot ?) est inexact.
Huit mille sept cent soixante-trois heures. Année de 365 jours et
trois heures. Dans l'édition do Cambridge, on trouve 8760 heures
ou 365 jours. — Celte phrase, depuis « cette colonne », est en rouge
dans le m.anuscrit B, sans doute pour indiquer qu'elle ne correspond
à aucnne question du roi. Nous avons rétabli cette question plus
haut, parce qu'elle existe dans les autres textes et vorsions.
La nuit et le jour. C'est le véritable ordre cliez les Sémites, car
pour eux la nuit précède le jour. Cf. Meissner, p. 182.
230 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahiKAR XXX, 22-28
sable, qui aient cinquante coudées (de long) et un doigt
d'épaisseur ^. »
23. Je lui répondis : « Ordonne, mon seigneur roi, qu'on
m'apporte un (tel) câble de ton trésor afin que j'en tresse
un semblable. »
24. Il me dit : « Tu ne comprends pas ce que j'ai dit ; si
tu ne me tresses pas le câble dont je viens de te parler, tu
ne recevras pns le tribut de l'Egypte. »
25. Alors moi, Ahikar, je quittai le roi et passai celte
nuit en grande méditation.
26. Au matin il me vint une idée et je me rendis der-
rière le palais où habitait le roi ; je creusai un petit trou
dans la muraille en face du soleil et le soleil traversa la
muraille du temple. Je creusai un autre trou dans la même
muraille, puis je pris une poignée de poussière et la mis
dans les trous, et (les poussières) apparaissaient dans le
rayon et elles étaient entraînées 2.
27. Je pris la parole et je dis au roi: « Ordonne, monsei-
gneur le roi, que l'on tresse en faisceau de proche en pro-
che ces (dt^ux rayons) et je t'en ferai de semblables autant
que tu en voudras ^. »
28. A cette vue, le roi et ses grands furent saisis d'admi-
ration et de stupeur et ils étaient foi t humiliés a.
1 C : « cinq câbles du sable du fleuve. »
2 C : «Je sortis hors du palais {litt. : temple) du roi et je creu-
sai cinq trous dans le mur oriental du palais. Lorsque le soleil
pénétra dans les trous, la poussière s'y mit en mouvement et le
rayon du soleil parut être tressé à l'intérieur des trous. »
^ C : « Mon Seigneur, fais enlever ceux-là et je vous en tres-
serai d'autres à leur place. »
a 22-28. Ce passage figure dans A mais manque dans Ag.
26. Le palais, litl. : « le temple ; » cf. Daniel, iv, 4 ; vi, 18, et
I Rois, XXI, 1; II Rois, XX, 18, etc.
XXX, 29-XXXI, 1 AHiKAn répond a pharaon 231
29. Alors le roi me fit apporterla pierre supérieure d'une
meule (|ui était brisée, puis il prit la parole et me dit :
« 0 Ahikar^ couds-moi cette pierre. »
30. Et je pris aussitôt un pilon de pierre de cette meu-
le, je le jetai et je lui dis : « Mon seigneur le roi, je n'ai pas
avec moi les outils de cordonnier et je ne trouve pas ce
dont j'ai besoin, commande donc à tes cordonniers de
tirer un fil de ce pilon, qui est de même nature que la
meiile^ et aussitôt je la coudrai. »
31. A ces paroles, le roi rit et me dit : « Allons (su) ! ô
Ahikar, que le jour où tu es né soit béni devant les dieux ''
de TEgyple ; parce que je t'ai vu en vie, je ferai de ce jour
une grande fêle (avec) des festins a. »
CHAPITRl^XXI
Ahikar part de l'Egypte et revient prés de Sarhédom, roi de
Ninive et d'Assur.
1. b Lorsque le roi Pharaon eut été vaincu en tout, que
^ C : « le Dieu. »
a 22-31 manquent dans le grec, qui met ici l'incident delà lettre
(supra, XXIX, 4 - XXX, 5).
1» XXXI, 1-2. Après xxix, 4 - xxx, 5, que le grec place ici,
on trouve : « Et le roi Neclanébo dit ensuite : Bienheureux
30. Un pilon, lilt. : « un mortier. »
Un fil : kédra signifie chaudière (x'^Tpa) et, au sens secondaire,
lorum.
Cette réponse a passe dans le Talmud ; cf. Meissner, p. 195.
232 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XXXI, 1 - XXXII, 1
j'eus résisté h ses inventions, que j'eus résolu et rendu vai-
nes toutes ses machinations et ses énigmes,
2. il me donna le tribut de l'Egypte de trois ans, je re-
çus aussi les neuf cents talents qui figuraient dans ma let-
tre comme s'il les avait empruntés à mon maître et dont
tous dirent : « Nous (en) avons entendu (parler) a. »
3. Je fus comblé de présents par le roi et d'honneurs par
ses grands *l>, etaussitôt le roi Sarhédom^se hâta de venir
au-devant de moi.
CHAPITRE XXXII c
Ahikar revient d'Egypte et va près du roi, qui le reçoit
avec honneur.
1. Et le roi commença à me dire de sages paro-
1 C ne mentionne ici que le tribut de trois ans et ne parle ni
des neuf cents talents ni des présents.
2 Les autres rédactions et versions portent « Sennachérib. »
est Lycéros, qui possède une telle sagesse dans son roy-
aume. — Il donna donc à Esope les tributs promis et le renvoya
en paix. »
^ ^ et Ag ne mentionnent pas les neuf cents talents. Tous
deux portent, par contre, qu'Ahikar demanda au roi d'Egypte de
renvoyer en Assyrie les fugitifs qui avaient passé en Egypte.
L'arabe seul avait mentionné plus liaut (xxiii) ces fugitifs.
'* G : (( Esope, revenu à Bahylone, raconta à Lycéros tout ce
qu'il avait fait en Egypte et hii remit les tributs. »
« XXXI -XXXII. Dans /'", Hicar conserve le nom d'Abicara, c'est
sous ce nom qu'il annonce son retour. Nadan se demande quel
XXXII, 1-4 AHIKAR REVIENT d'ÉGYPTE 233
les : « Demande et requiers tout ce que tu voudras ». »
2. Et je dis : « O mon seigneur roi, vis à jamais ! » Et
le roi commença à venir au-devant de moi et se réjouit
d'une grande joie.
3. Il m'honora et me fit asseoir h son côté sur son siège
et sur sa tour et il me dit : «Demande-moi, ô Ahikar, tout
ce que tu désires. Si tu le demandes, je te donnerai tout
mon royaume. »
4. Ahikar lui dit : « O mon seigneur roi, vis à jamais et
dans toutes les générations ^ ! Tout ce que je demande à ta
Majesté — si tu es bien disposé en ma faveur — est de
donner une bonne charge à Nabousemak, spiculator 2^ car
c'est grâce à lui queje suis encore en vie. Maintenant mon
espoir en Dieu me soutient; s'il ne m'avait pas aidé, je
serais mort. »
* 5 a en plus : « Cependant fais-moi un présent dans ta bonté
si tu le veux, autant que cela t'est utile. »
2 Ce mot est transcrit dans le syriaque B.
est cet inconnu, ce magicien, et songe déjà à le faire périr, de
crainte qu'il ne le supplante auprès de Sinkarib. Celui-ci va
trouver Zéfagnie et demande à voir les deux rochs et les enfants,
mais elle lui dit que Hicar les a rendus à la liberté pour prix de
leurs services ; elle lui demande aussi de livrer Nadan à Hicar.
Il n'est toujours pas question de Nabousemak. Nadan est
enchaîné dans le cachot où Ahikar a dû se cacher.
' XXXII, 1. G : a Lycéros ordonna d'élever une statue d'or à
Esope. » — Ici se termine le texte grec parallèle à l'histoire d'A-
hikar, inséré dans l'histoire d'Esope.
2. Au-devant de moi, répétition de xxxi, 3.
4. J ta majesté, litt. : c à l'iionneur de ta gjrandeur. »»
234 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XXXII, 5-10
5. Alors le roi me montra son afiection par de nombreu-
ses jjràces et surtout ({xaXiijTa) par des présents et des dons
que je reçus de lui.
6. Le roi commença à me combler de nombreux dons et
à faite de nombreux présents à (Nabousemak).
7. Le roi se mit à m'interroger ^ sur tout ce qui m'était
arrivé devant Pharaon et sur les énigmes ; je les lui ra-
contai du commencement à la fin, chacune en particulier,
et, en l'entendant, il fut dans l'admiration,
8. Je sortis alors les biens, l'argent, l'or, les dons et les
présents; que m'avait donnés le i oi d'Egypte pour les lui ap-
porter d'Egypte, et il en conçut une joie inimaginable.
9. Il me dit: « Combien veux-tu que je le donne?» — Je
lui dis : « Je ne demande rien que de te (voir) heureux et
tranquille. Que ferais-je de ces richesses et du reste! Cepen-
dant je demande à ta Béatitude de me donner pouvoir de
faire tout ce que je voudrai à Nadan pour me venger de lui
V et de ne pas me réclamer son sang ^. »
10. Le roi me permit aussitôt de lui faire tout ce que je
1 5 : (( à me consoler. »
2 Les versets 1-9 sont beaucoup plus abrégés dans C : « Je
retournai aussitôt près de mon seigneur, le roi Sennachérib, et
y arrivai. Il sortit lui-même au-devant de moi, il m'accueillit, fît
un grand jour (de fête), me fit asseoir au-dessus de ses serviteurs,
prit la parole et me dit : Demande, Ahikar, tout ce que tu veux. —
Je me prosternai devant le roi et je lui dis : Mon seigneur le
roi, tout ce que tu veux me donner, donne-le au bourreau Nabou-
semak, mon ami, car il m'a donné la vie. Pour moi, mon sei-
gneur le roi, fais-moi donner mon fds Nadan, afin que je lui
' enseigne une autre doctrine puisqu'il a oublié la première. »
10 Sur Nabouel (ms. T), cf. Payne Smith, Thésaurus syriacus^ sous
ce iiora propre. Le slave porte Négubil et rarménien Béliar. Dans le
Livre des Jubilés, i, 20; les Testaments des douze patriarches (Ruben,
XXXII^ 10 AHIKAR REVIENT d'ÉGYPTE 235
voudrais. Je pris Nadan et allai à ma maison, je l'attachai
avec des liens et des chaînes de fer, je lui mis des liens de
fer iiux mains et aux pieds et je mis du fer sur ses épaules,
puis je commençai à le flageller de vtrges et (à le frapper)
de coups violents, ^, etje lui rappelai l'enseignement que je
lui avais donné avec la sagesse, la science et la philoso-
phie ^.
1 C : « Le roi me dit : Va, Ahikar, et fais à ton fils Nadan tout
ce que tu veux. Personne ne sauvera son corps de tes mains. —
Alors je pris Nadan, mon fils, je le conduisis à ma maison, je le
liai d'une chaîne de fer du poids de vingt talents que je fixai à
des anneaux, je lui mis des colliers au cou et je le frappai de
mille coups sur les épaules et de mille et un sur les reins ; je le
mis dans le vestibule (eîç tv)v Tipoo-TaSa ), à la porte de mon palais ;
je lui donnai du pain et de l'eau avec mesure et je le livrai à mon
serviteur Nabouel pour qu'il le gardât. Je dis à mon serviteur :
Écris sur une tablette tout ce que je dirai à Nadan, mon fils, à
mon entrée et à ma sortie ; je pris la parole et je dis à Nadan,
mon fils. ))
a NS : « de mille coups entre les épaules, de mille sur le
dos, de mille sur les pieds et de mille sur le cœur. » NS con-
tinue comme C, hors le nom de Nabouel qu'il n'a pas.
2, 4, 6 ; Dan, 5 ; Lévi, 19), V Ascension d'fsaïe i, 8, 9 ; ii, 1 ; m, 11,
etc., Beliar est un esprit mauvais. Dans les Livres sibyllins, u, 167,
il est l'antéchrist. L'auteur de la version armcuienue aurait-il vu
dans Nabouel un démon chargé de tommenter Narlau ? — Je le mis
dans le vestibule de la porte de mon palais. Ce trait, propre à C>
est très assyrien. Les rois de Ninive enchaînaient volonliers les
prisonniers de marque à la porte de la ville. C'est ainsi qu'Assur-
banipal expose le roi arabe Uaite à la porte de Ninive, Annales,
col. VIII, lignes 1-14.
236 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahikar XXXIII, 96-97
CHAPITRE XXXIII a
Suite de la sagesse d'Ahikar.
96 ^. [Mon fils, celui qui n'entend pas avec les oreilles, on
Je fait entendre par derrière son dos -.
Nadan, mon fils, prit la parole et me dit : « Pourquoi
t'irrites-tu contre ton fils ? »
97. Je lui répondis : Moi, mon fils, je t'ai fait asseoir
^ Les différences deviennent très nombreuses entre B et C,
Nous ajoutons entre crochets les passages de C qui manquent
dans B. Nous continuons la numérotation des sentences parce
qu'elles forment une espèce de tout dans l'ouvrage ; cf. supra,
chap. m.
^ A et NS : « Mon flls, il est dit dans les Proverbes : Celui
qui n'entend pas avec les oreilles... » — Manque dans SI. —
Se trouve en arm. comme dans le syriaque, c'est-à-dire sans les
mots : (( il est dit dans les Proverbes. »
« xxxiii. F ne contient que trois maximes : « Le tigre souillé
de meurtre et de carnage passa près d'une fontaine ; il se vit et se
fit horreur.
« Le Gange, dans un de ses débordements, déposa ses eaux
dans un creux entre deux montagnes. Elles se corrompirent, et
répandirent Tinfection autour d'elles : les habitants des coteaux
voisins les maudissaient. Comment, disaient-elles, ose-t-on mau-
96- Par derrière son dos, c'est-à-dire : « en le frappant sur les
épaules et les reins, » comme il est dit plus haut.
97. Un trône glorieux, litt. : « sur un siège d'honneur. »
Ma justice traduit sans doute l'hébreu sedaqah, «justice» ou
( aumône. » Cf. Tobie, xiv, 10 (grec) et Introd., supra, p. 59.
XXXIII, 97-98 SUITE DE LA SAGESSE d'ahIKAU 237
sur un trône glorieux, et toi tu m'as précipité de mon
trône. Ma justice m'a sauvé a.
98. Tu as été pour ;noi, mon fils, comme un scorpion qui
frappe une roche. Celle-ci lui dit : « Tu as frappé sur un
dire les eaux du fleuve salutaire sans lesquelles l'homme, dessé-
ché, périrait bientôt ! — Eaux pestilentielles, leur répondit un
génie, le Gange cesse de reconnaître ses eaux dès qu'il n'en sort
plus que des exhalaisons mortelles !
« Un loup fut pris par des agneaux que gardait un prêtre d'Osi-
ris : Epargnez-moi, dit-il au gardien du troupeau, voyez ma
gueule, mes pattes, il est clair que je suis innocent. Le crime est
dans ton cœur, répond le gardien. Mais quand vous le suppo-
seriez, reprit le loup, vous êtes voué à un état de paix ; vous ne
prenez le couteau que pour les sacrifices, et je suis trop vil pour
vous être offert ; mon sang souillerait votre robe et vos mains.
— Il n'y a que le sang du juste qui souille, dit le prêtre en lui
enfonçant le couteau dans la gorge, meurs, malheureux! Jeté
sacrifie à la tranquillité des troupeaux qui sont sur la terre. »
^ Le syriaque énumérera encore plus loin (131-133) ce
qu'Ahikar a fait pour Nadan. — L'arménien réunit tout cela au
commencement (2 à 5). — Le slave est conforme au syriaque ; il
omet cependant : « Ma justice m'a sauvé. » — L'arabe développe
beaucoup cette pensée. Voici Ag : « Mon fils, c'est moi qui ai
recueilli ton enfance, je t'ai élevé, je t'ai chéri, je t'ai comblé de
gloire et d'honneur ; je t'ai cédé mon rang et confié mes riches-
ses ; je t'ai initié de bonne heure à l'étude des sciences, parce
que je voulais que tu devinsses l'héritier de ma sagesse, comme
tu devais l'être un jour de ma fortune ; j'ai fait pour toi plus que
n'aurait fait un père. Gomment as-tu récompensé mes bienfaits ?
Tu m'as calomnié, tu m'as abreuvé d'outrages, tu as conspiré ma
mort ! ma perte même était inévitable, si Dieu, qui lit au fond
des cœurs, qui console les opprimés et humilie les orgueilleux,
98. Cf. « Le serpent etlaliuie s>, La Foutaiac, 1, V, xvi ; Loqman,
xxvm; Esope, xlix ; Phèdre, 1. IV, vm. R S. renvoie à Esope, 86-
146.
238 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAII XXXIII, 98-99
cœur insensible. » 11 frnppe une aiguille et elle lui dit : « Tu
as frappé un aiguillon plus redoutable que le tien ». »
99. 1^ Tu m'as été comme la chèvre cjui se dressait contre
le sumac des corroyeurs et le mangeait. Celui-ci lui dit :
« Pourquoi me manges-tu, puisqu'on travaillera ta peau
avec ma racine? » — La chèvre lui dit: «Je te mange durant
ma vie et, à ma mort, on t'arrachera jusqu'à la racine '. »
^ Cette réponse n'est pas satisfaisante. Le ms. C est sans
doute corrompu ici. La version arménienne qui, se rapproche le
plus ici du syriaque, porte : « Si je te mange durant ma vie,
après ma mort on arrachera ta racine pour préparer ma peau. »
n'eût reconnu mon innocence et ne m'eût sauvé de tes embû-
ches. »
« 98 Manque dans SI, Ag et NS. M. Lidxbarski le traduit
sur l'édition Salhani et le place après 106. — A porte la mauvaise
leçon suivante : « Mon fds, tu m'as été comme un scorpion le-
quel, s'il frappe de l'airain, le perce. » — L'arménien porte :
« INIon fds, tu m'as été comme un scorpion qui a frappé une ai-
guille. L'aiguille dit : C'est un aiguillon qui estpire quele tien. —
De plus, tu as osé frapper la plante du pied d'un chameau et il a
appuyé lourdement son pied sur le scorpion, il la écrasé et a
dit : Esclave, ne savais-tu pas que ta vie et ton âme étaient
sous mes pieds ! »
b 90 Manque dans NS et Ag. — A Qi H donnent un sens plus
satisfaisant que le syriaque. A : « Mon fils, tu as été comme la
gazelle qui mangeait les feuilles de la garance ; celle-ci lui dit :
Mange-moi aujourd'hui et rassasie-loi, et demain on tannera ta
peau avec mes racines. » — SI : « Tu m'as été comme la
chèvre qui mangeait le sumac et celui-ci lui dit : Pourquoi me
99. Le sumac des corroyeurs, plante utilisée pour tanner les
peaux, surtout les peaux de chèvre.
1^. S. voit ici l'original de Esope, 404 ; Babrius, 181; Iguac. diac.
(éd. C. Fr. Mùller), i, 7.
XXXIII, 100-102 SUITIi DK LA SAGESSE d'aHIKAR 239
100. Tu m'as été, mon fils a, comme celui qui jette une
pierre ^ vers le ciel ; elle n'atteint pas le ciel, et celui qui l'a
lancée a péché devant Dieu ^ .
101. ^ Tu m'as été, mon fils, comme celui qui a vu son.
prochain trembler de froid et qui a pris un vase d'eau et
l'a j» té sur lui.
102. c Plût à Dieu, mon fils, qu'après m'avoir misa mort
tu eusses pu prendre ma place, mais sache cependant, mon
fils, que si la queue du porc s'allongeait de scjit coudées, il
ne pourrait pas (cependant) tenir la place du chev;d et si
son pt'il devenait doux et laineux, jamais il ne servirait de
vêtement à un homme noble.
^ Arm : « comme celui qui lance sa flèche. »
2 Arm : « mais il reçoit la punition de son impiété et la
flèche retombe sur sa tête. »
manges-tu, ô chèvre ! avec quoi pourra-t-on tanner ta peau ? —
Et la chèvre répondit : Je mangerai les feuilles et avec la racine
on tannera ma peau. »
a (( Comme celui qui jette une pierre vers le ciel. » A porte
en plus: «pour lapider son maître avec elle.» — Ag : «Un
homme voulut un jour lancer une pierre contre le ciel, elle re-
tomba sur lui et l'écrasa. »
*> SI, Arm, NiS sont à peu près identiques au syriaque. —
A paraphrase un peu : « INIon fils, tu m'as été comme un homme
qui savait que son camarade avait froid par le temps glacé de
l'hiver, il prit de l'eau froide et il la jeta sur lui. »
f^ 102-103. .1 : « O mon fils, si tu m'avais honoré et respecté, et
100. Cf. iM-cli., XXVII, 28,
102. D'un homme noble, lilt. : «jamais il ne monterait siirle corps
d'un homme libre. » — Rende! Harris fait remarquer (p. 80) que l'on
attendraitplutôt : « Jamais un homme libre ne monterait sur son dos, »
mais l'arménien perle : « Si sa toison devenait comme la pourpre,
elle ne pourrait être utilisée pour le corps d'un roi, » — et conduit au
sens que nous avons adopté.
240 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR XXXIII, 103-105
103. Mon fils, j'ai dit que tu prendrais ma place et que
tu posséderais par héritaj^e ma maison et mes richesses,
mais cela n"a pas plu à Dieu et il n'a pas entendu ta
voix ^. ]
104. Je lui dis : Tu n'as pas écouté mes paroles, tu n'as
pas reçu mon enseignement, tu n';is ni écouté ni connu
Dieu, aussi lui-même n'a pas entendu ta voix 2,
105. Mon fils, réponds-moi ; tu es tombé sur moi comme
un lion ;ifFanié (qui rencontra) un âne errant le matin ^. Le
1 Les sentences 96-103 sont tirées de Cet manquent dans B.
2 Coraet 104.
3 C : « Tu m'as été, mon fils, comme un lion qui rencontre
un âne le matin et lui dit : Viens en paix, mar kouris (xûpioç,
c'est une répétition). — Celui-ci lui répondit: Queîapaix que tu me
donnes retombe sur celui qui m'a attaché le soir et n'a pas serré
ma longe pour que je ne te voie pas. » La leçon [mar kouris) ou
si tu avais écouté mes paroles, tu aurais été mon héritier et tu
aurais gouverné toutes mes possessions. O mon fils, sais-tu
que si la queue du chien ou du porc avait dix coudées de long,
elle n'approcherait pas encore du prix de celle du cheval, quand
même elle serait comme de la soie ? — O mon fils, je pensais
que tu serais mon héritier à ma mort, et tu as poussé ton envie
et ton audace jusqu'à vouloir me tuer. Mais le Seigneur m'a dé-
livré de tes ruses. )) — Arm : « Mon fils, tu t'es imaginé et tu as
dit : Je prendrai sa place. Mais si la queue du porc avait près de
cinq aunes de long, elle ne pourrait pas encore remplacer celle
du cheval, et même si son poil était comme la pourpre, il ne
pourrait pas encore être utilisé pour habiller le roi, — Mon fils,
j'avais pensé que tu habiterais dans ma maison et que tu hérite-
rais de mes biens. Mais, à cause de ta méchanceté. Dieu ne t'a pas
fait prospérer. » Cette dernière partie manque dans la plupart
desmss. arméniens.
XXXIII, 105-106 SUITE DE LA SAGESSE d'ahIKAK 241
lion a dit à l'âne : « Viens en paix, ô mon frère et mon
ami. » L'âne répondit : « Cette paix ressemble à celle que
(je souhaite à) l'homme qui ne m'a pas attaché le soir et
qui n'a pas eu l'idée de m'entraver jusqu'à maintenant que
je te vois. »
106. Mon {ils, tu m'as été comme un piège caché sous le
fuaiier. Un passereau vint, le piège le vit et lui dit : « 0
mon frère, que fais-lu icib?» — Le passereau répondit : « Je
te regarde. » — Le piège dit: « Prie Dieu; gloire à lui ^ ! » —
Le passereau lui dit encore : « Quel est ce bois qui est
attaché chez toi ? » — Le piège répondit au passereau : «C'est
mon bâton et mon soutien, je m'appuie sur Iniau momentde
ma prière. » — Le passere;iu dit : «Qu'est-ce que ce blé qui
est dans la bouche ?» — Le piège répondit : « C'est de la
nourriture et du pain qui rend la force à ceux qui ont faim.
Je l'ai placé dans ma bouche pour qu'il serve de nourri-
ture aux affamés qui se réfugient près de moi-.» — Le passe-
« seigneur kouris y> est propre à C et ne se trouve ni dans
le slave, ni dans larménien, ni dans B. M. Velter recourt au
Tahnud pour l'expliquer, il est plus probable que c'est un néo-
logisme emprunté au grec. — Cf. Introd., page 114-115, et l'his-
toire de « la chèvre qui circule », p. 21, note 1, et p. 169, n. 46.
^ Cette formule « gloire à lui » s'ajoute toujours chez les
musulmans après le nom de Dieu, Elle ne se trouve que dans B
et elle est sans doute une addition.
2 Cf. le conte du chaperon rouge.
•' « Un lion. » Le slave et l'arménien portent : « un loup. »
•» Les autres versions ne contiennent pas la première qucs-
105. Cf. « L'oit^eau et le chat, » Esope, n. clvii ; Babriiis, n. f;vii.
R. S. renvoie à Ésope, n. 323, 326, 258, 260. — Cf. « Le chat et les
souris, » Ésope, n. lxvii ; Phèdre, 1. IV, n ; La Fontaiue, 1. III, xvui.
IG
242 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XXXIII, 106-108
reau dit : « Je suis maintenant très affamé, je vais donc le
manger. » — Le piège lui répondit et dit : « Approche, ô
mon frère, et ne crains pas.» — Quand le passereau s'ap-
prêta à le prendre, il le saisit aussitôt par la tête et le pas-
sereau dit au piège : « Si c'est là ton jeûne et ta prière au
sujet de ce pain, Dieu ne recevra pas ton jeûne et ta prière
et ne te donnera aucun bien ^. »
107. ^ [Mon fils, tu m'as été comme un taureau attaché
avec un lion ; le lion se tourna vers lui et le mit en piè-
ces 2.]
108. ^ Mon fils, tu m'as été comme le charançon qui
1 (7 : « Mon fils, un piège était tendu sur un fumier ; un pas-
sereau vint, le vit et lui dit : Que fais-tu ici ? — Le piège lui
répondit : Je prie Dieu. — Le passereau lui dit : Qu'est-ce qui
est dans ta bouche ? — Le piège répondit : Le pain des passants.
— Le passereau s'approcha, il prit le pain, et (Je piège) le
saisit par le cou. Le passereau dans sa douleur dit ; Si c'est là
le pain des passants, Dieu que tu pries n'entendra pas ta voix. »
2 Manque dans B. ; cf. 105.
tion du piège. L'arabe seul porte la question au sujet du bâton
et termine par : (( Si c'est là ton pain pour la faim, Dieu n'accep-
tera pas tes aumônes et tes bonnes actions ; et si ce sont là ton
jeûne et tes prières. Dieu n'acceptera de toi ni ton jeûne ni tes
prières et Dieu ne t'accordera aucun bien. » — Le slave et l'ar-
ménien sont presque identiques à C — L porte « lièvre » au
lieu de passereau. »
^ A : (f. Mon fils, tu m'as été comme un lion qui fit amitié
avec un âne, et Fane put se promener un certain temps en pré-
sence du lion, mais un jour le lion s'élança et le dévora. »
^ Arm : « Le ver du pain mange le corps d'un roi, et ce-
106. R. S,, p. 80 à 82, voit ici l'original de la f;iblc 340 d'Ésope
et 215 de B;ibrius.
XXXIII, 108-111 SUITE DE LA SAGESSE d'aHIKAR 243
se trouve dans le blé. Il ne sert à rien et il perd le blé ^.
109. ^ [Mon fils, tu m'as été comme un chaudron auquel
ou a n)is des oreilles d'or sans débarrasser son fond de sa
noirceur *.]
110. Mon fils, tu m'as été comme l'homme qui avait semé
dix mesures de blé dans un champ, puis, au temps de la
moisson, il le coupa, le nettoya^, et il trouva dix mesures de
blé. L'homme dit alors au champ : « Pourquoi ne m'as-tu
rien donné de plus ? Je t'ai labouré, renouvelé, semé lors-
que tu étais inculte et tu ne m'as rien produit de bon ^. »
111. Mon fils, tu m'as été comme l'oiseau ^ qui est enfer-
^ C : « Mon fils, tu m'as été comme le charançon du blé qui
ravage les greniers des rois et qui est réputé pour rien. »
* Se trouve plus bas dans B au n, 115.
* C : « Mon fils, tu m'as été comme le paysan qui sème un
champ avec vingt mesures de blé ; à la moisson, il lui produisit
vingt mesures et il lui dit : J'ai recueilli ce que j'avais dépensé ;
mais honte sur toi qui (auras) le mauvais renom de produire me-
sure pour mesure, car comment pourrai-je vivre ? » ,
* B porte tabid qui se traduit par « chèvre » ou « gazelle »
maiscesensne s'accorde pas avec la suite. Le ms. J5portait faè'o;
on a gratté l'extrémité de l'aïn pour en faire un yod, d'où tabid.
Le ras. C écrit drd deséfrô, que j\L Rendel Harris n'a pas
traduit. L'arabe porte « perdrix ». Cf. Eccli.^ xi, 32 : « Comme
la perdrix est conduite dans une cage. »
pendant lui-même ne sert à rien et n'est utile à personne, mais il
est vil. »
3 Le slave, qui porte seul cette maxime, est identique au
syriaque.
b L'arabe ajoute que l'homme a arrose son champ. L'armé-
110. Cf. Matth., XXV, 24-30.
111. U. S., p. 79-80, rapproche cette comparaison des fables
341 et 356 d'Ésope ; cette dernière n'en serait qu'une mauvaise imita-
tion.
244 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XXXIII, 111-114
rac dans un piège et ne peut pas échapper au chasseur ; il
élève cependant sa voix douce et suave et il réunit près de
lui les oiseaux ou de nombreuses perdrix pour qu'ils se
fassent prendre.
112. [Mon fils, tu m'as été comme le bouc qui fait entrer
ses compagnons dans les boucheries et qui ne se sauve pas
lui-même i.]
113.*^ Mon fils, tu m'as été comme un chien saisi par le
froid qui fut se chaufFer chez des potiers ^ et qui, lorsqu'il
eut chaud, chercîia à aboyer et à les mordre. lisse mirent
à le frapper. Il aboya, et eux, craignant d'être mordus, le
tuèrent.
114. ^ Mon fils, tu as été comme ce porc qui fut prendre
un bain avec les grands. Arrivé aux bains il s'y lava ; mais en
sortant, il vit de la boue et il alla s'y rouler ^.
1 B omet ; cf. 116.
2 ^' : « dans le four du potier.» — C : « chez des boulangers. »
^ C : « Mon fils, tu m'as été comme un porc qui allait aux
bains ; il vit une fosse boueuse et alla s'y laver, puis il appela
ses compagnons : Venez, lavons-nous. »
nien abrège beaucoup : « Mon fils, tu m'as été comme le semeur
qui sème dix boisseaux, puis il en recueille cinq et le reste est
perdu. D
a Ao- : (( Tu t'es conduit à mon égard comme ce chien qui,
étant entré dans une poterie pour s'y chauffer, se mit ensuite à
aboyer après les gens de la maison, qui se virent contraints de le
chasser de peur d'être mordus. » — A?'fn abrège et ne dit pas
qu'on a chassé le chien.
*' Arm : <L Mon fils, ils ont conduit le porc au bain, il s'est
113. Cf. « Le villageois etle serpent, » Ésope, n.cxxx ; La Foutaiue,
1. VI, XIII ; R. S. renvoie à la fable 173 d'Ésope.
114. Cf. II Pierre, ii, 22. Une sentence analogue, (les porcs s'enor-
XXXIII, 115-117 SUITE DE LA SAGESSE d'ahIKAR 245
115. Mon fils, tu m'as été comme une noire chaudière
à laquelle on a mis un cercle d'or ^.
116. Mon fils, tu m'as été comme le bouc des brebis ^qui
porte et incline la tête devant le boucher et celui-ci ne peut
lui enlever la vie ^.
[117. Mon fils, mon doigt est sur la bouche et ton doigt
est sur mes yeux. Tu t'élèveras contre celui qui t'a élevé,
parce que tes yeux regardent les pommes "*.]
^ Se trouve plus haut, cf. n. 109.
2 Taiso de 'erbê : « le mouton qui fait entrer les brebis à
l'abattoir. »
3 Peu compréhensible. Ne se trouve que dans B. C'est sans
doute une déformation de 129''. Cf. 112.
^B omet 117.
plongé dedans, puis il s'est roulé dans une fondrière en disant :
Vous vous lavez dans ce qui vous est propre, je veux en faire
autant pour moi. » — Ag seul introduit un âne et fond peut-être
ensemble 114 et 139 : « On voulut habituer un âne à la propreté
et lui inspirer des goûts délicats, on l'installa dans un salon ma-
gnifique, on le plaça sur un riche tapis. Qu'arriva-t-il ? Au pre-
mier moment de liberté que lui laissa son maître, il descendit
dans la rue, y trouva de la poussière et s'y vautra. — Laissez-le
se vautrer, dit alors un passant, car cela est dans sa nalurc et
vous ne sauriez le changer. »
gueillissent dans la saleté) est attribuée à Démocrite par Clcraent
d'Alexandrie et Plutarque. Cf. RendelHarris, p, Lxvr, et R. S., p. 75.
117- La fin du verset contient peut-être une allusion àla transgression
d'Adam causée par le fruit de l'arbre de la science du bien et du maL
L'édition anglaise traduit de manière toute diU'érentc. — R. S. ren-
voie à Babrius, 175.
246 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR XXXIII, 418-123
118.* Mon fils, si le chien qui tue un gibier n'y fait atten-
tion, le loup le mange aussitôt ^.
119. Mon fils, la main qui ne se fatigue pas, ne travaille
pas et ne peine pas sera coupée à cause de sa paresse *>.
120. Mon fils, on arrachera 2 l'œil qui ne voit pas la lu-
mière.
121. Mon fils, c'est moi qui t'ai montré le visage du roi,
qui t'ai conduit à de grandes faveurs, qui t'ai instruit et
élevé et qui t'ai donné tout bien, et toi que m'as-tu rendu
et rétribué ?
122. Mon fils, tu m'as été comme un arbre qu'on a or-
donné de couper.
123. Ah ! oja ! malheur ! si tu n'avais rien pris ni reçu
de moi ^, tu n'aurais aucun pouvoir sur moi tout le temps
de ta vie *.
^ C : (( Mon fils, le chien qui mange du produit de sa chasse
deviendra la part (la proie) des loups. »
2 A, C, Arm : « le corbeau arrachera. »
^ C : « Quel bien ra'as-tu fait, mon fils, pour que je me
souvienne de toi et pour que mon âme se complaise en toi ? » La
fin est rattachée dans B au n. 124.
* C omet 122 et 123. En réalité 122 et 123 sont équivalents
à 126. Le texte du ms. B doit donc être corrigé en conséquence.
apporte : « O mon fils, le chien qui n'est pas nourri par
son maître devient la proie des mouches. » — Arra est con-
forme à C.
^ NS : « Coupe-la du creux de l'aisselle. »
118. R. S., p. 82-8;'., rapproche celte pensée de la fable 153 de Ba-
brius.
120. H. S., p. 105, rapproche 119 et 120 de Job, xxxi, 22, et ProT,
XXX, 17.
122. Cf. infra, 126.
XXXIII, 124-127 SUITE DE LA SAGESSE d'aHIKAII 247
124. Je me réjouirai et j'exulterai en toi, 6 mon fils, et
mon âme se reposera lorsque les dieux voleront celui qui
les implore, lorsque le lion volera pour s'enrichir, lorsqu'un
homme volera de la terre pour en manger *.
125. Je t'ai présenté, ô mon fils, au roi et aux grands et
je l'ai amené à un grand honneur, et toi tu as fait du mal à
ceux qui agissent bien. Que feras-tu donc à ceux qui agis-
sent mal 2 ?
126. ^ [Mon fils, tu m'as été comme un arbre qui dit à ceux
qui le coupent : Si vous n'aviez pas (une partie) de moi ^
dans vos mains, vous ne seriez pas tombés sur moi *•>. ]
127 [Mon fils, tu m'as été comme les petits de l'hiron-
^ C : « Mon fils, si les dieux volent, au nom de qui les adju-
rera-t-on ? Et le lion qui vole de la terre, comment pourra-t-il y
demeurer et la manger ?» — Le texte de B, qui énumère des
impossibilités, semble préférable.
2 C : ((... et toi tu as voulu m'affliger. »
^ Le manche de la cognée.
* B omet. Cf. supra, 122, 123.
a Salhani : « Mon fils, tu te comportes comme l'arbre que
les gens coupent avec ses rameaux. Alors il leur dit : Si vous
n'aviez pas en main cela ( les branches = manche de cognée),
qui vient de moi, vous ne pourriez pas me faire tomber, »
b 12.5-126. Ag : « Je t'avais élevé à la première dignité de l'em-
pire et tu ne t'es pas contenté d'être ingrat: tu as voulu em-
ployer contre ton bienfaiteur la puissance qu'il t'avait donnée I
Des bûcherons se disposaient à couper un arbre ; l'arbre leur
124. R. S. renvoie à Ésope, 91 et 70, Babrius, 2.
126. R. S., p 77-78, lient que cette pensée a inspiré les fables
122, 123 d'Ésope et 38, 143 de Babrius.
127. Cf. c [.e chat et lesoiseaux, > Esope, xiv. R. S., p. 88, renvoie
à Ésope, 16; Babrius, 121.
248 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR XXXIII, 127-129
délie qui tombèrent de leur nid. Un chat» les attrapa et leur
dit : « Si je n'étais pas là, il vous arriverait un grand mal. »
— Ils prirent la parole et lui dirent : « C'est pour cela
que tu nous as mis dans ta gueule "•. »]
128. Tu m'as été comme un chat auquel on dit : « Cesse
de voler, puis entre et sors ^ comme tu veux ^. » Le chat
leur répond : « C'est là mon art, si j'avais des yeux d'ar-
gent, des mains d'or et des pieds de béryl, je n'abandonne-
rais pas mes vols. »
129^. Tu m'as été, ô mon fils, comme un serpent monté
sur un buisson et qui flottait sur le fleuve. Un loup ^je vit et
^ B omet.
2 C ajoute : « chez le roi. »
^ Sic A, C, Arm, NS. — B porte seul : « un lion. »
dit : Si je n'avais pas fourni moi-même le manche de votre co-
gnée, vous ne seriez pas assez forts pour m'abattre. »
a Au lieu d'un chat, Tarménien porte : « une belette. »
h (( Puis entre et sors comme tu veux. » IVS : « Et le roi te
fera faire des rênes d'or et des chaînes d'argent et de perles, et
il te donnera à manger et à boire jusqu'à ce que tu sois rassasié. »
— (( C'est là mon art, » etc. NS : « Je n'abandonnerai jamais
l'art que mon père et ma mère m'ont enseigné. » — Ag porte :
« Tu m'as prouvé que léducation ne peut rien contre un mau-
vais naturel. Je t'ai enseigné la vertu et tu as marché dans le
crime. On disait un jour à un chat : Abstiens-toi de dérober et
nous te ferons un collier d or, et chaque jour nous te donnerons
à manger du sucre et des amandes. — Dérober, répondit le chat,
fut le métier de mon père, comment voulez-vous que j'y re-
nonce ? )) — SI et Arm ressemblent au syriaque.
128. R. S. rapproche celle comparaison de la fable 88 d'Ésope
(et l'«9) ; Babrius, 32 ; Ignat. diac, I, 39.
129 a. R. S. voit ici l'original d'Ésope, 145, et de Babrius, 173.
XXXIII, 129-131 SUITE DE LA SAGKSSE d'ahIKAR 249
dit : « Le mauvais est monté sur le mauvais et un plus
mauvais qu'eux deux les emporte. » Le serpent répondit a à
ce loup : « Et toi, est-ce que tu reconduis les chèvres à
leur maître ^ ? »
[129. Mon fils, j'ai vu une chèvre qu'on a conduite à
l'abattoir, et, comme son temps n'était pas arrivé, elle
retourna chez elle, et elle vit ses petits et les rejetons de
ses petits.]
130. Tu m'as été, mon fils, comme les enfants qui tuent
leur mère ^ b.
131. Mon fils, je t'ai fait goûter tout ce qui est bon, et toi
tu ne m'as pas rassasié de pain poussiéreux; je t'ai oint de
parfums agréables, et toi tu as souillé mon corps de pous-
sière; je t'ai abreuvé de vin vieux, et toi tu ne m'as
même pas abreuvé avec de l'eau en suffisance -^c.
^ C : «... si tu venais ici, tiendrais-tu compte des chèvres et
de leurs petits ?» — D'après un ms. arabe, le loup répond :
« Non, » et le serpent lui dit : « Tu es donc plus mauvais que
nous. » Cf. infra.
2 C : « Mon lîls, j'ai vu des petits tuer leur mère. »
^ La fin manque dans C.
a (kLb serpent répondit,» etc. manque dans Salhani et Arm. —
J ajoute, d'après un manuscrit deLondres: « Le serpent répondit
au loup : Les brebis, les chèvres et les moutons que tu as man-
gés durant toute ta vie, vas-tu les retourner à leurs parents, oui
ou non ? — Le loup dit : Non. — Le (serpent) lui dit : Je pense
qu'après moi-même tu es le plus méchant de nous (tous). »
b Le slave est conforme à C.
c NS : « Mon fils, je t'ai donné des nourritures coûteuses
et bonnes, et tu ne m'as pas seulement rassasié avec le pain de la
faim, mais tu m'as fait mettre sous terre dans une fosse et tu as
machiné une perfidie pour me perdre, » — J : « MonTds, je t'ai
nourri avec une bonne nourriture et tu ne m'as même pas nour-
250
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR XXXIII, 132-134
132. [Mon fils, j'ai grandi ta stature comme un cèdre ;
tu m'as plié durant ma vie et tu m'as abreuvé de ta malice.
433. Mon fils, je t'ai élevé comme une tour et je disais :
« Si mon ennemi vient contre moi, j'y monterai et j'y de-
meurerai ; » — et toi, lorsque tu as vu mon ennemi, tu t'es
incliné devant lui ''a,]
134^ . Tu m'as été, ô mon fils, comme la taupe qui monte
à la surface de la terre pour accuser Dieu qui lui a refusé
la vue, et un aigle vient et l'emporte -b.
1 B omet 132 et 133.
^ C : «... pour recevoir le soleil parce qu'elle n'a pas
d'yeux. »
ri avec du pain sec. — Mon fils, je t'ai donné à boire de l'eau
sucrée et du bon sirop et tu ne m'as même pas donné de l'eau de
source. — Mon fils, je t'ai instruit et je t'ai élevé et tu m'as fait
creuser une cachette et tu m'as enterré. »
a 132-133. NS : «Mon fils, je t'ai élevé et j'ai grandi ta stature
comme (celle d') un cèdre, mais toi, tu m'as enchaîné, tu m'as
courbé et tu m'as jeté vivant dans un tombeau. Je croyais m'être
bâii (en toi) un ch'teau solide et élevé qui me protégerait contre
nos ennemis. » — A renferme aussi ces idées et ajoute à la fin :
« Et tu es venu près de moi pour m'ensevelir dans les profon-
deurs de la terre, mais le Seigneur a eu pitié de moi et m'a déli-
vré de tes ruses. »
b « Dans Arm la taupe conclut qu'elle mènerait une vie
paisible, si elle étaitrestée à sa place. — Cette pensée manque
dans A et NS, qui portent à sa place : (( Mon fils, je t'ai fait tout
134 ». A la surface, litt. : « sur la bouche. »
Qui lui a refusé la vue, lilt. : « à cause de ses j/eux. »
Cf. Ésope, cxix (Les coqs et l'aigle); La Fontaine, I. VII, viii ;
Babrius, V. — R. S. renvoie à Esope, 409 ; Babrius, 115 : Phèdre, II,
6 ; Igaat. diac, u, 40.
XXXIII. 134-135 SUITE DE LA SAGESSE d'ahikar 251
134 ^. Nadan, mon fils, répondit et me dit : « Loin de toi
mon seigneur, d'être de ceux qui n'ont pas de miséricorde.
Agis avec moi selon tes miséricordes. Même si un homme
pèche contre Dien, il hii remet ses péchés, toi aussi par-
donne-n<oi maintenant et je soignerai tes bêtes de somme
ou je paîtrai tes brebis et tes porcs, et on m'appellera un
homme mauvais et toi un homme bon a. »
135. Je lui répondis et lui dis : Mon fils, tu m'as été
comme un palmier qui se trouvait le long du chemin et on
n'y cueilhiit pas de fruit ^. Son maître vint et voulut l'arra-
cher ; ce palmier lui dit : « Laisse-moi une année et je te
donnerni du carthame ^. » — Son maître lui dit : « Malheu-
^ C : « comme un palmier qui était près du fleuve et jetait
tout son fruit dans le fleuve. » — : ^ « comme un palmier qui
ne portait pas de fruit près de l'eau... il lui dit : Mets-moi à une
autre place et, si je ne porte pas de fruits, coupe-moi. — Son
maître lui dit : Lorsque tu es près de l'eau, tu ne portes pas de
fruits, comment en porterais-tu à une autre place?» Ci. supra,
p. 122.
2 C : « des caroubes. »
le bien (possible), et lu t'es acquitté envers moi avec tout le mal
possible. Aussi je veux t'arracher les yeux, t'amputer la langue
et te couper la tête avec l'épée, te rendre tout le mal et te payer
toutes les méchancetés. »
a IS^''. Ag : (( Pardonnez-moi. disait quelquefois Nadan à son
oncle, pardonnez-moi, et je vous promets pour l'avenir une con-
duite irréprochable. Mes torts sont grands, mais rien n'est au-
dessus de votre générosité ; je suis criminel, mais vous êtes
magnanime. Si c'est à moi de faillir, c'est à des hommes tels
que vous qu'il appartient de pardonner. Soyez clément, oubliez
134''. Cf. Luc, XV, 15, 19.
135. Cf. IjUC, xin, 6-9, parabole du figuier qui ne portait pas de
fruits.
252 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR XXXIII, 137-137
reux, tu n'as pas réussi (à produire) ton fruit, comment
réussirais-tu à (en produire) un autre a 1 >,
136. Mon fils, la vieillesse de l'aigle l'emporte sur la jeu-
nesse du vautour ^ b.
137. c Mon fils, s'ils disent au loup : « Éloigne-toi des bre-
bis ; » — il répond : «La poussière (que soulève le troupeau)
est très bonne pour mes yeux. » — Ils lui disent: « Ap-
prends à lire A, B ; » — il répond : « Brebis, chevreau 2. »
1 C omet.
2 Ces deux mots commencent par J et G en syriaque. L'au-
teur n'aura sans doute pas trouvé de mot convenable coramen-
mon crime, et je consens à rentrer dans votre maison comme
le dernier de vos esclaves. Ma vie entière sera consacrée à vous
servir et à réparer mon ingratitude. Confiez-moi les emplois les
plus vils : je me soumets d'avance à toutes les humiliations. »
a 135. Arm commence comme C, mais la fin diffère (la fin de
C est identique à celle de B) : « Mon fils, tu m'as été comme un
palmier qui awill poussé ses rames sur le bord d'une rivière.
Lorsque son fruit mûrissait, il tombait dans la rivière. Le maître
du palmier vint pour l'abattre et le palmier lui dit : Laisse-moi à
cette place (un ms. porte comme le syriaque : pour une année),
et l'année prochaine je pourrai produire des fruits. — Le maître du
palmier dit : Jusqu'à ce jour tu n'as servi à rien, à l'avenir tu ne
peux pas me donner de profit. » — Le slave ne renferme que la
première partie jusqu'à : « l'eau emmenait tout son fruit. » —
Ag est conforme à A^ qui semble avoir conservé la meilleure
leçon. C contient une mauvaise combinaison du commence-
ment de A avec la fin de B.
'>«Du vautour, )) A et Salhani : « du corbeau. »
<^ NS : « Mon fils, on a conduit le loup à l'école pour l'y
136- R. S. (p. 74-75) rapproche de cet apliorisme celui de Démo-
crite : YTipai; )>eôvT(i)v xpetffaov àxuai'wv v£6pà)v. Cf. P. G., t. xci, col. 920.
XXXIII, 138-139 SUITE DE LA SAGESSE d'ahIKAK 258
138. [Mon fils, je t'ai appris que Dieu existe, et toi tu t'es
élevé contre les bons serviteurs et tu les as frappés sans
faute (de leur part) ; de même que Dieu m'a maintenu en
vie à cause de ma justice, il te perdra à cause de tes
œuvres ^.j
139. a Mon fils, ils placèrent la tête de l'àne sur la table 2-
elle roula et tomba à terre et ils dirent : « Elle est irritée
contre elle même, car elle n'a pas accepté l'honneur ^. »
çant par B. — R. S., p. 104, suppose que le second mot était
Taraméen bar/16 peu usité en syriaque, et que la version syriaque
provient donc d'un texte araraéen.
1 B omet 138.
2 C : « dans un plat sur la table. »
^ B ajoute : « mais la colère. » Il faut sans doute entendre : « Us
ont placé un âne en tête de la table et il s'est roulé à terre dans
la poussière. Ils ont dit : Il a montré qu'il n'était pas fait pour
cette place et pour l'honneur, mais pour les coups. »
instruire. Le maître lui dit alors : Dis A ; alors le loup répondit
et dit Agneau. Ensuite le maître lui dit : Dis B ; — alors le loup
dit : Brebis. 11 dit ce qui était dans ses pensées. — Mon fds, on
disait au loup : Kloigne-toi du voisinage et du chemin des brebis,
afin que leur poussière ne tombe pas sur toi. Il répondit : Je ne
m'éloigneraipas, car leur poussière est bonne pour mes yeux. »^
A intervertit ces deux parties aussi bien que SI ; ^ et Si
suivent donc l'ordre de B, C. — Ag et Arm. séparent les deux
parties par un certain nombre d'autres maximes. — Dans A le
loup répond : « Mouton et chèvre dans mon ventre. »
n 139. SI est conforme à C. — ^ porte : «On mit l'âne sur la table, »
138. LcniotyMs^tce traduit sans doute l'hébreu .^edaqah qui signilie
aussi aumône. Cf. Tobio, xiv, 10 (grec), et Introd., page 59.
139. R. S. renvoie à la fable 129 de Babrius (Ésope, 331). Cf.
Ésope, 338 ; Babrius, 125.
254 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR XXXIII, 140142
140. Tu as vérifié le proverbe qui dit : « Celui que tu as
engendré, appelle-le ton fils, et celui que tu as élevé, appelle-
le ton esclave».
141. ^ Mon fils, plus que toute autre parole, tu as vérifié
celle-ci : « Prends le fils de ta sœur sous ton bras et frappe-
le sur la pierre. »
142. ^ Celui qui m'a tenu en vie, mon fils. Dieu qui sait
ce qui a sans Joute conduit Ag à la version transcrite ci-dessus
au n. 114. — Salhani porte : « Mon fils, on plaça la tête de l'âne
sur la table, alors elle tomba sous la table et commença à se l'ou-
1er sur la terre. Puis on dit : Laisse-la se rouler, car sa nature
ne changera pas. »
a SI abrège : ce Mon fils, il a été dit : Celui à qui tu as
donné naissance, appelle-le tonfils, l'étranger est un esclave. » — A
et NS sont à peu près conformes au syriaque. — Ag paraphrase :
« Ne sais-tu pas que l'éducation est un bienfait plus grand que
la vie ? Les sages ont dit : Donne le nom de fils à l'enfant qui te
doit le jour ; mais l'enfant que tu as élevé, tu as le droit de l'ap-
peler ton esclave, parce qu'il te doit plus que l'existence. »
^ NS : « Mon fils, il n'y a rien de plus beau et de meilleur
que cette équitable sentence : Prends le fils de ta sœur, tiens-le
à terre et frappe-le d'une muraille à l'autre. » — Cette pensée
ne se trouve pas dans les autres versions. A et Salhani la rem-
placent par : ft Mon fils, celui qui fait le bien reçoit le bien et il
arrive mal à celui qui fait le mal, car Dieu rend à l'homme selon
ses œuvres. »
<^ A et Salhani : « Mon fils, que te dirais-je sinon encore
141. Ici Démocrite semble d'unaviscoutraire, p. 351-352, n. 184-188 :
« ... il ne me paraît pas utile d'avoir des enfants... l'éducation dea
enfants est chose pénible... celui qui a beaucoup d'argent me paraît
mieux faire en adoptant les fils de ses amis, s Par contre, Ménandre
dit que les fils des frères ne peuvent pas remplacer les frères. Laxid,
t. I, p. 159, lig. 29-30.
XXXIII, 142 SUITE DE LA SAGESSE d'ahIKAR 255
tout et qui rend h chacun selon ses œuvres, celui-là suit et
juge entre moi et toi.
Moi je ne te dis rien ; Dieu te rendra selon tes œuvres *.
1 Voici la fin dans le ms. C : « Mon fils, ce proverbe que l'on
répète est véritable : Prends le fils de ta sœur sous ton bras
et frappe-le sur la pierre ; — mais Dieu qui m'a tenu envie
jugera entre nous.
'( Aussitôt Nadan gonfla comme une outre et mourut; et ce ({u'il
fit bien lui sera rendu en bien, mais ce qu'il fit mal lui sera rendu
en mal, et celui qui creuse une fosse à son prochain la remplira de
son corps. Gloire à Dieu et que ses miséricordes soient sur nous.
Amen !
« Fin des paraboles d'Ahikar le sage et le scribe de Sennaché-
rib, roi d'Assur et de Ninive. »
ces paroles : Dieu sait ce qui est caché et connaît les secrets
et les pièges, aussi il jugera entre toi et moi, il te jugera et te
rendra ce que tu mérites. » — Voici lafin de la version arménienne,
après l'histoire du palmier (135), elle continue : « (26) Mon fils, Dieu
m'a sauvé à cause de mon innocence et t'a perdu à cause de ta
méchanceté (cf. 138). Dieu jugera entre moi et toi (cf. 142), car
la queue du chien lui donne du pain et sa gueule (lui attire) un
coup de bâton (un ms. arménien place cette sentence plus haut
et le syriaque la donne au chap. m, n. 48). — A la même heure,
Nathan se gonfla et son corps creva et je dis : (27) Mon fils,
celui qui fait le bien récolte le bien (voir A et Salh sous 141),
et celui qui a creusé une fosse pour les autres tombe lui-môme
dans la fosse. Le bien finit en bien et le mal en mal. Ici finit Ahi-
kar. » — Le slave est encore plus court ; après 140 vient : « (20)
A la même heure, Anadan mourut. Oui, mes frères, celui qui fait
bien recevra bien et celui qui creuse une fosse pour un autre y
tombera lui-même. Ici finit l'histoire d'Akyrios. Gloire à notre
Dieu pour jamais. Amen. »
256 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAU XXXIV, 1-2
CHAPITRE XXXIV
Mort de Nadan.
6.* Lorsque le jeune Nadan eut entendu cette parole, son
corps gonfla aussitôt et devint comme une outre pleine, et
ses entrailles sortirent de ses lombes.
2. b Sa préoccupation mauvaise l'enflamma, il brûla, des-
sécha, s'afl'aibllt, se perdit cl mourut. Sa fin le conduisit à
la perdition et il tomba dans la géhenne parmi les envieux
et ies orgueilleux, comme il est dit dans le livre des Pro-
verbes et (dans celui) des Psaumes du roi David : Le fils
creusa et pécha et il tomba dans la fosse quil fit, et : Celui
qui fait le malV entasse pour la perdition, ei : Celui qui tend
un piège à son frère y tombera.
^ NS : « Lorsque Nadan entendit ces paroles, il gonfla aus-
sitôt et devint comme une outre, tous ses membres et ses os
s'enflèrent, son côté se déchira et creva. Ainsi il finit et mou-
rut. »
b ISS : « Alors il arriva ce qui est dit dans le livre des Pro-
verbes : Le mal atteint celui qui fait le mal ; celui qui creuse une
fosse à son prochain y tombera lui-même^ et celui qui tend un
piège à S07I proc/iain s y prend. »
J : « Sa fin fut la perdition et il alla en enfer. Car celui qui
creuse une fosse pour son frère y tombe et celui qui tend un
piège y sera pris. Voilà ce qui est arrivé et ce que nous avons
1. Ses entrailles sortirent de seslov^hes.C éiAii la peine de la fem-
me infidèle à son mari. Cf. Nombres, v, 21-22, 27. Il est assez
naturel que l'auteur l'ait appliquée à Nadan, traître à son bienfaiteur.
Cf. aussi la mort de Judas, Malth., xxvii, 5 ; Actes, i, 18.
2. // tcniha dans la fosse. Cf. Ps. vu, 16 ; Prov., xxvi, 27 ;
Kccle., X, 8.
Celui qui tend un piège. Cf. Eccli., xxvii, 29.
XXXV, 1-2 ÉPILOGUE 257
CHAPITRE XXXV
( Épilogue )
1. Ici se termine l'histoire d'Ahikar, le sîiffc et le remar-
quable philosophe qui connaissait les secrets et interpré-
tait les énigmes.
2. Il était d'abord idolâtre et compagnon des mages,
mais, à la fin de sa vie, il crut en Dieu et confessa son nom,
qu'il est le créateur du ciel et de la terre, de la mer et de
l'aride et de tout ce qui est en eux, et qu'il donne l'intel-
ligence et la sagesse à ceux qui l'aiment.
trouvé sur l'histoire de Haikàr ; que Dieu soit loué pour tou-
jours. Amen et paix ! — L'histoire est terminée avec l'aide de
Dieu, qu'il soit glorifié ! Amen, Amen, Amen. »
Voici la fin de F : c( Hicar sortit en plaignant un neveu qu'il
n'avait pas même l'espoir d'amener au repentir. Il fut le revoir
quelques jours après, mais il le trouva mort dans sa prison ;
ainsi cet ingrat délivra la terre de sa fatale existence ; il s'était
pendu par les cheveux à un clou qui tenait aux murs de son ca-
chot. Hicar et Zéfagnie se consolèrent. L'attachement de Sinka-
rib les dédommagea des chagrins que Nadan leur avait donnés.
Le monarque, instruit par les dangers qu'il avait courus sous un
ministre dangereux et méchant, s'adonna entièrement aux affai-
res, se concilia l'amour de ses peuples et l'admiration de ses voi-
sins, » Sic exit.
XXXV. Ce cliapiiro est évidemment une addition d'unscribe pro-
bablement même d'un scrilio chrétien, comme l'indiquent les expres-
sions « péclié mortel », « royaume du ciel », » fcilicité éternelle ». Il
ne se trouve que dans B.
17
258 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAH XXXV, ^
3. Pour vous, chers auditeurs, que le Seigneur garde
vos âmes, qu'il prenne vos imperfections en pitié, qu'il
remette vos péchés et qu'il répande ses miséricordes et ses
bénédictions sur vous et sur vos enfants, qu'il vous arra-
che à toutes les tentations et à toutes les souffrances ainsi
qu'à tous les accidents et aux adversités, qu'il remplisse
vos cœurs de toute sagesse et science, de toute intelligence
et sagesse spirituelle, afin que vous puissiez conserver vos
âmes dans la rectitude et vous éloigner de toute haine, en-
vie et colère ; il vous délivrera de tout péché mortel et,
à la fin, il vous donnera le royaume du ciel en héritage et
vous fera jouir de la félicité éternelle. Amen, Amen.
APPENDICES. I. RÉDACTION GRECQUE 259
APPENDICES
Nous ajoutons ici la traduction des maximes qui ne figurent
pas dans le syriaque et l'arabe et que nous n'avons donc pas
données, ni dans le texte, ni dans les notes. Nous continuons la
numérotation, afin que toutes les maximes forment une seule sé-
rie qui puisse facilement se détacher de l'histoire d'Ahikar,
Nous donnerons entre parenthèses la numérotation de ces maxi-
mes dans l'édition de Cambridge.
I
Maximes de la rédaction grecque.
Toutes sont particulières à cette rédaction et ne se re-
trouvent dans aucune autre, hors 151 (9) et 155 (13) qui se
retrouvent dans l'arménien 16 et 74 (infra n. 158 et 189)
et 153 (11) dans le syriaque 48.
143 (l). ^ Mon fils, avant toutes choses, honore la divi-
nité et respecte le roi. Mén., 229.
1 Avant ceci Rynucius donne trois premières sentences : At
JEsopus illum bénigne tractavit, talibusque monitis studiose coar-
guit : sic aiens :
142 * (16). Fili, verbis meis attendito diligenter ; ac illa penitis-
simo corde teneto,
142 ^ (17). Foris onines sapimus, aliis consilium damus, nobis
ipsis consulerc nequimus. Ménandre, Sent, monost., 46.
142 c (18). Homo cum sis : humanis casibus te siibditum etse
mémento. Mén., 1, 8, 173 ; W, p. 46, lig. 2-7.
1. L'édition de Cambridge ne renferme que quinze maximes gr«c-
260 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR
144 (2). 1 Rends-toi redoutable à les ennemis pour qu'ils
ne te méprisent pas (cf. p. 170,49), sois facile et indulgent
pour tes amis afin qu'ils t'affectionnent de plus en plus.
145 (3). Souhaite à tes ennemis d'être malades et pau-
vres, afin qu'ils ne soient pas en état de te molester. Sou-
haite que tout réussisse à tes amis. Mén., 152, 9.
146 (4). Agis toujours bien avec ta femme ^, de crainte
qu'elle ne cherche à faire l'essni d'un autre homme. Car
les femmes sont naturellement volages et légères, elles
pensent moins au mal quand on les traite avec égard ^.
147 (5). Prête une vive attention à ce qu'on dit, mais
sache rester maître de ta langue *.
1 Avant cette seconde sentence, Rynucius ajoute :
143* (19). Cion sis Iiomo humana curato : quoniain Dciis ulcis-
citur injusios, 1, 14.
143'' (20). Scelus est ultro inferre molestiam , Mén., 9.
143*^ (21). Animo generoso indignos ferto successus. Mén., 13 ;
W., p. 46, 1. 8-11.
2 Rynucius traduit : Uxori frugalia loquere.
' Rynucius traduit : Qiiippe femina cum varia super (sic) ac
mutabilis sit : sibi blanditur : ocius inclinatur ad malum. Cf.
Eccli., IX, 1. Il ajoute ensuite :
140*^ (22). Hominem sœvnm vitare mémento (Mén., 131), [sciens
adversarium illo fortiorem non existere.'\ Les mots entre crochets
manquent dans Rynucius et sont traduits sur l'édition Wester-
mann.
146^ (23). Homo neqiiam, licet ei prospéra succédant : ni/iilo-
minus miser est. Mén., 19.
140*^ (24). Aures quam linguam habeto magis acutas.
* Rynucius porte simplement ici : Linguam compescito. Mén.,
80. Puis il ajoute :
147^ (25). Pauca loquere inter pocula : ubi non sapiens sed
nues; les autres (IG à 35), que nous donnons aux variantes, Ggurent
dans Westcrmann et sont citées en général d'après l'ancienne traduc-
tion latine de Rynucius (Rinuccio d'Arezzo), cf. supra, p. 104.
APPENDICES. I. RÉDACTION GHECQUE 261
148 (6). N'envie pas ceux qui réussissent (Mén., 43), mais
réjouis-toi avec eux. Car, en les enviant, tu causes surtout
du tort à toi-même. Cf. p. 162, n. 23.
149 (7). Prends soin de tes serviti;urs, afin qu'ils ne te
craignent pas seulement comme un maître, mais (ju'ils te
respectent comme un bienfaiteur ^.
150 (8). N'aie point honte d'apprendre toujours de meil-
leures choses.
151 (9). Ne confie jamais à ta femme des secrets impor-
tants (Mén., 355, 301), car toujours elle épie l'occasion de
te dominer. Cf. p. 267, u. 189 ^.
152 (10). Amasse chaque jour quelque chose pour le
lendemain, car il vaut mieux laisser du bien à ses ennemis
qu'avoir besoin de ses amis durant la vie. Cf. p. 173,
n. 61 ; p. 184, n. 94.
153 (11). Reçois honnêtement ceux qui t'abordent, sa-
chant que c'est la queue du chien qui lui gagne son pain ^.
ridiculus quis habetur. Westermann porte, à meilleur droit : In
vino ne vane loquere ut ostendas sapientiam, nam qui loquLtur
sapientiam in tempore non suo, irridetur. Démocrite, p. 355,
n. 229 : 0 Le sage ne doit pas parler avec l'ignorant, ni l'homme
sobre avec les ivrognes. » Cf. p. 159, n. 15.
* Rynucius ajoute :
149* (26). Verecundiam serva ne a ratione décidas. W., p. 47,
lig. 5-6.
2 Rynucius traduit la lin par : qux ut rumorigcrct : sempcr est
armata. Cf. Mén., 86, 129, 130; Eccli., xxv, 29-30 ; xxxiii, 20.
^ Cf. p. 169, n. 46. Rynucius ajoute :
153^ (27). Turpe niiniuni est miserum irridere.
153*^ (28). Quce frugi sunt ea discere ne cesses ac sapientix
intendere.
15.3*^ (29). Cuin quippiam a quopiani capis : id quanwcius red-
dere curato : ut facilius rursurn tibi acconimodetur. W., p. 47,
Hg. 14-17.
262 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR
154(12). Ne te repenspas d'être devenu homme de bien ^.
155 (13). Chasse le médisant de ta maison, car il rendra
compte aux autres de ce que tu dis et de ce que tu fais ^.
156 (14). Fais ce qui ne peut pas te causer de chagrin,
et ne t'attriste pas de ce qui t'arrive ^.
157 (15). Ne donne jamais de mauvais conseils *, etn'imite
pas la conduite des méchants. Mén., 336^.
^ Rynucius traduit : Quibus henefacere cuin potes : haud 19
pigeât. W. porte : Cum henefacere potes. . .
2 Rynucius porte seulement : Hominem maledicentem^ loqua-
cem, susurronemve ab ostio tuo eminus cocrcito.W, est conforme à
Eberhard.
^ Rynucius porte : 155* (30). Dicta factaque tua amicis
tacitis crédita ; ea tamen facias ; quse fecisse postea non te pigeât.
Adversa cum eveniunt : non molesto scd anima quieto feras. W. est
conforme à Eberhard.
* Rynucius seul porte : Imprabis flagitiosisque neutiquam
consulita. Cf. Mén., 24.
^ Rynucius ajoute :
157* (31). Esta hospilalis in liospites peregrinosve : ut, peregre
proficiscens, qui te recipiant liabeas, Mén., 400.
157*^ (32). Sermo bonus contra animi vitia medicus est optinius.
157'^ (33). nie profeclo est beatus qui vero potitur amico.
Mén., 357 ; Eccli., vi, 14.
Westermann porte en plus ici :
157'^ (34). «Bienheureux celui qui peut faire de riches offran- -^
des. ')
157^ (35). Nihil tant absconsum est : quod tempus demum non
ferat in lucem. W., p. 47, lig. 24-48, lig. 5 ; ivién., 459, 11.
Après ces sentences vient :
llis et aliis complurlbus monitts Iinuni Msopus ab se missum
fecit. At Enus illis monitis coercitus conscientiaque compunctus ;
quad falso /JJJsopum capitc accusai>erat : abiens ex loca eminentiori
se prsecipitem dédit : et uti malus maie vitam finiiùt.
APPENDICES. II. VERSION ARMÉNIENNE 263
II :
Maximes de la version arménienne qui ne figurent ni dani
le syriaque ni dans l'arabe ^.
158 (16 ; SI, 21). Mon fils, ne reçois pas celui qui vient
te répéter la parole de ton ennemi, de crainte qu'il n'aille
(lui) répéter la tienne. Cf. p. 262, n. 155.
159(24; SI, 33). Mon fils, ne te tiens pas à l'écart le jour
de ton sacrifice, de crainte que le Seigneur ne prenne pas
plaisir au sacrifice que tu offres *.
160 (27). Mon fils, ne mange pas le pain qui ne t'appar-
tient pas en propre, quand bien même tu serais très affa-
mé.
161 (29). Mon fils, étouffe le mal et extirpe-le de ton
cœur, tu en retireras du bien de Dieu et des hommes et tu
trouveras du secours par la volonté de Dieu.
162(30; cf., SI, 38). Mon fils, si même les montants de
la porte qui conduit au ciel s^élevaient de sept aunes, cour-
be cependant la tête pour entrer ^.
1 Le Slave (n. 333) porte : « Mon fils, ne néglige pas d'aller à
l'église le dimanche. »
* Slave : (( Mon fils, si ta maison est trop haute, abaisse ses
murailles et ensuite entre. »
Appendice II. Un bon nombre des sentences traduites dans cet
appendice ont leurs parallèles dans ce qui précède. Nous les avons
traduites parce que M. Vetter les donne comme nouvelles, ce qui si-
gnifie que leur forme du moins est nouvelle. Cf. supra, p. 95-97.
158. Cf. supra, 155.
159. U.S. renvoieà Eccli., xviii, 22, 23.
160. Cf. p. 162, 23.
264 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAFI
163 (31 ; SI, 39) Mon fils, tu ne dois pas accepter avec
une grande mesure et donner avec uoe petite, puis dire :
J'ai gagné ! car Dieu ne le permet pas, mais il se fâchera et
tu périras par la famine *.
164 (32; SI, 40). Mon fils, tu ne jureras pas à faux pour
qu'il n'y ait pas de diminution à tes jours (de vie) *.
165 (33). Mon fils, obéis à la loi de Dieu et ne crains pas
ensuite le méchant. Car la loi de Dieu est un mur pour les
hommes.
166 (34). Mon fils, ne te réjouis pas du nombre de tes
enfants et ne te trouble pas s'il t'en manque.
167 (35). Mon fils, les enfants et les richesses sontenvoyés
par Dieu; celui qui possède une grande maison deviendra
pauvre, le pauvre deviendra grand, l'humble sera élevé et
l'altier sera humilié.
168 (36 ; Ar, 57 ; SI, 41). Mon fils, même si les poutres de
ta maison étaient élevées, lorsque ton voisin est malade,
ne dis pas : Que dois-je lui envoyer ? Mais va de tes pieds
et vois-le de tes yeux, car cela vaut mieux pour toi que mille
talents d'or et d'argent ^.
169 (37). Mon fils, ne prends pas d'or et d'argent pour une
médisance, car c'est une œuvre qui conduit à la mort et
une chose tout à fait mauvaise. Ne répands pas sans cause
le sang innocent, de crainte que le tien ne soit répandu en
place de celui-ci.
^ Slave : « ... Dieu détruira ta maison. ^)
2 Slave : « Mon fils, ne jure pas par le nom de Dieu, de
crainte que le nombre de tes jours ne soit diminué. »
^ Slave : « Mon fils, va près de l'affligé et réconforte-le avec
(tes) paroles ; car les paroles valent mieux que for et l'argent. »
168. Si les poutres de tomaison étaientélevées, c'eat-k-dire <i situ
€% riche et puissant. »
APPENDICES. II. VERSION ARMENIENNE
265
170 (40). Mon fils, n'épouse pas une veuve, car s'il arrive
n'importe quoi, elle dira : « Ah ! où est mon premier
mari, » et il te faudra t'afTliger ^.
m (46). Mon fils, ne t'appuie pas sur le jour de ta jeu-
nesse, de crainte que ta jeunesse ne te perde.
172 (48). Mon fils, ne te mets pas en colère avec ton adver-
saire devant le juge, afin que tu ne sois pas nommé fou et
inintelligent; mais, s'il te purlc, réponds avec douceur et tu
feras retomber son jugement sur sa tête.
173 (49). Mon fils, si tu demandes du bien à Dieu, com-
mence par accomplir sa volonté dans le jeûne et la prière,
après quoi tes prières recevront leur accomplissement en
bien.
174 (53 ; Ar, 50 ; cf. n. 68 ^p. 175). Mon fils, il est mieux
d'amasser dans la pauvreté que de dissiper dans la richesse.
175 (54; SI, 67?). Mon fils, ne maudis pas ton enfant
avant d'avoir vu sa fin, et ne le méprise pas avant d'avoir vu
l'accomplissement, la sortie et l'issue. Cf. n. 44, p. 169 ^.
176 (55; Ar, 4, 54a; SI, 22, 72). Mon fils, éprouve la
parole dans ton cœur et ensuite produis-la dehors. Car, situ
changes la parole, tu es un flatteur ^.
1 Cette maxime remplace peut-être n. 88, p. 182.
* Slave : « Mon fils, ne loue pas un homme et n'en blârae pas
un autre avant d'avoir étudié la cause ; ne porte ton jugement
qu'après mûre délibération. »
3 Slave : « (22) Mon fils, si quelqu'un te rencontre et t'abor-
de, réponds-lui avec réserve ; une parole inconsidérée pronon-
cée en hâte cause ensuite du regret. (72) Mon fils, si tu veux
dire quelque chose à quelqu'un, ne parle pas immodérément,
175. Cf. Eccli., XI, 30 : c Avant (sa) mort, ne loue aucun homme,
car dans ses fils (Hébreu : dans sa fin) on connaît un homme. >
266
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAU
m (58 ; SI, 74). Mon fils, les paroles et les discours men-
songers sont lourds comme le plomb, mais au bout de
quelques jours ils surnagent sur l'eau comme l'écorce des
arbres ^.
178 (59; SI, 75). Mon fils, confie un petit projet à ton
ami ; puis, quelques jours après, pique-le et offense-le. Si
alors il ne révèle pas ton projet, confie-lui aussi ton grand
projet et conserve-le comme un fidèle ami ^.
179 (60 ; SI, 77). Mon fils, aide ton prochain devant les
rois et les juges, car tu l'arraches ainsi à la vengeance du
lion, et tu en tireras une bonne renommée et de la gloire.
Cf. n. 78, p. 179.
180(61 ; cf. n. 206, p. 270). Mon fils, si ton ennemi vient
à tes pieds, pardonue-lui, souris amicalement en sa pré-
sence et relève-le avec honneur. Cf. n. 25, p. 163.
181 (62). Mon fils, si l'on ne t'a pas appelé, ne va à aucu-
ne réunion 3 et, si l'on ne t'interroge pas, ne donne aucune
réponse.
182. Mon fils, ne marche pas sur un fleuve congelé ou
débordé, de crainte que tu ne meures d'une mort subite.
Cf. n. 83, p. 181.
183 (66). Mon fils, éprouve ton enfant par la faim et
par la soif et, quand il aura grandi, remets tes possessions
en sa main. Cf. n. 53, p. 171 .
mais pèse !a parole dans ton cœur, puis dis ce qui est néces-
saire, car il vaut mieux trébucher du pied que de la langue. »
Cf. n. 63, 70, 71, p. 173 et 176.
^ Slave : « Mon fils, une parole mensongère est d'abord
lourde comme le plomb et ensuite elle flotte sur l'eau. »
2 Le Slave ajoute à la fin : « mais s'il révèle ton projet, tourne-
lui le dos. » Cf. p. 160, n. 17.
3 Cf. p. 280, n. 283.
178. Cf. n. 17 et 53, p. 160 et 171 ; Eccli., vi, 7, 11.
APPENDICES. II. VERSION ARMENIENNE
267
184 (69 ; Ar, 40; SI, 54). Mon fils, j'ai mangé des herbes
amères et j'ai bu du fiel, et le fiel n'était pas plus amer que
la pauvreté ; j'ai élevé en l'air du sel et du plomb, et ce n'était
pas plus lourd que les péchés, car pourrais-je manger et
boire que je n'arriverais pas au repos (un manuscrit ajoute :
jusqu'à ce qu'il ait payé ses péchés) ^. Cf. n. 56, 57, p. 172.
185 (70). Mon fils, si tu es pauvre, ne le laisse pas paraître
au milieu de tes compagnons, de crainte que tu ne sois mé-
prisé d'eux et qu'ils ne prêtent plus attention à tes paroles.
Cf. n. 61, p. 173.
186 (71 ; SI, 56). Mon fils, aime ta chair et ta femme, car
elle t'appartient, elle est la compagne de ta vie et elle
nourrit ton fils avec grandes privations -.
187 (72). Mon fils, si ton maître te fait dire : « Apporte
une colombe cachée dans une mantille, » — ne la lui porte
pas, car il mange la colombe et il ne manque pas de te pu-
nir pour la mantille (souillée).
188 (73 ; SI, 58, 61). Mon fils, la parole d'un sage dite dans
l'ivresse vaut mieux que la parole d'un fou dite sans avoir bu.
Un esclave honorable vaut mieux qu'un homme libre men-
teur. Mieux vaut un ami proche qu'un frère éloigné. Cf. n.
68, 69, p. 173-175.
189 (74; cf. G, 9; SI, 68). Mon fils, ne révèle pas ton
secret à une femme, car elle est faible et d'esprit étroit,
elle révélera ce que tu lui as confié et tu seras méprisé ^.
1 Slave : « Mon fils, j'ai goûté la noix de galle et l'amertume,
et ce n'était pas plus amer que la pauvreté ; le sel et le plomb
semblent être plus légers. »
" Slave : « Mon fils, aime ta femme de tout ton cœur, car elle
est la mère de tes enfants. »
3 Cf. n. 151, p. 2G1. — Slave : « Mon fds, mieux vaut être
186. Cf. Genèse, n, 24 ; Matth., xix, 5 ; Eph., v, 28-31.
268
HISTOIRE ET SAGESSE D AÇIKAR
190 (75; SI, 69). Mon fils, si tu bois du vin, gnrde ta
lano-iie du bavardage; il t'en arrivera du bien et tu seras
appelé sage ^,
191 (76). Mon fils, ne donne pas tes biens sans écrit et
sans témoin. Autrement on reniera cette dette et tu te dé-
soleras.
192 (77 ; Ar, 56 ; SI, 123). Mou fils, ne t'éloigne pas de
ton ami, de crainte de ne pas en trouver un autre, car on
n'aura plus de confiance ni d'amitié envers toi. Cf. n. 76,
p. 179.
193 (78 ; cf. n. 18). Mon fils, aime ton père qui t'a engen-
dré et ne t'attire pas la malédiction de ton père et de ta
mère, afin que tu puisses jouir de la prospérité de tes
enfants. Cf. n. 37, p. 167.
194 (79; SI, 76). Mon fils, il vaut mieux qu'on te vole
tes biens que de trouver chez toi du bien volé.
195» (80^). Mon fils, honore l'honinn; dont Dieu fait pros-
pérer 1. s affaires. Cf. n. 82, p. 181 ; Ar, 20 ; Si, 84 ».
195b (80*^). Et si tu vois un vieillard, lève-toi devant lui
et niontte-lui ton respect 3 (SI, 80).
196 (86). Mon fils, de bonnes actions et une victime sans
tache plaisent à Dieu. Crains en face du déshonneur comme
devant Dieu.
197(87). Mon fils, admettre une mauvaise pensée dans son
cœur, c'est donner occasion à une lutte intérieure (cf. n.72).
couché avec une fièvre ardente que vivre avec une femme per-
verse. Ne tiens pas conseil dans ta maison (c'est-à-dire : en
présence de la femme perverse) et ne lui donne aucune part aux
affaires de ton cœur. » Le Slave se rapproche plutôt des n. 7, 8,
p. 15U-157, et 251, p. 275.
^ Slave : « Mon fils, si tu bois du vin, parle peu. »
2 Slave : « Mon fils, si Dieu a enrichi un homme, ne l'envie
pas, mais respecte-le. »
' Identique à 79^ , p. 180.
APPENDICES. II. VERSION ARMENIENNE
269
La patience est le fondement des actes et l'affermissement
de la foi.
198 (88). Mon fils, ce qui te paraît mauvais, tu ne dois pas
le faire à ton prochain . Ce qui n'est pas tien, tu ne dois
pas le donner aux autres.
199 (89). Mon fils, aime la vérité et haisl'indiscipline etie
mensonge. Prête l'oreille aux ordres de Dieu et n'aie aucu-
ne crainte du mal, car le commandement de Dieu est un
mur pour l'homme.
200 (90) . Mon fils, fuis devant un homme mauvais et devant
un menteur. L'avarice est d'ailleurs la mère de tous les
maux et toutes les calamités naissent de l'effronterie.
201 (92). Mon fils, celui qui a l'esprit miséricordieux est un
brillant soleil ; celui qui tend des embûches a le cœur (rem-
pli) d'épaisses ténèbres ; celui qui a le cœur magnanime
est plein de miséricorde ; celui qui est avare, même s'il
possède quelque chose, a l'esprit obtus.
202 (93)1. Mon fils, n'entre pas dans la demeure d'un
ivrogne et, si tu y es entré, n'y reste pas, sinon tu perdras
ton caractère.
203 (94). Mon fils, ne méprise pas ton prochain ni de loin
ni de près, car de mauvaises paroles trouveront vite le che-
min vers leur maître et il s'ensuivra des luttes "'.
204 (95). Mon fils, Dieu a commandé le vin pour causer
la joie. Mais, dans la demeure de l'impureté et dans toute
demeure mauvaise et mal tenue, il vaut mieux boire du
limon que du vin.
1 Nous avons déjà dit que les maximes 202-209 (93-100) ne se
trouvent que dans un manuscrit moderne.
2 Cf. p. 273, n. 238.
198. Cf. Tobie, iv, 16 ; Mattli., vu, 12 ; Luc, vi, 31. Dans les Apo-
phtegmes : Dicchat quidam Patrum ; quidqiiid haies odio, alii ne
facias. P. L., t. lxxiii, col. 10.39. Inira, p. 280, n. 284.
270 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR
205 (96). Mon fils, un homme ivre pense clans son cœur :
Je suis sage et fort et, tout ce que je dis, je le dis avec sages-
se. Il ne sait pas que s'il vient à rencontrer un homme cou-
rageux, celui-cin'aura qu'à le toucher pour le jeter à terre.
206 (97 ; cf. p. 266, n. 180). Mon fils, si tu vois tomber
ton ennemi, aie compassion de lui, car tu lui feras plaisir.
Si au contraire tu t'en moques, dès qu'il se sera relevé,
il te le fera expier. Cf. n. 79, p. 180.
207 (98). Mon fils, un ivrogne croit que la terre oscille ;
il ne remarque pas en marchant que sa tête est brouillée.
Comme latene est la mère de tous les fruits, ainsi le vin
est la source de tous les maux ; il occasionne des maladies
qui épuisent de toute manière ainsi que l'homicide impi-
toyable ; il rend l'homme insensé et lui fait changer sa ma-
nière d'être contre celle des animaux privés de raison.
208 (99). Mon fils, évite de te porter caution ; car, si tu
le fais, l'autre croira que tu dois payer de ta bourse — et
pas seulement de ta bourse, car il t'arrachera jusqu'à la
barbe.
209 (100). Mon fils, ne dis pas de mensonge, car, si l'on
te surprend une fois à mentir, on te prendra encore pour un
menteur et on ne te croira pas lorsque tu diras la vérité.
III
Maximes de la version slave qui ne figurent ni dans
le syriaque ni dans l'arabe ni dans l'arménien.
210 (5). Mon fils, ne sois pas dur comme les os de
l'homme, ni mou comme une éponge.
211 (16). Mon fils, même si ton ami t'enviait ou te blâ-
mait, accueille-le avec le pain et le vin.
208. Cf. Prov,, VI, 1-3.
APPENDICES. m. VERSION SLAVE 271
212 (20). Mon fils, ne reçois pas dans ta maison un escla-
ve loquace et voleur, pour qu'il ne dissipe pas ton bien *.
213 (26). Mon fils, si tu es saisi d'une violente colère, ne
prononce aucune parole, de crainle que tu ne sois nommé
insensé.
214 (28). Mon fils, celui qui a une humble origine est
méprisé de tous ^.
215 (36). Mon fils, si ton corps n'a pas faim, ne mange pas
de pain, pour que tu ne paraisses pas gourmand.
216 (44). Mon fils, si tu écoutes un homme sage, c'est
comme si tu te rafraîchissais avec de l'eau fraîche lorsque
tu as soif par un jour (de chaleui") ^.
217 (48). Mon fils, ne souhaite pas fouler ton voisin aux
pieds pour qu'il ne te rende pas la pareille.
218 (53). Mon fils, n'accepte aucune récompense pour
aller en témoignage, car la récompense aveugle les juges.
219 (57). Mon fils, s'il n'y a pas de motif pour cela dans
ta maison, ne fais pas de scandale pour ne pas t'afl^îcher aux
yeux du voisin.
220 (60). Mon fils, il est meilleur pour une femme de
perdre son fils par la mort que de nourrir un étranger ; car
le bien qu'elle lui fait, il le lui rend en mal.
221 i^Q)- Mon fils, si tu invites un ami à un repas, va au-
devant de lui avec une figure joyeuse pour qu'il entre lui
aussi avec bonne disposition. Si tu donnes un dîner, ne va
pas au-devant de ton ami avec un visage sombre, pour que
ton repas ne te cause pas de tort en te faisant connaître
comme un homme mauvais ^.
222 (70). Mon fils, ne te moque pas d'un homme inintelli-
gentni d'un homme sourd, car ce sont des créatures de Dieu.
1 Cf. p. 16G, n. 35.
a Cf. infra, n. 250.
3 Cf. p. 179, n. 282. Cf. p. 170, n. 50
i Cf. infra, n. 225, 226.
272 HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR
223(71). Mon fils, ne cherche pas à diminuer une parole
importante de ton maître ni à augmenter une parole de
peu d'importance. Cf. n. 72, p. 177.
224 (78). Mon fils, si tu pars en voyage, ne compte pas
sur le pain étranger, mais prends ton propre pain avec toi ;
si tu n'en as pas et que tu te mettes cependant en chemin,
tu encourras des reproches ^.
225 (81). INIon fils, si tu as invité quelqu'un à une fête, ne
l'ennuie pas pour autre chose afin de ne pas passer pour
un trompeur.
226(83). Mon fils, si tu es invité chez * ton voisin, ne vi-
site pas sa chambre jusque dans les coins, car ce n'est pas
bien.
227 (85). Mon fils, si tu entres dans une maison en deuil,
ne parle pas de mets et de boisson ; mais si tu vas dans
une maison joyeuse, n'y porte pas la tristesse ^.
228(87). Mon fils, si tu te revêtsd'unnouveljiabit, conduis-
toi décemment et n'envie pas un autre homme qui a aussi
quelque chose. Celui qui a un brillant habit doit avoir une
parole digne de respect *.
229 (88). Mon fils, si tu possèdes quelque chose ou rien
ne t'en fais pas souci; quel avantage t'apporterait le souci?
230 (89). Mon fils, si tu possèdes quelque chose, ne te
laisse pas tourmenter par la faim ou la soif. Si tu meurs,
un autre prendra de l'agrément avec ton bien et tu te seras
privé en vain.
^Infra, p. 279, n. 281.
2 Cf. supra, n. 221.
3 Cf. p. 279, n. 279.
* Cf. p. 182, n. 89.
229. Cf. Eccle., iv, 6.
230. Cf. Eccle., iv, 7-8 ; vi, 1-4.
APPENDICES. III. VERSION SLAVE 273
231 (90). Mon fils, si un pauvre vole quelque chose,
prends-le en pitié.
232 (93). Mon fils, si ton voisin se montre hostile à ton
égard, ne cesse pas d'allerà sa rencontre avec bienveillance *,
afin qu'il ne fasse pas de projet contre toi sans que tu le
saches.
233 (94). Mon fils, si un homme qui t'est hostile veut te
faire du bien, n'aie pas confiance trop vite de crainte qu'il
ne te trompe et n'assouvisse sa haine contre toi.
234(95). Mon fils, si quelqu'un est puni pour une faute, ne
dis pas qu'il a été puni sans motif, afin que tu ne tombes
pas sous la même punition.
235 2(97). Que la crainte de Dieu te soit le premier axio-
me. Ensuite sois prompt à écouter et circonspect pour répon-
dre ^. Sois patient dans la colère.
236 (98). Mon fils Anadan, si ton maître te dit ; «Viens, »
ne t'en réjouis pas, et s'il te dit : « Eloigne-toi de moi, »
ne t'en fais pas souci.
237(99). Mon fils Anadan, ne sois pas ivrogne, mieux vaut
un lunatique qu'un homme adonné à la boisson; car le luna-
tique n'entre en fureur qu'à la nouvelle lune, tandis que
l'autre ne cesse pas '^.
238 (100). Mon fils Anadan, situ esassis près de quelqu'un
à un repas, ne pense pas de mal de ton ami pour que le pain
ne devienne pas amer dans ta bouche ^.
239 (101). Mon fils Anadan, lorsqu'on se met h table, ne te
iGf. p. 278, n. 271.
2 Nous rappelons que les sentences suivantes (97-123) ne se
trouvaient que dans deux manuscrits duxv*= siècle, d'origine sud-
slave. Elles figurent donc entre crochets dans la traduction de
M. Jagic et dans celle de l'édition de Cambridge (p. 9).
8 Cf. p. 158, n. 10.
* Cf. p. 270, n. 207.
6 Cf. p. 200, n. 203.
18
274
HISTOIRE ET SAGESSE D ÂHIKAR
presse pas en avant de crainte d'être repoussé ^ et ne reste
pas en arrière pour ne pas être oublié.
240 (102). Mon fils Aoadan, s'ilt'arriveun chagrin, appelle
un homme sage pour te consoler, car un esprit troublé ne
peut donner aucune parole claire.
241 (103). Mon fils, il est plus facile de fournir une lon-
gue course sur un cheval sans selle que d'obtenir grâce
d'un chef inintelligent ^.
242 (104) Mon fils, si tu prends soin du corps mortel et
que tu négliges l'âme, tu ressembles à l'homme qui né-
glige une noble femme et qui prend soin d'une servante.
243(105). Mon fils Anadan, si tu recherches le temporel et
négliges le céleste, tu ressembles à l'homme qui a peint le
laboureur sur la muraille, au lieu de l'avoir pour lui labou-
rer la campagne et lui apporter des fruits.
244 (106). Mon fils Anadan, si nous vivions cent ans et
encore plus, ce serait cependant comme un jour.
245 (107). Mon fils Anadan, autant il est douloureux de
voir un brave homme tomber mort de son cheval, autant
il est pénible de voir un méchant esprit dans un bon corps.
246 (107). Mon fils Anadan, un juste juge peut être com-
paré à un bon crible : de même qu'un bon crible sépare les
paillettes des grains, ainsi le juste juge sépare le bon droit
de linjustice.
247 (109). Mon fils Anadan, veux-tu avoir une nombreuse
suite près de toi, aie une langue douce et des mains libé-
rales. Cf. n.48, p. 169.
248 (110). Mon fils Anadan, il vaut mieux vivre dans une
hutte en homme juste que dans un palais en criminel.
249 (111). Mon fils Anadan, que ton esprit ne cesse pas
d'avoir recours auxlivres, car ondit : « Commeun échalier ne
1 Cf. p. 279, n. 276.
« Cf. p. 180, n. 80.
APPENDICES. Iir. VERSION SLAVE 275
peut pas résister au vent sans appui, ainsi l'homme ne
peut pas sans livres conserver la sagesse jusqu'à la vieil-
lesse. »
250 (112). Mon fils Anadan, voici ce qui se passe dans le
monde : un homme pauvre prononce de sages paroles,
personne ne l'écoute, mais on dit : C'est un sot et il dit des
sottises. Si c'est un homme riche on l'écoute, même s'il
dit des extravagances, on dit : Ecoutez, c'est un prince (un
boyard)qui parle; — on le tient pour sage à cause de ses
richesses^.
251 (113). Mon fils Anadan, ne te fie pas à une mauvaise
femme, du miel sort de sa bouche, mais c'est ensuite du
fiel amer et vénéneux ^. Songe, mon fils, à la femme de
Samson qui a enlevé à son mari les cheveux et les yeux et
qui l'a vendu à ses ennemis; dans sa douleur, il fit tomber
la maison sur lui-même et fit périr amis et ennemis.
252 (114), Mon fils Anadan, la prévoyance vaut mieux que
l'imprévoyance (?).
253 (115). Mon fils Anadan, si un cadavre gît le long du che-
min sans être habillé, ne l'habille pas, et, s'il est habillé,
ne le dépouille pas. Cf. n. 4, p. 156.
254(116). Mon fils Anadan, mon àme s'accommode de tout,
il n'y a que trois choses qu'elle ne peut supporter : 1" Un
traître ; celui qui est traître l'est envers Dieu, ses parents,
son maître, son ami et sa femme ; 2° Un homme pauvre
qui est arrogant. Pourquoi est-il orgueilleux ? Sur quoi
compte-t-il ? 3*^ Un homme qui ne témoigne aucun respect
à son maître. Ton maître serait-il un chat que tu devrais
1 Cf. n. 22, p. 161, et supra, n. 214,
2 Cf. n. 7, 8, p. 156-157 et n. 189, p. 267.
249. Cf. EccH., xxn, 18.
251. Juges, XVI.
276 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR
lui peigner la barbe, car celui qui tient la tête par en haut
peut la tourner comme il veut.
255 (117). Mon fils Anadan, ce qui est amassé injustement
se perd vite.
256 ( 1 18) . Mon fils Anadan , de même que la terre abandonne
bientôt l'eau (se dessèche vite) , ainsi ne garde pas près de
toi un calomniateur.
257 (119). Mon fils Anadan, éloigne tes mains du vol, ta
bouche du mensonge ^ et ton corps de l'impureté ; par-des-
sus tout, garde-toi d'une femme mariée ^.
258(120). Mon fils Anadan, situ pries Dieu pour quelque
chose, n'oublie pas de consoler les affligés, de revêtir les
déguenillés, de nourrir les affamés, de rafraîchir ceux qui
ont soif, de réconforter les malheureux avec de bonnes et
douces paroles. Une bonne parole a plus de prix que l'ar-
gent et que l'or précieux^.
259 (121). Mon fils Anadan, ne cours pas après le bien
étranger, dans peu de jours tes propres richesses passe-
ront à d'autres mains. Cf. n, 23, p. 162.
260 (122). Mon fils Anadan, il est meilleur pour l'homme
de se rassasier en paix d'herbes fades mangées avec plaisir et
joie, dans la gaîté et les rires, que de toutes les sucreries
avec mécontentement, querelles, tristesse et soucis.
261 (124). Mon fils, ceque jet'aienseigné, reçois-le de tout
cœur et rends-moi du tien et du mien avec surcroît.
1 Cf. n. 87, p. 182.
2 Cf. n. 88, p. 182 el n. 170, p. 265.
5 C'est une paraphrase de Slave 41 ou Arménien 36 (cf. supra,
p. 264, n. 168).
260. Cf. Eccle. , iv, 6.
APPENDICES. IV. VEflSIOM liOLMAlNE 277
IV
Maximes de la version roumaine auxquelles M. Gaster n a
pas trouvé de parallèles dans la version slave.
262 (1). Mon fils, n'entre pas en affaire avec le puissant,
n'acquiers rien de lui ; n'acquiers pas des biens volés,
parce que tes propres biens périraient avec ceux-ci.
263 (3). Mon fils Anadan, si tu sers un mauvais maître,
ne va pas lui dire qu'il est mauvais et (croire) qu'il t'en saura
gré, mais fais ce qu'il t'ordonne ^.
264 (4). Mon fils, ne parle pas en présence de ton maître,
car tu te tromperas et il te haïra ^.
265 (7). jNIon fils, si tu as atteint une haute position, incline-
toi devant chacun, afin qu'avec ta sagesse tu puisses avoir
une plus haute place encore •^.
266 (9). Mon fils Anadan, quoi que tu veuilles obtenir de
Dieu, prie continuellement, alin que Dieu te l'accorde en son
temps ^.
267 (12). Mon fils, écoute l'homme sage, quand même
il serait pauvre, parce que telle est la voie de Dieu : un
jour il donne à l'un et l'autre jour à un autre.
268 (13). Aussi longtemps que tu vivras, garde-toi de
1 Cf. n. 4i, 42, 43, p. 168.
2 Analogue au n. il.
3 Cf. n. 48, p. 169.
* Analogue au n. 173, p. 2G5.
App. IV. The journal ofthe royal ^st«/ic50ci(?<j, 1900, p. 301-319 ;
cf. supra, p. 107.
262. Sur le respect du puissant, cf, n. 52, 74, 77, 83, p. 171, 178,
179, 181.
267. Cl. Eccle., IX, 13-16 ; iv, 13.
278
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR
creuser une fosse pour un autre, parce que tu serais sûr d'y
tomber. Cf. p. 256,
269(18). Mon fils Anadan, si tu parles à ton maître, quêta
bouche soit fermée avec trois serrures — l'une sur ton
cœur, l'autre sur ton esprit et la troisième sur ta bouche
— parce que, dès que tu as parlé, la parole ne peut plus
être rattrapée ni à cheval ni avec des chiens ni avec un
faucon.
270 (19). De nouveau^, mon fils Anadan, honore et sup-
porte le bon et le sage, quand même il ne serait que sage
dans sa route et pas riche.
271 (20). Mon fils Anadan, situ as un méchant voisin, ne
le néglige pas, parce que Dieu t'en saura gré et (le méchant)
ne pourra pas te causfr de préjudice ^.
272 (22). Mon fils, il vaut mieux porter des pierres avec
le sage que banqueter avec un insensé ^.
273 (23).Monfils, honore tes frères ettesamis *, de crointe
qu'ils ne parlent avec déférence en ta présence, mais que
derrière ton dos ils ne te fassent tort et ne te frappent.
274(24). Mon fils, si quelqu'un te jette des pierres, jette-lui
du pain, parce que le pain te reviendra et les pierres retour-
neront à celui qui les a lancées ^.
275 (25). Mon fils, il vaut mieux être battu par le sage
qu'honoré par l'insensé ^.
^ C'est une répétition du n. 267 (12).
2 Analogue au n. 28, p. 164. Cf. n. 232, p. 273.
3 C'est le n. l^p. 159, textuel.
* Cf. p. 260, n.'l44 (lin) et 145 (un); p. 179, n. 78.
5 Cf. p. 165, n. 31, et p. 239, n. 100 ; p. 270, n, 211.
6 C'est le n. 93, p. 184.
269. Sur le silence, cf. n. 2, 3, 41, p. 154-155, 168.
275. Cf. Eccle., VII, 6.
APPENDICES. IV. VERSION ROUMAINE 279
276 (26). Mon fils, si tu t'assieds à la table d'autres gens,
ne t'assieds pas h une haute(plaee), car il viendrad'autres per-
sonnes et des gens de plus haut rang et on te mettra à une
place inférieure ^; mais situ t'assieds à une place inférieure
et que l'on t'ait appelé en haut, alors on ne te remettra
plus en bas.
277 (27). Tu n'inviteras jamais personne à la table d'un
étranoer.
278 (28). Ne reste pas assis trop longtemps 2, mieux vaut
n'être assis qu'un peu et qu'on regrette que tu ne sois pas
resté plus longtemps.
279 (29). Si tu es invité, vas-y proprement habillé, sinon
il vaut mieux que tu restes à ta maison et qu'on regrette
ton absence, plutôt que d'y aller sans être paré, car on
voulait t'honorer et toi tu te couvres de confusion '.
280 (30). Mon fils, ne sors pas sans armes durant la nuit,
parce que tu ne sais pas ce que tu dois rencontrer *.
281(32). Mon fils, ne t'en va pas seul en voyage, et durant
le chemin ne mange pas toutes tes provisions en comptant
sur ton compagnon, car, lorsque tu auras épuisé tes provi-
sions, il ne t'en donnera pas ^.
282 (33). Mon fils, si quelqu'un te donne de bons avis,
écoute-le, car il te sera très utile ; il sera comme l'eau fraî-
che d'une pure fontaine pour l'homme altéré ^.
iCf. n. 239, p. 273.
a Cf. n. 54, p. 171.
3 Cf. n. 227, p. 272.
* Analogue au n. 38, p. 167, surtout à la rédaction C. La ma-
xime roumaine suivante peut n'être qu'une transformation de la
présente. Le Slave porte (27) : « Mon fils, ne sors pas durant la
nuit sans armes, car tu ne sais pas qui tu dois rencontrer. »
" Analogue au n. 224, p. 272.
• Analogue au n. 216, p. 271.
280
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR
283 (34). Mon fils, ne va pas à une table étrangère sans
être invité ^.
284 (35), Ce que tu ne trouves pas bon pour toi, ne le fais
pas aux autres ^.
285 (36). Mon fils Anadan, prends garde à la gueule du
sac et non au fond, parce que le fond est aussi la fin (ne se
présente qu'en dernier lieu).
1 Analogue au n. 181, p. 266. Cf. n. 277.
» Gomme le n. 198, p. 269.
ADDITIONS
Depuis que le présent ouvrage est à l'impression (février
1908) nous avons pu consulter de nouveaux manuscrits sy-
riaques et arabes de VHistoire d'Ahikar et surtout les papy-
rus araméens du v" siècle avant notre ère conservés à Ber-
lin. Nous nous proposons de les faire connaître dans les
notes suivantes :
I
Nouveaux manuscrits syriaques.
1** Au retour du congrès des orientalistes de Copenha-
gue, nous avons transcrit à Berlin le manuscrit Sachau 162
du XV® siècle signalé plus haut, p. 81, iv. Il appartient à
la famille 6*, L, car il emploie souvent les mêmes mots.
Il n'est donc pas traduit de l'arabe. Il tst remarquable
dès lors qu'il écrit partout Hikar au lieu d'Ahikar. Cette
forme Hikar, qui se trouve dans tous les manuscrits arabes
et arméniens provient donc peut-être d'un manuscrit sy-
riaque défectueux. En voici le commencement : « Avec
l'aide de Dieu, nous écrivons l'histoire de Hikar, le scribe,
et ses belles sentences ^.
« Durant les années de Sennachérib, roi d'Assur et de
Ninive, j'étais, moi Hikar, scribe du roi. Il me fut dit en
songe que je n'aurais pas de fils, mais que j'acquerrais de
grandes richesses. Je pris soixante femmes, et à l'âge de
soixante ans, je n'avais de fils d'aucune d'elles. Alors, je
me construisis un grand autel... »
1. Il faut noter que le même mot matlê désigne en syriaque les
sentences d'Al>ikar et les fables d'Ésope.
282
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR
Ce manuscrit, comme C, L, omet le recours aux idoles
et renferme les maximes : 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13,
17, 15, 16, 19, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 32, 33, 34, 35,
37, 38, 39, 40, 41, 43, 44, 48, 49, 51, 53, 54, 55, 56, 57,
59, 62, 64, m, 67, 68, 69, 70, 71, 73, 74, 75, 79 t, 87, 88,
89, 45, 93, 78, 84. Puis le scribe s'est arrêté au folio 92
et a transcrit un autre sujet au folio 92 ^ .
2° Mgr Scher, archevêque chaldéen de Séert, a bien vou-
lu nous procurer une copie d'un manuscrit du Turkestan,
Nous désignerons cette copie, qui appartient maintenant à
Mgr Graffin,par les lettres Gr. Elle se rattache aussi au
groupe C, L, mais offre la particularité intéressante de por-
ter au commencement comme Z?, le recours aux idoles
(I, 3) avant le recours au vrai Dieu (I, 4). Déplus — mieux
encore que le ms, B — elle porte Sarhédom dans tous les
endroits où les scribes ont introduit h tort le nom de Sen-
nachérib. Il est donc certain maintenant que l'anachro-
nisme du ms. 6'(Sennachéribpour Sarhédom) n'existait pas
dans la rédaction originale. Le discours indirect est aussi
mélangé parfois au discours direct. Voici le commence-
ment qui diffère assez des autres manuscrits:
Gr : « Histoire d'Ahikar le sage, qui servit Sennachérib
et Sarhédom, rois assyriens.
Chapitre premier de l'histoire d'Ahikar.
« 1. Il y avait donc — dans les jours de Sennachérib et
de Sarhédom, rois d'Assur et de Ninive — un homme, nom-
mé Ahikar, juif, sage, écrivain, scribe et mobed^ de rois
célèbres, au service desquels il se dévouait constamment.
Lorsque Sennachérib, roi d'Assur, mourut 2, alors moi,
1, Mot persan; désigue souvent les prêtres.
2. Le manuscrit porte ici « l'an 679 avant le Messie, » et le trans-
ADDITIONS
283
Ahikar, j'étais encore très jeune. Je servis aussi Sarhédoni,
fils du roi Sennachérib. Alors, les devins et tous les astro-
nomes me dirent : «Tu auras un fils, qui héritera de tous tes
« biens. »
«2. Quand ils m'eurent dit cela, j'épousai soixante
femmes, je leur achetai soixante palais, vastes et très
beaux et, lorsque j'arrivai h l'âge de soixante ans, je n'avais
pas d'enfants.
a 3. Alors moi, Ahikar, j'allai offrir des sacrifices aux
dieux, je leur brûlai des aromates et des parfums et je leur
dis : 0 dieux ! donnez-moi un fils qui vous serve, afin que
je me réjouisse en lui et qu'il hérite de moi à ma mort —
car nombreux étaient les biens que j'avais acquis. — Les
idoles ne me répondirent absolument en rien et (Ahikar)
retourna du temple des idoles à sa maison plein de confu-
sion et de douleur.
« 4. Il commença à invoquer et à prier le Seigneur d'un
cœur contrit et à dire : O Dieu du ciel et de la terre, ô Créa-
teur des créatures, vois mes larmes et accueille ma prière,
donne-moi un fils...»
L'histoire est complète et l'on trouve aux chapitres ni et
xxxiii les maximes et les comparaisons suivantes : 1, 2, 3,
4, 8, 10, 11, 16, 13, 26, 28, 29, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38,
39a, 50, 51, 53, 54, 55, 56, 57, 59, 62, 64, 65, 66, 67, 68,
69, 70, 71, 72, 73, 79, 87, 88, 89, 90, 91, 45, 93, 15, 19,
22, 23,24, 25, 76, 77,78, 79, 80, 81,61, 39i>, 40, 41, 43,
44, 45, 47, 48, 49, 82, 83, 84, 85,86, 96, 97, 98, 100, 99,
101, 102, 103, 104, 105, 106, 108, 113, 114, 118, 120,
128, 131, 132, 133, 134 b, 136, 137, 140, 141, 142.
Comme nous l'avons déjà dit, c'est la rédaction C, L
(et non la rédaction H) qui se retrouve dans ce manus-
crit. Il y a de nombreuses interversions, une maxime nou-
cripleur a mis ces mois entre crochets et a ajouté en marge : « Dans
un manuscrit ce n'est pas ainsi. » C'est en effet une addition.
284
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR
velle (entre 4 et 8) : « Mon fils, les paroles qui ne sont pas
tiennes, que tes lèvres ne les laissent pas échapper; » et une
comparaison nouvelle (entre 137 et 140) : « Mon fils, tout
le temps que je t'ai instruit, je t'ai dit que Dieu est un prin-
ce juste et un juge intègre : à ceux qui font le bien, il rend
le bien ; à ceux qui font le mal, il rend le mal et il impose
des tourments dans la géhenne ; comme il n'y a pas d'au-
tre prince que Dieu entre moi et toi, il te rendra ce que tu
mérites. » On ne reconnaît o-uère ici la comparaison 138.
Les Parlhes ne figurent nulle part dans ce manuscrit.
On lit seulement qu'Ahikar recommanda à sa femme « de
préparer de la nourriture sur des tables (patou/'é) de tout
genre et de donner du vin bon et vieux à tous les servi-
teurs du roi et aux spicula tores. » Est-ce le mot « tables »
[patouré) qui est devenu « Parthes » {partouié) ou vice ver-
sa ?
La montagne de Sis est appelée ici « de Sohou ; » le roi
de Perse et d'Elam est « Akis bar Semahlitn ; » le servi-
teur que l'on met à mort se nomme Médiafar, et Esfagni, en
deux endroits, est appelée Esfegâ.
La comparaison 135 (palmier qui ne porte pas de fruits)
manque ; par contre, la réponse du loup auquel l'on veut
faire dire A, B, G^, contient bien trois mots commençant
par ces trois lettres à savoir Amra ou Gedaia Becarsi,
« Agneau et Chevreau dans mon ventre 2. »
3o M. E. W. Brooks nous a adressé la collation du
fragment contenu dans le manuscrit Or. 2313 (cf. supra,
page 81, v). C'est en somme le texte 6", les variantes mon-
1. Ce sont les trois premières lettres des alphabets sémitiques
(Alef, Bêt, Gimel).
2. On trouve la même idée dans l'arabe {supra, p. 252-253, fin de
la note c), mais les mots « mouton » et « chèvre » commencent en
arabe par hé et djim. Cette traduction n'a pas conservé le parallélisme
des lettres.
ADDITIONS 285
trent seulement qu'un manuscrit n'a pas été copié sur l'au-
tre.
En résumé, le ms. B reste isolé ; les fragments Sachau
162 et Or. 2313 ajoutent fort peu aux manuscrits C, L, ; le
manuscrit Gr par contre, bien que de la famille C, L, est
le plus important, car il est seul de cette famille à avoir
conservé certains traits de l'original (recours aux idoles,
mention de Sarhédom) que l'on trouve aussi dans B.
4" M. Rendel Harris a bien voulu nous apprendre direc-
tement, et aussi par l'intermédiaire de M™" D. Gibson,
que les copies des manuscrits d'Ourmiah (cf. supra, p. 81,
vn-ix) ne sont plus en sa possession et se trouvent très pro-
bablement à Harward University, aux Etats-Unis^ avec ses
autres manuscrits syriaques, mais ces copies, nous a-t-il
écrit, n'ont pas d'importance pour la critique du texte sy-
riacjue. Cela signifie peut-être qu'elles ne sont pas de la
famille du manuscrit C.
286 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR
II
Les manuscrits arabes de Paris.
Ces denx manuscrits (n. 3^57 et 3656, cf. supra, p. 88,
5" et 12°) renferment en somme, avec diverses omissions,
le texte édité par M*"® Smith Lewis et désigné plus haut
par la lettre A. Pour que leur contenu ne prête plus à
aucune amljiguïté, nous avons demandé à M. l'abbé Leroy,
professeur aux Facultés catholiques d'Angers, d'en pré-
parer une édition pour la Reflue de r Orient chrétien
(1908, n. 4, et 1909) et nous empruntons à son manuscrit
les matériaux de la présente note :
Voici le commencement :
« Au nom du Dieu clément, miséricordieux, vivant, éter-
nel, sans fin, à qui nous recourons — nous commençons,
par la grâce du Dieu Très Haut, par sa faveur excellente
et sous sa direction, à écrire l'histoire d'Ahikar le sage, le
philosophe, vizir du roi Sennachérib, et de Nadan son ne-
veu.
(( On rapporte qu'il y avait au temps de Sennachérib,
roi d'Assur et de Ninive, un homme sage nommé Haïkar.
Il était vizir du roi Sennachérib et son secrétaire. C'était
un homme opulent, qui possédait de grandes richesses. Il
étaitsagace, sage, philosophe, plein de science et d'habileté.
Il avait épousé soixante femmes, pour chacune desquelles
il avait construit un palais, et cependant il n'avait pas d'en-
fant qu'il pût élever. Cela l'affligeait beaucoup, et un cer-
tain jour il rassembla les astrologues, les devins et les
sorciers. 11 leur fit part de sa situation et se plaignit de
sa stérilité. Ils lui répondirent : Va, offre des sacrifices aux
dieux... »
Le récit continue à la troisième personne et se termine
ADDITIONS 287
par : «C'est là ce que nous avons trouvé au sujet de l'histoire
d'Haïkar le sage. Gloire à Dieu pour toujours. Amen. »
Nous avons donc bien là une adaptation arabe d'un récit
sans doute syriaque, et il ne peut être question de fiâre
dériver de ce texte arabe aucune de nos rédactions syria-
ques.
Les manuscrits arabes de Paris renferment les maximes
et allégories que nous avons désignées par les numéros 2,
3, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 16, 17, 19, 20, 22, 23,
24, 25, 82, 29, 30, 31, 32, 33, 72, 73, 74, 79, 80, 87,
93, 83, 88, 91, 96, 97, 98, 111, 113, 114, 110, 118,
119, 122, 123, 128, 129, 131, 132, 133, 134, 135, 136,
137, 139, 140, 142.
Les omissions sont donc nombreuses et, h côté de bon-
nes leçons, on en trouve de franchement mauvaises, par
exemple : « Mon fils, tu es comme le chien qui, ayant froid,
entra dans le poulailler pour se réchauffer. Quand il eut
chaud, il se mit à aboyer contre les poules, mais elles le
frappèrent et le chassèrent de peur d'être mordues par
lui. )) Cf. supra, p. 244, n. 113.
<( Mon fils, on disait au loup : Eloigne-toi des brebis, de
peur que leur fumier ne t'incommode. Il répondit : Le
reste de leur lait est salutaire pour mes yeux. » Cf. supra,
p. 252, n. 137 1.
1. Ajoutons ici que M. E. Nestlé a consigné dans ses Sepiuaginta
Stuclien, t. m, p. 22-27, et t. iv, p. 9-10, Stuttgart, 1899 et 1903, de
nombreuses notes sur le livre de Tobie ; il regrette que la collection
de Kautzsch n'étudie pas les relations qui existent entre ïobie et
Ahikar (p. 22) ; il note (p. 10) que l'article de Margarete Plath, cf.
supra, p. 20, note 2 (il écrit Magareth), est d'une « weibliche Feder. >
288
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR
III
Les papyrus araméens d'Ahikar du V^ siècle
avant notre ère.
Ces papyrus ont été découverts par la mission allemande
à Eléphantine, en même temps que la requête des prêtres
juifs à Bagohi, gouverneur de Judée, dittée de l'jin 14 de
Darius II (408-407 avant notre ère) et déjà éditée par M, Sa-
chau ^. Nous avons pu les voir exposés à Berlin, au nou-
veau Musée, sous les numéros 63 et 64 ^. Ce sont des frag-
ments d'un rouleau littéraire, de 32 à 33 centimètres
de haut; l'écriture, presque identique à celle de la requête
des prêtres juifs, est perpendiculaire aux fibres du papyrus.
Le numéro 63 contient les restes de trois colonnes que
nous numéroterons 1,2, 3, de droite à gauche ; la colonne
1 compte dix-sept lignes, les colonnes 2 et 3 en comptent
quinze. Ces deux dernières colonnes se suivent sans inter-
ruption.
Le numéro 64 contient les restes d'une colonne de quinze
lignes. Il a été reconstitué à l'aide de vingt à vingt-cinq
morceaux ^.
1. Cf. Drei aramaïsche Papyrusurkundem ans Eléphantine, von-
E. Sachau, Berlin, 1908 (Extrait des comptes-rendus de 1907 de
l'Académie des sciences de Berlin).
2. Nous les avons déjà fait connaître dans la Revue du Clergé fran-
çais, 1er nov. 1908, p. 306-307.
3. Voici la description manuscrite qui figure dans la salle d'expo-
«ition :
c Ans dem Achihar Roman, n. 63 enthâll dir, Erzàhlung von den
Schicksalen des Achikar untcr den Kônigen Sanherib und Asarhad-
don. — In n. 6i folgen seine Weisheitsspriiche Z. T. im Gewande
der Tierfabel. Litterarische Papyrusrolle des 5 lahrh, v. Chr. »
Déjà M. E. Sachau avait bien voulu nous écrire, à la date du
ADDITIONS 289
Il reste donc quatre colonnes de quinze (ou dix-sept)
lignes plus ou moins mutilées ; d'ailleurs chaque ligne pou-
vait compter de cinquante-cinq à cinquante-huit lettres
(on le voit sur la colonne 2). Ces papyrus correspondent
donc h moins du sixième de la version syriaque.
Ahikar est mentionné au moins six fois (col. 1, lignes 14
et 15; col. 2, lignes 7 et 14 ; col. 3, lignes 6 et 13). Ce
nom est écrit exactement comme en syriaque, Ahikar parle
aussi à la première personne : « Moi, je suis Ahikor, celui
qui... » col. 1; « le roi Sennachérib m'a aimé... » col. 2,
etc. ; il est appelé « père d'Assur », col. 2 (cL s^npra^
p. 195, n. 2).
Enfin, on trouve bien Sennachérib ^ d'abord et Asarhad-
don (Sarhédom) pins loin '-. Les papyrus ne portent donc
pas le grossier anachronisme qui dépare tous les manus-
crits de toutes les versions, hors les manuscrits syriaques
B et Gj^ : ils placent Sarhédom après Sennachérib et non
avant.
Les mots « Nabousemak Meskin Kenothi » dont // fait
un seul nom propre ^ [supra, p, 196, note) et que nous
2 juin 1908, que ces papyrus remontaient, à son avis, au vc siècle
avant notre ère et concernaient aussi bien la sagesse que l'histoire
d'Ahikar : « Die Ahikar-Papyri sind nicht dath-t, stammen aber
nacli meiner Ansicht aus derselben Zeit wie die iïbrigen Papyri, d. i.
aus dem 5 lalirhunderl v'or Clir. geb.
« Soweit ich bis j'etzt seke, beziehen sich vier Papyri auf den
crzâlileiiden, fiinf auf den didaktischen Theil. lin Einzelnen ist nnck
i'ieles unsicher. »
1. Appelé « roi d'Assur », flgure col. 2, lignes 2, 3, 7; après ck
ce nom porte ici un alef qui répond à la semi-voyelle i, au début
de irba : Sin-ahi-irba.
2. Mentionné col. 3, lignes 1, 2, 12, 15, sous la forme Asarl.iadon
avec un alef en tête et un autre après le l.i, celui-ci répondant à la
voyelle i, de iddin : Asur-ah-iddin.
3. Il en est de même du manuscrit syriaque Gr.
19
290 HISTOIRE ET SAGESSE d'aHIKAR
avons traduits, avec M. Rendel Harris, par a Nabousemak,
le bourreau, mon ami, » semblent remplacés par i;3DDD1!23
seul. Si notre lecture est bonne, ce mot serait la trans-
cription araméenne exacte du nom très babylonien Na-
bû-snm-iskun, « Nabû a établi un nom )) ou « un fils »,
Ahikar lui demande aussi : « Comme j'ai fait avec toi,
fais aussi avec moi, ne me tue pas. » Cf. supra, p. 200,
3-4.
Le numéro 64 contient des sentences et des allégories
( ou fables d'animaux) , par exemple : « J'ai levé du sable
et j'ai porté du sel et cela ne m'a pas été plus lourd
que ...» cf. p. 172, n. 57-58 ; puis : «J'ai levé de la paille et
j'ai pris le joug (?) et cela ne m'a pas été léger... » « La pan-
thère rencontra la chèvre ^ ... la panthère prit la parole
et dit à la chèvre ... la chèvre dit à la panthère ... tu ne
prendras pas ma peau, car ... »
Au point de vue paléographique : les mots sont séparés
par des espaces blancs, comme cela a lieu dans la requête
des prêtres juifs d'Eléphantine ; de plus, à la fin des ma-
ximes, le scribe passe à la ligne ou met parfois un signe
en forme d'étoile.
Ces papyrus viennent corroborer la plupart de nos
assertions : 1^ Aucune des versions, aucun des manuscrits
n'a conservé fidèlement la légende d'Ahikar, à plus forte
raison aucun d'eux ne peut-il être considéré comme le re-
présentant autorisé de son histoire. Il faut donc distinguer
soigneusement la tradition légendaire de l'histoire primi-
tive qui lui a donné naissance. Cf. supra, p. 116-119. Nous
croyons que les papyrus conservés ne mentionnent pas le
1. ' Enzâ. Ce mot porte ici, comme en assyrien enzu, un noun
après l'aïn. On trouve aussi plus loin fobiû (cf. supra, p. 243, note 4),
qui signifie en araméen « gazelle » ; on trouve ensuite « le cerf x,
'ail. Ct. DalmaD, Aramàisch-neuhebidisches Wôrterbuch, Francfort,
1901, p. 156.
ADDITIONS 291
voyage en Egypte ; cependant il n'est pas impossible qu'ils
renferment déjà certains traits légendaires, caries diverses
rédactions nous montrent que les scribes ont modifié libre-
ment leur modèle : c'est à peine si dans les papyrus on
trouve quelques noms, quelques mots, quelques maximes
de nos versions modernes. La tradition a coulé dans le
moule de l'histoire primitive des matériaux de moindre
valeur, comme une source pétrifiante remplit de carbonate
de chaux toutes les cellules vivantes et parfumées d'une
rose, et les critiques qui voudraient mesurer la personna-
lité d'Ahikar d'après sa seule manifestation légendaire, res-
sembleraient aux chimistes qui voudraient tirer l'essence
de rose de la seule distillation des roses changées en pierre
par la séculaire action des eaux carbonatées.
2" Nous tenons donc toujours qu'au vu* siècle avant
notre ère vivait un homme puissant et sage, tour à tour
favori du roi et proscrit, auteur de maximes morales et
d'allégories ou paraboles. Au v* siècle avant notre ère,
son histoire et ses maximes étaient répandues dans tout le
monde juif, puisque les papyrus araméens trouvés au sud
de l'Egypte, à Éléphantine,sontde cette époque. Démocrite,
dans son voyage à Babylone, y trouvait les maximes et les
traduisait à l'usage des Grecs. Les allégories servaient de
modèle aux fables mises sous le nom d'Esope. Depuis lors,
la tradition a coulé dans le moule primitif toute sorte
d'éléments que nous avons réunis dans le présent ouvrage,
en les faisant précéder de l'exposé des travaux et des
recherches auxquels ils ont déjà prêté.
F. Nau.
Paris, 12 novembre 1908.
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES MATIÈRES ET DES NOMS PROPRES (i)
abeille, 216.
Abestan, 10.
Abikam, 12, 207, 212, 216-219, 232,
Abraham, 128, 130,
absinthe, 172 (56).
Abul-Wafa ibn Fatik, 90, 91, 92.
Acenchérés, 36.
Achior, 7, 49.
Acoris, 36.
Adam, 245.
agneaux, 237, 253, 284.
Agoub (J.), 16, 17, 18, 74, 76, 88, 120
134.
Agur, 14.
Ahihoud, 8.
Ahikam, 12, 216, 217.
Aliikar;analyse du livre, 1-2: nom pro-
pre, passim; ses diverses formes,
7-8.
Al.iià, 13, 188.
Al.iisemak, 11, 197.
aigles, 124, 209, 213, 215, 222-225,
250,252(136).
aiguille, 123, 238.
Aki, 13, iS8, 189.
Akis, 284.
Alexandre le Grand, 66, 90, 182-184.
Aman, 52.
amandier, 158 (10).
âme, 274 (242).
amis, 160 (17), 173 (61), 173 (64), 179
(76), 184 (94), 260 (2), 261 (10),
262 (30, 33), 266 (178), 268 (192),
270 (211), 271 (221), 278 (273).
Ammihoud, 8.
Anaël, frère de Tobie, 8, 11, 24, 50. '
âne, 165, 166 (34), 240 (105), 242,
245, 253, 254.
Angers, 286.
Anne (épouse de Tobie), 11, 56.
anneau d'or, 164 (25), 184 (95), 243,
(109), 245 (115).
année, 227-229.
Aphtonius, 103.
Apophthegmes des Pères, 67, 163,
184, 269.
Arabes, 119, 130, 131.
Aram, 148.
arbres, 121, 167(39), 246(122), 247
(126).
Arestûlâ, 90.
Aristote, 90, 91.
Arphestan, 10.
Asaph, 126, 127, 132, 133.
Asarhaddon, 4, 5, 11, 50, 287, 289.
Asnafar, 13.
Asphenez, 10.
Assémani, 16.
Assur, 5, 145, 146, 147, 190, 195, 211,
222, 225-227, 231, 255, 285, 289.
Assurbanipal, 13, 38.
Assyrie, 17, 190, 195, 204, 205, 221,
229, 232,
astrologues, 285.
aumône, 59,165 (31), 253, 264(168),
274 (247), 276 (258).
avarice, 269 (200-201).
aveugle, 173 (62).
1. Les chiffres en italiques indiquent des pages où l'on trouve
plus qu'une simple mention du nom propre correspondant.
294
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR
Babrius, 30, 31, 111, 115, 120, 121,
124, 125, 238, 241, 242, 245-248,
250, 253.
Babylone, 225, 227, 232, 291.
Bachet de Méziriac, 127, 128.
Bagohi, 288.
Bahira, 69.
bain, 244 (114).
Balaam, 128, 129.
Baliayn, 14.
Bâour, 128.
Bar Bahloul, 72, 214,.
Barsov (E. V.), 17,
Basile (Saint), 90.
Basset (René), 128.
bavardage, 268 (190).
beauté, 156 (6), 174 (65), 183_(92).
Bedjan (P)., 78, 79.
Beit 'Edri, 81.
Bel, 217, 219.
belette, 248.
Bêliar, 13, 234-235.
Belsim, 14, 22, 149, 220.
Berlin, 79, 81, 133, 281, 288.
Bianchini, 50.
Bickell (G.), 17.
Bidpai, 130.
Bilelsanam, 14, 148, 149, 217.
blé, 243 (108 110).
Bochard, 36.
bœuf, 166 (34), 175 (68).
bonté, 169 (48).
Borsippéniens, 47-48.
Bosporéniens, 47, 48.
Bostra, 47.
bouc, 244 (112), 245(116).
boucher, 245 (116).
boucherie, 244 (112).
boulangers, 244.
brebis, 176, 249, 251(134), 252 (137),
253, 286.
Brink (V. ten)., 36.
Brooks (E. W.), 81, 284.
bûcherons, 247.
Budge (W.), 78, 79.
Burton, 15.
Buzurgimihr, 90.
câbles de sable, 229-230.
cadavre, 275 (253).
caroubes, 251.
carthame, 122, 251 (135).
Cassel (P.), 73.
Caton, 103.
Gaussin de Perceval, 10, 15, 88.
cèdre, 250 (132).
cerf, 289.
charançon, 242 (108), 243.
Charlemagne, 28, 32.
chat, 121, 225-227, 248 (127).
château en l'air, 204, 222-225.
chaudron, 243 (109), 245 (115).
Chauvin (Victor), 15, 73, 120.
Chavis et Cazotte, 9, 15, 88.
chêne, 151.
Cherbonneau, 125.
chevaux, 225-227, 239, 240.
chèvre, 169(46), 174(68), 238 (99),
239, 249 (129-130), 253, 289.
chevreau, 252 (137), 284.
chien, 124, 170 (48), 175, 240, 244
(113), 246 (118), 255, 261 (11),
278(269), 286.
Cicéron, 90.
ciel, 263 (162).
Clément d'Alexandrie, 2, 19, 31, 32,
35, 36, 39, 41, 110, 111, 115, 118,
245.
Cléobule, 228.
Cléobuline, 228.
colombe, 267 (187).
Conybeare (F. C), 19, 77, 92, 93.
Copenhague, 281.
coq, 226-227.
Coran, 68-70, 128-133.
corbeau, 124, 180 (80), 246, 252.
CorniU (C. H.), 87, 89-92, 176.
Cosquin (E.). 20, 21, 22,
coups, 165 (32-33), 170 (50), 179
(54), 286 (96).
Crésus, 126.
Croiset (M.), 30, 126.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES
295
Cyrus, 120.
Dabshalim, 12.
Dalman, 289.
Dan, 56.
Daniel, 63-64, 135.
Darius, 287.
Daschian (J.), 25, 67, 93.
Daudet (A.), 21.
David, 90, 129, 130, 132, 256.
Debbora, 56.
Démocrite, 3, 4, 23, 28, 32, 33, 35, 36,
38, 39-41, 46, 90, 110, 111, 115,
118, 127, 135, 156, 160, 165, 169,
170, 173, 174, 180, 245, 252, 254,
291.
dette (créance), 172, 268 (191), 270
(208).
Dieu, son rôle dans Ahikar, 5-6, 155,
162, 163, 167 (38), 180 (81), 181
(82), 203, 220, 228, 239 (100),' 240
(103,104), 241,242(106), 250-251
(134), 253 (138), 254-255, 257, 259
(1), 260 (19), 263 (159, 161), 264
(163, 165, 167), 265 (173), 268
(195, 196), 269 (199, 204), 271
(222), 273 (235), 275 (254), 276
(258), 277(266, 267), 283.
Dillon (E. J.), 19, 21, 109.
dimanche, 263.
Dinarzade, 10.
Diogène, 90-91.
Diogène Laerce, 46, 176.
discorde, 177.
discrétion, 154 (2), 155 (3), 158 (11),
168 (40-41), 176 (70), 177 (72).
disputes, 44, 178.
Doualkifil, 131.
Duval (R.), 73, 90.
Eberhard (A.), 73, 103, 105.
Ecclésiastique, 60-63, 115, 135.
Edrês, 131.
Egypte, 5, 10, 117 190,192, 203-205,
211, 212, 214-232, 234, 289, 291.
Élam, 5, 13,98, 188, 190.
Éléphantine, 287, 289, 291.
Élie, 131,
Éliézer le Grand, 67.
enfants, 125, 161 (19), 165 (32-33),
167 (37, 39), 171 (53), 172 (59),
249 (130), 254 (140-141), 264
(166, 167), 265 (175), 266 (183),
268 (193).
ennemis, 163 (25), 164 (28), 180
(79), 260 (2-3), 261 (10), 263 (158),
266 (179), 270 (206), 273 (233).
Ennos, 8, 30, 149,^91, 210-212, 262.
Éphrem (Mar), 145.
épines, 161.
éponge, 270 (210).
Esfagni, 9-11, 13, 80, 117, 197, 198,
201,212,284.
Esfegâ, 284.
Esmoun, 14.
Ésope, 3, 16, 29, 30, 31, 33, 103, 104,
105, 106, 111, 115, 120, 122, 124,
125, 126, 127, 128, 130, 131, 132,
133, 135, 146, 149, 191, 193, 199
204, 210- 212, 217, 219, 222, 224
225, 227-229, 237, 238, 241, 242,
244, 247, 248, 250, 253, 262, 281,
291.
Esther, 19.
États-Unis, 285.
Ethiopie, 218.
Etienne de Byzance, 47.
Eudoxe, 35.
Eusèbe, 2, 36, 132.
Eustathius, 128.
Ézéchias, 110.
Ézéchiel, 131.
Eznik, 67.
Fabricius, 36, 106, 110, 126, 127.
faucon, 278 (269).
femme querelleuse, 156 (7), 159
(14), 163 (26), — parée et parfu-
mée, 157 (8), 163 (26), — du pro-
chain, 157 (9), — bavarde, 164
(27), 167 (39), — fiançailles, 182
(88), 183 (92), 260 (4), 261
296
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAU
(9), 267 (186, 189), 271 (220),
275 (251),":276 (257).
fer, 172 (57).
fiel, 267 (184).
figuier, 158 (10).
fleuve, 181 (83), 251, 266 (182).
fontaine, 181 (84).
fou, 163.
Frankenberg, 42.
Fridmann_(M.), 109.
Gad,'132.
Galien,'90,';91.
Gange, 236.
garance, 238.
Gaster, 28, 49,';67,'^99,'106-J<?5, 112,
135.
Gaultier (E.),''15-16.
gazelle, 238, 243, 290.
géhenne, 256.
Gibson (D.), 285.
Gildemeister, 91.
Goldberg (B.), 132.
Gottheil (R.), 69.
gourmandise, 271'(215).
Graffin (Mgr), 282.
Grecs, 119, 130, 133,'291.
Grégoire (Saint), 90.
Habicht, 15.
Hagen, 21.
Halévy (J.), 9,^13,^23, 24, 47, 159,
188, 197.
Hamsélim, 13, 188.
Hanley, 15.
Harles, 127.
Harper, 8, 12.
Harward University, 285.
Hasbadana, 10.
Héber, 129.
Héliopolis, 227, 228.
Henning, 15.
Hénoch, 131.
Héraclius, 90.
Herbelot (d'), 128, 130,^131.
Hermès, 90, 91, 197.
Hermippos, 12, 193, 197, 199, 206.
Hérode, 114,
Hérodote, 126.
Heumann, 126, 127.
Hippocrate, 90-91.
Hiram, 204.
hirondelle, 121, 247, 248 (127).
Hochfeld (S.), 132.
Hoffmann (G.), 16, 17, 78.
Hoffmann (S. F. G.), 106.
Honein ibn Isl.iaq, 70, 90, 91, 92.
hospitalité, 262 (31).
Houd, 129.
Houday, 14.
lagic (V.), 17, 20, 98, 99, 106, 109.
idoles (dieux), 147, 148, 149, 183, 206
247 (124), 281, 282, 283.
Ignace le diacre, 238, 248, 250.
impies, 159 (15), 164 (29).
insensés (hommes), 159 (12), 162
(24), 164(30), 166 (36),170 (50-
51), 172 (60), 180 (80), 184 (93,
95), 267 (188), 274 (241), 278
(272, 275).
Isaïe, 131.
Ithiel, 14.
ivrogne, 269 (202), 270 (205,207),
273 (237).
Jacques"d'Édesse, 145.
James, 64, 65.
Jean bar Aphthonia, 80.
Jéroboam, 56.
Jérôme (Saint), 7, 14, 49.
Jérusalem, 129.
Jésus, fils de Sirach, 1, 111.
jeûne, 265 (173).
jeunes gens, 160 (16, 18), 265 (171).
Job, 128.
Johns,l8, 9, 11, 12, 13, 14.
Jonas, 57.
Josèphe (Flavius), 48, 204, 229.
Josippos, 132.
Josua ben Chanania, 66.
Josué, 131.
TABLE ALPHABETIQUE DES MATIERES
297
Judas, 256.
Judée, 288.
juges, 179 (77-78), 265 (172), 266
(179), 271 (218), 274 (246).
justes (hommes), 159 (13), 164 (29),
274 (248)).
justice, 169(47), 177(73), 178 (74),
179 (77-78), 236 (97), 264 (164).
Kai-Kaos, 204.
Kasri, 90.
Kautzsch, 287.
Kersis, 90.
Khoud, 131.
Knunst, 91.
Koch, 25.
Krumbacher, (K.), 103.
Kuhn (E.), 17.
Kurdistan, 282.
La Fontaine, 19, 75-76, 120, 123, 124,
125, 130, 228, 237, 241, 244, 250.
Land (J. P. N.), 42-45, 175, 254.
Landsberger, 132.
langue, 173 (63), 176 (71), 260 (5),
274 (247).
Lazare de Pharbe, 68.
Lefebvre (Gustave), 42.
Leroy (L.) 286.
Lévi (Israël), 183.
Lévy (J.), 113,114,161.
Lewis (A. S.), 19, 77, 286.
Libowitz (N. S), 109.
Lidzbarski (M.), 18, 79, 82, 86, 87, 88,
188, 196, 199, 213, 228.
lion, 123, 175 (68), 179 (78), 240
(105), 242, 247 (124), 248.
livres, 275 (249).
Loqman, 3, 68-72, 91, 92,120,121,
122, 123, 124, 125, 126,127,128,
129, 130, 131, 132, 133, 135, 237.
loup, 123, 169 (46), 237, 241, 246
(118), 248-249 (129), 252 (137),
253, 284, 287.
Lyceros, 127, 146, 191, 204, 206, 219,
222, 225, 227, 232, 233.
Macchabées, 114.
Macmillan, 38.
Mahomet, 69, 129, 130, 132.
Mai", 50.
maison, 263, 264 (168).
maître, 277 (263, 264), 278 (269).
Manassé, 53.
Manéthon, 36.
Manzifar, 13, 200.
Marc (P.), 24.
Marcel (J.-J.), 130:
Mardochée, 52.
Margoliouth, (G.), 81, 88.
Marie de France, 74.
Martin (abbé François), 7, 37.
Massel (J.), 19, 109, 112, 113.
Mediafar, 284.
médisants, 262 (13), 263 (158), 264
(169), 276 (256).
Meissner (B.), 7, 17, 18, 19, 49, 79,
145, 169, 173, 188, 197, 204, 213,
225, 228, 229, 231.
Ménage, 36.
Ménandre, 3, 4, 35, 41-46, 110, 115,
135, 175, 180, 181, 254.
mensonge, 182 (87), 266 (177), 269
(199, 200), 270 (209), 276 (257).
mer, 161.
meule, 231.
Michaud, 131.
Millot (Pierre), 127.
Moïse, 46, 47.
mort ; s'en souvenir: 161 (21), 174
(66), 177 (73), 182 (86).
Mossoul, 81.
mouches, 216, 246.
moutons, 249, 253.
MûUer (Fr.), 238.
Millier (J.), 29.
mûrier, 158 (10).
Muss-Arnolt, 12. j
myrrhe, 172 (56).
Nabouel, 13, 213, 234.
Naboul.iaîl, 12, 213.
298
HISTOIRE ET SAGESSE d'ahIKAR
Nabousemak, 11, 34, 80, 196-201
203, 207-209, 212, 233, 234, 289.
Nabouzardan, 9, 11, 187.
Nabuchodonosor, 63, 64.
Nachor, 128.
Nadan, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8-9, 10, 11, 26,
27, 30, 49, 52, 55, 57, 58, 64, 65, 81,
118, 145, 149, 150, 151, 152, 153,
154, 185-195, 202, 206, 232-237,
251, 255-257, 286.
Nalon, 13, 98.
Nathan, 132.
navire, 161.
Nectanébo, 105, 127, 204, 216, 219,
221, 222, 225, 232.
Négubil, 234.
Nephtali, 24, 56.
Nesrin (plaine de) ou des aigles, 5, 98,
190, 192, 194.
Nestlé (E.), 286.
Ninive, 5, 145, 146, 147, 190, 191,
195, 204, 211, 215, 216, 221, 225,
226, 231, 255.
Nisan, 218, 219, 220.
noix de Galle, 267.
obéissance, 154 (1).
œil, 181 (84), 246 (120).
onagre, 164 (27).
Origène, 48.
Osiris, 237.
Oubâîl, 12, 214.
Ourmiah, 81, 285.
paille, 289.
palmier, 122, 210, 251 (135), 252,
284.
panthère, 290.
papyrus d'Ahikar, 288-291.
paresse, 246 (119-120).
Parthes, 11, 119, 197, 198, 200, 284.
passereau, 124, 125, 166 (36), 175
(68), 176, 241, 242.
patience, 269 (197).
Pauly et Wissowa, 48.
pauvre, 162 (22), 172 (55-56), 173
(61), 174 (68), 265 (174), 267
(185), 271 (214), 273 (231), 275
(250).
pauvreté, 267.
Payne Smith, 150, 214, 234.
péchés, 257-258, 267 (184).
perdrix, 243, 244 (111).
Pei-se, 5, 117, 119, 188, 190, 198.
Petrus Alfonsus, 129.
Pharaon, 1, 3, 5, 190, 192, 195, 203,
205, 211, 214, 216, 220, 221-224,
231, 234.
Phèdre, 237, 241, 250.
Philémon, 45-46
piège, 124, 241-242, 244 (111), 256.
Planude (Maxime), 8, 103-105, 127,
134.
Plath, (M.), 20, 286.
Platon, 90, 91, 126.
pleurs, 174 (67).
plomb, 172 (57), 266 (177), 267
(184).
Plutarque, 126, 245.
pondération, 156 (5), 158 (10), 178
(75).
Pongerville (de), 16.
porc, 239 (102), 240, 244 (114), 251
(134).
Poseidonios, 30.
potiers, 244 (113).
poulailler, 287.
poules, 286.
Pourrai, 15.
prévoyance, 160 (17), 161 (19-21),
167 (38).
prière, 265 (173), 276 (258).
prochain, 126, 162 (23), 170(49), 176
(70), 239 (101), 266 (179), 269
(198, 203), 271 (217), 273 (232),
278 (268, 271, 274), 280 (284).
Procida (Jean), 91.
Ptolémée, 90, 91.
puissant, 168 (40-43), 171 (52),
177 (72-73), 180 (79), 181 (83),
268 (195), 272 (223), 277 (262).
Pythagore, 35, 90, 91.
TABLE ALPHABETIQUE DES MATIERES
299
Qennesré, 80.
Qennesrin, 192.
querelles, 156 (7), 159 (14), 163 (26),
177 (73), 182 (85-86).
Ramlah, 129.
Ranke, 8.
Régnier (Henri), 20.
Reinach (Th.), 22, 23, 47, 52.
Renan (E.), 52,110.
Renard, 175 (68).
Rendel Harris (J.), 12, 14, 19, 20, 34,
54, 55, 65, 68, 96, 80, 81, 111, 113,
128, 129, 132, 133, 134, 196, 239,
243, 245, 285, 289.
repas, 171 (54), 174 (67), 260 (25),
271 (221), 272 (225, 226, 227),
273 (238, 239), 279 (276, 277, 278,
279), 280 (283).
retenue, 156 (4), 158 (10), 162 (23),
168 (40-41, 43), 177 (72), 178
(74), 260 (5), 265 (176).
riche, 161 (22), 172 (55), 173 (64),
174 (68), 265 (174), 275 (250).
roi, 259 (1), 266 (179).
Roquefort (B. de), 74.
Roth (K. L.), 129, 132.
Rynucius, 104, 106, 134, 259.
Saba (reine de), 3, 204.
Sabatier (P.), 50.
sable, 289.
sac, 280 (285).
Sachau, 18, 33, 79. 81, 82, 133, 288.
sacrifices, 263 (159).
sages (hommes), 159 (12, 1.5), 160
(16, 18), 164 (30), 168 (40), 170
(50-51), 172 (55), 180 (80), 184
(93), 267 (188), 271 (216), 274
(240), 277 (267), 278 (270, 272,
275), 279 (282).
!^ah le sage, 13, 188.
Salekh, 131.
Salhani, 17, 82, 86, 88.
Salmanazar IV, 11.
Salomon, 1, 2, 3, 90, 111, 126, 127,
129, 204.
Samin, 14, 22, 149.
Samson, 275J251).
Sargon, 11.
Sarl.iédom, 1, 3, 4, 5, 8, 9, 34, 38, 50-
51, 63, 67, 117, 118, 146, 147, 150,
152, 189, 190, 192, 196, 197, 200,
203, 204-206, 219, 220, 221, 225,
232, 282, 289.
Satans, 6, 167 (38), 170 (49).
Schahrastani, 32, 170, 176.
Schariar, 10.
Schéhérazade, 10.
Scher, (Mgr), 282.
Schrader, 13.
Schiirer (E.), 24, 26, 52.
Schwab (Moyse), 66, 67.
scorpion, 123, 237, 238.
Sechnuphis, 35.
Séert, 282.
sel, 172 (58), 267 (184), 290.
semeur, 243.
Senifar, 13.
Sennachérib, 1, 3, 4, 5, 8, 9, 10, 11,
34, 50, 67, 81, 110, 118, 145, 146,
147, 148, 150, 152, 186, 188, 189,
190, 194, 196, 197, 200, 201, 203,
204, 211, 216, 217, 220, 232, 233,
234, 255, 257, 281, 282, 285, 289.
serpents, 123, 161 (22), 248-249 (129).
serviteurs, 166 (35), 169 (44-45),
171 (53), 261 (7), 271 (212).
Sextus, 90.
Sibylle (la), 26.
Siéger (J.), 20.
silence, 45.
Simil, 14, 22, 149.
Simonide, 90.
Sindbad, 120.
Singer (I.), 56.
Si^ (montagne de), 5, 192, 284.
Smend (Rudolf), 29-34, 120, 121, 150,
152, 162, 167, 169, 170, 176, 184,
227, 238, 242, 244, 245-248, 252,
253, 263.
300
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR
Sôaip, 131.
Socrate, 90, 91, 111, 126, 173, 176.
Sol.iou, 284.
Soles, 90.
Solon, 173, 176.
spiculator, 233, 284. :
Steinschneider (M.), 90, 91, 92.
Stobée, 32, 39, 41.
Strabon, 19, 30, 32, 46-48, 110, 115,
118, 119.
Studemund, 48.
Suchomlinov, 99.
sumac des corroyeurs, 238 (99).
Syntipas, 73, 99, 119, 120, 132.
Tabari, 204.
Tabêl, 213.
Tallquist, 9, 10, 18.
Talmud, 66, 67, 109, 161, 172, 184,
225, 229, 231, 241.
Targum, 112, 115.
taupe, 124, 250 (134).
taureau, 125, 242.
Tebsâloum, 12, 213, 214.
Thareh, 128.
Thémistius, 90.
Théophraste, 23, 46.
Tignonville (Guillaume de), 70, 91.
tigre, 237.
Tobie, 3, 4, 5, 9, 11, 16, 17, 19, 20, 21,
22, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 31, 32, 33,
34, 48, 49-59, 118, 135, 287.
Tobiel, 11.
Torrès (J. F.), 106.
tour, 250 (133).
Trêves, 48.
Tzalet, 131.
Ucal, 14.
vautour, 252 (136).
vérité, 269 (199).
vêtement, 182 (89).
Vetter (P.), 8, 25, 26 31, 66, 68, 82,
89, 93, 94, 109, 111, 112-115, 161,
181, 198, 229, 241, 263.
veuve, 265 (170).
vieillard, 180 (79), 268 (195).
Vigoureux (F.), 27, 49, 50.
vin, 159 (12-14), 268 (190), 269
(204), 270 (207).
vipère, 161.
vol, 182 (87), 268 (194), 276 (257).
voyage, 161 (21), 167 (38), 272
(224), 279 (280, 281).
Walton, 51.
Westermann (A.), 104, 105, 134, 259.
Windisch, 228.
Xerxès, 13, 188.
Zacharie, 131.
Zéfagnie,v. Esfagni, 148, 187, 189,
i 197, 199, 206, 207, 216, 224, 233,
257.
Zenon, 176.
Zimmern, 14.
Zotenberg, 91.
TABLE DES PASSAGES DE LA BIBLE
I. ANCIEN TESTAMENT
Ahikar
Genèse, ii, 24 267
Exode, XXI, 17 167
XXXI, 6 11, 197
XXXV, 34 11, 197
Nombres, v, 21, 22, 27 256
XXII, 5 128
XXIV, 3 128
Deutér., vi, 16 167
Juges, IX, 8-15 2
XIV, 12-14 3
XVI 275
I Samuel, ii, 35 152
VIII, 11 152
XXI, 11 13, 188
XXVII, 2 13, 188
II Samuel, xn, 1-4 2
XV, 1 152
I Rois, I, 5 152
I, 31 151
VIII, 41-43 23
X, 1 3
II Rois, XXV, 8 9, 187
XXV, 22 12, 216
XXV, 26 207
II Paralipomènes, ix, 1 3, 204
Esdras, iv, 7 213
IV, 8-9 150
IV, 10 13, 200
IV, 17 150
IV, 23 150
Néhémie, ii, 3 151 '
Al.uka
Tobie, t, 1 56, 57
I. 4 22, 56
I. 8 56
I. 11 22, 59
I, 20 56, 59
ï. 21-22 50, 55
i, 22 4, 22
I, 24 .'..5
II, 10 52, 55
H, 11 5
", 14 59
I", 1 56, 57
m, 2-6 58
III, 7 56
IV, 2 58, 154
IV, 3 57
IV, 4-19 55, 57
IV, 13 58
IV, 14 58
IV, 16 58, 269
IV, 18-19 58
VI, 6 29
X, 10 22
XI, 17-18 52, 55
XI, 18 22
XI, 20 5, 49
XII, 7 177
XII, 9 58
XII, 11 177
XIII 58
XIV, 3 5, 57
302
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR
Al.likar
Tobie, XIV, 4 54
XIV, 6 59
XIV, 8 57
XIV, 10 22, 53
55, 59, 236, 253.
XIV, 10-11 23
XIV, 11 57, 59
XIV, 14 59
XIV, 15 54
Job, XXXI, 9-11 157
XXXI, 22 246
Psaumes, vu, 16 256
cxxvii, 3-5 167
cxxviii, 3-4 167
CXLI, 5 184
Proverbes, i, 6 204
v, 3-5 157
VI, 1-3 270
VI, 3 179
VII, 25-26 157
VII, 25-29 183
X, 2 59
XI, 4 59
XI, 13 176
XIII, 20 160
XXII, 1 174
XXIII, 12 165
XXIII, 14 165
XXIV, 17 163
XXV, 9-10 154
XXV, 17 184
XXV, 22 154
XXVI, 4 160
XXVI, 17 182
XXVI, 27 256
XXVII, 3 172
XXVII, 10 174
XXVII, 14 179
XXVII, 20 181, 184
XXVII, 22 180
XXX, 15 14
XXX, 17 246
XXX, 24 14
Ecclésiaste, i, 8 181
IV, 2 174
Al.likar
Ecclésiaste, iv, 6-8 272, 276
IV, 13 175, 277
IV, 27 163
VI, 1-4 272
VI, 9 175
VII, 2 173,174
VII, 2-4 171
VII, 6 158, 184, 278
IX, 4 175
IX, 13-16 277
IX, 15-16 161, 207
X, 8 25G
Cantique, m, 7 21
VI, 7 23, 147
Ecclésiastique, m, 6 167
III, 9 167
IV, 7 60, 180
IV, 32 60, 181
IV, 33 60
IV, 34 156
V, 17 60
VI, 5 163
VI, 7 60, 160
VI, 7, 11 266
VI, 14 60,262
VI, 24 60, 154
VII, 2 159
VII, 25 61, 165
VIII, 1 61, 171, 177
VIII, 2 178
VIII, 7 180
VIII, 8 61
VIII, 15 162
VIII, 17 178
IX, 8 157
IX, 8-9 61, 164, 183
IX, 11 164
IX, 14 61, 179
IX, 16 172
IX, 18 179
XI, 30 265
XII, 2 165
XIII, 21-23 172
XIII, 32 182
XIV, 9 181, 184
TABLE DES PASSAGES DS LA BIBLE
303
Al.iikar
Ecclésiastique, xyi, 24-25 154
xvni, 22, 24 263
XIX, 8-10 176
XIX, 26-27 61, 182
XX, 18 176
xxii, 7 180
XXII, 14-16 170
XXII, 17-18 172
xxii, 26-27 62, 176
XXIII, 5 157
XXV, 29-30 261
XXV, 23 159
XXVI, 12 157
XXVII, 17 62, 176
XXVII, 24 176
XXVII, 28 62
XXVII, 29 256
XXVIII, 30 173
XXX, 11-12 165, 171
XXX, 13 165
XXX, 17 62, 174
XXXII, 9-12 156
XXXIII, 20 261
XXXIV, 16 162
XL, 21 169
XL, 32 243
XLi, 3-4 174
XLi, 15-16 156, 173, 174
Al.iikar
Ecclésiastique xli, 16 62
XLi, 27 62, 157
xlii, 1 63
Isaïe, VII, G 213
XXVII, 4 161
Lvi, 6-7 23
Jérémie, i, 11-12 158
XXXIX, 9 9, 187
XXXIX, 14 12, 216
XL, 5 12, 216
LU, 12 9, 187
Daniel, ii, 1 80
II, 2 63, 205
II, 3 80
II, 4 63, 151
11,11 63, 208
m, 0 63, 151
III, 10 80
IV, 4 63, 80, 205
ivi30 64, 209
V, 7 63, 205
v' 10 63, 151
V, 16 63, 208
VI, 6 63, 151
VI, 18 80
VI, 21 63, 151
XI, 45 80, 147
Jonas, m, 6 206
II. NOUVEAU TESTAMENT
Al.iikar
Matthieu, v, 38-48 164
VII, 12 269
XIX, 5 267
XXIV, 48-51 64-65
XXV, 21-23 168
XXV, 24, 30 243
XXVII, 5 256
Luc, VI, 31 269
XII, 45-46 64-65
Al.iikar
Luc, XIII, 6-9 66, 251
XV, 15, 19 251
XXI, 2-4 174
Actes, 1,18 256
Romains, xii, 21 178
I Corinthiens, v, 11 159, 162
Ephésiens, v, 28-31 267
II Timothée, iv, 17 181
Il Pierre, ii, 22 66, 244
TABLE DES PASSAGES DES APOCRYPHES
Al.nkar
Didachè, m, 3 157
Jubilés, I, 20 234
Testaments des douze patriarches,
234,235
Al.iikar
Ascension d'Isaïe,i, 8, 9 235
11,1 235
III, 11 235
Livres sibyllins, 235
TABLE ANALYTIQUE
INTRODUCTION
Chapitre I. Analyse du livre 1
Chapitre II. Enseignements et doctrines de l'Histoire d'Ahikar 3
§ 1. Histoire et géographie 4
§ 2. Dieu 5
§ 3. Eschatologie 6
§ 4. Préceptes moraux 6
§ 5. Noms propres 7
Chapitre III. Le problème littéraire 15
§ 1. Al.iikar dans la littérature moderne 15
§ 2. Al.iikar dans Démocrite, Ménandre et l'ancienne littéra-
ture grecque 35
§ 3. Al.iikar et l'Ancien Testament 49
a) Livre de Tobie 49
b) Ecclésiastique 60
c) Al.iikar et Daniel 63
§ 4. Ai.iikar et le Nouveau Testament 64
§ 5. Al.iikar et le Talmud 66
§ 6. Ahikar dans les littératures orientales 67
Chapitre IV. Les versions de l'Histoire d'Ahikar 74
§ 1. Traducteurs et copistes 74
§ 2. La version syriaque 78
§ 3. La version néo-syriaque 86
§ 4, Les versions arabes 87
§ 5. La version éthiopienne 89
§ 6. La version arménienne 92
§ 7. La version slave 98
§ 8. La version grecque 102
§ 9. La version roumaine 106
§ 10. La version hébraïque de Joseph Massel 109
20
306
HISTOIRE ET SAGESSE D AHIKAR
Chapitre V. Le texte original de l'Histoire d'Aiùkar 110
§ 1. Langue du premier écrit 110
§ 2. Contenu du premier écrit 111
§ 3. Les prétendus néo-hébraïsmes de la version syriaque. . . . 112
§ 4. Transmission du texte original 116
1° Historicité des versions conservées 116
2° Historicité de l'écrit araméen original 118
Chapitre VL Aliikar et les fabulistes 119
Chapitre VIL But du présent travail 133
Bibliographie 137
HISTOIRE ET SAGESSE D'AHIKAR
Introduction 145
Chapitre I. Al.ukar demande un fils 146
Chapitre IL Al.iikar adopte Nadan et le choisit pour son successeur. . . . 150
Chapitre III. Sagesse, doctrine et proverbes qu'AMkar enseigna à Na-
dan, fils de sa sœur 154
Chapitre IV. Ahikar arrêta ici les sages paroles qu'il adressait à Nadan;
ensuite Ahikar montra au roi tout ce qu'avait fait Nadan contre ses
possessions et ses biens 185
Chapitre V. De ce qu'Al.iikar prit le frère de Nadan pour l'élever 187
Chapitre VI. De ce que Nadan écrivit à son père Ahikar au nom du roi. 191
Chapitre VIL De ce'que Nadan donna au roi une lettre qu'il écrivit au
nom d'Al.iikar 193
Chapitre VIII. Réponse de Nadan au roi au sujet d'AMkar 193
Chapitre IX. De ce que Nadan alla en ambassade près d'AMkar son
père 193
Chapitre X. Ahikar annonce sa condamnation à Esfagni sa femme. . 197
Chapitre XL De ce que Esfagni, femme d'Ahikar, sortit au-devant de
lui 198
Chapitre XII. De ce que Ahikar demanda à Nabousemak de ne pas
être mis à mort 199
Chapitre XIIL Ahikar le scribe fut caché 201
TABLE ANALYTIQUE 307
Chapitre XIV. Que le roi ordonna à Nadan de me faire des funérailles et
un deuil 202
Chapitre XV. Prière qu'AMkar adressa à Dieu 202
Chapitre XVI. Lettre que Pharaon, roi d'Egypte, envoya à Sarhédom,
roi d'Assur et de Ninive 203
Chapitre XVII. Que le roi Sarhédom réunit tous les principaux de son
royaume et leur fit connaître le lettre de Pharaon 205
Chapitre XVIII. Qu'on appela Nadan devant le roi et il entendit sa
voix 206
Chapitre XIX. Que Nabousemak cherche à faire connaître au roi ce qui
concerne Aliikar, le scribe 207
Chapitre XX. Que Nabousemak délivra Ahikar, le scribe 209
Chapitre XXI. Que Nabousemak conduisit Ahikar au roi 209
Chapitre XXII. Ai.ukar répond au roi 210
Chapitre XXIII. Lorsque AMkar vint près du roi après sa sortie du
cachot où il avait été enfermé, le roi lui fit connaître la lettre envoyée
parle roi d'Egypte 211
Chapitre XXIV. Ahikar répond au roi 211
Chapitre XXV. Ahikar écrit une lettre à Esfagni, sa femme 212
Chapitre XXVI. Départ pour l'Egypte 214
Chapitre XXVII. Entrée d'Ahikar en Egypte avec les messagers de Pha-
raon, roi d'Egypte 216
Chapitre XXVIII. Ahikar répond à Pharaon 219
Chapitre XXIX. Pharaon demande à Ahikar quel est son nom 220
Chapitre XXX. Ahikar écrit la parole que lui demandait Pharaon. . . . 221
Chapitre XXXI. Ahikar quitte l'Egypte et revient près de Sarhédom,
roi de Ninive et d'Assur 231
Chapitre XXXII. Ahikar revient d'Egypte et va près du roi qui le reçoit
avec honneur 232
Chapitre XXXIII. Suite de la sagesse d'Ahikar X236
Chapitre XXXIV. Mort de Nadan 256
Chapitre XXXV. Épilogue 257
APPENDICE
I. Maximes de la rédaction grecque 259
II. Maximes de la version arménienne qui ne figurent ni dans le syriaque
ni dans l'arabe 263
308 HISTOIHE ET SAGESSE d'aHIKAR
III. Maximes de la version slave qui ne figurent ni dans le syriaque ni
dans l'arabe ni dans l'arménien 270
IV. Maximes de la version roumaine auxquelles M. Gaster n'a pas trouvé
de parallèles dans la version slave 277
ADDITIONS
I. Nouveaux manuscrits syriaques 281
II. Les manuscrits arabes de Paris 286
III. IjCs papyrus araméens du v« siècle avant notre ère 288
Table alphabétique des matières 293
Table des passages de la Bible 301
Table analytique 305
Imp. M.-R. Leroy, 185 rue de Vanves. Paris.
308
Hi:
III. Maximes de la ver
dans l'arabe ni d£
IV. Maximes de la vers
de parallèles dans
I. Nouveaux manuscri
II. Les manuscrits ara
III. Les papyrus aram
Table alphabétique de;
Table des passages de '.
Table analytique
Imp.
LETOUZEY ET ANÉ, Éditeurs
76 BIS, RUE DES SAINTS-PÈRES, PARIS
LE LIVRE D'HÉNOGH
TRADUIT SUR LE TEXTE ÉTHIOPIEN
AVEC INTRODUCTION ET NOTES
Par François MARTIN
Professeur de langues sémitiques à l'Institut catholique de Paris.
Beau vol. in-8 de clii-320 pag. — Prix : 7 fr. 50
L'introduction.,, est très développée... Les nombreux problèmes que
soulèvent sa composition primitive et sa teneur actuelle sont examinés et
discutés avec un soin minutieux. La traduction mérite les mêmes éloges
que l'introduction. Les nombreuses notes fournissent surtout les explica-
tions nécessaires à l'intelligence du texte traduit. M. Martin a utilisé et
discuté les recherches de ses devanciers ; il y a joint ses observations per-
sonnelles. Assyriologue distingué, il a relevé maints passages dans les-
quels se trahit l'influence de la littérature assyrio-babylonienne .. Pré-
.'icnté dans un ensemible aussi parfait, le Livre d'Hénoch forme une publi-
. cation commode et utile pour les théologiens. Il mérite de servir de modèle
pour les autres Apocryphes de la collection.
RuBENS DuvAL {Journal asiatique).
V II serait difficile d'imaginer une édition plus soignée et plus complète
d'un ancien document. Du commencement à la fin, les méthodes les meil-
leures et les plus récentes de critique littéraire et historique sont appliquées
aux sujets les plus variés. Aucun témoignage n'a été ignoré par le savant
éditeur. Désormais^ sans être peut-être définitive, l'édition du Livre d'Hé-
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Tout est traité avec soin, érudition, esprit critique... l'éditeur nous a déjà
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et nous conseillons la lecture du volume à tous ceux qui aiment à connaître
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Christ et désirent se faire une idée des diverses influences doctrinales
où s'est mûrie la première pensée chrétienne.
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Letravail de Fr. Martin est, malgré le contenu si ^arié de la compilation
(de Uénoch), aussi approfondi que compréhensif. C'est un témoignage
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APR 2 6 1983
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